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Mobilisation des ressources financières dans les collectivités territoriales du Mali, cas de la commune rurale de Sangarébougu

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par Youssouf BENGALY et Sidy CAMARA
Université de Bamako - Maitrise 2009
  

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Paragraphe 2 : Les causes tenant aux responsables de la commune 

Les causes de démobilisation financière tenant aux responsables de la commune sont nombreuses. La gestion financière de la commune laisse à désirer. En effet, le premier outil de cette gestion à savoir la comptabilité administrative n'est pas maîtrisée. D'une manière générale, dans le cercle de Kati dont fait partie la commune rurale de Sangarébougou, les fiches de comptabilité du maire n'existent que dans une seule commune sur les onze communes. Les comptes administratifs de la commune de Sangarébougou sont souvent produits avec un très grand retard. Le matériel communal n'est souvent pas codifié et est soumis à toutes les utilisations à l'image des biens de l'Etat.

Les agents communaux et principalement le receveur municipal ne comprennent pas bien comment il convient d'utiliser les supports de l'exécution du budget (ordres de recettes, bordereaux d'ordres de recettes, mandats, bordereaux de mandats). La comptabilité en partie double de la collectivité au niveau de la perception, décidée par la Direction du Trésor depuis 1999, n'est pas encore appliquée. Les receveurs municipaux prétextent que le manque de personnel y serait à l'origine. Or cette comptabilité permettrait d'avoir de façon quotidienne des informations financières fiables sur chaque commune47(*).

La gestion du budget communal semble être une tâche difficile à maîtriser par les nouvelles autorités communales. L'exécution des premiers budgets a été entachée de certaines irrégularités. Quant à la préparation du budget, il semble aussi être un exercice mécanique qui souffre d'un manque d'analyse et d'une méconnaissance des plans comptables de la part de ceux qui les établissent et de ceux qui sont chargés de les exécuter. L'élaboration du budget se fait souvent à la hâte. Cela est peut être dû au manque de personnel qualifié. Les responsables communaux attendent l'arrivée des échéances pour produire un document dont l'établissement exigerait beaucoup plus de temps et d'efforts afin de répondre aux normes souhaitées.

Cette façon de faire rendrait les élus vulnérables et les soumettrait ainsi à la pression de la tutelle. L'instabilité du personnel communal due à la faiblesse de sa rémunération et à la précarité de son statut aggrave le manque de capacités au niveau de la commune rurale de Sangarébougou.

S'il est vrai que le centre de conseil communal (CCC) finance beaucoup de formations à l'adresse des élus et des agents communaux, les agents des services déconcentrés de l'Etat et de la préfecture n'ont pas été préparés à assumer leur nouveau rôle d'assistance, de conseil et de contrôle de la légalité48(*).

Le percepteur et le chef du centre des impôts qui sont invités à toutes les formations ayant trait aux ressources notamment fiscales (élaboration du budget et mobilisation des ressources) y ont très peu participé.  Le percepteur justifie souvent son absence remarquée par la surcharge du travail. Aussi, l'impact des formations demeure encore limité49(*).

La formation des fonctionnaires de la commune destinée à les aider afin d'assumer leurs nouvelles fonctions est indispensable pour son bon fonctionnement.

Partant du rapport sur la situation financière des communes du cercle de Kati, il ressort que les budgets de la plupart des communes du cercle de Kati, même lorsqu'ils sont élaborés avec beaucoup d'incorrections, sont approuvés parce que ceux qui les approuvent ne peuvent nullement apprécier leur qualité. La commune rurale de Sangarébougou n'apparait pas étrangère à cet état de fait.

C'est pourquoi la difficulté de suivi des trésoreries de la commune due au fait que le receveur municipal (le percepteur) soit le seul représentant du Trésor public et qu'il ne dispose ni d'agent ni de moyen adéquat (informatique) rend plus qu'indispensable la fourniture d'une base et des appuis à cette structure.

La faible connaissance de la population et de la gestion des ressources est aussi à l'affiche. En effet, la faible implication de la population par les responsables de la commune de Sangarébougou dans l'élaboration des plans de développement et des budgets communaux a aussi une influence sur le taux de recouvrement. Dans le cas précis du budget, le législateur a prévu une consultation des conseils des communautés de villages, de quartiers, de fractions et un débat public sur le projet de budget sans en déterminer les modalités50(*). Bien que les pratiques en la matière varient d'une commune à l'autre, la population de Sangarébougou est peu informée par son conseil communal.

Il y a aussi une absence de restitution des comptes annuels à la population. Les comptes administratifs produits avec un très grand retard ne font pas toujours l'objet de comptes rendus aux conseillers communaux, à fortiori à la population.

Les citoyens, ignorant ainsi l'utilisation qui est faite de leurs impôts ne sont pas encouragés à les payer.

Par ailleurs, le dysfonctionnement des conseils communaux et les conflits internes sont aussi une réalité51(*). Il a aussi une influence sur le paiement des taxes et impôts. Dans certains cas, des conseillers communaux ayant une sensibilité politique différente de celle du maire entravent souvent ses actions. Par ce fait, ils découragent les habitants de la commune surtout leurs partisans dans l'acquittement de leur contribution fiscale. La mésentente qui règne souvent entre les villages de la commune peut être une autre raison de la difficile mobilisation des ressources.

En certains endroits, les relations conflictuelles entre le maire et certains chefs de village peuvent aussi jouer un rôle. L'expérience a prouvé que les maires ayant de l'entregent52(*) seraient parvenus à se faire accepter par les chefs de village. Cette saine collaboration jouerait ainsi non seulement en faveur du recouvrement mais également en faveur de l'application de tous les actes d'administration édictés par le maire53(*).

Il faudrait en outre noter que le manque de transparence dans la gestion des ressources financières apparait comme un facteur de réticence des populations dans le paiement des impôts et des taxes. L'information sur la gestion de la commune ne semble pas circuler ni à l'intérieur, ni à l'extérieur de la commune. Le maire centralise souvent les informations sur la gestion communale sans les partager avec le bureau ou le conseil communal. Il ordonne quelques fois des dépenses sans connaître le niveau des recettes. Cela pourrait bloquer le bon fonctionnement de la commune et frustrer les collaborateurs.

Sans doute, force est de constater que le niveau interne de la commune rurale de Sangarébougou regorge de nombreux facteurs pouvant entraîner des difficultés dans la mobilisation des ressources financières. Cependant, allusion pourrait également être faite à d'autres facteurs de difficultés financières indépendants de la commune.

Il s'agirait ainsi des facteurs générés par l'administration de tutelle.

Section 2 : Les difficultés relevant de la gestion communale au plan national

Au niveau externe de la commune, les causes de difficultés de mobilisation des ressources financières s'avèrent nombreuses. Nous ferrons mention des facteurs d'ordre économique (paragraphe 1) ainsi que des facteurs d'ordre politique de la démobilisation financière (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les facteurs d'ordre économique relevant du niveau national

Il s'agirait ainsi de la gestion financière au niveau national. En effet, le manque de la maîtrise de la matière imposable s'affiche en premier lieu. Les informations sur la matière imposable figurant dans les rôles apparaissent très en deçà de la réalité. Le travail de mise à jour ne semble pas toujours régulier et les communes ne semblent pas fournir d'efforts pour l'actualisation des informations données par les anciens administrateurs lors de la passation de pouvoir54(*). Les services techniques, tels que ceux des impôts, ne semblent pas être associés dans les recensements entrepris notamment dans les centres commerciaux (inventaire des boutiques, des places sur le marché). Les contestations qui en découlent entraîneraient ainsi des frustrations que certains redevables expriment par le refus de s'acquitter de leur impôt. Cette situation fait apparaître deux insuffisances majeures : une mauvaise évaluation du potentiel fiscal et la non-concordance entre les chiffres de la mairie et ceux du service des impôts. Dans d'autres cas, la création de la commune rurale de Sangarébougou semble permettre un recensement plus fiable des personnes imposables. Ce travail doit être effectué au niveau local par les autorités communales qui connaissent bien les populations de leur localité. Les populations payaient des impôts pour les morts, les enfants scolarisés et les femmes ayant plus de quatre (4) enfants55(*).

A cela vient s'ajouter le faible niveau de déconcentration des services du trésor. Cela apparait comme une des contraintes majeures liées au recouvrement des taxes et impôts. Par exemple, le cercle de Kati a seulement un percepteur pour toutes ses communes. Outre un personnel réduit, la perception serait dépourvue de moyens de transport alors que certaines communes semblent être éloignées de la perception. Sangarébougou est à environ une vingtaine de kilomètres de Kati.

En général, c'est au niveau du cercle qu'apparait la complexité du système de gestion financière car cela semble exiger beaucoup de va-et-vient du maire ou de son personnel. Un autre élément qui ne s'annonce pas encourageant pour la population dans le paiement des taxes et impôts et pour le maire de la commune dans la mise en oeuvre des actions de sensibilisation serait lié au fait qu'il n'existe qu'une seule caisse à la perception. La commune rurale de Sangarébougou a eu souvent de la peine à retirer des fonds qui leur revenait parce que la caisse était vide.

A cela s'ajoute aussi le cas des ressources naturelles sous-fiscalisées. La loi n° 00-044 du 07 juillet 2000 déterminant les ressources fiscales des communes, des cercles et des régions mentionne les droits et taxes perçues lors de l'attribution de titre d'autorisation d'exploitation artisanale de l'or ou d'ouverture de carrières artisanales et les taxes perçues sur le bois à l'occasion de l'exploitation du domaine forestier de l'Etat56(*). Cette loi n°00-044 du 07 juillet 2000 qui répartit la taxe entre la commune, le cercle et la région à hauteur respectivement de 50 %pour la commune, 25 % pour le cercle et 25 % pour la région n'est pas appliquée. Cependant, c'est le décret n° 98-402/P-RM du 17 décembre 1998, fixant les taux, les modalités de recouvrement et de répartition des taxes perçues à l'occasion de l'exploitation du bois dans le domaine forestier de l'Etat qui est encore appliqué. Ce décret est beaucoup plus avantageux pour les agents de la conservation de la nature en charge du recouvrement : ils ont des redevances et des recettes pour couvrir les dépenses de fonctionnement de leur service, toutes choses dont la loi n° 44 du 2000 les prive. Cette considération n'est sûrement pas étrangère au retard que connaît l'application de cette loi. Dans cette loi, il n'est nulle part fait allusion aux recettes halieutiques et fauniques57(*).

Concernant les recettes issues de la coupe du bois, « les collectivités sont doublement lésées. Le service de la conservation de la nature qui recouvre cette taxe ne précise pas au Trésor au moment du versement la commune d'origine du bois. Le Trésor ne dispose donc pas de clé de répartition de la taxe de bois entre les différentes collectivités. Ainsi, la taxe est généralement attribuée à la commune dans laquelle se situe le poste de contrôle forestier, ce qui n'encourage pas la gestion durable de la forêt concernée. Cette situation est identique à celle de la répartition de l'impôt synthétique58(*) ».

Il apparait ainsi à lumière de notre analyse que la gestion financière n'est pas maîtrisée au niveau national. La maîtrise de la matière imposable est à discuter et malgré la détermination légale des ressources locales, les résultats ne semblent pas refléter les attentes. Alors, il pourrait y avoir des facteurs d'ordre politique expliquant les difficultés de mobilisation de ressources financières dans la commune.

Paragraphe 2 : Les facteurs d'ordre politique des difficultés de mobilisation financière

D'autres facteurs expliquant la faiblesse du recouvrement des taxes et impôts dans la commune rurale de Sangarébougou pourraient porter sur les élections. « L'électoralisme59(*) » serait devenu une entrave au recouvrement. En effet, pour ne pas compromettre les chances du maire aux prochaines échéances électorales, le régisseur ne peut exercer de trop fortes pressions sur certains redevables.

Une autre raison résiderait dans la mauvaise interprétation de la suppression de l'impôt  per capita60(*) . En 2000, le message du Premier Ministre de la 3ème République M. Mandé SIDIBE qui déclara en son temps à l'Assemblée Nationale la suppression de l'impôt  per capita  ne semblait pas avoir été bien compris. Nombre de populations rurales (celle de Sangarébougou n'étant pas en marge) tendaient à croire que toutes sortes d'impôts seraient ainsi supprimées. A l'époque, certains chefs de villages sont même venus demander à la mairie de leur restituer les impôts qu'ils avaient déjà payés au titre de l'année en cours.

Il s'avère également loisible de prendre en compte au niveau de la commune rurale de Sangarébougou l'absence de sanctions à l'encontre des mauvais payeurs. Cela pourrait encourager le refus de payer les impôts. Les contribuables qui s'acquittent du paiement de leurs impôts seraient tentés de prendre l'exemple sur ceux qui ne les paient pas.

Néanmoins, dans le cas de villages entiers où il serait difficile de mobiliser les ressources financières la mairie a tendance à revenir aux méthodes coercitives de l'administration d'antan en impliquant les forces armées (gendarmes notamment) pour récupérer les taxes et impôts dans les villages61(*).

En plus, il y a l'absence de sanctions à l'endroit de ceux qui détourneraient des fonds à des fins autres que celles pour lesquelles ils sont destinées. L'administration de tutelle ne devrait pas rester passive à cela. Si la population de Sangarébougou qui se tue à payer les impôts et les taxes ne voit aucune réalisation faite en matière de développement, elle sera forcement découragée à s'acquitter de sa contribution fiscale.

L'Etat semble aussi transférer des compétences sans le transfert concomitant des ressources financières nécessaires comme le prévoit la loi62(*). La subvention financière à la commune rurale de Sangarébougou et l'accès au fonds sectoriel sont limités. Etant donné la faiblesse des moyens personnels et matériels du service de la perception de Kati qui a en charge le recouvrement des taxes enrôlés, c'est donc le régisseur de la commune qui assure le recouvrement de ces taxes au nom du receveur municipal. Le régisseur étant recruté et employé par la commune, il agit sous la responsabilité technique du receveur municipal. Ce qui souvent ambiguë ce poste.

La mise en exergue des difficultés de mobilisation de ressources financières dans cette commune s'avère d'une importance capitale. Cependant, il faudrait signaler qu'elles ne peuvent être toutes soulignées. Seules les plus tenantes apparaissent dans cette étude. De la connaissance de ces difficultés de mobilisation des ressources financières dans la commune rurale de Sangarébougou, la proposition de solutions ne semble pas être une chose difficile. Elle ne pourrait tenir compte que des grands axes, d'où l'élaboration de stratégies.

Chapitre II : Les stratégies mobilisation des ressources financières dans la commune

Pour remédier aux difficultés de mobilisation, des solutions sont préconisées tant au niveau local (section 1) qu'au niveau national (section 2).

* 47 « Analyse des structures des recettes des collectivités territoriales : cas de la commune IV », Bréhima Aguibou TRAORE et Boubacar TRAORE, mémoire de fin de cycle, FSJE, 2005, p.54.

* 48 « Financer la décentralisation rurale au Mali », Allaye Biréma DICKO, Institut Royal des Tropiques, 2004, p. 80.

* 49 CCC de Kati, « Etude sur la situation financière des communes rurales du cercle de Kati », rapport provisoire, novembre 2003, p. 28.

* 50 Article 174 du code des collectivités du Mali (loi n°95-034 AN-RM du 12 avril 1995).

* 51 Il s'agirait d'une situation générale dont fait état le rapport du CCC du cercle de Kati en 2003 sur la gestion de ses communes rurales dont fait partie celle de Sangarébougou.

* 52 L'aisance en société, l'habileté de nouer des contacts.

* 53 « Le rendement actuel et potentialité fiscale des communes rurales du Mali », CIFAL,  juin 2009, p. 12.

* 54 « Financer la décentralisation rurale », Institut Royal des Tropics (KIT)-Amsterdam, bulletin n°357, 2004, p. 80.

* 55 Cette faute peut être imputable au manque d'information de la population par les autorités communales.

* 56 Loi n°00-04 du 7 juillet 2000 déterminant les ressources fiscales des régions, cercles et communes.

* 57 « Rendement et potentialité des communes rurales du Mali », Aboubacar SANGARE, CFAL, 2009, p.6.

* 58 « Financer la décentralisation rurale », Institut Royal des Tropics (KIT)-Amsterdam, bulletin n°357, p. 81.

* 59 Attitude d'un gouvernement ou d'un parti dont la politique est guidée par des considérations électorales.

* 60 Par tête : Ce type d'impôt était prélevé sur chaque contribuable.

* 61 Informations recueillies auprès du Secrétariat général, mairie de Sangarébougou dans le cadre de la collecte de données sur la mobilisation des ressources financières, juin 2009.

* 62 Article 4, loi n° 93-008 AN-RM du 11 février 1993 portant libre administration des collectivités territoriales au Mali.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci