CHAPITRE II : LES ASPECTS HUMAINS ET ECONOMIQUES DE LA
ZONE
D'ETUDE
I. LES DONNEES DEMOGRAPHIQUES
1. La Répartition spatiale de la
population
La population de la province du Sanguié connaît
un accroissement régulier depuis 1985. En effet, le Recensement
Général de la Population et de l'Habitat (RGPH) effectué
en 1985 par l'INSD donnait un effectif de 217 277 habitants sur une superficie
de 5 165 km2 soit une densité moyenne de 42
hab/km2. Cette population est passée à 249 583
habitants en 1996 avec un taux d'accroissement de 1,26%. La densité de
la population était estimée à 48,32 hab/km2. En
2000, on dénombrait 262 402 habitants.
L'accroissement de la population s'explique d'une part par une
forte natalité dans la province et d'autre part par les migrations. En
effet, beaucoup viennent d'ailleurs à la recherche de terres cultivables
encore disponibles à l'Ouest et au Sud de la province.
La population de cette province est composée
essentiellement de Gourounsi dans la partie centrale et au Nord, de Nuni et de
Bwaba au sud de la province. On note également la présence des
Mossi un peu partout dans la province.
Il existe un déséquilibre dans la
répartition spatiale de cette population avec une concentration dans le
département de Réo. En effet, le département de Réo
comptait en 1996, 52 611 habitants, soit 21% de la population du
Sanguié. Sa densité estimée à 121hab/km2
était la plus élevée de la province. Cette situation
s'explique par des raisons économiques et surtout l'exode des jeunes
ruraux vers Réo.
Pour les deux localités concernées, le RGPH en
1996 dénombrait une population de 22 534 habitants à Réo
et 4 966 habitants à Goundi. A Réo, cette population était
repartie en 2634 ménages. La taille moyenne du ménage pour cette
même population était de 6,5 personnes/ménage. En 2000,
cette même population était estimée à 23 699
habitants.
La population du village de Goundi, estimée à 4
747 habitants en 1998 était repartie en 643 ménages avec une
taille moyenne de 6 personnes/ménage. L'ensemble de ces ménages
est repartie sur 5 quartiers qui sont Dioro, Badiantolo, Essouboudè,
Difouèlè, Nadjè. La population totale de Goundi
représente 9% de l'effectif départemental.
2. La Structure de la population
La structure de la population de la province du Sanguié
laisse percevoir deux grandes caractéristiques :
> La jeunesse de la population : en 1996, 60% de la
population avait moins de 20 ans, 34,9% avait un âge compris entre 20 et
65 ans. A Goundi, la structure de la population par tranche d'âge
présente 58% de moins de 20ans, 27% âgée de 20 à 64
ans et 5% de plus de 65 ans.
Réo présente les mêmes
caractéristiques avec plus de 60% de jeune. Cette frange jeune migre
beaucoup vers les pays limitrophes notamment la Côte d'Ivoire. Celle-ci
pourrait être fixée par le développement des
activités génératrices de revenus surtout celles de contre
saison comme les cultures maraîchères.
> La seconde caractéristique est l'importance de la
couche féminine : en effet, les femmes constituent 53,56% de la
population totale du Sanguié contre 46,44% d'hommes.
Dans le département de Réo, l'effectif des
femmes est de 15 984 contre 14 093 pour les hommes. Le pourcentage des femmes
est nettement supérieur à celui des hommes dans les
localités de Réo-ville et de Goundi. Elles représentent
53,50% de la population de Goundi et 51,15% de la population de Réo.
Cette situation s'explique par une forte natalité des
filles et l'émigration des hommes.
II. L'ORGANISATION SOCIALE
L'organisation sociale à Goundi et à Réo
est pratiquement identique à celle qui prévaut chez les Gourounsi
dans la province du Sanguié. Les cultivateurs, les griots et forgerons
sont essentiellement les groupes socio-professionnels qui composent la
société lyelé.
Le pouvoir traditionnel est basé sur une organisation
sociale bien définie. Il est du type acéphale centré sur
deux pouvoirs régulant la vie des populations. Il s'agit du pouvoir
coutumier et du pouvoir de la terre. Ces deux pouvoirs sont détenus par
le chef de terre appelé tiékou tjébal en langue
leylé.
Le pouvoir coutumier est matérialisé par un
fétiche. Le chef de terre est tenu de veiller au respect des coutumes,
des normes de la société et d'arbitrer les conflits sociaux des
membres du village. Il est soutenu par le conseil des anciens qui sont les
responsables coutumiers présents dans chaque quartier. Ces responsables
sont appelés tiédjina en leylé. Ils sont
également responsables de chaque lignage. Une décision prise par
ce conseil est transmise à la population par les
tiédjina. Certaines décisions peuvent être prises
au niveau de chaque lignage par les chefs lignagers. En effet, le lignage
correspond à une unité d'habitation et de production agricole
regroupant plusieurs ménages. Au niveau de chaque quartier se trouvent
les douwili tjébal ou responsables de quartier qui sont
chargés d'assister le Délégué Administratif
Villageois (DAV). Ainsi, les informations et décisions administratives
sont transmises aux populations par ces derniers. Le DAV assure le contact
entre le village et l'administration.
Le pouvoir de la terre revêt une grande importance en
pays gourounsi. C'est ainsi qu'il est exercé par l'un des descendants du
premier habitant. Le tiékou tjébal est investi de
l'autorité religieuse issue d'une divinité locale. Il a une
parfaite connaissance du terroir
villageois et du domaine foncier de chaque lignage. C'est
à lui qu'incombe la célébration des cultes liés
à la production agricole et la gestion du système foncier.
III. LE REGIME FONCIER
Le régime foncier à Goundi et à
Réo présente les mêmes similitudes. Pour les gourounsi, la
terre revêt un caractère sacré. En effet, elle est
considérée comme une propriété exclusive des
puissances surnaturelles qui ont présidé à sa formation.
Ces pouvoirs surnaturels assurent sa conservation et sa fertilité.
Ainsi, le droit d'occupation des terres est basé sur un
accord établi entre le premier occupant et les divinités du sol.
Ce pacte est sous la tutelle du chef de terre qui est l'aîné du
lignage des autochtones. Ses pouvoirs ne sont transmis qu'aux descendants
mâles de son patrilignage. Le chef de terre est l'intermédiaire
entre les esprits de la terre et la population. Son rôle est de veiller
à l'application des dispositions foncières, de régler les
litiges fonciers et d'assurer les sacrifices nécessaires à la
fertilité de la terre.
Toute personne désirant s'installer dans le village
s'adresse au chef de terre. Il en est de même pour une demande
d'exploitation de terre. Le chef de terre dans ce cas, attribue la terre au
nouvel exploitant qui n'a que le droit de culture. Ce droit s'étend
à toute sa famille. L'attribution est manifestée par l'offrande
d'un poulet ou d'une pintade. Cette offrande appelée vuy en
leylé permet d'obtenir l'accord des divinités locales.
Les droits fonciers sont également détenus par
le lignage. Le lignage est le lieu d'acquisition du droit d'usage permanent. Le
chef de terre est lui-même membre d'un lignage. Aussi, les nouveaux
exploitants s'adressent-ils au chef lignager qui peut leur octroyer une portion
de terre. Ils disposent ainsi du droit de culture. La terre est
attribuée en pays leylé à celui qui désire
l'exploiter car selon les populations de Réo et de Goundi « on ne
peut refuser la terre à quelqu'un qui veut en tirer sa
subsistance». Le caractère sacré de la terre fait d'elle une
propriété divine qui ne peut être vendue.
Le demandeur peut exploiter la terre mise à sa
disposition. Les fruits des arbres du champ appartiennent au nouvel exploitant.
Cependant, il lui est interdit de faire du reboisement sur cette parcelle. Il
ne peut que faire des aménagements physiques tels que les cordons
pierreux, le Zaï, les demi-lunes, etc.
La femme dans cette société n'a pas directement
accès à la terre. Elle peut en exploiter par
l'intermédiaire de son époux. Cependant, l'exploitation de
certains domaines comme les
bas-fonds ne lui est pas autorisée alors que ce sont
des terres propices au jardinage. De nos jours, ce régime foncier est en
pleine mutation sous l'effet de la pression démographique et des
transformations économiques.
IV. LES ACTIVITES ECONOMIQUES
L'agriculture et l'élevage constituent les deux
principales activités économiques dans la zone. L'agriculture est
l'activité dominante et occupe plus de 90% de la population du
Sanguié (INSD 2001).L'élevage, activité secondaire, est le
fait d'éleveurs peulh et de certains agro-pasteurs. Les autres
activités relèvent de l'artisanat, de la pêche, de la
faune, etc.
1. L'agriculture
La production agricole dans la zone peut être
regroupée en cultures vivrières et en cultures de rentes.
Les cultures vivrières (mil, sorgho, maïs, riz)
sont pratiquées sur des champs familiaux (champs de case ou de brousse)
sous le contrôle du chef de famille. La production est destinée
à la consommation familiale. Les plus importantes sont le sorgho et le
mil qui constituent l'essentiel de l'alimentation de base en pays leylé.
Ces céréales sont suivies de près par le maïs. Le riz
pluvial est cultivé dans les bas-fonds et sur les
périmètres aménagés. Cette activité est
rendue possible à Goundi et à Réo par la présence
des retenues d'eau. La culture du riz fait l'objet d'une exploitation
individuelle. L'ensemble de ces cultures occupe les plus grandes superficies (1
à 5 ha). La culture des tubercules est une activité
réservée uniquement aux hommes. Les principales
spéculations sont la patate douce et l'igname. Cependant, la production
de l'igname est très peu pratiquée. Elle a cessé
d'être cultivée depuis 1986. Cette situation est imputable aux
exigences écologiques de l'igname face à la dégradation
continue de l'environnement que connaît cette zone.
Le coton, l'arachide, le niébé et le vouandzou
constituent l'essentiel des cultures de rente. Ils sont cultivés sur des
champs individuels de brousse sous le contrôle du chef de famille. Elles
constituent des sources de revenus pour faire face aux besoins
socioéconomiques de la famille. Bien qu'il soit la première
source de devise au plan national, le coton y est très peu
cultivé. Cela s'explique par les conditions climatiques et
édaphiques peu favorables à cette culture.
production en tonr
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
GRAPHIQUE 5: EVOLUTION DE LA PRODUCTION DU COTON DANS
LA PROVINCE DU SANGUIE DE 1990 A 2003
années
production
Dans l'ensemble, le système agricole est traditionnel.
Il est caractérisé par le faible niveau d'équipement des
agriculteurs, la dépendance quasi exclusive des précipitations
qui sont aléatoires, et le faible niveau d'utilisation des fertilisants.
Toute chose qui explique le caractère déficitaire de la
production vivrière. La traction animale comme force de travail est
très peu utilisée dans la zone. Cette situation reste liée
aux pesanteurs socio-culturelles. Les graphiques suivants nous donnent une
idée sur l'évolution des productions agricoles.
180000
160000
140000
120000
100000
40000
80000
60000
20000
GRAPHIQUE 4: EVOLUTION DE LA PRODUCTION CEREALIERE
(mil, sorgho, maïs et riz) DANS LA PROVINCE DU SANGUIE DE 1990 A
2003
0
années
production
Source : MAHRH/DGPSA/Direction des Statistiques
Agricoles
GRAPHIQUE 6: EVOLUTION DE LA PRODUCTION DES CULTURES DE
RENTES (arachide, sesame,soja et vouandzou) DANS LA PROVINCE DU
SANGUIE DE 1990 A 2003
4500
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
production
années
Source : MAHRH/DGPSA/Direction des statistiques
Agricoles
Selon ces graphiques, les productions varient d'une année
à l'autre. Ces variations semblent être liées aux
aléas climatiques et à la pression démographique.
Afin de rentabiliser leurs efforts, les paysans pour la
plupart pratiquent une association de cultures de rentes et de cultures
vivrières. Malgré cela, le déficit céréalier
demeure récurent. Pour pallier cette situation, les populations
mènent des activités de contre saison notamment la culture
maraîchère. La production maraîchère sera
traitée d'avantage dans les parties suivantes du document.
2. L'élevage
L'élevage pratiqué dans la zone d'étude
est du type extensif dans son ensemble. Le cheptel est essentiellement
constitué de bovins, de caprins et d'ovins. On note également
l'élevage des porcins et de la volaille. L'élevage transhumant et
sédentaire sont les 2 types qui caractérisent ce système
extensif.
L'élevage transhumant est pratiqué par les
éleveurs peulh sur 65 à 75% de l'effectif total des bovins (INSD,
2001). L'alimentation du bétail est basée sur l'exploitation du
pâturage naturel à plus de 90%. La transhumance est
observée en début de saison sèche pour l'exploitation des
pâturages post-culturaux. Une autre se tient à partir de janvier
jusqu'en début de saison pluvieuse, période pendant laquelle les
troupeaux sont conduits dans les
provinces du Sud (Ziro, Sissili) et le long du fleuve Mouhoun
à la recherche de pâturage et d'eau.
L'élevage sédentaire est pratiqué par les
agro-pasteurs dans le département de Réo. Il concerne surtout les
petits ruminants, les porcins, les volailles et les bovins. Les bovins dans ce
mode ont un effectif beaucoup plus réduit. La surveillance du
bétail est saisonnière. Elle se passe en hivernage et est
assurée par les enfants quand l'effectif est important. Dans le cas
contraire, les animaux sont gardés attachés à des piquets.
L'alimentation est essentiellement fournie par les pâturages naturels et
des résidus de récolte. Les animaux sont parqués dans les
enclos faits à base de plantes épineuses.
Parallèlement au système extensif se
développe un système intensif pour l'élevage des porcs.
Cette activité concerne beaucoup plus les femmes. Selon l'INSD (2000),
plus de 53% des femmes dans le Sanguié pratiquent ce type
d'élevage. L'activité porcine est une source de revenu non
négligeable pour ces dernières. Elle connaît une nette
amélioration et tend vers le système intensif avec l'appui de
certains projets de développement rural intervenant dans la zone. Outre
les prélèvements faits par les porcs dans la nature, ils
reçoivent un complément alimentaire constitué de
drêches de dolo, de fourrages verts et de résidus de cuisine.
Quant à l'aviculture, elle est traditionnelle et est
pratiquée par les hommes. La volaille représente un
intérêt particulier sur le plan social et permet de subvenir aux
besoins économiques immédiats de la famille.
Tableau 1: Effectifs du cheptel dans la province
du Sanguié de 2001 à 2004
ESPECES
|
BOVINS
|
OVINS
|
CAPRINS
|
PORCINS
|
ASINS
|
EQUINS
|
VOLAILLES
|
ANNEES
|
2001
|
92431
|
166641
|
155167
|
53803
|
11461
|
119
|
727102
|
2002
|
94279
|
171640
|
159522
|
54879
|
11690
|
120
|
748914
|
2003
|
96164
|
176789
|
164616
|
55976
|
11923
|
121
|
771361
|
2004
|
95983
|
176962
|
278740
|
127037
|
24457
|
0
|
814959
|
Source : Ministère des Ressources Animales
Selon le tableau, l'effectif du cheptel est à la hausse,
ce qui prouve un développement relatif de l'activité pastorale
dans cette province.
A titre indicatif, les taux de croît moyen par an des
différentes espèces sont estimés à 2% pour les
bovins, porcins et asins, 3% pour les ovins, caprins et la volaille (MRA
2004).
Si l'agriculture et l'élevage à caractère
extensif constituent les activités dominantes, d'autres dites
secondaires occupent les paysans et jouent également un rôle dans
l'économie des ménages.
3. Les Activités secondaires
La cueillette, la chasse, la pêche et l'exploitation du
bois sont les principales activités secondaires qui occupent les paysans
à Goundi et à Réo en plus de l'agriculture et
l'élevage.
La cueillette concerne les noix de karité, le
néré, les feuilles et les fruits du tamarinier. C'est une
activité essentiellement réservée aux femmes et les
produits sont directement commercialisés ou transformés pour
l'autoconsommation et/ou la commercialisation. La chasse est une pratique
individuelle qui connaît un ralentissement ces dernières
années compte tenu de la rareté du gibier.
Le réseau hydrographique peu dense de la province du
Sanguié, n'offre pas d'assez de possibilités pour la pêche.
Néanmoins à Réo et à Goundi, la pêche est
pratiquée dans quelques retenues d'eau pérennes et temporaires.
Autour du fleuve Mouhoun, la pêche occupe en plus des populations
locales, des migrants venus du Mali. L'exploitation du bois y est
essentiellement destinée aux besoins des ménages.
D'autres activités comme l'artisanat, la soudure, la
maçonnerie, la menuiserie sont assurées par les centres de
formation à savoir le Centre de Promotion Rural (CPR) de Goundi, le
Centre de Formation Agricole (CFA) du Frère Sylvestre1
à Goundi et le Centre d'Initiation au Développement de Réo
(CIDR). Le CPR de Goundi forme chaque deux ans une vingtaine de jeunes
recrutée dans les provinces du Centre-Ouest en techniques modernes
d'agriculture et de maraîchage. Il en est de même pour le CFA
créé en 1965 par le frère Sylvestre et le CIDR qui en plus
du maraîchage initient les populations locales en maçonnerie,
menuiserie, soudure et artisanat.
L'ensemble de ces activités contribue
considérablement à lutter contre le sous-emploi rural et à
satisfaire d'autres besoins fondamentaux de la population.
1 Missionnaire Italien installé à Goundi
en 1940
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