IV- Evolutions
Les pratiques techno, au bout d'un certain temps passé
à évoluer dans le milieu, ont tendance à s'orienter, comme
le montre Etienne Racine, vers deux options principales. D'un
côté, certains technoïstes diminuent leurs sorties en teuf et
finissent par ne plus y aller du tout : c'est la retraite. De l'autre, la
simple pratique de spect'acteur ne suffit plus au technoïste qui
tend à avoir des activités liées au
phénomène techno (organisation de soirées, mixage DJ,
création graphiques, jonglerie...). Il devient un technoïde. C'est
ce que Racine appelle la professionnalisation.
1- Sortie du milieu : la retraite
Comme on peut s'en douter, pour la grande majorité des
teufeurs, leur expérience dans l'univers techno prendra fin à un
moment ou à un autre, malgré le fait qu'il existe quelques
teufeurs ne faisant pas partie de la classe d'âge des jeunes. La question
est de savoir pourquoi et comment.
Trois des teufeurs interrogés ont finalement choisi la
voie de la retraite pour des raisons diverses. Alban, 27 ans, qui était
plutôt très intégré dans le milieu de la free-party,
a diminué sa fréquentation de teufs de manière brusque
dans le but de se sevrer. Pour lui, l'un n'était pas possible sans
l'autre.
« S'il n'y avait pas toutes les drogues qui
tournaient, c'est sûr, j'y serais encore. Mais moi je n'arrivais pas
à aller en teuf sans rien prendre. [...] J'ai
arrêté, j'ai coupé les ponts avec tout le monde. Je me suis
exilé, j'ai quitté Bordeaux pendant 2 ans. » Alban
Gaël, 25 ans, a lui aussi arrêté de
manière brusque, mais moins voulue ou consciente. C'est un
déménagement lui faisant perdre ses contacts dans le milieu qui
l'entraine à ne plus fréquenter d'événements
techno. En effet, l'importance pour lui n'était pas tant la musique que
les personnes présentes.
« Il y a 5 ans, je suis parti et du coup j'ai perdu tout
les contacts que j'avais. Et donc je vais beaucoup moins en teuf. »
Gaël
Le dernier teufeur interrogé à avoir
quitté le monde des free-parties est Denis, 25 ans. Pour une raison
qu'il ne s'explique pas, il a arrêté lorsqu'il a perdu son
travail. De toute manière, comme il le dit lui-même, c'est un
univers qui ne lui convenait pas.
« Et petit à petit, j'ai lâché le
boulot et le reste. Et après c'est bizarre parce que quand j'ai
lâché le boulot, après je suis plus allé en teuf.
[...] Je n'en ai plus jamais refait. Ça ne m'attire pas.
» Denis
Gaël
Il est le frère d'une connaissance et est de passage
sur Bordeaux lorsque nous faisons l'entretien dans mon appartement. Le contexte
n'a pas favorisé l'échange. Ils m'attendent en terrasse avant que
l'on aille chez moi. Sa copine est présente. Ils sont assez
pressés. On ne peut donc pas installer un climat de confiance
agréable avant de commencer l'entretien. On s'installe dans la cuisine,
il pleut dehors. Sa copine, ne voulant surement pas rester seule, tient
à être présente. Au final, l'entretien ne durera qu'une
demi-heure. Gaël semblait vraiment réfléchir avant de donner
chaque réponse pour en dire le maximum en un minimum de phrases.
2- Professionnalisation
Ceux qui ne quitteront pas l'univers de la teuf la feront
cependant évoluer, ils se professionnaliseront à
l'intérieur même de celle-ci. C'est le cas pour trois des teufeurs
interrogés, dont on a déjà parlé quand à
leur investissement particulier dans cet univers.
Pour Théo, c'est le début d'une nouvelle
étape. Au contraire, Amaury est dans la professionnalisation depuis une
dizaine d'années. Quand à Alban, après avoir vécu
cette période de professionnalisation, comme on l'a vu, il a
quitté le milieu.
« Je mixe. Je ne suis pas un érudit mais
j'espère que je vais m'améliorer au fil du temps et avoir un
peu moins le trac de le faire en soirée. [...] Et
puis souvent, je vais jongler avec le feu histoire de mettre un peu
d'ambiance. »
Théo
« Et immédiatement, quand j'ai connu le
côté de la teuf, j'ai tout de suite aussi connu le
côté de la création, de la façon de faire de la
musique. Aujourd'hui, ça fait une dizaine d'année que je fais
partie d'Arakneed. » Amaury
« On partait avec nos camtards pour aller poser du son.
» Alban
Théo
Il est mon premier contact dans le monde de la teuf. Il a 22
ans, fait des free-parties depuis six ans et est en train de monter un Sound
System dans la banlieue de Chartres, La Clef des Champs
(ou NST 6tem). L'entretien se
déroule dans les zones d'herbes sur les quais, le lendemain du concert
punk des Salles Majestés qu'ils sont venus
voir à Bordeaux. Leur train pour Chartres partant une heure et quart
après le début de l'entretien, je lui demande de ne pas trop
s'épancher, sachant qu'il est très bavard. L'entretien durera une
heure.
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