A.4. Une notion difficile a traduire juridiquement
Pour Carmine Camerini, < la notion de développement
durable ne peut pas être conçue simplement comme point
d'équilibre entre le système écologique et le
système économique car il est tout à fait inutile de
satisfaire les besoins de la nature et d'oublier les besoins des êtres
humains. La notion de développement durable reste de ce point de vue une
notion anthropocentrique qui renouvelle la relation de l'Homme avec le Temps,
en déployant ses effets sur le futur et en restreignant l'importance du
présent >>13. Ë ce stade, le concept est trop
large, trop théorique, pour faire l'objet d'une traduction juridique.
Cela tient sans doute au fait que le développement
durable est le fruit d'une pensée complexe. D'après Guy Loinger,
< le développement durable est une pensée de l'interface entre
les systèmes, et d'une interface forte. A la fois entre les champs des
trois sphères de base de la notion de développement durable (NDLA
: environnemental, économique et social) mais également et
surtout en termes d'articulation entre ces notions du point de vue des logiques
sociales, des systèmes institutionnels et politiques, et des
systèmes organisationnels, et cela à travers les logiques du
temps d'une part, et les logiques de l'espace d'autre part. D'oü cette
idée, à savoir que cette notion est la forme pratique, au sens de
praxis, de la pensée complexe. Le développement durable, c'est la
mise en pratique de la pensée complexe >>14.
Pour d'autres encore, il s'agit d'un < processus
spécifique de développement qui permet de < répondre
aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les
générations à venir de satisfaire les leurs >> (NDLA
: Rapport Bruntlnad, 1987) (É) Née du constat que le mode de
fonctionnement de la sphère économique risque de compromettre
à plus ou moins brève échéance
l'habitabilité de la Terre, la notion de
13 Camerini (C.), Les fondements
épistémologiques du développement durable entre physique,
philosophie et éthique, éd. L'Harmattan 2003.
14 Loinger (G.), < Leçons des expériences
récentes d'indicateurs territorialisés du développement
durable dans le champ de la gouvernance locale >> in La dynamique de
l'évaluation face au développement durable, Limoges 2003,
éd. L'Harmattan 2004
développement durable vise à fonder une pratique
écologiquement et socialement responsable de la vie économique
>>15.
Est-ce à dire que le développement durable
serait un concept flou, inapte à recevoir une traduction juridique
impliquant des comportements déterminés de la part des acteurs
concernés ? C'est ce que pense Mme Bürgenmeier : Ç De
nombreuses interprétations nourrissent des controverses sur le
développement durable. Un chercheur à la Banque mondiale a
dénombré plus d'une vingtaine de définitions du
développement durable qui sont utilisées actuellement (Pezzey,
1980). Le concept défini au sein de l'ONU reste donc flou et ne se
clarifie que par l'action politique qui cherche à le rendre
opérationnel>>16.
Ë défaut de définir le développement
durable, il faudrait à l'inverse recenser les politiques publiques qui
contribuent au développement durable et en dresser l'inventaire. Encore
faut-il être d'accord sur les objectifs en question, et c'est peu dire
que le consensus ne règne pas au sein de la communauté
internationale.
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