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L'univers techno de la teuf : entre marginalité et post-modernité

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par Noémie Lequet
Université Victor Segalen Bordeaux 2 - Maîtrise de sociologie 2010
  

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PARTIE 3 - PARCOURS TECHNOÏSTES

« Beaucoup de gens, peu d'idées, et comment faire pour nous différencier les uns des autres ? »

Milan Kundera

Cette partie a pour but de comprendre quelle place prend l'univers de la teuf à l'échelle d'une vie. On regardera ici de plus près aux trajectoires individuelles des enquêtés afin de mettre en évidence des similitudes et de comprendre quels processus en sont à l'origine.

On utilisera dans cette partie deux termes proposés par Lionel Pourtau, celui de technoïste et celui de technoïde, afin de faciliter la compréhension. Si technoïste est un « terme générique pour désigner les personnes faisant partie de la subculture liée aux fêtes techno » (Pourtau, 2009), la notion de technoïde relève d'un degré d'investissement assez prononcé dans cet univers et concerne « ceux pour qui l'identité se décline essentiellement autour de ce mode communautaire [des Sound Systems] » (Pourtau, 2009).

Dans un premier temps, une attention particulière sera portée aux modes d'entrée dans le milieu de la free party, puis aux degrés d'investissement dans celui-ci. Une partie sera consacrée à l'étude des phénomènes de distinction internes. Enfin, on essaiera de comprendre quelles sont les évolutions possibles pour les teufeurs.

I- Processus d'entrée dans le milieu

Il existe plusieurs portes pour entrer dans le milieu de la free-party. On montrera donc que les teufeurs ont emprunté des chemins différents pour arriver à leurs premières expériences teuf. Ces options ne sont pas sans conséquences sur leurs choix à l'intérieur de ce milieu et la suite de leur parcours. Mais d'abord, on notera premièrement un point commun entre les enquêtés dans leur histoire précédent l'entrée en free-party.

1- Un passé commun : l'école

Même si cette période de la vie des enquêtés ne fait pas à proprement parlé partie de leur expérience de technoïstes, il faut noter, tant cela revient dans les entretiens que la plupart font état de difficultés dans le système scolaire.

« Je n'ai jamais été un grand passionné des cours. [...] Je n'étais pas la science infuse. » Roman

« Alors, l'école... ça a été compliqué. [...] Aujourd'hui, je suis peintre en bâtiment. » Margot

« J'ai toujours été contre l'école. Et je m'en suis toujours bien sorti, je m'en sors toujours bien parce que je suis autodidacte. Je n'étais pas un cancre, mais j'étais au fond de la classe. » Alban

« L'école j'étais très nul, je n'aimais pas ça. » Gaël

« Ça ne se passait pas super mal, mais ça ne se passait pas super bien non plus. Je m'en sortais comme je pouvais. » Théo

Dans le même ordre d'idée, un des enquêtés parle d'une préadolescence particulièrement difficile l'ayant peut-être poussé à rencontrer ce milieu.

« J'ai eu une enfance pas très cool, parce que j'ai pas mal de problèmes de santé. » Dorian

Sans vouloir faire de généralités à partir des quelques entretiens menés, il est donc intéressant de noter que pour une grande majorité des enquêtés, la période de l'enfance et de l'adolescence ont été accompagnées de difficultés scolaires ou personnelles.

2- Première voie d'entrée dans la teuf : la musique

Le premier élément de biographie qui peut amener un individu à intégrer l'univers techno est le goût pour la musique électronique en général, puis pour ses versants les moins commerciaux joués en free-parties. Ce premier chemin emprunté par les teufeurs, comme les autres, ne sont pas exclusifs les uns des autres.

En effet, pour un nombre important d'enquêtés, l'attirance vers la musique électronique est le principal facteur déterminant leur première sortie en teuf.

« Depuis tout petit, j'aime bien la musique électronique, ça a toujours été le style musical que j'appréciais. » Roman

« Le style musical de la teuf, j'y ai été mise hyper jeune. » Lisa

« J'ai baigné dans le son depuis que je suis gamin. J'ai commencé à mixer avec de vieux vinyles avant d'aller en teuf. » Alban

« J'ai commencé à écouter depuis ma tendre enfance tout ce qui était à base de
musique électronique.
[...] J'étais encore jeune et je ne connaissais pas

spécialement le milieu de la teuf. J'avais entre douze et treize ans. » Amaury

« Ça faisait depuis l'âge de 12 ans que j'écoutais de la techno commerciale à la radio. [...] J'ai rencontré une personne qui m'a fait écouter du son. Trop bien ! C'est la musique que j'ai envie d'écouter depuis que je suis tout petit ! Première teuf ensuite... » Dorian

Ainsi, une part importante des personnes interviewées dénote d'une sensibilité particulière pour cette musique dès le plus jeune âge.

3- Deuxième voie d'entrée dans la teuf : les amis

Pour une part importante des enquêtés, un des éléments déterminants de leur entrée dans l'univers des teufs est apporté par des connaissances, plus ou moins proches. En effet, c'est souvent l'un d'entre eux qui les amène pour la première fois en teuf. Ici, la sensibilité pour le milieu arrive après la première sortie.

Ainsi, pour ceux qui ne sont pas entré dans leur parcours technoïste par la voie de la musique électronique, le facteur déterminant est dans la grande majorité des cas la rencontre de teufeurs les emmenant en teuf.

« Par ma soeur, son copain de l'époque était un teufeur. Et puis après, j'y suis
allée avec mes potes aussi. Et puis j'ai continué parce que ça m'a plu.
»

Margot

« Et puis, de fil en aiguilles, j'ai rencontré des gens qui mixaient, et je suis parti en teuf. » Alban

« C'est lui qui va être, entre guillemets, mon mentor, qui va me montrer comment fonctionne le mix. Ça a été mes premières teufs. J'avais 17 ans. » Amaury

Pour d'autres, ce n'est pas une rencontre mais la découverte du milieu par des amis ou des proches qui les propulse dans leur première teuf.

« C'est par mes amis. C'est eux qui m'on fait découvrir ce milieu là. [...] Et en fait, de suite j'ai accroché. » Roman

« Grace à mon homme. De lui-même un jour il a voulu essayer. On en avait entendu parler, on connaissait par les médias. Et puis un jour, il y est parti tout seul un soir. Il en a fait pendant bien 6 mois où je ne l'ai pas suivi. Et de fil en aiguille, dès que l'on peut faire garder le petit, moi je suis. Et j'adore ! » Lisa

« On m'a emmené là-bas. Des copains. Ça m'a bien plu. J'y suis retourné. »

Théo

On remarque donc que ce n'est pas simplement la musique jouée qui attire les futurs teufeurs, le lien qu'ils entretiennent avec leur « mentor » est un élément décisif dans leur parcours.

3- Troisième voie d'entrée dans le milieu : l'attrait pour la marginalité

Quelques uns d'entre eux avouent aussi avoir été attirés par l'aspect marginal de cet univers. Ils ont respectivement été à leur première teuf à 16, 19 et 18 ans, à une période charnière de la vie, la fin de l'adolescence.

« Je n'avais pas envie de rentrer dans le système. Je trouvais ça assez honorifique que cette musique reste hors du système. » Théo

« Je n'arrivais pas à me mettre dans le moule, ce n'était pas mon truc. [...] Et être teufeur c'est aussi être en marge de la société. » Lisa

« C'est juste une volonté à un moment donné d'avoir un autre mode de vie et des goûts complètement différents de ceux de la plupart des gens. » Gaël

Ainsi, pour eux, entrer dans l'univers de la free-party et devenir teufeur était également un moyen de se différencier de la majorité, d'avoir l'air et de se sentir différent.

4- Un parcours original : la drogue

On l'a vu, il y a plusieurs voies d'entrée dans le monde de la free-party qui peuvent se combiner. Ainsi, plusieurs d'entre elles peuvent avoir été déterminantes pour un seul et même teufeur. Une dernière voie existe, celle de l'attrait pour la drogue que l'on peut y trouver.

Un seul des enquêtés, Denis, semble considérer cet aspect comme particulièrement important. C'est la drogue et la recherche de la défonce qui le poussent à aller dans ses premiers événements techno.

« J'ai recommencé à faire ma première teuf tout seul assez tard, vers 18 ou 19 ans. Et là j'ai accroché mais parce que là d'entrée... enfin, dans ma vie réelle, j'étais déjà plus arraché. J'étais en décalé. [...] C'était la musique et faut pas se cacher non plus la drogue aussi. La facilité de prendre des produits quand tu veux. » Denis

Denis

Il a 25 ans lors de l'entretien. Son parcours dans les teufs est terminé depuis 3 ans (il avait commencé à 19 ans). Je l'ai rencontré par l'intermédiaire de son travail de soudeur. L'entretien s'est déroulé un dimanche matin en terrasse, sur les quais. Denis avait l'air assez à l'aise, même en présence du dictaphone. L'entretien a duré environ une heure et quart. Denis ne s'est jamais considéré comme teufeur, il n'avait pas l'état d'esprit. Il voit cette expérience comme une mauvaise passe dans sa vie. Il est content d'en être sorti. Son truc, c'était les teufs hardcore. A la fin de l'entretien, il s'étonne lui-même d'avoir tant parlé.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon