A. Développement durable : des définitions
multiples
Il est admis en général que la première
occurrence des termes << développement durable >> date de
1980 Dans un document intitulé << stratégie mondiale de la
conservation >>, des organismes internationaux, dont le programme des
Nations Unies pour l'environnement (PNUE), énoncent que, << pour
que le développement soit durable, il doit prendre en
considération des facteurs sociaux et écologiques ainsi que des
facteurs économiques, la base des ressources vivantes et non vivantes et
les avantages et les inconvénients à long et à court
termes des mesures de rechange possible. >> Mais d'autres
définitions de cette notion existent, à commencer par celle issue
du Rapport Bruntland en 1987, qui est communément admise.
Le concept de développement durable repose à la
fois sur des facteurs environnementaux et sur des facteurs économiques
et sociaux qui en sont inséparables. On distingue en
général la << soutenabilité forte >> et la
<< soutenabilité faible >>.
5 P. Lascoumes, L'Eco-pouvoir, environnements &
politique, Paris, La Découverte 1994, p. 3.
6 J. Commaille, << Droit et politique >> in
Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy et PUF, 2003, p.
480.
L'exemple du marché public de restauration scolaire
de Strasbourg A.1. Une définition polysémique
Il n'existe pas à proprement parler de
définition unique du développement durable au niveau
international. En 1989, un membre de la Banque mondiale, John Pezzey, recensait
37 acceptions possibles des termes «sustainable
development»7. Toutefois, on s'accorde en général
sur la définition issue du Rapport Bruntland en 1987 : << Le
développement durable est un développement qui répond aux
besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs >>.
Mais la notion même de << développement
durable >> est parfois critiquée. Elle ne rendrait pas compte en
effet, de toutes les nuances contenues dans la notion anglosaxonne de <<
sustainable development >>, ou << développement soutenable
>>. La notion de développement durable peut effectivement
être prise, en anglais, dans le sens d'une croissance économique
qu'il s'agir de faire durer, alors qu'il s'agit au contraire d'adopter un mode
de croissance plus respectueux de l'homme et de son environnement, et non pas
de faire << durer >> la croissance pour elle-même. En
dépit de ces critiques, les termes de développement durable sont
aujourd'hui couramment utilisés.
La notion de développement durable contient deux
perspectives : l'une inter générationnelle et l'autre intra
générationnelle. On appelle encore ces deux axes, la
solidarité horizontale (entre même générations), et
la solidarité verticale (entre générations successives).
Ainsi entendue, la notion de développement durable contient à la
fois l'idée selon laquelle nous devons laisser aux
générations futures de quoi subvenir à leurs propres
besoins, et celle qui vise à permettre à toutes les populations
d'une même génération de parvenir à disposer d'un
minimum de ressources et de droits (ce qui concerne plus
particulièrement les pays en développement ou les pays
émergents.)
Enfin, la notion de développement durable s'appuie
traditionnellement sur trois piliers : économique, social,
environnemental, ce dernier étant souvent mis en exergue. Dans la mise
en Ïuvre des politiques de développement durable, on distingue
généralement la << soutenabilité >> forte et
la << soutenabilité >> faible.
7 Pezzey (J.), Economic analysis of sustainable growth and
sustainable development, World Bank, Environment Department, Working Paper
n 15.
Regards sur la traduction juridique du développement
durable A.2. Les trois piliers du développement durable
Définissant une solidarité inter et intra
générationnelle, le développement durable repose sur trois
piliers (ou volets).
Le premier volet s'intéresse à l'environnement.
Il est lui-même abordé sous trois angles complémentaires :
le climat (atmosphère et interactions, avec les océans
notamment), la biodiversité (diversité des espèces
animales et végétales) et les ressources naturelles (eau,
ressources dites fossiles et naturelles). Le volet environnemental est celui
qui identifie le mieux le concept de développement durable, mais l'on
aurait tort de le limiter à cet aspect.
Deux autres volets sont en effet indissociables :
l'économique et le social. Sur ces deux plans, le développement
durable (ou soutenable) reste, il faut le rappeler, l'une des formes possibles
du développement, mais il y en a d'autres. Dans le modèle issu du
Rapport Bruntland, il ne s'agit pas de refuser la croissance économique
comme moteur du développement. La croissance est en effet indispensable
pour permettre, d'une part, l'émergence des pays pauvres et, d'autre
part, pour soutenir l'innovation technologique et scientifique. Celle-ci doit
en effet permettre à l'humanité de dépasser les limites
physiques inhérentes aux ressources que dispense la planète.
Ainsi comprise, la croissance économique est envisagée sous la
forme de deux défis indissociables et elle est assortie d'une limite.
Premier défi de la croissance : aider l'émergence des pays en
développement. Deuxième défi : stimuler l'innovation. La
limite : ne pas affecter de manière irréversible le capital de
ressources naturelles disponible sur terre.
Le volet social, enfin, vise à répartir
équitablement les fruits de cette croissance Ç soutenable
È, en permettant aux populations d'une même
génération de disposer au moins du minimum de droits (les droits
de l'Homme) et du minimum de ressources nécessaires pour sortir de la
pauvreté (eau, énergie, alimentation). Il s'agit également
de faire en sorte que, d'une génération à l'autre, la
répartition de ces droits et de ces ressources s'améliore.
Ainsi entendu, le développement durable est un
véritable défi lancé à l'humanité tout
entière.
Le'gende : Les trois piliers du de'veloppement
durable
Pour Ludovic Schneider, il conviendrait d'ajouter à ce
schéma un quatrième cercle relatif à la
gouvernance8.
A.3. La soutenabilité forte et la
soutenabilité faible
Parmi ceux qui soutiennent le concept de développement
durable, il existe encore des nuances. On distingue en effet les partisans de
la Ç soutenabilité forte >> et les partisans de la Ç
soutenabilité faible >>.
Pour les tenants d'une soutenabilité faible, il est
possible de poursuivre dans la voie de la croissance tant que les ressources
détruites par l'économie sont substituables entre elles. Ainsi,
pour l'économiste Robert Solow9, si la croissance
épuise les ressources en pétrole, une nouvelle ressource
énergétique, dégagée par l'augmentation des marges
sur l'approvisionnement en énergie, prendra le relais. Et ainsi de
suite. Il n'y a donc pas de limite à la croissance, du moins tant qu'il
se trouve des ressources substituables. L'innovation technologique peut en
outre prendre le relais des ressources non renouvelables : ainsi en va-t-il du
nucléaire, une nouvelle forme d'énergie due au
8 Schneider, L., Le développement durable territorial,
Paris, éditions Afnor, décembre 2009, p. 6.
9 Solow, R., Growth Theory : An Exposition, Oxford
University Press, 2000.
progrès scientifique. Les partisans de cette
thèse vont jusqu'à affirmer que la croissance économique
est bénéfique pour l'environnement. Gene Grossman et Alan
Krueger, professeurs à Princeton, tentent de démontrer que la
< courbe de Kuznets >> est applicable au phénomène de la
pollution10. Ainsi, pour ces auteurs, après une
période d'augmentation, la pollution finit par atteindre un point
culminant, puis par décroitre. Cela s'explique selon eux parce que,
à partir d'un certain niveau de pollution, la substitution de ressources
ou de process moins polluants devient rentable, et qu'elle est donc
préférée par les agents économiques.
Les tenants de la < soutenabilité forte >>
estiment, pour leur part, qu'un grand nombre de ressources ne sont pas
substituables entre elles, à commencer par l'eau. Ils considèrent
que la croissance économique ne doit pas affecter le capital de
ressources naturelles disponible sur terre. Ils constatent que l'empreinte
écologique de l'homme ne cesse de s'étendre, et que la <
courbe de Kuznets >> n'existe pas pour la plupart des déchets et
des pollutions ayant un caractère global11. L'économie
doit donc s'adapter, en se soumettant à une régulation ou
à une réglementation appropriée. On en revient à la
question du droit.
Mais il ne faut pas oublier les adversaires du
développement durable. Certains, partisans d'une sorte de théorie
du complot, estiment que la planète n'est nullement en danger et que le
concept est exploité à des fins politiques ou commerciales. Pour
d'autres, au contraire, le développement durable est un alibi
démagogique pour ne rien faire. Ce sont les partisans de la
décroissance ; ils estiment que la planète ne peut plus supporter
le pillage dont ses ressources font l'objet. Pour eux, il n'est plus question
de développement durable, c'est-à-dire au fond de < croissance
durable >>, mais bien d'une décroissance durable. Telle est la
thèse de l'économiste Nicolas Georgescu-Roegen12.
Ë défaut d'une définition juridiquement
admise, on peut sans doute s'en tenir pour le moment à la
définition politiquement admise : < Le développement durable
est un
10 Grossman et Krueger, Environmental Impacts of a North
American Free Trade Agreement, Cambridge MA, 1991.
11 Voir par exemple, Robert Underwood Ayres, professeur
à l'Insead (Fontainebleau). Selon lui : < It is possible to have
economic growth - in the sense of providing better and more valuable services
to ultimate consumers - without necessarily consuming more physical resources.
This follows from the fact that consumers are ultimately not interested in
goods per se but in the services those goods can provide. The possibility of
de-linking economic activity from energy and materials ("dematerialization")
has been one of the major thèmes >>.
12 Voir La décroissance. Entropie, écologie,
économie, Paris, éditions Sang de la terre, trad. par J.
Grinevald et I. Rens, 1979.
développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs >> (Gro
Harlem Bruntland, Notre futur à tous, ONU CMED 1987). Au regard
de ce qui précède, on voit bien qu'une telle définition
est très incomplète.
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