Chapitre 2
Contrôle quantique et propriétés
génériques de l'équation de
Schrödinger
2.1 Commandabilité de l'équation de
Schrödinger bilinéaire à spectre discret [MS.5]
Dans cette section, nous nous intéressons à la
commandabilité approchée de l'équation de Schrödinger
bilinéaire. Cette équation apparaît dans la
modélisation de nombreuses applications, parmi lesquelles la
résonance magnétique nucléaire, la spectroscopie laser et
l'informatique quantique (cf. [67, 91, 95, 103]). La commande agit sur le
système grâce à un champ extérieur; il peut s'agir
par exemple d'un champ magnétique ou d'un laser.
La question de la commande de la formulation fini
dimensionnelle de cette équation (qui s'applique aux systèmes de
spin ou quand une partie finie du spectre d'un système quantique est
très éloignée de son complémentaire) a
été l'objet d'une riche littérature (cf. par exemple [35,
36, 52] et les travaux qui y sont cités). Nous considérons ici
une équation de Schrödinger du type suivant
idø dt (t) =
(H0 +
u(t)H1)ø(t),
(2.1)
oh la fonction d'onde ø appartient
à un espace de Hilbert H de dimension infinie,
H0 est un opérateur auto-adjoint que l'on dit
hamiltonien non contrôlé,
u(t) est à valeurs dans un
sous-ensemble U de R et H1 est un
opérateur auto-adjoint responsable de l'interaction entre le
système et le champ extérieur.
Le cas type est celui oh H est égal
à L2(11, C) pour un certain
domaine 11 qui peut être égal soit à
Rd ou à un sous-domaine borné de
Rd et l'équation (2.1) est de la forme
i?ø ?t (t, x) =
(-Ä + V (x) +
u(t)W(x))
ø(t, x). (2.2)
Ici Ä denote le laplacien et V, W : 11
? R sont des fonctions mesurables et localement
bornées. Quand 11 est borné,
ø(t,.) satisfait des conditions de
Dirichlet au bord de 11. Les résultats présentés
ci-dessous s'appliquent aussi au cas oh 11 est une variété
riemannienne et Ä est l'opérateur de LaplaceBeltrami
correspondant.
Il est important pour les applications de pouvoir inclure dans
le modèle le cas oh W est non borné : le
potentiel W correspondant à une force extérieure
constante est en effet linéaire. La norme de l'opérateur de
multiplication par W sur Rd est
donc infinie.
Une propriété bien connue des équations
de type (2.2) est qu'elles ne sont jamais exactement commandables dans la
sphère unité de L2(11,
C) (cf. [15, 114]). Des résultats de non commandabilité,
même au sens approché, sont connus pour des situations
particulières ([83, 100]).
D'importants résultats positifs de
commandabilité ont été obtenus dans le cas
où d = 1, 11 est un segment et V = 0
([22, 24] ; cf. aussi [49]). Dans ces travaux, Beauchard et Coron ne
démontrent pas seulement la commandabilité approchée de
l'équation de Schrödinger, mais ils établissent aussi la
commandabilité exacte entre fonctions d'onde suffisamment
régulières. En particulier, ils obtiennent la
commandabilité exacte entre les états propres du hamiltonien non
contrôlé.
Des résultats de commandabilité approchée
dans le cas où le hamiltonien non contrôlé a un spectre
mixte ont été obtenus par Mirrahimi dans [81, 82] en utilisant
une technique de type Liapounov. Une technique similaire a été
appliquée par Nersesyan dans [87] dans le cas où le spectre est
discret. Les résultats de Nersesyan se rapprochent de ceux
présentés ci-dessous, même s'ils ne s'appliquent pas au cas
11 = Rd ni aux matrices de densité.
Signalons aussi que des résultats de commandabilité
ont été obtenus dans le même cadre dans le cas de plusieurs
contrôles (cf. [1, 29, 55]).
Nous supposons dans la suite que le spectre du hamiltonien non
contrôlé H0 est discret et nous le notons par
(ën)nEN (en répétant
chaque valeur propre en accord avec sa multiplicité). Notons par
(ön)nEN une base orthonormée
de H telle que chaque ön est
une fonction propre de H0 correspondant à la valeur
propre ën. Supposons aussi que
ön appartienne au domaine
D(H1) de H1 pour
tout n ? N. Il est alors possible de définir
H0 + uH1 sur V =
span{ön | n ? N} et de
l'étendre de façon unique à un opérateur
auto-adjoint sur H, noté par H0
+ uH1. Nous pouvons alors associer à une commande
constante u ? U l'évolution de (2.1) définie par
le groupe de transformation unitaires
e--it(H0+uH1) : H ?
H. Nous pouvons donc associer une solution
ø(· ;
ø0, u) à tout
u = u(·) constant par morceaux
et à toute condition initiale ø0 ?
H.
Rappelons la définition suivante :
Définition 2.1 Une
matrice C =
(cjk)1<j,k<n est dite connexe si,
pour tout paire d'indices j, k ? {1, . . . ,
n}, il existe une suite finie r1, .
. . , rl ? {1, . . . , n} telle que
cjr1cr1r2 · ·
· crl_1rlcrlk =6
0.
Rappelons aussi que les éléments de
(ën+1 - ën)nEN
sont linéairement indépendants sur Q
si, pour tous N ? N et
(q1,...,qN) ?
QN \ {0}, nous
avons ENn=1
qn(ën+1 - ën)
=6 0.
Nous pouvons démontrer le résultat suivant.
Théorème 2.2
Soient H0 et H1 comme
ci-dessus et U = (0,ä)
pour ä > 0. Supposons que les
éléments de (ën+1 -
ën)nEN sont linéairement
indépendants sur Q et que, pour tout n ?
N, la matrice
Cn = ~hH1öj,
ök)9-i)nj,k=1
est connexe. Alors (2.1) est commandable de façon
approchée sur la sphère unité de
H.
Remarquons qu'à la différence de la condition
sur l'indépendance linéaire sur Q des éléments de
(ën+1 - ën)nEN, la
condition sur la connexité des matrices Cn
peut dépendre de l'ordre choisi pour la suite
(ën)nEN. On peut montrer assez
simplement que si l'ordre est tel que Cn est
connexe pour une infinité de n ? N, alors il existe une
bijection h : N ? N telle que pour tout
n ? N la matrice
C71/1 = ((H1
öh(j),
öh(k))) 9-i j,k=1
est connexe. La réciproque n'est pourtant pas vraie.
La preuve du théorème 2.2 repose sur des
méthodes de dimension finie appliquées aux approximations de
Galerkin du système, dans le même esprit que dans [7, 99].
Notons Ed l'ensemble des ouverts connexes non
vides et bornés de Rd et définissons
E8d = Ed ?
{Rd}. Appliquons
maintenant le théorème 2.2 à l'équation (2.2) avac
11 ?
E8d . Sous les
hypothèses du théorème 2.3 ci-dessous, le
spectre de --A + V est discret (cf. [97]).
Notons ó(Ù, V ) =
(ëj(Ù, V ))j?N
la suite faiblement croissante de valeurs propres de --A
+ V , répétées en accord avec leur
multiplicité, et (öj(Ù, V
))j?N une suite de fonctions propres correspondantes
formant une base orthonormée de
L2(Ù, C). Sans perte de
généralité, nous pouvons supposer que
öj(Ù, V ) est à valeurs
réelles pour tout j E N. Si j E N est
tel que ëj(Ù, V ) est simple,
alors la fonction öj(Ù, V ) est
définie de façon unique quitte à la multiplier par
--1.
Théorème 2.3 Soit (i)
Ù E Ed, V, W E
L8(Ù) ou bien (ii) Ù =
Rd, V, W E
L8loc(Rd, R),
lim|x|?8 V (x)=
+oo et limsuplxi?8
log(|W(x)| +
1)/11x11 < oo. Supposons que
U contient l'intervalle (0, ä) pour
un certain ä > 0, que les elements de
(ëk+1(Ù,V ) --
ëk(Ù, V ))k?N sont
lineairement independant sur Q et qu'il existe une
bijection h : N N telle que pour tout n
E N la matrice
n
Chn(Ù,V,W)
= (L W
(x)öh(j)(Ù,
V
)öh(k)(Ù,
V ) dx)
j,k=1
est connexe. Alors (2.2) est commandable de façon
approchee sur la sphère unite de
L2(Ù, C).
Remarque 2.4 Demander que
ön appartienne à
D(H1) equivaut, dans le contexte de l'equation
(2.2), à ce que W
ön(Ù,V ) appartienne
à L2(Ù). Ceci est clairement
vrai dans le cas Ù E Ed.
Pour Ù = Rd, la propriete
decoule de l'hypothèse de croissance au plus exponentielle
de |W| à l'infini. Plus
precisement,
ea|x|ön(Rd,V
) E L2(Rd)
pour tous a > 0 et n E N
(cf. [2, 97]).
Les méthodes développées pour
démontrer le théorème 2.2 permettent en plus d'obtenir la
contrôlabilité approchée des matrices de densité.
Celles-ci décrivent l'état complet d'une famille
dénombrable de systèmes identiques avec conditions initiales
différentes, contrôlés simultanément par un seul
contrôle (cf. [9, 41]). Plus précisément, une matrice
de densite est un opérateur autoadjoint, borné et positif de
la forme
où (?j)j?N est une
base orthonormée de 1-1,
(Pj)j?N une suite de scalaires positifs tels
que E8j=1 Pj = 1 et
ø*( ·) =
(ø, ·) pour tout ø E 1-1.
Chaque ?j = ?j(t)
représente l'état d'une équation de Schrödinger de la
forme (2.1) et toutes ces équations sont asservies par la même loi
de commande constante par morceaux u =
u(t). L'évolution temporelle de la matrice de
densité ñ =
ñ(t) est donc décrite par
ñ(t) =
U(t;
u)ñ(0)U*(t;
u) =
|
X8
j=1
|
PjU(t;u)?j(0)(U(t;u)?j(0))*
(2.3)
|
où l'opérateur d'évolution
U(t; u) est défini par
U(t;
u)ø0 =
ø(t; ø0,
u) et U*(t;
u) dénote l'adjoint de U(t;
u).
Définition 2.5 Deux matrices de
densite ñ0 et
ñ1 sont unitairement equivalentes s'il existe une
transformation unitaire U de 1-1 telle
que ñ1 =
Uñ0U*.
Pour des systèmes quantiques fermés, le
problème de joindre deux matrices de densité par une trajectoire
admissible a sens seulement si les deux matrices sont unitairement
équivalentes. (La situation est différente pour des
systèmes ouverts ; voir par exemple [11].)
Le résultat suivant étend la commandabilité
approchée d'une équation de Schrödinger aux matrices de
densité correspondantes sous les mêmes hypothèses que
celles du théorème 2.2.
i
|
?ø(è,
t) ?t
|
=
|
?2 ?è2
|
)+ u(t)
cos(è)ø(è,t).
(2.5)
|
Théorème 2.6 Soient
ñ0 et ñ1 deux
matrices de densité unitairement équivalentes. Alors, sous les
hypothèses du théorème 2.2, pour tout å
> 0 il existe une loi de commande u :
[0, T] ? U constante par morceaux telle
que Iñ1 - U(T;
u)ñ0U*(T;
u)I < å, où
1 · k dénote la norme des
opérateurs sur H.
Si la thèse du théorème 2.6 est
vérifiée on dit que (2.2) est commandable de façon
approchée au sens des matrices de densité. Le
théorème s'applique en particulier dans le cas H
= L2(Ù, C),
H0 = -L + V ,
H1 = W sous les hypothèses du
théorème 2.3.
2.2 Commandabilité de la rotation d'une
molécule quantique [MS.20]
L'orientation et l'alignement des molécules sont
d'importants domaines d'application du contrôle des dynamiques
moléculaires quantiques. Ils ont été l'objet d'une intense
activité de recherche à la fois du point de vue
expérimental et du point de vue théorique (cf. [102, 107] et les
références qui y sont citées).
Pour des molécules linéaires en phase gazeuse
contrôlées par des champs laser polarisés
linéairement, l'alignement correspond à maximiser la
probabilité que l'axe moléculaire soit parallèle à
l'axe de polarisation du laser. Pour les molécules
hétéronucléaires, un sens pour l'axe moléculaire
peut être défini. On dira que la molécule est
orientée si ce sens correspond à celui du vecteur de
polarisation. Alignement et orientation ont une variété
d'applications allant des réactions chimiques au traitement des
surfaces, des procédés de catalyse à la
nano-ingénierie.
Remarquons que la dynamique rotationnelle d'une
molécule est l'un des exemples les plus importants de système
quantique défini sur un espace d'Hilbert de dimension infinie et pour
lequel le spectre de l'opérateur de Schrödinger non
contrôlé est discret. Il s'agit donc d'un modèle
très naturel sur lequel appliquer les résultats
présentés dans la section précédente.
Nous nous focalisons ici sur la commande par champs laser de
la rotation d'une molécule rigide linéaire. Plus
précisément, nous considérons une molécule
linéaire polaire dans son état rovibronique fondamental sujette
à un champ laser polarisé qui n'est pas en résonance avec
ses fréquences vibroniques. Le but est de déterminer les
obstructions à la commandabilité dues aux symétries du
système et de démontrer la commandabilité approchée
entre tous les états ayant les mêmes propriétés de
symétrie. La commandabilité est obtenue pour des contrôles
arbitrairement petits, ce qui est intéressant du point de vue des
applications (cf. [108]).
La dynamique contrôlée est décrite par
l'équation de Schrödinger suivante sur la sphère
S2 (en choisissant des unités de mesure telles que
h = 1) :
i?ø(è,
ö, t)
?t
|
= (-BL -
u0E(t) cos
è)ø(è, ö,
t) (2.4)
|
où B est la constante rotationelle,
u0 est le moment dipolaire permanent, L est l'opérateur
de Laplace-Beltrami sur la sphère, è est l'angle
polaire entre la direction de polarisation et l'axe moléculaire et
ö est l'angle d'azimut. Le contrôle est
donné par le champ électrique E. Nous
négligeons dans ce modèle la contribution du tenseur de
polarisabilité qui correspond au moment dipolaire induit par le champ
électrique. L'approximation est correcte si l'intensité du laser
est suffisamment faible. Le modèle ainsi obtenu est certes
simplifié, mais il reproduit de façon très fidèle
les données expérimentales dans le cas des molécules
rigides (cf. [107]).
Nous allons simplifier ultérieurement le modèle
que l'on vient d'introduire en supposant que la molécule linéaire
reste sur un plan. L'équation de Schrödinger correspondante est
donc définie sur un cercle et prend, dans un système
normalisé de coordonnées, la forme suivante :
(Voir, par exemple, [105].) La commande est indiquee ici par la
lettre u.
Decomposons H =
L2(S1, C) dans
la somme directe Hp ? Hi, où
Hp et Hi sont, respectivement, les
sous-espaces des fonctions paires et impaires de H (la parite
etant consideree par rapport à è = 0).
Remarquons que Hp et Hi sont deux
espaces de Hilbert. Notons ø =
(øp, øi) la decomposition de
ø ? H avec øp ?
Hp et øi ? Hi.
Notre premier resultat sur la commandabilite de (2.5) est
negatif, affirmant que les normes des parties paire et impaire sont
conservees.
Proposition 2.7 Pour tout
ø0 appartenant à la sphère
unité de
L2(S1, C),
pour tout u dans
L8([0, T],
R) et pour tout t ? [0,T], nous
avons Iøp(t;
ø0, u)1H
=
lø0plH
et løi(t;
ø0, u)1H
=
1ø0i
1H.
Notre resultat principal est qu'il est possible de
contrôler simultanement la partie paire et celle impaire (de façon
approchee).
Théorème 2.8 Pour tous
ø0 =
(ø0 p, ø0 i
), ø1 =
(ø1p,
ø1i ) appartenant
à la sphère unité de
L2(S1,C)
qui vérifient
lø0p1H
=
Iø1p1H
et
1ø0i 1H
= 1ø1i
1H et pour tous å,ä > 0,
il existe T > 0 et u ?
L8([0, T], (0,
ä]) tels que
1ø1-ø(T;ø0,
u)11 <
å.
La demonstration est basee sur un argument de contrôle
simultane des systèmes quantiques pour lesquels l'union des spectres des
operateurs de Schrödinger forme une famille non resonante. Cet argument
est developpe de façon plus generale par Chambrion dans [42].
La condition de non resonance du spectre de l'operateur de
Schrödinger est testee en remplacant par
--a2/a02 cant +u
cos(è) avec u constant et en
exploitant la dependance analytique du spectre par rapport à
u et son expansion asymptotique etablie dans [58]. Le theorème
suivant, qui sera utilise à plusieurs reprises dans la suite de ce
chapitre, rappelle les proprietes d'analyticite de
ën(Ù, V ) et
ön(Ù, V ) par rapport
à V (cf. [69, 98]).
Théorème 2.9
Soient I ? R un intervalle ouvert et
Ù ? E8 d . Supposons
que V appartient à
V(Ù) et que u 7?
Wu est une courbe analytique de
I dans L8(Ù). Il
existe alors deux familles de fonctions analytiques
(Ëk : I ? R)k?N
et (Ök : I ?
L2(Ù))k?N telles que pour
tout u ? I la suite
(Ëk(u))k?N donne le
spectre (avec répétition des valeurs propres multiples)
de -A+V +Wu
et
(Ök(u))k?N est une
base orthonormée de fonctions propres correspondantes.
2.3 Généricité des
propriétés des fonctions et valeurs propres de l'équation
de Laplace-Dirichlet [MS.4]
Un espace topologique X est dit espace de
Baire si toute intersection denombrable de sous-ensembles ouverts et
denses de X est dense dans X. Tout espace
metrique complet est un espace de Baire. L'intersection denombrable de
sous-ensembles ouverts et denses d'un espace de Baire X est
dite un sous-ensemble résiduel de X. Une
fonction booleenne P : X ?
{0, 1}, où X
est un espace de Baire, est dite une propriété
générique s'il existe un sous-ensemble residuel
Y de X tel que chaque y ? Y
satisfait P, c'est-à-dire
P(y) = 1. Dans cette section et dans la suivante, le
rôle de X sera joue par differents espaces de
paramètres de l'equation de Schrödinger (2.2).
Soit Ù ? Ed. Les
resultats de la section 2.1 lient la commandabilite approchee de (2.2) aux
proprietes de W et des valeurs et fonctions propres de
l'operateur -A + V :
H2(Ù) n
H10(Ù) ?
L2(Ù). Pour demontrer que (2.2) est
generiquement contrôlable, nous sommes donc amenes à etudier, en
particulier, les proprietes spectrales generiques de -A
+ V .
Considerons d'abord l'independance lineaire sur Q des
differences des valeurs propres de -A + V .
Remarquons que, même si la propriete en question n'est pas verifiee par
les valeurs propres de -A + V , elle peut
l'être si l'on remplace V par V
+ uW pour un certain u tel
que (u, u + ä)
? U. La dependance du spectre de V +
uW par rapport à u etant analytique
(theorème 2.9), il serait alors suffisant de montrer que les derivees
de ën(Ù, V
+uW) par rapport à u evaluees
en u = 0 sont lineairement independantes sur Q. L'expression
de ces derivees est donnee par fn
W(x)ön(Ù,
V )2 dx, pourvu que la valeur
propre ën(Ù, V ) soit
simple. Dans le cas oil ën(Ù, V
) n'est pas simple, la formule de la derivee de
ën(Ù, V + uW)
par rapport à u reste vraie, mais le choix de la base
de fonctions propres (ön(Ù, V
))n?N depend alors de W (cf.
[8]).
Il est donc clair que si le spectre de
-Ä + V est simple et les carres de ses fonctions
propres forment une famille libre dans
L2(Ù), il existe alors W ?
L8(Ù) pour lequel les elements de (j
n W
(x)ön(Ù,
V )2 dx)n?N sont lineairement
independants sur Q. De plus, l'ensemble des W verifiant cette
propriete est residuel dans L8(Ù).
Remarquons que si le spectre de Ä est simple et les
carres de ses fonctions propres forment une famille libre dans
L2(Ù), alors la même propriete est vraie
pour -Ä + V pour un ensemble residuel
de V dans L8(Ù). Rappelons
que l'ensemble des domaines bornes Ù à bord
Cm pour lesquels le spectre de Ä est simple sur
Ù est residuel dans l'espace topologique
Óm des domaines bornes
Cm dote de la topologie
Cm, m = 1, (cf. [80, 115] et aussi
[65]).
Nous nous interessons donc à la question de la
genericite par rapport à Ù ?
Ók de l'independance lineaire des carres fonctions
propres de Ä. Notons
ënn =
ën(Ù, 0) et
önn =
ön(Ù, 0) pour tout n
? N. Nous indiquons par D0,1
l'ensemble des domaines de Rd qui peuvent
être transformes dans la boule unite de Rd
par un homeomorphisme bi-lipschitzien. En particulier, le bord d'un element
de D0,1 est lipschitzien.
Nous pouvons demontrer le resultat general suivant.
Théorème 2.10
Soit Fn :
Rn(n+1) -? R
une suite de fonctions analytiques. Pour tout n ?
N et pour tout domaine borné Ù
? Rd à bord lipschitzien, nous
dirons que Ù satisfait la propriété
Pn si
ën1 , ... ,
ënn sont simples et
s'il existe n points
x1, . . . , xn dans Ù
et un choix de ön1 ,
... , önn tels
que
Fn(ön1
(x1), . . . ,
önn
(x1), . . . , ön1
(xn), . . . ,
önn
(xn),
ën1 ,... ,
ënn) =6
0.
Si, pour tout n ? N, il
existe Rn ? D0,1 qui
satisfait la propriété Pn,
alors pour tout m ? N ?
{+8} l'ensemble des Ù
? Óm satisfaisant
Pn pour tout n ? N est
résiduel dans Óm.
La demonstration est basee sur un resultat de dependance
analytique du spectre de l'operateur de Laplace-Dirichlet par rapport au
domaine, analogue au theorème 2.9. Un autre resultat crucial pour la
preuve, du à Teytel, est la possibilite de deformer analytiquement deux
domaines reguliers isotopes en imposant la simplicite du spectre le long de la
deformation ([113]).
Nous deduisons du theorème 2.10 les consequences
suivantes.
Corollaire 2.1 Soit m
? N ? {8}. Alors, pour tout Ù
dans un ensemble résiduel de
Óm, les carrés des
fonctions propres de l'opérateur de Laplace-Dirichlet sur
Ù sont linéairement indépendants.
Corollaire 2.2 Soient m
? N ? {8}, k ? N
et q = (q1, . . . ,
qk) ? Rk \
{0}. Alors, pour tout Ù dans un
ensemble résiduel de
Óm,
En particulier, les éléments du spectre de
l'opérateur de Laplace-Dirichlet sur Ù sont
génériquement linéairement indépendants sur
Q.
Concernant l'equation de Schrödinger bilineaire, nous
deduisons des arguments presentes au debut de cette section les resultats
suivants.
Proposition 2.11 Génériquement
par rapport à (Ù, W) ?
Óm ×
L8(Rd),
l'équation
i?ø ?t (t,x) =
(-Ä +
u(t)W(x))
ø(t,x)
est commandable de façon approchée sur la
sphère unité de
L2(Ù).
Proposition 2.12
Génériquement par rapport à
(Ù, V, W) ?
Óm ×
L8(Rd) ×
L8(Rd), l'équation
(2.2) est commandable de façon approchée sur la sphère
unité de L2(Ù).
2.4 Généricité par rapport aux
potentiels de la commandabilité de l'équation de Schrödinger
bilinéaire à spectre discret [MS.1]
Dans cette section, nous nous intéressons à la
généricité de la commandabilité de
l'équation de Schrödinger (2.2) par rapport au potentiel de
contrôle W et à celui non contrôlé
V , dans le but d'améliorer les résultats des
propositions 2.11 et 2.12. Nous nous plaçons dans le cas d'une
équation de Schrödinger à spectre discret définie sur
un domaine Ù ? Î8 d .
Rappelons que la question de la
généricité par rapport aux potentiels de la
commandabilité de l'équation de Schrödinger
bilinéaire a déjà été l'objet de certains
résultats obtenus par Nersesyan : en particulier [87, lemme 3.12]
démontre la généricité par rapport au couple
(V, W) de la contrôlabilité approchée de
(2.2) quand d = 1 et Ù est borné (sous des
hypothèses de régularité sur V et
W). D'autres résultats intéressants de
généricité pour la contrôlabilité d'une
équation de Schrödinger linéarisée ont
été obtenus par Beauchard, Chitour, Kateb et Long dans [21] et
sont présentés plus en détail dans la discussion à
la fin de cette section.
L'approche que nous proposons ici est de la même nature
que celle exploitée dans la section précédente : nous
appliquons des perturbations analytiques à longue distance des
paramètres et nous exploitons la dépendance analytique par
rapport à V et W des objets
mathématiques qui apparaissent dans les hypothèses du
théorème 2.3 (cf. théorème 2.9).
Pour tout Ù ? Î8 d
, soit V(Ù) égal à
L8(Ù) si Ù ?
Îd et à {V ? L8
loc(Rd) | lim11x11?8 V
(x) = +8} si Ù =
Rd. Dans les deux cas, dotons
V(Ù) de la topologie L8.
Introduisons aussi l'espace W(Ù), donné par
L8(Ù) si Ù ?
Îd et par
{W ? L8 loc(Rd) |
sup
x?Rd
|
log(|W(x)|
+ 1)< 8} IxI + 1
|
si Ù = Rd. Dotons
W(Ù) de la topologie L8.
Notons
Z(Ù,U) =
{(V,W) | V ?
V(Ù), W ? W(Ù),V +
uW ? V(Ù) ?u ? U, sup
x?Ù
|
|W(x)|
|V (x)| + 1
< 8}
|
et équipons Z(Ù,
U) avec la topologie L8. Introduisons
aussi, pour tout V ? V(Ù) et tout W ?
W(Ù), les sous-espaces topologiques de
V(Ù) et W(Ù) définis
par
V(Ù,W,U) = {
V ? V(Ù) | (
V , W ) ?
Z(Ù, U)}, W(Ù,
V, U) = { W ? W(Ù)
| (V, W ) ?
Z(Ù, U)}.
Remarquons que V(Ù, W,
U) et W(Ù, V, U) sont tous
les deux non vides et invariants par rapport à la somme avec
L8(Ù). En particulier, ils sont ouverts dans
V(Ù) et W(Ù) respectivement et
coïncident avec L8(Ù) quand Ù
est borné.
Nous dirons que le triplet (Ù, V, W)
est apte à contrôler si V ?
V(Ù), W ? W(Ù), les
éléments de la suite
(ëk+1(Ù, V ) -
ëk(Ù, V ))k?N sont
linéairement indépendant sur Q et s'il existe un
bijection h pour laquelle
Chn(Ù, V, W) est connexe
pour tout n ? N.
Nous dirons aussi que le quadruplet (Ù, V, W,
U) est efficace si (V, W) ?
Z(Ù, U) et s'il existe u
et ä > 0 tels que (Ù, V
+ uW, W) est apte à contrôler et (u,
u + ä) ? U. Les
théorèmes 2.3 et 2.6 peuvent alors être reformulés
ainsi : l'efficacité du quadruplet (Ù, V, W, U)
est une condition suffisante pour la contrôlabilité
approchée au sens des matrices de densité.
Nous pouvons démontrer le résultat de
continuité suivant.
Proposition 2.13 Soit Ù =
Rd. Supposons que V
appartient à
V(Rd), que
ëk(Rd, V ) est
simple et que W ?
L8loc(Rd,R)
est tel que la croissance de |W| est au plus
exponentielle à l'infini. Il existe alors un voisinage
N de V dans
V(Rd) tel que
ëk(Rd,V ) est
simple pour tout V ? N et V 7?
V|W|ök(Rd, V )
(définie au signe près) est continue comme fonction
de N dans
L2(Rd).
La preuve est basée sur l'uniformité des
estimées obtenues par Agmon dans [2] (théorèmes 4.1, 4.3
et 4.4).
Un premier résultat de généricité
par rapport à V est le suivant, qui
généralise un résultat classique de Albert ([8]).
Proposition 2.14 Soit Ù un
élément de
Î8d et
notons, pour tout k ? N,
Rk(Ù) = {V ?
V(Ù) | ë1(Ù,V
),...,ëk(Ù, V ) sont
simples}. Pour tous K ? N
et q = (q1,...
,qK) ? RK \
{0}, l'ensemble
Oq(Ù) =
|
?
?
?
|
V ? RK(Ù) |
|
XK j=1
|
qjëj(Ù, V )
=6 0
|
}
|
est ouvert et dense dans
V(Ù). Par conséquent, génériquement
par rapport à V les élément de
(ën(Ù, V
))n?N sont linéairement indépendants
sur Q.
La preuve de la proposition 2.14 est basée sur le lemme
suivant.
Lemme 2.15 Soient Ù un
élément de
Î8d
et ù un ensemble non vide, ouvert,
compactement contenu dans Ù et dont le bord est lipschitzien.
Soient v un élément de
L8(ù) et
(Vk)k?N une suite dans
V(Ù) telle que Vk|ù ? v
dans L8(ù)
quand k ? 8 et limk?8
infÙ\ù Vk = +8.
Alors, pour tout j ? N, limk?8
ëj(Ù, Vk) =
ëj(ù,v). De plus, si
ëj(ù,v) est simple alors
limk?8 öj(Ù,Vk) =
öj(ù, v) (au signe
près) dans L2(Ù).
Si ëj(ù,v)
et ëm(ù,v)
sont simples, alors (au signe près)
lim f2 Vieöj
(Ù,
Vk)öm(Ù, Vk)
= f vöj (ù,
v)öm(ù,
v).
S ca
k?8
Nous déduisons de la proposition 2.14 le résultat
suivant.
Proposition 2.16 Soit Ù un
élément de
Î8d . Alors,
génériquement par rapport à (V,
W) ? Z(Ù,
U), le triplet (Ù,V,W) est apte
à contrôler.
En étudiant la généricité par rapport
à V ou W seulement, nous pouvons
démontrer les deux propositions suivantes.
Proposition 2.17 Soient Ù
un élément de
Î8d
et W ? W(Ù) non constant et absolument continu
sur Ù. Alors, génériquement par rapport
à V dans
V(Ù,W,U), le quadruplet
(Ù, V, W, U) est efficace.
Proposition 2.18 Soient Ù
un élément de Î8 d et
V ? V(Ù) absolument continu sur
Ù. Supposons que l'intérieur de U
est non vide. Alors, génériquement par rapport
à W ? W(Ù, V, U), le
quadruplet (Ù, V, W, U) est efficace.
Il est naturel, au vu des résultats
présentés dans cette section et dans la précédente,
de se demander si l'équation (2.2) est commandable de façon
approchée génériquement par rapport à Ù
? Îd, quand V et
W sont fixés. Une conjecture dans ce sens est
raisonnable (sous l'hypothèse que W soit non constant
sur chaque ouvert non vide) mais les techniques employées ici paraissent
difficiles à adapter dans ce cas. Une difficulté vient du fait
que la dépendance de
ëk(Ù, V ) par
rapport à Ù n'est pas analytique si V ne l'est
pas. De façon similaire, les quantités
f
Wök(Ù, V
)öj(Ù, V ) ne varient
pas, en général, analytiquement par rapport à Ù. Un
résultat
partiel dans le cas V = 0 allant dans la
bonne direction a été démontré dans [21], oh les
auteurs prouvent que pour W ?
C1(R2, R) non constant sur
chaque ouvert non vide, pour un domaine C3
générique Ù ? R2 nous avons
j W ö1(Ù,
0)öj(Ù, 0) =6
0 pour tout j ? N. La preuve proposée dans
[21] est très technique et délicate : son extension dans le cas
oh V est quelconque et d > 2 parait une
tache ardue.
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