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Regards sur la traduction juridique du développement durable

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par Cyrille Emery
Université du Maine - Master 2 recherche en géographie 2010
  

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C. La bonne échelle spatiale : l'échelle territoriale

Un constat s'impose. Selon l'Institut français de l'environnement, en 2005, le total des dépenses de protection de l'environnement s'est élevé à 35,2 milliards d'euros, soit 2,1 % du produit intérieur brut (+ 5,5 % par rapport à 2004). Les collectivités locales françaises ont supporté un quart du total de ces dépenses. Celles-ci concernent majoritairement la gestion des eaux usées et des déchets, mais aussi la protection de la biodiversité et des paysages, que les collectivités locales ont financé à 45 % en 2005. Les entreprises restent les premières à financer la protection de l'environnement, avec 12,5 milliards d'euros en 2005, suivies par les ménages, avec 11,1 milliards d'euros. Cependant, leurs dépenses progressent moins vite que celles des ménages et de l'ensemble des administrations depuis 200041.

C.1. L'État n'est sans doute pas la bonne échelle

Certes, le professeur Jaqueline Morand-Deviller l'exprime avec force : Ç Le droit de l'environnement a une vocation universelle, qui bouscule à la fois les frontières du temps - il s'adresse aux générations futures - et celles de l'espace - il se décline au niveau international avant de se préciser au niveau national >>42. Mais d'autres auteurs évoquent un droit transnational plutôt qu'un droit international. Ils considèrent qu'on est en présence d'une agrégation d'intérêts nationaux, certes relativement consensuelle, plutôt que dans la construction d'un droit à l'échelle planétaire. C'est ce qu'évoque le philosophe Jean-Philippe Pierron : Ç Face à des enjeux planétaires, il faut une réponse institutionnelle planétaire. Le droit transnational est sur ce point une de ces institutions relayant le projet politique d'un développement durable, en inventant une médiation originale entre sa visée universelle d'un juste et durable développement, et la localisation des enjeux >>.

40 Bontems (P.) et Rotillon (G.), L'Économie de l'environnement, éd. La Découverte 2007.

41 Ifen, 23 aoüt 2007 : www.ifen.fr/uploads/media/de118.pdf.

42 Morand-Deviller (J.), Le droit de l'environnement, Paris, éditions des PUF, Que sais-je ?, mars 2009, p. 4.

Les rares décisions juridictionnelles rendues à l'échelle internationale en matière d'environnement laissent quand même entrevoir l'émergence d'un droit international en matière de développement durable. Dans une décision du 24 mai 2005, la Cour permanente d'arbitrage de La Haye a ainsi été amenée un litige opposant le Royaume de Belgique à celui des Pays-Bas. Dans cette affaire, les Pays-Bas avaient créé une réserve naturelle le long de la ligne ferroviaire historique du Ç Rhin de fer >>, et cherchaient à empêcher sa remise en service. La Belgique alléguait de son côté que la revitalisation de cette ligne ferroviaire aiderait à amorcer une évolution du transport routier vers le transport ferroviaire participant ainsi à la réduction de gaz à effet de serre dans une optique de développement durable. Pour la Cour, Ç le droit environnemental et le droit du développement ne sont pas des solutions alternatives mais se renforcent mutuellement, tel des concepts intégraux qui requièrent, lorsque le développement peut causer un dommage important à l'environnement, l'application d'un devoir de prévenir, ou du moins, de limiter un tel dommage. (É) Ce devoir, selon le Tribunal, fait désormais partie du droit général international. Ce principe s'applique non seulement de façon autonome mais aussi lors de la mise en Ïuvre de traités spécifiques entre les États >>43.

En 1997 déjà, la Cour internationale de Justice avait eu l'occasion de se prononcer sur le concept de développement durable : Ç Au cours des %oges, l'homme n'a cessé d'intervenir dans la nature pour des raisons économiques et autres. Dans le passé, il l'a souvent fait sans tenir compte des effets sur l'environnement. Gr%oce aux nouvelles perspectives qu'offre la science et à une conscience croissante des risques que la poursuite de ces interventions à un rythme inconsidéré et soutenu représenterait pour l'humanité -- qu'il s'agisse des générations actuelles ou futures --, de nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d'instruments au cours des deux dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement appréciées, non seulement lorsque des États envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le passé. Le concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de l'environnement >>44. Malheureusement, ces énoncés ont

43 Cour permanente d'arbitrage, 24 mai 2005, Ç Ijzeren Rijn, Royaume de Belgique c. Royaume des Pays-Bas >>, 59, 114.

44 Cour internationale de justice, Ç Gabcikovo-Nagymaros Dam >>, 25 September 1997, Hungary v. Slovakia, I.C.J. Rep., 37 I.L.M. (1998) 162.

une portée relativement faible sur l'application, par les États, des principes qu'ils posent.

Cette relative impuissance de la communauté internationale amène à se retourner vers l'État. Mais celui-ci n'est pas non plus le meilleur niveau d'intervention pour agir concrètement sur le développement durable. Il ne l'est pas, d'abord, parce que les questions environnementales n'ont pas de frontières, alors que l'État est enserré dans les limites de sa souveraineté territoriale. L'eau, l'air et les pollutions qui l'affecte passent les frontières sans demander d'autorisation à quiconque, du moins tant que ces frontières ne sont pas des frontières naturelles (reliefs, océans et mers, fleuves et rivières). Il n'est pas non plus la bonne échelle spatiale, ensuite, à l'égard des collectivités locales, parce que c'est au niveau des territoires qu'il est possible d'agir concrètement, comme on l'a vu (cf. supra). Pourtant, l'État garde d'une certaine manière un monopole sur la production des normes, légales ou réglementaires, qui s'appliquent sur le territoire national, et donc, sur la multitude des territoires locaux. Pour le dire autrement, la territorialité du droit est essentiellement nationale. Elle ne peut être que subsidiairement internationale ou infranationale. Ainsi, la loi du 7 janvier 1983 énonce que Ç le territoire national est le patrimoine commun de la nation >> ; le territoire est national, pas local. La loi du 2 février 1995 sur l'environnement en fait autant en ce qui concerne Ç les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent >>45.

Pour Gilles Massardier, Ç défaillances de l'État et difficultés pour les autorités publiques en général de se faire entendre, comme le montre le cas AZF, dans le tohubohu des Ç finalités vécues >> et des logiques des différentes actions, encastrement de ces logiques et des niveaux d'action (européen, national, local), constituent autant de raisons qui ont poussé certains analystes à insister sur l'ingouvernabilité comme résultat de la perte des repères et des mécanismes pour Ç faire tenir ensemble >>>>46. Et l'auteur ajoute : Ç Est-ce une intervention des autorités publiques bâtie intentionnellement selon la mise en branle de leur finalité choisie a priori qui détermine un objectif à atteindre avec des moyens publics et un dispositif tangible de politique publique (personnel, budget, règles formelles...) ? Ou bien, au contraire, est-ce une accumulation d'actions

45 On notera que ce sont les espèces animales et végétales qui sont le patrimoine commun de la nation, et non les animaux et les végétaux eux-mêmes.

46 Massardier (G.), Politiques et actions publiques, Paris, éditions Armand-Colin, sept. 2003, p. 6.

disparates de la part d'acteurs multiples, dont les autorités publiques (...) qui finissent tout de même par produire, a posteriori, un système collectif d'action et le dispositif tangible de politique publique qui lui sied ?È (Massardier, G., ibid).

Le premier défi consisterait déjà à démêler les objectifs assignés aux différents niveaux auxquels l'action publique est engagée.

Mais le juriste est aussi confronté à l'enchevêtrement des échelles spatiales, à l'intérieur desquelles la norme est édictée. Tout d'abord, les maires ont des pouvoirs pour faire respecter la tranquillité, la sécurité et la salubrité publiques47. C'est aussi, bien sür, la municipalité qui élabore les documents d'urbanisme et délivre les autorisations de construire, d'aménager ou de démolir. Et, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), les communes doivent prévoir, dans leur PLU48 et leur SCOT49, des dispositions relatives à l'environnement et un projet d'aménagement et de développement durable (PADD). L'article L. 121-1 du Code de l'urbanisme énumère les différents objectifs à atteindre. Dans sa rédaction issue de la loi du 12 juillet 2010 (Ç Grenelle II È), il dispose que : Ç Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable :

L'équilibre entre :

a) Le renouvellement urbain, le développement urbain ma»trisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la mise en valeur des entrées de ville et le développement rural ;

b) L'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ;

c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ;

La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la

47 Voir notamment art. L. 2113-2 et s. du Code général des collectivités territoriales.

48 Plan local d'urbanisme.

49 Schéma de cohérence territoriale.

satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d'amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements et de développement des transports collectifs ;

3 La réduction des émissions de gaz à effet de serre, la ma»trise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, et la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature È50.

Ë côté des communes, ou plutôt au-dessus, les préfets ont également un certain nombre de prérogatives. Ils doivent ainsi, désormais, autoriser les décharges contenant les déchets inertes de chantiers. Les départements gèrent les services d'incendie et de secours (Sdis) qui ont aussi en charge la protection de l'environnement. Quant aux communes ou d'agglomération, elles peuvent exercer facultativement cette compétence depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 1999, dite Ç Chevènement È.

Les régions ont quant à elles compétences sur les parcs naturels régionaux et elles peuvent demander à l'État le transfert à leur profit des plans d'élimination des déchets industriels et des plans pour la qualité de l'air.

Avec la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, out ceci n'empêche pas les communes de Ç prendre des décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en Ïuvre à leur échelon (principe de subsidiarité) È51.

Ce mille-feuille juridique, dont on n'a donné ici que quelques exemples, est assez difficile à décrypter. Comme le montrent Paul Arnould et Laurent Simon, l'enchevêtrement des structures territoriales est Ç un véritable mal français, difficilement guérissable (...). Les régions n'ont pas disqualifié les départements. Les

50 Article L. 121-1 du Code de l'urbanisme modifié par la loi n 2010-788 du 12 juillet 2010, art. 14.

51 Morand-Deviller, Le droit de l'environnement, Paris, éditions des PUF, Que sais-je ?, p. 24.

communautés de communes font doublon avec les cantons. Les pays singent les arrondissements. Comment gérer l'environnement dans ces cadres administratifs proliférants ? >>52.

Pour être complet, il faut ajouter qu'à cet enchevêtrement spatial s'ajoute un enchevêtrement du temps, ou des chronologies. La législation, notamment en ce qui concerne le droit de l'urbanisme et de l'aménagement, ne cesse de changer. Ainsi, dans un rapport rendu public en 1998, Jean Auroux avait constaté qu'en l'espace de trois siècles, la région Rhône-Alpes avait fait l'objet de 36 découpages, soit environ un découpage tous les 8 ans, et que ces découpages correspondraient à 4058 maillages de toutes tailles53. Difficile dans ces conditions d'envisager des politiques à long terme sur un territoire...

Selon Ludovic Schneider, si Ç le développement durable peut (et doit) être appliqué à tous les niveaux d'action : de l'État à l'individu en passant par les entreprises et les collectivités (É), il y a cependant une échelle pour laquelle la notion de développement durable prend plus de sens encore : le territoire >>54. Il ne fait aucun doute que le territoire, au sens oü l'entend cet auteur, est une échelle spatiale appropriée pour mettre en Ïuvre une politique de développement durable.

Or pour les professeurs de droit Jean-Bernard Auby et Hugues Périnet-Marquet, à la différence des normes à vocation nationale (lois et décrets en général), l'une des rares branches du droit qui édicte des règles au niveau territorial est essentiellement le droit de l'urbanisme. Il s'agit pour eux d'un Ç droit substantiel, c'est-à-dire de normes qui gouvernent l'occupation de l'espace urbain elles-mêmes, celles qui disent quelles activités immobilières sur un terrain donné sont interdites, limitées ou encadrées >>. Le droit de l'urbanisme est donc, ou pourrait être, le support privilégié pour la traduction juridique du développement durable au niveau des territoires. Ë condition d'en élargir la définition.

Erwan Le Cornec considère dans sa thèse que la définition du droit de l'urbanisme est d'ailleurs trop limitée, notamment en ce qu'elle restreindrait la définition de l'urbanisme à son étymologie, c'est-à-dire à l'espace urbain par opposition à l'espace qui

52 Arnould (P.), Simon (L.), Géographie de l'environnement, Paris, éditions Belin atouts, novembre 2007, p. 35.

53 Auroux (J.), La réforme des zonages et l'aménagement des territoires, 1998.

54 Schneider (L.), Le développement durable territorial, Paris, éditions Afnor, décembre 2009, p. 9.

ne serait pas urbain (rural notamment). Il propose pour sa part d'entendre Ç par règles d'urbanisme ou servitude d'urbanisme, (...) les normes de droit substantiel prises en application du Code de l'urbanisme, émanant du législateur ou du pouvoir réglementaire, ayant pour objectif de fonctionnaliser l'espace de façon générale en lui attribuant des affectations particulières, et opposables à toutes personnes publiques ou privées ainsi qu'aux modes individuels ou collectifs d'occupation et d'utilisation du sol >>55. Mais là encore, on se trouve face à une définition assez en deçà de l'ambition qu'appelle le développement durable.

De plus, l'échelle territoriale présente un certain nombre d'inconvénients, et ce, pour deux raisons. La première est liée au risque de confusion entre intérêts privés et publics, qui peut donner lieu à des dérives, telles que celles que l'on a pu observer récemment à la suite des inondations qu'a subies la commune de l'Aiguillon-sur-Mer le 28 février 201056. La seconde raison tient au défaut que présente une réglementation de l'urbanisme trop locale pour satisfaire aux exigences de l'aménagement du territoire.

Ainsi, Jean-Louis Harouel observe que, Ç les pouvoirs publics ont perçu les dangers du mitage, mais ils demeurent en pratique assez impuissants face au processus d'urbanification assez diffuse qui défigure les paysages. La décentralisation ne permet

guère de résistance à la pression des intérêts privés (...) >>57. Bien qu'il soit le niveau se manifeste concrètement la règle de droit en matière d'urbanisme, le territoire est une

échelle qui présente des inconvénients pour l'édification de la norme. Au-delà de ces deux inconvénients, l'échelle locale ne permet pas d'appréhender les phénomènes environnementaux dans leur globalité, c'est-à-dire au niveau planétaire. Cette constatation renvoie naturellement à l'échelle internationale, mais comme on va le voir, si ce niveau permet de penser les problèmes, il n'est pas à ce jour celui auquel les dits problèmes peuvent être résolus concrètement.

Pour faire face à ces obstacles, les autorités locales et régionales ont trouvé un palliatif, que l'État s'est d'ailleurs empressé d'encourager : la gouvernance territoriale.

55 Le Cornec (E.), La prise en compte de l'environnement par les règles locales d'urbanisme, Paris, thèse dactylograhoiée, 1997, dir. Yves Jégouzo.

56 Une adjointe au maire a été soupçonnée d'avoir fait en sorte de déclarer constructibles des terrains inondables, puis de les avoir fait céder à son fils promoteur immobilier. Sur la tempête elle-même, voir Miossec (Alain), Ç Mers et littoraux entre recherche scientifique et émotions médiatiques : faut-il craindre la montée des eaux ? >>, in Faut-il s'inquiéter pour la Terre ?, Paris, La Géographie, n°1535, mai 2010, p. 7.

57 Harouel, J.-L., Ç Urbanisme >>, Dictionnaire de la culture juridique, Paris, éditions Lamy et PUF, 2003, p. 1496.

Regards sur la traduction juridique du développement durable C.2. Un substitut : la gouvernance territoriale

Pour Erik Orsenna, < les résultats révèlent qu'en moyenne, le coüt de réalisation d'un objectif environnemental donné est beaucoup plus élevé si l'on applique des réglementations contraignantes que si l'on utilise des instruments d'incitation tels que les taxes sur les émissions ou les permis négociables >>58.

Cela explique la faveur dont jouit la gouvernance territoriale en matière de développement durable. En effet, selon Michel Casteigts, < l'émergence de la gouvernance locale s'inscrit (É) au confluent de la territorialisation des politiques et de la diversification des échelles de l'action publique >>59.

Mais pour que les politiques publiques territoriales ne se < contredisent >> pas, une coordination est nécessaire. Pour que les objectifs des entreprises implantées sur le territoire et celle de la collectivité qui en assure le développement ne se heurtent pas de front, une coordination est nécessaire. Ce constat a amené les parties prenantes à privilégier la concertation et la corégulation pour la mise en Ïuvre de leurs politiques territoriales de développement durable.

La corégulation est promue par la Communauté européenne comme un instrument de < bonne gouvernance >>. A cet effet, à l'initiative de la France, une communication a été publiée le 8 octobre 200860, à laquelle était annexée un projet de charte européenne de la coopération en matière d'appui à la gouvernance locale. Ce texte est né des constats suivants :

· L'importance de la dimension locale du développement ;

· La diversification des acteurs de la coopération impliqués à l'échelon local (Etats, collectivités territoriales, société civile, secteur privé) ;

· Des interventions souvent parallèles voire concurrentes ;

58 Orsenna (E.), ibid, p. 192.

59 Casteigts (M.), < Optimisation du développement durable et management territorial stratégique : de la gouvernance locale à la transaction sociale >>, VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, hors série 6 | 2009, [En ligne], mis en ligne le 09 novembre 2009. URL : http://vertigo.revues.org/8987. Consulté le 31 juillet 2010.

60 Les autorités locales : des acteurs en faveur du développement {SEC(2008)2570}, 8 octobre 2008, COM(2008) 626 final.


· La nécessité d'une meilleure harmonisation des actions de coopération dans l'appui à la gouvernance locale, afin d'en renforcer d'efficacité.

Mais comme le montre Apolline Roger, la distance entre le discours sur la corégulation et la réalité de sa pertinence pour mettre en Ïuvre une politique environnementale ambitieuse est importante. Les limites de la corégulation à cet égard sont clairement dévoilées lorsqu'elle est utilisée uniquement comme un substitut à une réglementation que l'autorité publique concernée ne peut pas ou ne veut pas adopter. En revanche, lorsqu'elle est utilisée dans un cadre réglementaire approprié, la corégulation appara»t comme une méthode intéressante pour accro»tre la participation des destinataires et la flexibilité de la norme61.

Pour cette auteure, une solution envisageable consisterait à permettre < aux entreprises engagées dans une corégulation d'être exemptées du respect du droit applicable : une taxe, ou un permis d'activité par exemple. Dans ce cas, la situation est sécurisée vu qu'il existe une norme plancher, et les entreprises sont fortement incitées à s'engager volontairement pour éviter la contrainte règlementaire. Les Pays-Bas et le Danemark ont obtenu de bons résultats en procédant de la sorte (Glasbergen, 1998 ; Croci, 2005) >>62. On manque de recul sur de telles pratiques s'agissant de la France, pays oü l'intervention étatique a été élevée au rang de religion. De surcroit, ces assouplissements incitatifs ne sont pas envisagées à ce stade au niveau infra étatique.

Enfin, on peut émettre un doute sur un dispositif de corégulation qui présente la réglementation comme une menace, à laquelle il pourrait recouru en cas d'échec. Comme l'indique Apolline Roger, < le levier d'action principal reste donc la menace de l'adoption d'une réglementation >>63. Cette conception anglo-saxonne du droit est difficile à comprendre pour les juristes continentaux, habitués à traiter les problèmes de droit par le recours à la loi et au règlement.

61 Roger (Apolline), < Quelle implication des destinataires de la norme ? La voie de la corégulation >>, VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Hors série 6 | 2009, [En ligne], mis en ligne le 9 novembre 2009. URL : http://vertigo.revues.org/8956. Consulté le 20 juillet 2010.

62 Roger (A.), ibid., point 27.

63 Roger (A.), ibid., point 11.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand