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L'univers techno de la teuf : entre marginalité et post-modernité

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par Noémie Lequet
Université Victor Segalen Bordeaux 2 - Maîtrise de sociologie 2010
  

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III- Phénomènes de distinctions internes

Ici, l'étude sera basée sur une analyse des stratégies identitaires de fans réalisée par Christian Le Bart (2004) à propos des fans des Beatles. Bien sûr, on n'est pas fan des free-parties comme on est fan d'un groupe de rock emblématique. Mais les cadres d'analyses utilisés par cet auteur peuvent être utiles dans la compréhension des phénomènes de distinction internes de l'univers des teufs.

Dans cet article, Le Bart cherche à montrer que, dans nos sociétés contemporaines, l'association de la recherche de singularité liée à l'individualisme et de la volonté d'appartenir à une communauté a des conséquences macro sociales. Pour lui, les phénomènes liés aux fans des Beatles peuvent être expliqués à l'aide de trois notions. Ce sont ces notions qui sont utilisées ici dans le but d'analyser les phénomènes de distinction qui existent à l'intérieur de l'univers de la free-party.

1- Différenciation

La première phase est la différenciation adolescente. Comme son nom l'indique, cette étape est liée à la période charnière qu'est l'adolescence dans la construction d'une personnalité propre à chaque individu. Le rejet et le conflit avec les différentes institutions (famille, école, ...) se manifeste. En effet, l'adolescent a besoin de créer sa propre personnalité et donc de s'éloigner des conduites dictées par les instances de socialisation. Ainsi, il cherche une spécificité qui le distingue. Entrer dans un univers considéré comme marginal apparaît alors, même si ce processus est inconscient, comme un bon moyen d'être différent. L'hostilité des parents et de l'école envers cette nouvelle caractéristique ne fait que renforcer le goût de l'adolescent pour cette différence. De plus, le contexte des années 90 et 2000 stigmatise particulièrement la vague free-party et techno. Face à cette méfiance spécifique, on comprend aisément un attachement spécifique à ce moyen de différenciation.

Un autre aspect de cette étape est la relation directe qu'entretient le teufeur avec la musique. Le jeune a alors l'impression que la musique lui révèle sa personnalité profonde. Il ne fait plus alors qu'écouter la musique mais il l'a vit. Il faut souligner ici que la place du mythe Spiral Tribe élevé en exemple à suivre favorise l'identification des fans. Il a en effet l'impression de vivre la même histoire.

2- Dé-différenciation

La deuxième phase est ce qu'appelle Le Bart la dé-différenciation. Elle se fait au niveau des copains, des soirées rave ou free-party, etc. Le nouveau teufeur, en cherchant à se différencier, apparait alors aux yeux des autres comme trop différent. Il devient isolé et désintégré. Plusieurs options s'offrent à lui pour reconstruire son intégration. Il peut renoncer à sa passion, la reléguer à la sphère privée afin qu'elle ne transparaisse pas dans l'univers social, ou chercher à s'intégrer dans une communauté de semblables, de teufeurs.

L'appartenance à une communauté permet de se retrouver dans un univers dans lequel la justification sociale de la passion n'est plus nécessaire. Ce monde à part qualifie donc sans isoler puisqu'il est intégrateur. C'est à la croisée entre un sentiment de différence important et un sentiment d'appartenance à une communauté que l'optimum de différenciation est provisoirement atteint.

Mais certains éléments comme la réalité du nombre de teufeurs lors d'un teknival fait réaliser à l'individu sa « monstrueuse » ressemblance aux autres adeptes de free-parties. Il se sent alors noyé dans une foule d'inconnus et le sentiment de relation particulière à la musique n'existe plus. Il se sent alors « monstrueusement semblable ».

3- Différentiation dans le milieu

La dernière phase est la différenciation dans le milieu. Le but est alors de se différencier dans l'univers free-party. Les particularités du monde de la teuf renforcent le processus à l'oeuvre. En effet, la multiplicité de ce monde permet de se faire une place originale à l'intérieur de celui-ci. Il s'agit donc d'une grande famille qui ne dissout pas l'individu dans la masse.

Naît alors une compétition amicale entre les teufeurs. Le but est de se sentir le meilleur des teufeurs et de le prouver aux autres. Il ne s'agit pas réellement d'une recherche de hiérarchie mais plutôt de singularité. En effet, « le positionnement dans l'oeuvre s'affine jusqu'à différencier, l'identité est à ce prix » (Le Bart, 2004). Chacun a donc sa façon de s'approprier cet univers culturel, à travers une attitude ou le choix de ses sorties par exemple. Mais il faut noter que la personnalité de teufeur n'est pas aléatoire, elle cherche à rester en concordance avec la personnalité « publique ».

Christian Le Bart construit ensuite des idéaux-types de postures de fan en fonction de deux critères : les modes d'accomplissement de la passion (être, faire ou avoir) et leur caractère légitime ou stigmatisé. L'adoption d'une de ces postures singularise le fan, mais

c'est aussi la vision qu'il a des

autres postures

Etre

qui le singularise.
Faire

Avoir

Posture légitime

Esthète

Créateur /
Compositeur

Expert / Erudit

Posture
stigmatisée

Fan / Groupie

Imitateur

Collectionneur

Il faut remarquer qu'il s'agit d'idéaux-types et donc que chaque fan ne correspond jamais entièrement à une seule de ces postures, il s'agit de bricolages identitaires. Bien sûr, en ce qui concerne les free-parties, la « fan attitude » étant très peu valorisée, les postures qui découlent de cette construction sont sensiblement différentes. On peut cependant dresser un tableau reprenant des exemples de comportements pouvant entrer dans les différentes catégories.

 

Etre

Faire

Avoir

Posture légitime

Y va
essentiellement
pour la
musique

Faire partie
d'un Sound
System

A des années
d'expérience, peut
être le mentor d'un
nouveau

Posture
stigmatisée

Passe tout son

temps sous
drogues devant
le mur de son

N'est que
spectateur et
non
spect'acteur

Collectionne les
flyers ou les images
23 (Spiral Tribe)

Une autre distinction, qui n'était pas possible pour les fans des Beatles, peut se faire dans le monde de la free-party. En effet, si un fan des Beatles reste un fan des Beatles, un amateur de free-parties peut être adepte de différents styles musicaux, que ce soit de la jungle*, de la hardtek, de la hardcore... Ainsi, certains styles sont stigmatisés comme étant porteurs d'attitudes négatives ou excessives.

« Je ne vais pas plus loin que la hardtek, tout ce qui est hardcore, frenchcore, ce n'est pas que je ne veux pas, c'est que je ne peux pas. » Lisa

« Ce weekend c'était les Débraillés [hardcore]. Rien qu'au nom, ça ne sert à rien, je n'y vais pas. » Lisa

« Moi qui adore le hardcore, je déteste le speedcore tu vois. Le speedcore c'est trop articulé. » Denis

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