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Regards sur la traduction juridique du développement durable

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par Cyrille Emery
Université du Maine - Master 2 recherche en géographie 2010
  

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A.3. Développement durable et locavorisme

Dès lors, si les acheteurs publics souhaitent procéder à des achats éco responsables en vertu de l'article 5 du Code des marchés publics, il leur para»tra préférable de recourir à des spécifications techniques, plutôt qu'à des critères de sélection des offres. Les cahiers des clauses techniques particulières peuvent ainsi comporter des stipulations renvoyant à des normes, telles que des agréments techniques ou des référentiels élaborés par des organismes de normalisation (art. 6 du Code). Les documents de consultation peuvent définir les performances ou exigences fonctionnelles des prestations en y intégrant des caractéristiques environnementales. L'administration peut ainsi se référer à un écolabel (art. 6 VII). A priori, rien n'interdirait d'obliger les produits à afficher un bilan carbone incluant le transport sur le lieu de consommation. Mais ces spécifications ne peuvent pas faire mention d'un mode ou d'un procédé de fabrication particulier, ou encore d'une provenance, ni faire référence à une marque ou à un brevet, dès lors qu'une telle mention ou une telle référence aurait pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques, ou certains produits. Ainsi, dans l'affaire du pont Storebaelt au Danemark, la CJCE a sanctionné le manquement de l'administration au droit communautaire, pour avoir lancé une procédure prévoyant Ç l'utilisation la plus large possible de matériaux, de biens de consommation, de main d'Ïuvre et de matériel danois È87. De plus, l'acheteur ne peut en principe se référer aux spécifications d'un produit précis, même sans le nommer88. Il est donc impossible de faire appel à une entreprise, en lui imposant à son tour de faire appel une entreprise

86 CE 14 janv. 1998, Ç Soc. Martin-Fourquin È, n° 168 688.

87 CJCE 22 juin 1993, Ç Commission c. Royaume du Danemark È, aff. 243/89, Rec. I-3353.

88 CE 11 sept. 2006, Ç Commune de Saran È, n° 257 545, AJDA 2006, p. 2140.

locale choisie à l'avance89. L'acheteur public doit préserver la liberté d'accès, l'égalité de traitement et la transparence des procédures de passation, ces trois principes formant le Ç droit commun de la commande publique >> qui répond au droit communautaire ainsi qu'à des exigences de valeur constitutionnelle90. Cela n'interdit pas à la collectivité de définir son besoin en privilégiant le Ç bio >> par exemple, ce caractère étant une qualité intrinsèque du produit acheté. Mais elle ne peut pas imposer une provenance, à moins que celle-ci ne soit la condition déterminante de l'achat du produit (appellations d'origine contrôlée notamment). Enfin, l'acheteur peut fixer des spécifications techniques allant au-delà des normes en vigueur, même si cela aboutit à restreindre la concurrence, mais uniquement lorsque les nécessités du service public l'exigent, condition appréciée strictement par le juge91. A la lumière de ces développements, une constatation s'impose : l'apparition d'acheteurs publics locavores en France n'est pas pour demainÉ

A.4. L'interdiction implicite du Ç délocalisme È

Inversement, et bien que le cas n'ait pas été traité explicitement par la jurisprudence, l'acheteur public qui imposerait l'achat de produits issus du commerce équitable, en exigeant qu'ils aient été produits dans l'hémisphère Sud imposerait tout autant une condition de localisme, mais à l'envers. Mais il s'agirait plutôt ici de Ç délocalisme >>92, c'est-à-dire d'une condition de situation géographique non liée à l'objet du marché lui-même. En d'autres termes, il ne saurait être question de défavoriser la production locale au seul motif qu'elle est locale. Le principe d'égalité impose qu'hormis les hypothèses dans lesquelles une condition géographique est obligatoire93, la localisation du fournisseur ne puisse constituer un motif de discrimination pour l'accès aux marchés.

89 CE 29 juillet 1998, Ç Commune de Léognan >>, Lebon tables, p. 1017.

90 Cons. const. 26 juin 2003, déc. n° 2003-473 DC.

91 CE Sect. 3 nov. 1995, Ç District de l'agglomération nancéienne >>, n° 152 484.

92 Les locavores les appellent les distavores.

93 Un cas bien connu est celui de l'entretien des espaces verts. Il peut être légalement imposé au prestataire de disposer d'une implantation locale pour exécuter les prestations qui sont attendues de lui (taille des haies, tonte des pelouses, arrosage, élagage, etc.). Mais cette exigence doit être une condition d'exécution du marché public, et non pas une condition (ou un critère) de son attribution. En d'autres termes, l'implantation locale du candidat ne peut pas être exigée préalablement à sa candidature, à condition toutefois que celui-ci s'engage à exécuter le marché selon les stipulations du contrat, et qu'il soit en mesure de démontrer comment il répondra aux exigences du marché si son offre est retenue : en pratique, le marché indiquera un délai d'intervention, sans imposer une implantation locale. Et il appartiendra à l'entreprise candidate de démontrer de quelle manière elle entend y répondre (Voir sur ce point CE 14 janv. 1998, Ç Soc. Martin-Fourquin >>, n° 168 688, préc).

Quand on essaye d'appréhender les politiques territoriales en matière de développement durable, on imagine souvent les collectivités territoriales en leur qualité d'acteurs sur le territoire, au sens oü elles peuvent réglementer localement l'activité des entreprises et des particuliers, oü elles peuvent agir localement par le biais de conventions ou d'aides publiques, et inciter les entreprises et les particuliers à modifier leurs comportements. Tout cela est vrai, et reste essentiel à la réussite de l'action publique territoriale en matière de développement durable. Mais les collectivités territoriales sont aussi, elles-mêmes, des consommatrices de ressources, et elles émettent des gaz à effet de serre. Par ailleurs, les contrats et marchés qu'elles sont amenées à passer pour les besoins des services publics produisent, directement ou indirectement, des effets sur les politiques de développement durable dont elles sont parties prenantes par ailleurs.

C'est cet aspect là que la ville de Strasbourg a plus particulièrement pris en compte, en déclinant sa politique de développement durable dans le cadre des objectifs adoptés par la Communauté urbaine de Strasbourg.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld