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L'acte anormal de gestion et l'abus de bien social

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par DEGDEG Sana
 -  2008
  

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A. La découverte de l'atteinte à l'intérêt social

1) La constatation d'une irrégularité de gestion

a) La constatation fiscale par le vérificateur fiscal

La théorie de l'acte anormal de gestion ne concerne que l'imposition du bénéfice et les impôts sur les sociétés sont déclaratifs, c'est-à-dire établis d'après la déclaration du contribuable. A ce titre, cette déclaration bénéficie d'une présomption de sincérité et d'exactitude, à charge pour l'administration fiscale d'apporter la preuve d'une irrégularité. Deux cas de figure se présentent alors : soit le contribuable a rempli ses obligations déclaratives et dans cette hypothèse, si l'administration fiscale estime que certains de ses éléments sont inexacts, elle doit engager une procédure de rectification contradictoire. Soit le contribuable n'a pas rempli son obligation déclarative, et dans ce cas, si à l'issue d'une mise en demeure de l'administration1 il ne s'en acquitte pas, son bénéfice fera l'objet d'une taxation d'office2.

L'inexactitude est susceptible de résulter d'anomalies, d'incohérences ou du montant excessif de
certaines dépenses, ce qui motivera l'administration fiscale pour enclencher une procédure de

1 Mise en demeure avec un délai de 30 jours

2 Art. L. 65 et s. LPF

vérification fiscale1. Les services fiscaux adressent au contribuable une demande d'éclaircissement et de justification qui satisferont l'administration fiscale ou au contraire le conforteront dans son idée première.

Enfin, en dépit du fait que la constatation d'un acte anormal de gestion est une question de droit, la commission départementale des impôts peut être appelée à se prononcer sur la matérialité ou l'appréciation des faits invoqués par l'administration (questions de faits). Elle n'est en principe pas compétente pour se prononcer sur la qualification des faits mais l'est exceptionnellement en matière d'actes anormaux de gestion. Son rôle s'étend donc jusqu'à apprécier si un acte est conforme à l'intérêt social ou s'il lui est contraire.

b) La constatation d'un abus de bien social

Les services fiscaux sont donc en position privilégiée pour constater l'existence d'irrégularités fiscales voire pénales, mais ils ne sont pas les seuls : les commissaires aux comptes, les actionnaires, les dirigeants peuvent également porter à la connaissance du procureur de la République des faits délictueux. Le procureur est en effet à l'initiative des poursuites pénales, il décide des suites à donner aux faits qui lui sont soumis en se plaçant au jour de leur commission pour apprécier la réunion des éléments constitutifs du délit et en veillant à ce que les faits ne soient pas prescrits. Il peut également faire procéder à une enquête de flagrance2.

A la différence de l'acte anormal de gestion, la société n'est jamais mise en cause en tant que personne morale. L'abus de bien social est commis directement ou indirectement par les dirigeants de fait ou de droit de celle-ci. Le magistrat peut également poursuivre les complices et les recéleurs3.

2) Les conséquences de la constatation

a) Plusieurs cas de figure

L'administration fiscale non satisfaite des éclaircissements du contribuable peut procéder à des vérifications de comptabilité sur place. Cette étape permettra aux services fiscaux de différencier la simple erreur comptable de l'acte anormal de gestion. Elle ne peut porter que sur les trois derniers exercices clos mais peut remonter au-delà (jusqu'à six ans) en cas d'activités occultes tel

1 Art. 10 et s. LPF

2 Art. 53 CPP

3 Les personnes ayant bénéficié des biens utilisés frauduleusement, en connaissance de cause, peuvent être poursuivis. Le profit peut se matérialiser par des cadeaux, des voyages d'agréments ou des avantages divers (Crim. 29 avril 1996, Bull. Crim. n° 174)

qu'un atelier clandestin. Cette vérification donnera lieu à la remise d'une proposition et le contribuable pourra se faire assister d'un conseil1. Elle ne peut excéder une année, sauf en cas de découverte d'un délit où la durée de vérification peut aller jusqu'à deux ans. La vérification de comptabilité se conclut presque toujours par une rectification fiscale2 et si les faits découverts sont constitutifs d'un délit, les services fiscaux ont l'obligation d'en avertir le procureur de la République du lieu où se situe le siège social de la société vérifiée.

Cette procédure de vérification contradictoire est à différencier de la procédure d'imposition d'office. Dans trois hypothèses, l'administration fiscale est en droit de procéder à une rectification d'office de l'imposition : lorsque le contribuable n'a pas déposé de déclarations, lorsqu'il ne répond pas à la mise en demeure lui intimant de présenter des éclaircissements ou lorsqu'il s'oppose à la rectification fiscale. Cette procédure est unilatérale mais l'administration fiscale est néanmoins tenue de présenter les méthodes lui ayant permis d'aboutir à l'imposition d'office.

b) La mise en examen dans le cas d'un abus de bien social

La procédure pour l'abus de bien social est différente puisque contrairement aux services fiscaux, sauf pour l'instruction, la procédure est contradictoire. De plus, il n'y a pas de durée imposée par le législateur, mais celle-ci doit rester raisonnable conformément aux exigences de la Convention Européennes des Droits de l'Homme et si les investigations du juge d'instruction excèdent deux années, le magistrat est tenu de rendre une ordonnance motivée expliquant les raisons de cette durée.

Si à l'issue des investigations, des indices graves et concordants existent et rendent vraisemblable que le dirigeant ait pu participer à l'abus de bien social, ce dernier est mis en examen. Mais depuis 2004, il peut bénéficier du statut de témoin assisté, statut hybride entre le mise en examen et le simple témoignage : il est entendu en qualité de témoin mais ne prête pas serment, peut être confronté à la personne mise en cause et peut se faire assister d'un avocat3. Le dirigeant peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire ou être placé en détention provisoire jusqu'au procès.

La procédure pénale est entourée de davantage de précautions en raison des conséquences particulièrement attentatoires à la liberté auxquelles elle peut aboutir. Ces précautions sont dictées par la loi mais surtout par la Convention européenne des droits de l'Homme.

1 A noter qu'en cas de refus par le contribuable d'accueillir une procédure de vérification de comptabilité, il s'expose à une taxation d'office et à des pénalités pour l'entreprise.

2 Connue avant la circulaire du 25 mars 2004 sous le terme « redressement fiscal »

3 Il ne peut pas être placé en détention (art. 113-5 CPP)

B. La preuve de l'atteinte à l'intérêt social

1) La constitution et la charge de la preuve : autonomie des deux notions

a) Les obligations qui incombent aux services fiscaux et judiciaires Lors de la découverte d'un acte ne semblant pas relever d'une gestion normale, l'administration doit être en mesure de prouver ses allégations puisque la charge de la preuve lui incombe sauf lorsque le contribuable refuse le dialogue. En dehors des cas où il existe un renversement de la charge de la preuve, la théorie de l'acte anormal de gestion a fait naitre des règles spécifiques en matière de preuves. Un arrêt de principe, rendu par l'assemblée plénière le 27 juillet 19841 dit « SA Renfort-Service » fixe les principes de charge de la preuve, complétés par la jurisprudence ultérieure. Par cette décision, le Conseil d'État pose le principe selon lequel l'appréciation de l'anormalité d'un acte est une question de droit et qu'il appartient à l'administration d'établir les faits qui lui ont permis de déduire l'anormalité. Elle ajoute en second lieu que pour les contribuables relevant de l'impôt sur les sociétés, la charge de la preuve dépend de la nature des écritures comptables : si l'acte s'est traduit par une écriture portant sur les charges, le fardeau de la preuve incombe au contribuable. En revanche, lorsque l'acte de gestion litigieux a été enregistré en comptabilité par une écriture sur l'actif, la preuve incombe à l'administration.

Le droit pénal ne connait pas toutes ces évolutions jurisprudentielles puisque la matière est régie par le principe de la liberté de la preuve sous réserve de l'utilisation de moyens licites, légaux et obtenus sans provocations2.

b) Les exceptions : présomptions et renversement de la charge de la preuve

La matière fiscale a connu une grande atténuation de la charge de la preuve avec l'arrêt « SA Renfort ». En effet, depuis cet arrêt, lorsque les actes litigieux portent sur dettes, amortissements, provisions ou charges, le contribuable doit être en mesure de pouvoir justifier ces dépenses dans leur principe et dans leur montant. Cet arrêt n'est cependant pas isolé puisque certaines dispositions législatives attribuent la charge de la preuve et même lorsqu'il est disposé à dialoguer

1 CE, 7ème, 8ème et 9ème sous-sect., 27 juillet 1984, SA Renfort-Service, req. n° 34588 : Dr. Fisc. 1985, n° 11, comm. 596 ; RJF 1984, n° 10, p. 562, concl. RACINE

2 Ce principe de liberté de la preuve est renforcée par l'absence de règles concernant le mode de preuve et par le principe de l'intime conviction du juge qui prévaut (art. 427, al. 1 CPP)

avec l'administration. Conformément aux dispositions de l'article 39-1-1° CGI1, le contribuable est dans l'obligation de pouvoir justifier des frais généraux et des dépenses personnelles.

Mais ce renversement légal est également prévu pour d'autres types de dépenses. Ainsi, l'article 39-1-2° dispose que les amortissements ne doivent pas excéder ceux généralement admis par le commerce ou l'industrie concernée2. L'article 39-1-5° CGI concerne les provisions qui ne peuvent correspondre qu'à des pertes et charges nettement précisés.

En raison du principe de légalité des peines et des incriminations et conformément au respect de la présomption d'innocence, le droit pénal d'admet qu'une seule exception qualifiée de « présomption simple » d'abus. Il s'agit d'une part, des détournements occultes ou illicites qui sont présumés avoir été réalisés dans l'intérêt du dirigeant, à charge pour lui de prouver que ses motivations étaient toutes autres et qu'il a entendu agir dans l'intérêt de la société.

2) L'appréciation de la mauvaise foi et des justifications de l'auteur a) Les justifications admises

Les justifications admises pour justifier l'anormalité d'un acte ou l'abus d'un dirigeant sont volontairement restreintes. Les débordements résultant d'une gestion risquée peuvent être amenés à atténuer l'application des notions. Ainsi, en droit fiscal la bonne foi du dirigeant ayant fait peser sur son entreprise des risques excessifs peut être de nature à écarter l'acte anormal de gestion et la rectification fiscale. A condition toutefois que cette bonne foi n'ait pas été anéantie par un entêtement déraisonnable3, où qu'elle ne nuise pas excessivement à l'intérêt social.

Dans le cadre d'un abus de bien social, les justifications tirées de la sauvegarde d'une des filiales ou d'une société-soeur est admise par la jurisprudence. La bonne foi de l'auteur de l'opération litigieuse n'est pas susceptible d'écarter l'incrimination. Enfin, la jurisprudence n'accorde a priori aucune importance à l'accord donné par les actionnaires étant entendu que le délit vise à protéger non pas l'intérêt des actionnaires mais l'intérêt de la société (qui constitue une combinaison d'intérêts, pas seulement ceux des actionnaires). De plus, « Nul ne peut autoriser une personne à commettre une infraction »4 et enfin seul le Ministère public dispose de l'opportunité des poursuites. Pourtant, l'accord des actionnaires dans le cadre d'une gestion de

1 Art. 39-1-1° CGI : « Toutes les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu »

2 On constate ici un des rares cas où la loi fiscal fait référence aux usages professionnels. Cf. Supra, p. 28 et s.

3 CE, 7ème et 9ème sous-sect., 27 février 1991, req. n° 69971, Cf. supra p. 18

4 MEDINA (A.), Abus de biens sociaux : prévention, détection, poursuite, DALLOZ, 2001, p. 122

type Corporate Governance pourrait amener à faire évoluer la jurisprudence et conduire le juge à atténuer la peine de l'auteur.

b) Les justifications non admises

Les justifications non admises sont nombreuses tant dans le cadre de la théorie de l'acte anormal de gestion que dans le domaine pénal de l'abus de bien social. La méconnaissance de la loi ne peut être admise conformément à l'adage « Nul n'est censé ignorer la loi » qu'elle soit pénale ou fiscale. Si cette maxime peut apparaitre évidente, elle ne constitue pourtant pas un argument inapproprié tant les connaissances des dirigeants de petites entreprises sont limitées concernant les risques pénaux et fiscaux pesant sur leur exploitation.

L'intérêt du groupe de société n'est pas invocable en droit fiscal, mais l'est en droit pénal1. De la même manière, les actes illicites conformes à l'intérêt social ne sont pas des justifications solides en droit pénal mais sont admises par le juge fiscal. Enfin, l'excuse tirée de la prescription est limitée : la rectification peut intervenir dans les trois ans précédents le contrôle et la prescription est triennale en matière délictuelle2. Le droit de reprise est étendu en droit fiscal en cas de fraude et est facilitée en droit pénal puisque la chambre criminelle a décidée que le point de départ de l'infraction ne débutait pas au jour de la présentation des comptes sociaux mais au jour de leur découverte lorsque les faits ont été dissimulés, même si connus par le commissaire aux comptes3.

II. Les solutions disparates de l'atteinte à l'intérêt social

Le sort de l'auteur de l'acte et de la société diffère là encore. Alors que l'acte anormal de gestion aura des conséquences aussi bien pour l'entreprise que pour le bénéficiaire, l'abus de bien social ne punit que le bénéficiaire des opérations délictueuses et jamais la société (A.) ; ces sanctions ont un impact différent suivant qu'elles concernent une petite structure ou une grande (B.).

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway