E. Annonce du plan
Notre étude qui vise à démontrer la
transformation de la souveraineté à l'oeuvre dans le cadre de
l'EITI, ce qui traduit la dynamique de l'Etat impliqué dans des
transactions collusives avec les ONG et les firmes multinationales, se
structure en deux parties. D'abord, une première partie qui se
développe autour de l'idée de la multiplication des acteurs de la
scène internationale, ce qui est au fondement de la cohabitation des
ordres privé et étatique. Cette partie comporte deux chapitres.
L'un sur la rémanence de la pertinence du système westphalien
incarné par les Etats, et le second qui démontre par le
truchement de EITI, la cascade des autorités par l'émulation des
acteurs privés. La seconde partie du travail quant à elle,
développe une idée qui est consubstantielle à la
première, à savoir le développement des
problématiques éthiques (chapitre 3) par les acteurs multiples,
dans les conditions de responsabilité. Mais cet investissement des
« marchés de la pitié » occulte fort mal la persistance
de l'intérêt comme motif d'action dans la conduite des acteurs.
Telle est la substance du chapitre 4. Toutes choses par ailleurs qui concourent
à la démonstration de la
1 Lire par exemple Dionyssis Dimitrakopoulos «
Norms, strategies and political change » European Journal of
International Relations, vol. 14(2) : 319-342, 2008.
2 Finnemore et Sikkink (1998) op. cit P.
888
3 Lire à ce propos: Julian Go « A
globalizing constitutionalism? Views from the postcolony 1945-2000 »
International Sociology, vol.18 (1): 71-95, 2003.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 65 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
transformation de la souveraineté en une
souveraineté responsable, par l'excroissance des acteurs et par la
prévalence des interactions complexes autour d'une « éthique
de la responsabilité convaincue ».
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
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PREMIERE PARTIE :
L'excroissance des intervenants dans la
politique
internationale : Examen de la transformation
de
la souveraineté sous le prisme de
l'Extractive
Industries Transparency
Initiative.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 67 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
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L'inquiétude de certains auteurs devant les flux de la
mondialisation qui ont fragilisé la souveraineté des Etats a
porté son écho jusqu'aux extrémités de l'univers
scientifique. Ce qui a eu pour impact, d'attirer l'attention des chercheurs sur
les fortunes de la souveraineté, afin d'examiner la portée
réelle de la globalisation sur les sanctuaires territoriaux. Le
foisonnement des acteurs de moult natures sur l'espace-monde constitue en
même temps qu'une source d'étude, une nouveauté à la
faveur de la rupture des contraintes imposées par un fonctionnement
bipolaire du monde. Le monde post-Guerre Froide et post-2001 se
caractérise par l'émulation d'acteurs nouveaux pour la conduite
des affaires devenues globales1. La sécurité d'un Etat
ne relève désormais plus de sa seule compétence exclusive,
ni encore moins de sa politique étrangère stricto sensu.
Et, même sur le plan interne, le monopole de la contrainte physique et
symbolique n'est plus du seul ressort des gouvernements en tant qu'ils sont
l'incarnation des Etats. Des acteurs jadis inféodés à
l'Etat, sont devenus très pertinents en gagnant leur locus
standi du fait de leur expertise ou de leur connaissance des terrains
d'action. La complexification des problèmes a entraîné une
complexification des solutions, de par les intervenants qui sont mis à
contribution et de par les mécanismes préconisés. L'on est
passé à de nouvelles formes de diplomatie qui laissent penser
qu'il y a la « transformation de l'équilibre nous-je ».
Nombre de faits laissent perplexe devant la
souveraineté. De l'intérieur, le bal des entrepreneurs
identitaires de toutes sortes fait croire que les fondations de l'Etat sont
menacées d'écroulement. Face à ces crises internes, il y a
les multiples signes d'irrévérence des border spanners
qui transgressent les lois de la territorialité. Ce serait
précisément faire preuve de cécité que de ne pas
voir ces logiques nouvelles. De même, ne pas prêter l'oreille aux
analyses des auteurs qui attirent l'attention sur ces bouleversements serait
faire preuve d'une surdité coupable pour l'avancement de la science.
Cependant, la démultiplication des facteurs et l'irruption de nouveaux
acteurs constituent-ils des arguments en faveur de l'exécution du
requiem de la souveraineté ? Sommes-nous parvenus à la
fin de l'histoire de la souveraineté ? Nous pensons que la profusion des
acteurs est un fait. L'Extractive Industries Transparency Initiative
est un des espaces qui démontrent précisément
l'excroissance des intervenants dans la politique internationale contemporaine.
Mais, il est aussi le signe de la
1 Bertrand Badie appelle cela la revanche du social
et la caractérise par la coloration sociale des enjeux internationaux
qui deviennent de moins en moins politico-militaires, et la présence des
acteurs sociaux sur la scène internationale. Badie B, La diplomatie
des droits de l'homme, op. cit. p. 237, mais également, Badie B.
Le diplomate et l'intrus, op. cit.
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en Science Politique présentée à l'Université de
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survie de l'Etat. Aussi, nous entreprenons dans le cadre de
cette première partie, d'abonder dans le sens d'une excroissance des
intervenants dans la politique internationale. Ce faisant, nous accorderons
à l'Etat une place de choix dans la mesure où nous
récusons l'hypothèse de la fin de la souveraineté mais
parlerons de sa transformation à la suite des travaux de Bertrand Badie,
c'est l'Etat qui dans son redeploiement, est le symbole de cette transformation
(chapitre 1). Ensuite, nous accorderons un espace à quelques autres
intervenants, en l'occurrence les ONG et les industries extractives en tant
qu'acteurs (chapitre 2). Tout cela, pour dire qu'en dépit de la
coalescence des acteurs dans la politique internationale, l'on n'assiste pas
encore à la fin de la souveraineté. Mais la réalité
de la multiplication des acteurs est immuable et a justifié les
interrogations sur les fortunes de la souveraineté. La politique
internationale est devenue si complexe qu'elle a cessé d'être
l'espace de l'interétatisme qui au passage, acceptait de temps à
autre de prendre des avis des amici curiae que sont les acteurs
privés. L'on est en présence d'une transformation de la
souveraineté et partant, des modes d'action sur la scène
internationale.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des industries extractives : la dialectique de la
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en Science Politique présentée à l'Université de
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Chapitre 1 : EITI et le redéploiement de
l'Etat, une lecture stato-centrée de la transparence des industries
extractive ou l'affirmation de la pertinence du système
étatique
La mondialisation n'est pas l'occasion d'une révolution
brutale qui aurait entraîné la dilution des anciens acteurs dans
les nouveaux, ni leur évanescence face à l'irruption des nouveaux
intervenants. L'Etat est un acteur ancien de la scène internationale qui
aurait laborieusement vu le jour entre le XIVème et le
XVème siècle en Europe. L'EITI est un espace qui
démontre primo facie la persistance de cet acteur
séculaire sur la scène internationale, mais un acteur qui se
redéploie face aux contraintes de la mondialisation. Il se
redéploie seul (section I) ou en groupe (section II) dans les espaces
autres que celui de sa genèse et en cela, il est un et multiple tout
à la fois. En se projetant, il se laisse capturer par les lieux
exotiques, îles d'escale de son odyssée1.
SECTION 1: Déploiement d'un Etat-fluide dans la
transparence des industries extractives : entre universalisme et
autochtonie.
La transparence des industries en tant qu'initiative est
l'espace d'une démonstration de la « statolité »
affirmée, établie et même rebelle. L'Etat est une
réalité historique qui laisse transparaître deux types de
contrastes dès lors qu'il est pensé en rapport avec les espaces
autres que celui de son origine. En effet, discourir sur la pertinence de
l'acteur étatique sur la scène internationale en s'appuyant pour
cela sur l'initiative, c'est envisager l'Etat comme une réalité
molle, un Etat-fluide. L'exigence de sa fluidité naît à la
congruence de la spécificité de son aire de germination et de la
particularité des espaces convoités de son implantation. La
double extranéité de l'Etat par rapport à l'Afrique par
exemple (mais aussi à l'Asie et à l'Amérique latine)
suppose que celui-ci a été introduit depuis l'Occident et
s'appuie sur un archétype unitariste2 qui est impropre
à la terre de Toumaï où la communauté relève
de l'identité. L'initiative offre ainsi, l'occasion de
l'appréhension de l'Etat dans des
1 Etienne Le Roy parle de l'Odyssée de
l'Etat pour signifier son errance, à l'image d'Ulysse errant sur les
mers. Ce périple de l'Etat est multi-centenaire et l'actualité
laisse penser qu'il sera pendant un temps encore, l'organisateur de la vie en
communauté et dans la société. L'Etat n'est
décidément pas inutile. Lire Etienne Le Roy «
L'Odyssée de l'Etat » Politique africaine, n°61 mars
1996 pp.5-17
2 Le Roy pense en effet que l'Etat dans son errance
a de temps à autre effectué des terrages sur des espaces qui
n'ont pas de base unitaire mais plutôt, sont des sociétés
communautaristes. Pour cela, seule l'indigénisation permet
l'évitement d'un échec de la transposition des dispositifs
occidentaux tels quels. Le Roy op. cit. p.8-11
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
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circonstances de temps et de lieux. Clifford Geertz
s'intéressant à l'Etat à Bali1 a remis en cause
le schéma weberien de l'Etat très rationaliste qui ne s'encombre
pas des éléments indigènes qui font vivre l'institution.
L'impersonnalité de l'Etat en tant qu'institution
dépouillée des ivresses de la théatocratie2 et
des rites exotiques a nourrit l'illusion identitaire3,
reléguant dans la catégorie des Etats flanqués d'une
épithète, l'Etat ailleurs4.
L'espace de la mise en oeuvre de l'initiative est une
mosaïque de peuples, de cultures, de terroirs regroupés sous le
vocable de l'Etat. Cette diversité va certainement informer les nuances
dans la réception de l'initiative. L'Etat de l'EITI est un, mais
multiple tout à la fois. Celui qui met en oeuvre l'initiative et celui
qui la soutient ; celui issu de la colonisation et celui qui fut colonisateur ;
celui en voie de développement et celui développé.
Paragraphe I : Croquis d'une catégorie
créole: le site de la mise en oeuvre de l'Initiative de Transparence des
Industries Extractives ou la pertinence du baroque.
Il s'agit de penser que l'examen des sites de la mise en
oeuvre de l'initiative en tant qu'ils révèlent la
prégnance de l'acteur étatique, passe par une
démonstration du binôme territorialité-autorité
comme exclusivité de l'Etat (A). De plus, un voyage au coeur des espaces
territoriaux divers et variés de la mise en oeuvre constituera
l'argumentation matérielle en faveur de cette allégation (B).
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