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L'univers techno de la teuf : entre marginalité et post-modernité

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par Noémie Lequet
Université Victor Segalen Bordeaux 2 - Maîtrise de sociologie 2010
  

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II- Parcours internes

Les différents parcours internes reflètent les options possibles pour chaque teufeur et les choix qu'il a fait par rapport à celles-ci. On se demande ici quels sont les différents degrés d'investissement dans le milieu et si cette intégration dans l'univers des teufs est un signe d'une éventuelle désocialisation ou désintégration de la société.

1- Investissement dans le milieu

Plusieurs facteurs permettent de déterminer le degré d'investissement des teufeurs. Ainsi, on s'intéressera à la fréquence des sorties, au mode de vie (sédentaire ou nomade), à l'appartenance à un collectif et à la vie en communauté technoïde.

Fréquence de sortie

Le premier indice de l'investissement dans le milieu que l'on peut retenir ici est la fréquence de sortie dans le milieu techno. Ainsi, les teufeurs interrogés se distinguent en deux groupes, ceux qui vont indistinctement à tous les événements de leur région et ceux qui choisissent en fonction des Sound Systems présents ou d'autres éléments.

Ainsi, ceux qui sortent en teuf tous les weekends au moment de l'entretien sont généralement les derniers entrés dans le milieu. Ainsi, c'est le cas de Roman et Lisa, respectivement « teufeurs » depuis 2 et 3 ans.

« Ça a tendance à être tous les weekends, même quand il pleut, même quand il fait froid, été comme hiver, ce n'est pas le temps qui nous arrête. » Roman

« Au début, c'était de temps en temps. C'était comme une grosse soirée que tu organises avec tes potes. Alors que maintenant, c'est tous les weekends. » Lisa

A l'inverse, ceux qui ne vont pas tous les weekends en teuf évoquent plusieurs raisons. Deux d'entre eux (Margot et Théo, entrés dans le milieu il y a 6 ans) évoquent le fait que la teuf n'est pas (ou plus ?) toute leur vie, qu'ils s'intéressent également à d'autres choses.

« J'aime bien y aller de temps en temps parce que ça me fait super plaisir mais je n'irais pas tous les weekends parce que ça n'aurai plus le même intérêt pour moi. Je ne me vois pas vivre dedans tout le temps, tout le temps à fond. [...] Je n'aime pas non plus que ça comme musique, je n'aime pas non plus que l'ambiance teuf. » Margot

« Pendant plusieurs années, comme j'étais plus jeune, j'y allais quasiment tous les weekends. Maintenant, j'y vais un peu moins souvent. [...] Ça occupe une partie de ma vie, mais ce n'est pas la vie. Il y a plein d'autres choses à faire et à découvrir. » Théo

Les autres pointent le fait que, même si ça a été le cas pendant leurs premières années dans le milieu, ils ne vont maintenant plus systématiquement tous les weekends en teuf. Principalement, ce sont les conditions climatiques qui les rebutent de plus en plus.

« J'étais pas l'accro de la teuf à y aller l'hiver sous la pluie. C'était l'été, c'était festif. » Denis

« Mais moi l'hiver j'hiberne, je me suis trop galéré à aller en teuf l'hiver, sous la pluie, finir plein de boue, partir à l'arrache à me peler le cul. C'est une période, je l'ai fait une fois, un hiver. » Dorian

« Je préfère sélectionner alors qu'autrefois, on sortait en plein hiver. »

Amaury

On le voit donc bien, si pour certain la sortie en teuf est devenue systématique le weekend, pour d'autres, elle reste une option parmi d'autres.

Mode de vie

Un second révélateur de l'investissement dans le milieu peut être relevé : le choix entre la sédentarité et le nomadisme traveller. Ainsi, certains des enquêtés reconnaissent ne pas encore avoir franchi ce qu'ils considèrent comme un cap. Ils cherchent à montrer en quoi ils se rapprochent du standard traveller.

« C'est vrai que l'on en a parlé avec Ben de partir avec un camion. Mais maintenant qu'il y a le petit... On n'a pas le camion qui ferait que l'on pourrait vivre avec un enfant. » Lisa

« Je ne suis pas traveller en camion, mais en avion. » Roman

Au contraire, il n'y a qu'un seul enquêté qui, à un moment de son parcours, a choisi la voie du nomadisme. Il en parle comme de la période où il est allé le plus loin dans l'expérience teuf.

« Moi je faisais teuf sur teuf. J'avais mon camtard, j'avais mon son dans le
camion, je partais dès qu'il y avait une info ou dès que j'avais mes potes qui
posaient, ou dès que je savais qu'il y avait un truc, je prenais mon camtard, mes

potes et on se cassait. » Alban

Alban

Je le rencontre par l'intermédiaire d'une connaissance commune. Alban me propose de « passer prendre l'apéro à la maison ». Je m'y rends donc un soir vers 22h. Quelques uns de ses amis sont présents. On s'isole dans sa chambre (ou sa salle de mixage, difficile à dire...) pour le temps de l'entretien, qui dure environ une heure. Il paraît assez gêné par la présence du dictaphone. Alban était très engagé dans le milieu avant de tout arrêter et de changer de vie. Lorsque l'on retourne parmi les autres et que la discussion se prolonge, beaucoup de ses proches semblent avoir du mal à accepter le passé d'Alban.

Le nomadisme traveller est donc un indicateur de l'investissement. En effet, prendre la route signifie bien souvent abandonner le mode de vie standard de la société et se rapprocher de la figure du « vrai teufeur » dont on a parlé dans la seconde partie. Il faut bien sûr relier ceci à l'importance du mythe Spiral Tribe dans l'univers techno. Reproduire le mode de vie des pionniers c'est se rapprocher de l'investissement total qui était le leur.

Appartenance à un collectif

L'appartenance au groupe informel d'un Sound System est aussi un indicateur de l'investissement dans le milieu free-party. Parmi les enquêtés, outre les « simples teufeurs », on peut faire un regroupement en fonction de l'avancement du Sound System. Ainsi, il y a ceux qui sont en passe d'en créer un, et ceux qui font ou ont fait activement partie d'un Sound System.

On remarque plusieurs étapes dans la formation d'un tel collectif. Parmi les enquêtés,

tous n'en sont pas au même stade.

« On a le notre [Sound System] à la rigolade... C'est la Cane à Sucre Family. »

Roman

« A Montendre, on pose du son tous seuls avec notre propre matos. Mais on ne se considère pas comme un Sound System. » Lisa

« Est-ce que je fais partie d'un Sound System ? Oui. On est en train de se créer. On commence doucement. On hésite encore sur le nom : NST 6tem ou La Clef des Champs. » Théo

« Ah, j'ai fait partie de plusieurs Sound Systems. [...] J'ai monté le Stand Family, mais ça n'a pas duré longtemps parce qu'on était que deux. [...] Et puis, j'ai rencontré les gens d'Arakneed et au bout d'un certain temps, ils m'ont proposé, par la qualité de mix que j'avais, de rentrer chez eux. » Amaury

Ici, l'investissement devient source de création. Comme on le verra dans le point suivant, c'est ce qu'Etienne Racine appelle la professionnalisation dans le milieu. La teuf n'est plus seulement un moment de détente, elle devient l'univers pour lequelle on développe de nouvelles compétences. Les teufeurs investissent ici du temps pour la teuf en dehors même de celle-ci.

Vie en communauté

Dernier indicateur relevé en ce qui concerne l'investissement dans le milieu, la vie en communauté avec d'autres teufeurs concerne quelques enquêtés.

« On avait un appart en colocation avec les autres gens du son. On partait en teuf tous les weekends. » Alban

« C'est vraiment la vie en communauté. Souvent, on est pas mal à dormir au
même endroit. On est tous ensemble depuis quelques années. On dort bien.
»

Théo

Qu'elle soit nomade ou sédentaire, la vie en communauté technoïde est une nouvelle étape dans le degré d'investissement. En effet, lorsque l'on vit avec les autres membres de son Sound System, ou même d'autres teufeurs, les moments de vie quotidienne deviennent euxaussi réglés sur le monde de la teuf.

2- Sentiment d'appartenance à la société

L'investissement dans le milieu de la teuf pourrait d'un premier abord faire penser à une désintégration de la société. En effet, le monde des rave-parties étant considéré comme particulièrement marginal par l'ensemble de la société, on pourrait penser qu'une compatibilité entre les deux n'est pas possible. Or, ce n'est pas ce que semblent révéler les entretiens menés pour cette étude.

Il faut noter que pour la plupart des teufeurs interrogés, cet investissement dans le milieu de la teuf ne dénote pas forcément un éloignement de la société globale. La majorité d'entre eux reconnait, directement ou indirectement, en faire partie.

« Tu as les teufeuses comme moi qui ont une vie entre guillemets normale à côté de ça, qui travaillent, qui ont des amis, qui font d'autres choses. » Margot

« Il y a 6 mois, j'ai passé le concourt de la douane. Et pourtant, je suis

amoureux des free-parties. Donc, il y a un moment où ça ne colle pas. [...] C'est pour ça que je suis en train de me poser plein de questions pour savoir ce que je vais faire. » Roman

« Est-ce que j'ai l'impression de faire partie de la société qui m'entoure... Oui et Non. Non, par mes convictions et mon mode de pensée. Et oui, parce que j'ai aussi une maison, je fais aussi mes courses et je vais au travail comme tout le monde. » Gaël

Le seul enquêté à reconnaître qu'il a, de par son investissement dans le milieu free-party, été déconnecté de la société qui l'entoure est Denis. Pour lui, arriver à faire la part des choses entre ces deux mondes relève de l'exploit. Et même si d'autres abordent également cette idée, il est le seul à avouer ne pas y être arrivé.

« Je tire mon chapeau aux teufeurs qui arrivent pendant des années à suivre la
teuf tous les weekends et paradoxalement la vie normale à côté. Moi je n'ai pas
réussi. Moi je suis tombé en plein dedans. Je ne pensais plus qu'à me défoncer.
»

Denis

Les teufeurs semblent donc dans l'ensemble assez intégrés dans la société. De leur participation plus ou moins poussée dans l'univers de la teuf ne découle donc pas nécessairement, comme on aurait pu le penser, un décrochage, une désocialisation.

Si désintégration perçue il y a, elle n'est d'ailleurs pas forcément considérée comme découlant de l'appartenance à un milieu marginalisé. C'est ce que relève Alban.

« J'ai quitté la teuf mais je reste un marginal. » Alban

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle