A. L'espace de la mise en oeuvre : territorialité et
autorité de l'Etat
1. Territorialité et autorité : des notions
centrales mais relatives
L'Etat procure à l'initiative l'espace de sa mise en
oeuvre parce que la territorialité est un attribut exclusif de l'Etat ou
des regroupements étatiques. Si l'on peut avoir des territoires
1 Geertz Clifford (1983) Bali. Paris :
Gallimard
2 C'est d'ailleurs pensons-nous, l'illustration
d'un ethnocentrisme d'un genre vicieux. Lorsque la politique se donne en
spectacle en occident, nul ne démontre qu'il s'agit peut-être d'un
trait inhérent au pouvoir que de se donner à voir dans les signes
et les symboles. Ainsi, seulement de cette façon on ne taxera plus de
tropicalisme les messes politiques dans les contrées autres que
l'occident. D'ailleurs, comme le montrent des auteurs tels que Marc
Abélès (2007) Le spectacle du pouvoir. Paris : l'Herne,
Roger-Gérard Schwarzenberg (1977) L'Etatspectacle. Paris :
Flammarion. Claude Rivière (1988) Les liturgies politiques.
Paris : PUF, la politique admet toujours une dose élevée de
symbole, de spectacle et de rites.
3 Bayart Jean François (1996) L'illusion
identitaire. Paris : Fayard
4 Pourtant, comme semble le penser la professeur
Sindjoun, l' « Etat ailleurs » relève de la
spécificité car il est fortement marqué du sceau de la
société qui l'abrite, tant il est socialisé par celle-ci
en même temps qu'il étatise la société. L'Etat
pense-t-il, est banal car il est fonction des usages et des investissements des
acteurs compte tenu des enjeux locaux. Sindjoun Luc (2002) L'Etat ailleurs
: Entre noyau dur et case vide. Paris : Economica
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
sans Etat1. Il n'existe pas d'Etat
atérritorial. C'est ce qui fait dire à Carré de Malberg
que : « le territoire ne fait pas partie de l'avoir de l'Etat, mais de son
être2 ». L'Etat est différenciation
c'est-à-dire constitution d'une classe en face de la
société3 mais il est aussi et surtout un territoire.
Les théories du territoire peuvent être regroupées autour
de quatre mouvements. D'abord, le territoire comme élément
constitutif de l'Etat c'est-à-dire qu'il faut un territoire pour le
développement normal de l'Etat. Cette conception a motivé la
pensée des pères de la géopolitique tels que Kjellen et
Friedrich Ratzel. Le territoire est aussi l'objet de la souveraineté de
l'Etat, en tant qu'il est objet d'un imperium et celui d'un
dominium. Le territoire est par ailleurs la marque de la limite entre
`eux' et `nous' dans une perspective de démarcation de l'aire de la
souveraineté. C'est pourquoi le territoire est en dernière
analyse le titre positif de l'exercice de la compétence des
compétences. Cette composante de l'Etat qui suscite des
définitions les plus diverses possibles en fonction des disciplines et
des sensibilités, est incontournable dans l'affirmation de la
statolité. Gérard Bergeron rappelle que « par dessus tout,
il importe de ne jamais oublier le territoire dont on peut dire au sens premier
qu'il supporte tout le reste et qu'il est la donnée la plus
déterminante et la plus constante ne serait-ce que par son inertie
»4. S'agissant des industries extractives, nul ne peut
prétendre à l'analyse de l'initiative y relative en minorant
l'essence primordiale de l'Etat en tant que territoire qui est le cadre
munificent d'exploitation des ressources. En effet, les richesses du sol et du
sous-sol dont les revenus sont au coeur de l'initiative sont
précisément localisées dans le territoire des Etats. Ce
territoire comprend aussi bien la terre ferme que la mer jusqu'aux limites des
eaux territoriales d'un Etat. L'on peut y ajouter les zones économiques
exclusives (ZEE) qui ont un régime juridique particulier en raison des
articles 55 et 56 de la convention de Montego Bay5. Les plateformes
pétrolières offshore en haute mer et dans les eaux
territoriales des Etats, les sites d'opérations onshore mais
aussi les mines
1 Les cas de la Palestine et de l'Antarctique
encore que pour ce qui concerne ce dernier territoire, les Etats dans leur
folie pétrolière sont en train d'étendre sur lui les
attributs de leur autorité. Ainsi, la Russie a implanté son
drapeau dans les profondeurs de l'antarctique en 2008, elle pourrait bien
être suivie en cela par d'autres puissances.
2 Carré de Malberg Raymond (1985)
Contribution à la théorie générale de
l'Etat. Paris : CNRS (une réimpression des Editions Sirey) volume
1. p.4
3 Pierre Clastres pense qu'il faut discourir sur la
société sans la rattacher systématiquement à
l'Etat. C'est à ce prix qu'il veut initier une nouvelle anthropologie
qui considère les sociétés comme des
réalités autonomes, prenant ainsi ses distances de
l'Etat-glouton. Clastres Pierre (1974) La société contre
l'Etat. Paris : Minuit
4 Bergeron Gérard (1990) Petit
traité de l'Etat. Paris : PUF p.12
5 L'article 56 dit notamment : « Dans la zone
économique exclusive, l'Etat côtier a 1) des droits souverains aux
fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des
ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux
fonds marins et de leurs sous-sols, ainsi qu'en ce qui concerne d'autres
activités tendant à l'exploration et à l'exploitation de
la zone à des fins économiques, telles que la production
d'énergie à partir de l'eau, des courants et des vents ».
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
diverses pour les pierres précieuses sont
abrités soit par le sol et le sous-sol des Etats, soit par leurs eaux.
Le territoire a donc ipso facto, la fonction supplémentaire de
creuset des richesses qui conditionnent l'adhésion d'un Etat à
EITI. Il s'agit de penser que l'examen en aval de la propriété
territoriale de l'Etat comme site de mise en oeuvre de l'initiative n'est pas
déconnecté de l'amont qui suppose l'hébergement des
ressources.
L'examen de la qualité d'acteur au sein de l'EITI
confirme que seul l'Etat est titulaire d'un territoire1. La
suspension dans l'espace transnational des actions non étatiques n'est
que par trop limitée par la loi de la pesanteur qui les dépose
sur un espace territorial. L'initiative en tant que création abstraite
trouve un ancrage sur le réel par son déploiement dans un Etat.
Aussi, ce dernier se révèle-t-il dans son second aspect comme une
autorité qui s'exerce dans son aire de compétence. La seconde
dimension de l'Etat, c'est-à-dire comme organe contrôlant les
principaux moyens de coercition sur un territoire donné, le
régulateur de la vie sociale, s'exprime donc par le fait de la cession
d'un droit d'implémentation. L'Etat qui s'engage à mettre en
oeuvre l'initiative cède en même temps à celle-ci le droit
de se déployer sur son sol. En cela, l'Etat exprime sa
territorialité et son autorité dans l'initiative de transparence
des industries extractives.
Cependant, les notions de territorialité et
d'autorité que l'on peut retrouver au fondement et au coeur de l'Etat ne
sont pas des données figées. Si la réalité des
frontières nourrit et entretient l'illusion de la permanence de la
territorialité et de l'autorité dans un espace
1 Les Etats sont très jaloux ipso
facto de leur territoire, ils ont toujours pris la peine de le
sécuriser car, s'il est l'assurance de leur existence, le territoire est
une donnée dont la perte fait tressaillir de crainte les Etats car elle
leur enlève le droit d'exister en tant que tel. La codification de
l'espace territorial est un impératif au vue des Etats tant dans le
droit public interne que dans le droit international. La sauvegarde de
l'intégrité de son territoire exige de le cerner, de le
protéger des irrédentismes et des invasions externes. Les
caractères indivisibles, inaliénables et irréductibles des
Etats ressortent dans plusieurs constitutions. La constitution des Etats-Unis
du 17 septembre 1787 dans sa section VIII et à l'article 1er
; l'article 3 de la constitution malgache du 27 avril 2007; l'article
1er de la constitution tchadienne du 31 mars 1996 ; l'article
1er de la constitution du Niger du 9 août 1999 ; l'article 2
de la constitution ivoirienne du 4 novembre 1960 ; l'article 8 de la
constitution péruvienne du 9 avril 1933 et la constitution
norvégienne du 17 mai 1814 dans son article 8 portent toutes sur l'autel
de la sacralité, l'intégrité des territoires respectifs de
ces Etats. L'on notera par ailleurs que les Etats africains dès les
premières années des indépendances, vont s'empresser de
codifier par la voie constitutionnelle la nécessité et même
l'impératif de l'intégrité territoriale. La raison
réside certainement dans la crainte de l'éclatement des
nationalismes et des irrédentismes car les Etats ont été
taillés sur les mesures indifférentes des réalités
sociologiques de la dispersion des peuples. D'ailleurs, appliquant en cela le
principe de l'uti possidetis, les articles 2 et 3 de la charte
constitutive de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) font de la
défense et du respect de l'intangibilité des frontières
heritées de la colonisation et donc de l'intégrité
territoriale des Etats africains un principe cardinal de l'organisation. Ces
articles avalisent donc les frontières et donc les territoires
hérités de la colonisation. L'acte constitutif de l'Union
africaine reprend ce principe du respect de l'intégrité
territoriale dans son article 3 (b), en affirmant comme l'un des objectifs, de
« défendre la souveraineté, l'intégrité
territoriale et l'indépendance de ses Etats membres ».
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
géographique, si EITI est rendue possible par l'emprise
sur le réel que lui confère la qualité d'acteur des Etats,
les territoires et l'autorité ont glissé vers la
relativité et la responsabilité1. Ce double
dépassement du territoire et de l'autorité informe cette
étude qui, quoiqu'elle relève la qualité d'acteur de
l'Etat, consacre aussi la pertinence des acteurs non-territoriaux2
qui transgressent aussi bien l'autorité étatique que les lois de
la territorialité. Ainsi, la pertinence de l'Etat en tant que territoire
et autorité qui se redéploie dans l'initiative est à
relativiser par le fait des acteurs privés et des réseaux et
autres allégeances multiples qui dénotent la prolifération
des espaces. La figure de cette exigence de relativité dans la
manipulation des concepts de territoire et d'autorité est la firme
multinationale. Aterritoriale par excellence, elle exploite des richesses qui
sont territorialement situées, enfouies dans le sol ou le sous-sol d'un
Etat. C'est le sacre du territorial et de l'aterritorial, de l'autorité
et de la non-autorité, de la souveraineté et de la
non-souveraineté. A ce sujet, Badie dit : « les rapports entre
nations- d'ailleurs de plus en plus difficile à territorialiser- ne sont
désormais qu'un aspect du fonctionnement d'une scène mondiale
faite de réseaux, de prolifération et de volatilité
d'allégeances qui s'inscrivent elles-mêmes dans plusieurs
espaces3 ». C'est la célébration de la
supraterritorialité que les théories de la globalisation dressent
comme réalité expliquée par le phénomène de
la mondialisation. Cependant, si le système westphalien fondé sur
la fixité d'un territoire qui abrite l'autorité suprême
d'un Etat est dépassé, ce n'est pas l'histoire de son abolition
qui est écrite dans cette étude. Se fondant sur les travaux de
Jan Aart Scholte, Justin Rosenberg4 rejoint Badie pour penser que le
dépassement du territoire par l'émergence d'un ordre
supraterritorial à la faveur de la mondialisation ne signifie point la
disparition des territoires, mais leur dépassement est aussi l'occasion
d'une cohabitation entre deux ordres : l'ordre territorial et l'ordre
supraterritorial. Rosenberg faisant écho à la pensée de
Scholte à ce sujet dit : « For him (Scholte), globalisation
shows no sign of erasing the state. And this is not simply because, having
unfolded mainly since the 1960s', it needs more time to work its full effects.
On the contrary, careful as ever, he has already told us that globalisation,
despite being defined as the rise of supraterritorial space, is nonetheless not
antithetical to territoriality. However, it has transcended the territorialist
geography that sovereignty
1 Voir à ce sujet Bertrand Badie (1995)
La fin des territoires, essai sur le désordre international et sur
l'utilité sociale du respect, Paris : Fayard et Badie Bertrand
(1999) Un monde sans souveraineté, les Etats entre ruse et
responsabilité, Paris : Fayard.
2 Par cette appellation, Johan Galtung qualifie ces
acteurs qui se différencient des acteurs territoriaux qui disposent
d'une emprise territoriale. Voir Johan Galtung « un continent invisible :
les acteurs non territoriaux, vers une typologie des organisations
internationales » in Georges Abi-Saab (dir.) Le concept d'organisation
internationale, Paris : Unesco, 1980, pp. 68-77.
3 Bertrand Badie La fin des territoires, op.
cit. p. 14.
4 Rosenberg Justin, op. cit.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
presupposes and as a result it has brought the end of
sovereignty1 » (pour lui [Jan Art Scholte], la
globalisation ne revèle pas des signes d'effacement de l'Etat. Et ce
n'est pas uniquement parce que se déployant principalement depuis les
années 1960, elle a besoin de plus de temps pour revéler ses
effets. Au contraire, prudent comme toujours, il nous a déjà dit
que la mondialisation, malgré qu'elle est définie comme
l'augmentation de l'espace supraterritoriale n'est néanmoins pas
antinomique de la territorialité. Cependant, elle a transcendé la
géographie territorialiste que présuppose la souveraineté
et comme incidence, elle a mis fin à la souveraineté). Ainsi, les
deux auteurs nous invitent à intégrer la nécessité
d'une considération du fait supraterritorial corollaire de la
mondialisation, mais qui ne discrimine pas le territoire et donc l'Etat comme
lieu pertinent d'observation des relations internationales.
2. Voyage au coeur de la diversité
L'espace multiforme et divers de l'initiative est un ensemble
d'Etats dont l'histoire territoriale et la géographie politique sont
révélatrices d'une spécificité. Au nombre des
trente Etats qui implémentaient l'initiative en décembre 2009,
vingt huit ont été des colonies soit 95,83% en terme de ratio.
Les seuls qui n'aient pas goûté aux délices de la
colonisation donc, qui ne soient pas des territoires hérités de
l'architecture coloniale sont le Libéria2 et la
Norvège3. Parmi les six pays qui appartiennent au continent
asiatique, trois ont été des colonies russes.
L'Azerbaïdjan est un territoire vaste de 86.600
km2 peuplé d'environ 8177717 habitants selon l'estimation de
la CIA en juillet 2008. Il produit environ 1099 baril de pétrole par
jour avec des réserves prouvées estimées à 7
milliards de barils en janvier 2008. Le gaz naturel qu'il a produit en 2007 est
estimé à 977 milliards de m3. Ses réserves
prouvées sont de 849,5 milliards m3. Le pays produit par
ailleurs du fer et de la bauxite4. A ce jour, c'est l'unique pays
qui a atteint la phase de conformité de l'initiative, ayant
respecté toutes les étapes de la mise en oeuvre.
1 Rosenberg, idem, pp. 33-34.
2 En effet, ce pays est une création de
l'American Colonization Society qui en 1816, le fonda pour favoriser
le retour des esclaves sur le sol africain. En 1821, la Society obtint des
terres sur le cap de Mesurado et y fonda Monrovia en mémoire du
président Monroe. Il fut dirigé dès 1841 par Joseph
Jenkins Roberts qui fut le premier gouverneur noir de Monrovia. Même si
le pays est dit être devenu indépendant en juillet 1846, on ne
peut pas dire qu'il a subi la colonisation au sens premier du terme. Il
semblerait plutôt qu'il y ait eu en 1846 une reconnaissance
internationale du Liberia en tant qu'Etat.
3 A cette date, la Norvège est le seul pays de
l'OCDE à implémenter l'initiative de transparence des industries
extractives.
4 Ces données sont fournies par la CIA dans son
factbook disponible dans le site
www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/az.html
visité le 13 mars 2009.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 75 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Le Kazakhstan qui dispose de la plus grande réserve de
pétrole de la région de la Caspienne est un Etat de 2717300
km2 de superficie ; il regorge en plus de chromium, de zinc, de
cuivre, de manganèse, de fer, de charbon, d'or, d'uranium, de nickel...
D'après BP Statistical Review of World Energy 2007, le
Kazakhstan détient des réserves de pétrole estimées
à 40 milliards de barils et selon la même source, le pays
disposerait de 106000 milliards de mètres cube de réserves de gaz
naturel. La CIA estime que ce pays produit 1445 millions de barils de brut par
jour, 2788 milliards de m3 de gaz naturel (en 2007) et détient des
réserves prouvées de pétrole de 30 milliards de barils (au
1er janvier 2008)1. C'est un ancien Etat de l'URSS qui a
accédé à son indépendance le 16 décembre
1991 à la faveur de la balkanisation de l'empire soviétique.
L'Azerbaïdjan, le Kirghizstan et le Kazakhstan constituent les trois pays
de l'initiative qu appartenaient à l'ancien bloc soviétique et
qui par le fait de leur indépendance, ont conservé leur
territoires qu'ils mettent aujourd'hui à la disposition d'une initiative
qui promeut les valeurs occidentales ; preuve s'il en faut de la fin de
l'ère communiste, en dépit des élans de nostalgie.
Un des pays de l'Asie est une ancienne colonie chinoise qui a
accédé à l'indépendance le 11 juillet 1921. La
Mongolie est un Etat de 1564116 kilomètres carrés qui a
annoncé sa volonté de mettre en oeuvre les principes de
transparence dans les industries extractive en décembre 2005. Le
gouvernement mongol a énoncé les tâches et fonctions des
organisations administratives de l'Etat pour une mise en oeuvre efficace de
l'initiative. La résolution n° 80 du 8 mars 2007 est l'instrument
de cette volonté de donner à l'initiative un cadre
d'émulation et d'efficience. C'est l'expression de l'autorité de
l'Etat qui seul, autorise la mise en oeuvre dans son territoire et en tant
qu'autorité, il s'exprime par des textes de loi. Le Timor Leste autre
pays d'Asie, implémente l'initiative à laquelle il a
adhéré le 22 février 2008. C'est un pays de 15.007
kilomètres carrés qui regorge d'or, de gaz naturel et qui a
produit en 2007 78480 barils de brut par jour et dont les réserves sont
indéterminées. Ses réserves de gaz naturel quant à
elles sont estimées à 200 milliards de m3 par la CIA en janvier
2006. Ancienne colonie du Portugal, le pays a accédé à la
souveraineté internationale le 28 novembre 1975 mais la domination de
l'Indonésie sur le pays a perpétué la colonisation. Ce
n'est que le 20 mai 2002 que le Timor Leste a vu son indépendance
internationale reconnue par l'Indonésie.
Le Yémen a adhéré à l'initiative
le 27 septembre 2007 mais le pays a affiché son désir de mettre
en oeuvre les principes de la transparence dans les industries extractives
dès mars 2007
1
www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/kz.html
visité le 13 mars 2009.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 76 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
par un décret qui était suivi sur le plan de
l'établissement d'un cadre institutionnel de la mise en oeuvre par un
arrêté du ministre du pétrole et des mines de 2007 qui
mettait sur pied un Conseil National EITI et un secrétariat du
YEITI1. En novembre 1918, le Yémen du nord s'émancipe
de l'empire Ottoman. Il faudra attendre le 30 novembre 1967 pour que le
Yémen du sud accède à son tour à
l'indépendance. Il s'en suivra l'unification des deux pays le 22 mai
1990 qui est retenu comme date d'indépendance du pays. Ce pays large de
527970 kilomètres carrés dispose de larges réserves de
pétroles estimées par la CIA2 à 3 milliards de
barils au 1er janvier 2008 de même que des réserves de gaz naturel
de 478,5 milliards de m3 d'après la même source
à la même période. Il est par ailleurs l'abri d'importants
gisements d'or, de cuivre, de marbre et de nickel.
L'exploration des données et de l'histoire de ces pays
révèle que tous ont été sous la domination
étrangère et ont hérité d'un territoire dont ils
perpétuent l'autorité et la sécurisation. Cette
présentation ne marginalise pas les Etats africains et bien sûr le
Pérou qui est un Etat de l'Amérique latine. Une vingtaine de pays
africains aussi divers et variés que le Cameroun, le Niger et Madagascar
implémentent l'initiative en juillet 2009. Au-delà de l'emprise
territoriale qu'ils ont sur leurs Etats en vertu de l'uti possidetis juris
par lequel ils ont adopté les frontières
héritées de la colonisation, ces Etats ont manifesté
l'expression de leur autoritas, en acceptant d'adhérer à
EITI. Considérant les plus récents adhérents, on a la
République centrafricaine, le Burkina Faso, la Zambie, le Mozambique et
la Tanzanie. La RCA a adhéré à l'initiative le 30
août 2007 et est devenu un pays candidat le 21 novembre 2008 ; c'est un
territoire de 622984 km2 de superficie qui a accédé
à l'indépendance le 13 août 1960. Le pays abrite de l'or,
de l'uranium du diamant et du pétrole. Le tableau ci-après donne
un aperçu des Etats qui mettent en oeuvre EITI, il est évolutif
en raison du caractère dynamique de cette initiative qui est
progressivement rejointe par d'autres Etats.
1www.eitransparency.org/yemen
visité le 09 mars 2009.
2
www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ym.html
visité le 13 mars 2009.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 77 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Tableau 1: les Etats mettant en oeuvre l'EITI au 15
février 2010
Pays
|
Date d'adhésion/ de candidature
|
Rapports publiés
|
Statut
|
Afrique
|
Burkina Faso
|
15 mai 2008
|
0
|
Candidat
|
Cameroun
|
17 mars 2005
|
02
|
Candidat
|
Congo
|
Juin2004
|
0
|
Candidat
|
Côte d'Ivoire
|
12 mai 2008
|
0
|
Candidat
|
Gabon
|
Mars 2005
|
03
|
Candidat
|
Ghana
|
Juin 2005
|
02
|
Candidat
|
Guinée1
|
28 décembre 2004
|
01
|
Candidat
|
Guinée Eq.
|
22 février 2008
|
0
|
Candidat
|
Liberia
|
7 mai 2007
|
01
|
Conforme
|
Madagascar
|
22 février 2008
|
0
|
Candidat
|
Mali
|
2e trimestre 2006
|
0
|
Candidat
|
Mauritanie
|
20 septembre 2005
|
02
|
Candidat
|
Mozambique
|
15 mai 2008
|
0
|
Candidat
|
Niger
|
Mars 2005/ 27 août
2007
|
0
|
Candidat
|
Nigeria
|
Février 2004
|
02
|
Candidat
|
RCA
|
30/8/2007 - 21/11/2008
|
0
|
Candidat
|
RDC
|
17 mars 2005
|
0
|
Candidat
|
Sao Tomé
|
22 février 2008
|
0
|
Candidat
|
Sierra Leone
|
22 février 2008
|
0
|
Candidat
|
Tanzanie
|
16 février 2009
|
0
|
Candidat
|
Tchad
|
20 août 2007
|
0
|
Candidat
|
Zambie
|
15 mai 2008
|
0
|
Candidat
|
Asie
|
Afghanistan
|
10 février 2010
|
0
|
Candidat
|
Albanie
|
15 mai 2008
|
0
|
Candidat
|
Azerbaïdjan
|
Juin 2003
|
11
|
Conforme
|
Iraq
|
10 février 2010
|
0
|
Candidat
|
Kazakhstan
|
2005/10 mars 2007
|
02
|
Candidat
|
Kirghizstan
|
30 juin 2004
|
01
|
Candidat
|
Mongolie
|
Décembre 2005
|
02
|
|
Timor Leste
|
22 février 2008
|
1
|
Candidat
|
Yemen
|
27 septembre 2007
|
0
|
Candidat
|
Amérique
|
Pérou
|
14 septembre 2004
|
01
|
Candidat
|
Europe
|
Norvège
|
11 février 2009
|
1
|
Candidat
|
Source : confectionné à partir des
informations révélées par le site de EITI et certains
sites des Etats de mise en oeuvre.
L'intérêt de la présentation panoramique des
Etats africains impliqués dans l'initiative peut aussi résider
dans la manifestation de l'autorité juridique de ces Etats jeunes au
plan du
1 En raison des evènements politiques en
cours au pays à la fin d'année 2009, la Guinée a
sollicité le 19 décembre 2009, une suspension en tant que membre
de l'initiative de transparence des industries extractives qu'elle rejoindra
une fois la tempête passée.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 78 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
droit international car, ayant acquis leurs
indépendances dans la seconde moitié de XXème
siècle. Le déploiement de leur capacité juridique dans
l'initiative conforte la thèse de l'Etat pertinent et récuse
l'argument du déclin. Le voyage au coeur de l'arsenal juridique des
Etats africains dans la mise en oeuvre de l'initiative et
précisément dans la construction d'un cadre légal et
juridique propice à l'implémentation de EITI est le signe d'une
capacité juridique affirmée desdits Etats. Ce n'est donc point le
récital des instruments juridiques mis sur pieds à cet effet qui
est l'objet de l'espace mais, l'affirmation ipso facto de la
statolité des territoires africains évoqués et la
centralité de l'Etat.
Le Cameroun, par la lettre n°05/1702/OF MINEFI /CTS/SP du
1er avril 2005 du ministre de l'économie et des finances,
réaffirmait son adhésion totale aux principes EITI.
Conformémént à cette volonté, le premier ministre
par le décret n°2005/2176/PM du 16 juin 2005 créait un
comité de suivi de la mise en oeuvre des principes de l'initiative de
transparence des industries extractives. L'article 3 dudit décret donne
la composition du comité. Il s'agit d'un corps de 23 membres dont 7
representent le secteur public et parapublic, 6 representent le secteur
privé et 10 viennent de la société civile. En attendant
qu'une loi offre à l'initiative un cadre normatif pérenne au
Cameroun, le décret de 2005 et la décision ministérielle
n°002328/MINEFI/CAB du 15 Septembre 2005 portant création du
secrétariat technique du comité de suivi et de mise en oeuvre des
principes EITI offrent le cadre institutionnel pour l'initiative. La Mauritanie
quant à elle a créé par le décret n° 2006-001
du 13 janvier 2006 un comité national de mise en oeuvre de l'EITI. La
République démocratique du Congo par décret n°05/160
du 18 novembre 2005 a mis sur pied le cadre institutionnel pour la
création et la composition d'un comité national de l'EITI, tandis
qu'au Tchad, la société civile a conçu un projet de
décret qui a été deposé à la
présidence de la République tchadienne et qui amenage un espace
pour la création d'un haut conseil national EITI1. Comme au
niveau supranational, la structure de l'initiative à l'échelle
nationale obéit d'après le Livre Source2
à une composition qui se doit de tenir compte de la pluralité des
provenances sociales des parties prenantes. Le Gabon a bâti son cadre de
mise en oeuvre de l'initiative autour d'un décret et de deux
arrêtés. En effet, par l'arrêté n° 229/MEFBP du
24 février 2005, le ministre de l'Economie des Finances, du Budget et de
la Planification a créé le groupe de travail en indiquant son
fonctionnement et
1 Auparavant, le Tchad avait annoncé sa
volonté de faire partie de l'initiative par une déclaration
publique. Il s'agit de la lettre n°836/PM/CAB/07.
2 Le Livre Source est le document cadre de
l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives. Il informe sur
les détails de l'initiative et les étapes à franchir dans
son implémentation. Il a été rédigé et
publié par le gouvernement britannique à travers le Department
for International Development à Londres en Mars 2005.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
désignant ses membres. Plus tard, en juillet de la
même année, le président Omar Bongo Ondimba a pris un
décret créant un groupe d'intérêt. Le décret
n°000535/PR/MEFBP du 8 juillet 2005 sera complété par
l'arrêté n° 00056/MEFBP qui nomme les membres du groupe
d'intérêt crée par le décret ci-dessus
mentionné. Le Congo voisin adosse son implémentation de
l'initiative sur le décret n° 2006-626 du 11 octobre 2006 qui
crée le comité exécutif EITI/Congo, indique ses
attributions et sa composition. La mise en oeuvre de EITI au Burkina Faso
repose sur le cade bâti autour des décrets n°
2008/810/Pres/PM/MEF/MCE et n° 2008/811/Pres/PM/MEF/MCE du 17
décembre 2008 qui créent le comité de mise en oeuvre et en
nomment les membres. L'Albanie quant à elle fonde sa mise en oeuvre sur
une ordonnance du premier ministre datée du 27 décembre 2008. Il
s'agit de l'ordonnance n° NR156.
Au-delà des similitudes structurelles, l'on peut penser
que la domestication des principes de l'initiative répondra à
l'exigence d'intégration de la réalité de chaque Etat. Au
Nigeria, le Nigeria extractive industries transparency initiative Act
passé le 25 Mai 2007 à l'Assemblée nationale
fédérale et signé trois jours plus tard par le
président Olusegun Obasanjo, offre le cadre normatif de mise en place
des principes EITI1. En son article 6, cette loi donne au
président le pouvoir de constituer un groupe de travail (National
stakeholders working group) chapeauté par un chairman et
formé de 28 membres. Cette structure nationale comprend des individus
issus de la société civile, les représentants des
syndicats du secteur des industries extractives, des experts des industries
extractives et un membre de chacune des six régions
géopolitiques. L'extension infinie de la présentation des
structures étatiques mises en place pour l'implémentation de
l'initiative ne révélera rien d'autre que cet isomorphisme
institutionnel transnational. Il s'agit d'une exigence des principes EITI qui
stipule que le gouvernement procède à la «
dédifférenciation2 ». En effet, la structuration
nationale de l'EITI laisse transparaître le souci d'agglomérer
différents acteurs pour que soit possible la solution pérenne au
déficit de transparence. Cela procède effectivement de la «
dédifférenciation » qui suppose la levée des cloisons
qui jadis séparaient l'Etat de la société.
1 Le Libéria est le second pays ayant
passé une loi pour la mise en oeuvre de EITI. En effet, le vendredi 10
juillet 2009, le Liberia EITI Act a été signé par
la présidente Helen Johnson Sirleaf ; offrant ainsi un cadre juridique
pérenne à la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des
industries extractives au Libéria. La Norvège sera de la partie,
en passant une loi (« Regulation on reporting and reconciliation of
revenue flows from petroleum activity ») qui est entrée en vigueur
le 1er juillet 2008, six mois seulement après son admission
au statut de candidat.
2 Pierre Birnbaum pense que l'Etat s'est bâti
sur la séparation de la classe dirigeante d'avec la
société. Par la dédifférenciation, il entend
l'imbrication des deux composantes, un certain retour à
l'enchevêtrement originel des classes sociales. Voir à ce sujet :
Birnbaum P. « La fin de l'Etat? »Revue française de
science politique, N°6 1986 pp.983.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 80 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des industries extractives : la dialectique de la
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en Science Politique présentée à l'Université de
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B. La double phénoménologie
régulatrice dans la transparence des industries
extractives
La démonstration de la pertinence de l'Etat comme
acteur qui échappe à la logique du déclin, et donc qui
confirme la pertinence de l'ordre westphalien se fait non seulement par la
cession de son territoire et donc de son autorité sur ledit territoire
dans la mise en oeuvre de l'initiative, mais également par la
régulation des opérations quotidiennes de
l'implémentation. Le potentiel ou mieux, la capacité
régulatrice de l'Etat se lit au double plan actoriel et matériel.
Dès lors que l'on a retenu de la régulation un sens qui donne de
la puissance à l'Etat, il convient de se pencher sur les
éléments factuels de l'initiative qui justifient cet alignement
et confortent ipso facto que l'Etat demeure un acteur pertinent. Il
s'agit donc au travers de deux moments fixés autour de la
régulation actorielle et de la régulation matérielle, de
scruter la capacité régulatrice de l'Etat.
1. De la puissance régulatrice de l'Etat dans la
détermination du comportement
des acteurs dans l'Extractive Industries Transparency
Initiative
Le Livre Source qui constitue le parchemin des
acteurs dans l'entreprise de la transparence dans les industries extractives,
se caractérise par la proéminence de l'acteur Etat au travers du
terme « gouvernement ». En effet, considérant les
étapes de la mise en oeuvre de l'initiative, l'Etat est le seul
responsable de la réussite du processus. Il doit s'assurer que les
quatre conditions qui conduisent au statut de candidat sont
remplies1. Au-delà de cette profusion du terme «
gouvernement » dans le vocabulaire du Livre Source, l'Etat est
réellement investi d'une responsabilité centrale dans le
processus de mise en oeuvre. D'ailleurs, cette interpellation inflationniste du
gouvernement est révélatrice du poids de l'Etat dans
l'initiative. Une vue panoramique de quelques pays permet de saisir la
centralité de l'Etat en tant qu'acteur.
Dans tous les pays candidats à EITI, c'est l'Etat qui a la
charge de fixer le nombre de membres des comités de mise en oeuvre. Il
faut noter que dans la traduction de son autorité,
1 En effet, dès lors qu'un pays donné
a annoncé sa volonté de mettre en oeuvre les principes de
transparence promus par EITI, il lui faut remplir quatre conditions afin de
gagner le statut de candidat. Il faut précisément : par une
déclaration officielle, annoncer sa volonté d'adhérer
à l'initiative, nommer un responsable de la mise en oeuvre qui soit un
haut cadre de l'administration, former un comité de mise en oeuvre qui
intègre les acteurs de la société civile et du secteur des
industries extractives et établir un plan d'action. Ces conditions
remplies, l'Etat peut être déclaré candidat par une
décision du conseil international EITI. Il a donc deux ans pour se
mettre en conformité avec les autres critères qui se lisent au
travers des rapports de conciliation de chiffres des recettes et paiements des
industries extractives. Chaque étape est contrôlée par une
opération de validation.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
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une fois qu'il a créé les institutions de la
transparence, après qu'il ait fixé les prérogatives des
structures ainsi créées, il repartit les
représentativités. Le décret n° 2005/2176/PM du 16
juin 2005 qui crée, organise et indique le fonctionnement du
comité de suivi de la mise en oeuvre de l'EITI au Cameroun
précise dans son article 3 que les institutions publiques et
parapubliques seront représentées dans ledit comité par 7
membres, le secteur privé par 6 membres et la société
civile quant à elle aura 10 membres. Un arrêté pris plus
tard, indiquera nommément les membres des institutions publiques et
parapubliques. Pour les deux autres secteurs, les propositions doivent
être validées par le gouvernement. La confirmation des
propositions des autres secteurs ne relève pas de l'automaticité.
En effet, le Congo offre un précédent dans les contentieux de la
transparence avec les cas Mounzeo et Mackosso. Conformément aux
indications du Livre Source, la société civile
congolaise qui avait reconnu l'activisme de ces deux membres les proposa comme
représentants au sein du comité national de mise en oeuvre de
EITI au Congo. Cette proposition de la coalition Publish What You Pay
Congo fut rejetée en mars 2007 car, leur agitation n'était pas du
goût du gouvernement du président Sassou Nguesso1.
L'Etat tient à son autorité en ce qui concerne
la nomination des membres des comités de mise en oeuvre de l'initiative.
L'article 9 du décret n°2006-626 du 11 octobre 2006 portant
création, attributions et composition du comité exécutif
de mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives au
Congo dit : « les membres du comité exécutif sont
nommés par décret sur proposition des différentes
entités qu'ils représentent pour un mandat de deux ans non
renouvelable ». Le même décret dans son article 8 donne
composition de ce comité exécutif tel que : 12
représentants des institutions publiques et parapubliques, 6 pour le
secteur des industries extractives et autant pour la société
civile.
Le 31 juillet 2007, le président Theodoro Obiang Nguema
a nommé « en vertu de l'article 39 de la constitution »,
madame Francisca Tatchoup Belope et monsieur Santiago Nsobega Barreiros
respectivement coordinatrice et coordonnateur adjoint de la commission
nationale de mise en oeuvre de EITI. Le texte de leur nomination dit
expressément « en vertu de l'article 39 » de la constitution
pour marquer la légitimité de ce pouvoir inscrit dans la loi
1 Il faut d'ailleurs signaler au passage que les
conflits autour de la désignation des membres de la
société civile ont donné du retard au processus de mise en
oeuvre au Congo. Le pays a adhéré à l'initiative le 10
Juin 2004 et deux ans plus tard, il n'avait pas encore de plan d'action. Il
faudra attendre le 21 décembre 2007 pour qu'un plan d'action
condensé soit mis sur pied.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des industries extractives : la dialectique de la
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fondamentale1. Dans cet Etat pétrolier, la
participation de la société civile à l'initiative est
règlementée par un décret particulier. En effet, la
commission nationale que préside Francisca Tatchoup Belope est
créée par le décret n° 87/2005 du 4 mai 2005 alors
qu'un autre décret, celui n° 42/2007 du 30 juillet 2007 a
été pris précisément pour réglementer la
participation de la société civile dans l'initiative. Il s'agit
là, d'une expression de l'autorité de l'Etat qui tient à
se faire connaître.
L'Etat ne détient pas seulement en dernière
analyse l'exclusivité du rule-making2 mais il a
aussi prise sur la conduite des acteurs de la transparence. Et en cela,
l'allégation de la gouvernance qui suppose une intégration
participative et responsabilisante des acteurs privés perd de sa
pertinence, tant la gouvernementalité est substituée à la
gouvernance selon la tradition foucaldienne reprise par Jean François
Bayart3. C'est-à-dire que le gouvernement conduit les
conduites, passant d'une logique de conduite de gouvernement à un
gouvernement des conduites.
Le processus de mise en oeuvre de l'initiative a pris du
retard au Congo entre autres raisons, à cause des tensions entre le
gouvernement et la société civile. Alors que l'une des quatre
conditions à la candidature à EITI est la participation de la
société civile, le gouvernement
1 L'article 39 de la constitution de Guinée
Equatoriale énumère les pouvoirs du chef de l'Etat en ces termes
: « Le Président de la République exerce par ailleurs
les pouvoirs suivants : garantit la stricte application de cette loi
fondamentale, le fonctionnement des pouvoirs publics et la continuité de
l'Etat. Convoque et préside le conseil de Ministres. Dicte en conseil de
Ministres les décrets lois dans les termes établis à
l'article 64-i) de cette loi fondamentale. Est le chef suprême des forces
armées nationales et de le sécurité de l'Etat. Le
Président de la République garantit la sécurité de
l'Etat à l'extérieur déclare la guerre et conclut la paix.
Nomme et révoque le Premier Ministre conformément à la
constitution. Ratifie la décision de la chambre des représentants
du peuple au sujet des élections, et de son Président et des
autres membres du bureau conformément à cette loi fondamentale et
au propre règlement intérieur de la Chambre. Nomme et
révoque aux hautes fonctions civiles et militaires. Peut
déléguer au Premier Ministre le pouvoir de nommer les autres
fonctionnaires civiles et Militaires. Négocie et signe les accords et
traités internationaux conformément à la loi fondamentale.
Représente la Guinée Équatoriale dans les relations
internationales, reçoit et accrédite les ambassadeurs et autorise
aux Consuls l'exercice de leurs fonctions. Gratifie des titres, distinctions
honorifiques de " la considération de l'Etat. Exerce le droit de
grâce. Convoque les élections générales
prévues dans cette loi fondamentale. Convoque le
référendum conformément à cette loi fondamentale.
Approuve en conseil de Ministres le plan national de développement.
Dispose du droit de dissolution de la chambre des Représentants du
Peuple, conformément aux dispositions de cette loi fondamentale. Exerce
les autres attributions et prérogatives que lui confère la loi.
»
2 Janice Thomson fait une différence entre
le rule-making et le rule-enforcing. A son avis, même
si les acteurs non-étatiques ont le locus standi dans le
rule-enforcing c'est-à-dire dans l'implémentation d'une
loi, c'est l'Etat qui en tant que garant de la souveraineté
détient le monopole sur l'adoption ou non de cette loi. Si le
rule-enforcing autorise la latéralité, le
rule-making met en relief la verticalité de la loi.
Voir Thomson J.E « State sovereignty in international Relations: Bridging
the gap between theory and empirical research »International Studies
Quarterly (1995)39:213-233.
3 Bayart Jean François (2004) Le
gouvernement du monde ; une critique politique de la mondialisation. Paris
: Fayard. L'on peut également lire Béatrice Hibou qui citant
Bayart, dit : « La gouvernementalité désigne une
configuration ou une séquence historique dont on entend analyser le
gouvernement comme mode de structuration du champ d'action des individus ou des
groupes » Béatrice Hibou (dir.) (1999) La privatisation des
Etats. Paris : Karthala, p. 35
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 83 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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transparence des industries extractives : la dialectique de la
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congolais a engagé un bras de fer contre sa
société civile indocile. Le 6 avril 2006, Christian Mounzeo et
Brice Mackosso ont été interpellés, relâchés
dans la nuit puis de nouveau arrêtés le 7 avril, ils passeront
deux semaines en prison, sur ordre du gouvernement qui tenait ainsi à
rappeler qu'il est le maître du jeu de la transparence.
Au Gabon, les péripéties de Marc Ona Ossangui,
coordonnateur de la coalition gabonaise de PCQVP et membre du comité
multipartite chargé de la mise en oeuvre au Gabon de l'Initiative de
Transparence des Industries Extractives, sont par ailleurs
révélatrices de la mainmise de l'Etat sur le destin des acteurs
impliqués dans l'initiative. La Gendarmerie Nationale gabonaise a
tenté d'arrêter mardi 29 juillet 2008 cinq personnes qui
assistaient à une réunion du Front des Organisations de la
Société Civile contre la Pauvreté au Gabon (FOSCPG)
à Libreville. Au nombre des personnes interpellées se trouvait
Marc Ona. Cet épisode est l'un des plus récents car, en janvier
de la même année, 22 ONG ont été suspendues au motif
d'une confusion des genres1. En juin 2008, alors que Marc Ona
Essangui avait obtenu un visa pour se rendre à New York où il
devait prendre part à une réunion sur la gestion des revenus des
industries extractives, il s'est vu interdire l'accès à l'avion
par des éléments de la police gabonaise. Au Niger, les membres de
la société civile impliqués dans le combat pour la
transparence dans les industries extractives font également l'objet
d'intimidations et d'arrestations. L'on peut noter par exemple l'arrestation de
M. Wada Maman le 22 août 2009 à Niamey. Il est le
secrétaire général de l'Association Nigérienne de
Lutte contre la Corruption (ANLC), et membre de la coalition ROTAB/PCQVP/Niger.
Il lui a été reproché d'avoir participé à
une manifestation non autorisée. De même, le 10 août 2009
c'est-à-dire avant l'interpellation de M. Wada, le président du
Front Uni pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques (FUSAD) et membre
de la coalition ROTAB/PCQVP du Niger a été arrêté
suite à la publication d'une déclaration dénonçant
le régime du président Tandja.
Le survol des pays implémentant l'initiative permet de
faire le constat des contentieux autour de la désignation des membres de
la société civile, contentieux qui illustrent le contrôle
que l'Etat revendique sur l'espace de son autorité. Pendant que dans des
pays tels que l'Azerbaïdjan et le Ghana il n'existe pas de comités
tripartites mais les gouvernements ont
1 En effet, à la suite d'une
conférence de presse tenue le 9 janvier 2008 par une vingtaine
d'associations regroupant les coalitions PWYP, la coalition contre la vie
chère, la coalition contre les dérives sectaires au Gabon et la
plate-forme « Environnement Gabon », le ministre de
l'Intérieur Monsieur André Mba Obame a pris une mesure qui
suspendait lesdites organisations. Rencontré le mercredi 26 mars 2008,
Marc Ona Essangui nous confiait qu'en réalité ces menaces et
intimidations sont justifiées par la vigueur de la société
civile au Gabon.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des industries extractives : la dialectique de la
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pris le soin d'impliquer des représentants de la
société civile, d'autres pays ont de façon statutaire
institutionnalisé la participation de la société civile.
Cependant, l'indépendance et la participation des membres de la
société civile sont remises en cause dixit les membres
de certaines sociétés civiles. Le rapport Un regard sur
l'EITI publié en octobre 2006 par PWYP international et
Revenue Watch Institute (RWI) indique que dans les pays tels que le
Kazakhstan1, le Cameroun, la Mauritanie et la Mongolie, les membres
de la coalition se plaignent de l'interférence des gouvernements dans le
choix des représentants des sociétés civiles.
D'après une déclaration de la coalition camerounaise PWYP portant
sur le rapport de conciliation des chiffres et des volumes au Cameroun pour la
période 2001-2004, la société civile s'est trouvée
de façon répétée devant le fait accompli par un
certain nombre de décisions prises par le gouvernement. Ce qui ne lui a
pas permis de participer pleinement au suivi de l'initiative.
Cette emprise des gouvernements sur les acteurs de la
transparence constitue une des deux facettes de la régulation
étatique de l'initiative. En effet, en plus de l'actorat, l'Etat
régule aussi la matérialité de l'initiative.
2. De la régulation matérielle du processus
de transparence des industries extractives
Il convient de rappeler que la régulation dont il
s'agit ici est le fait de l'Etat qui implémente l'initiative. Il s'agit
de dire que l'Etat de la mise en oeuvre se présente comme un «
acteur séquent ». Après la démonstration de
l'autorité de l'Etat sur le territoire politique, il faut aussi dire sa
souveraineté sur le territoire des politiques. Et dans cette
prérogative, il exerce une double compétence : une
compétence sur les actants et une compétence sur les actes.
L'initiative de transparence des industries extractives est un
espace de démonstration de l'emprise de l'Etat sur les
politiques2. L'ensemble des plans d'actions qui sont une des quatre
conditions pour acquérir le statut de candidat, est le fait des Etats.
Il faut dire que
1 D'après le rapport Un regard sur
l'EITI, un membre de la coalition PWYP au Kazakhstan déclare :
« Certains représentants de la société civile du
conseil national des parties prenantes ont apparemment été
choisis par le ministre de l'Energie...la nomination et l'élection des
représentants n'ont été ni claires, ni transparentes.
Certains des groupes retenus connaissaient mal l'EITI et ne semblent
guère s'y intéresser, au vu de leur absence
répétée aux nombreuses... tout ceci a beaucoup ralenti le
processus ».
2 A ce propos, la présidente du
Libéria Helen Johnson-Sirleaf déclarait lors de la
4ème conférence globale EITI tenue à Doha au
Qatar du 16 au 18 février 2009, que la mise en oeuvre effective de
l'initiative nécessite une réelle volonté politique. Il
n'y a que l'Etat qui peut générer cette volonté politique
et en assurer la matérialisation.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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l'administrateur1 désigné par l'Etat
pour conduire les opérations de transparence, est en charge du suivi de
la mise en oeuvre et donc, il lui incombe la tâche de préparer les
plans d'actions qu'il pourra présenter aux autres acteurs pour
validation2.
C'est aussi l'Etat qui, par l'administrateur qu'il a choisi,
recrute le cabinet d'experts pour la conciliation des chiffres et des volumes.
Ainsi, le cabinet Crane White & Associates a été
recruté par le gouvernement de Mongolie pour la production des rapports
de conciliation. Le Nigeria et le Cameroun ont jeté leur dévolu
sur le cabinet Hart Group, même si le Cameroun a trouvé
intéressant de recruter un second cabinet (Mazars) pour
l'associer au premier. La Mauritanie, l'Azerbaïdjan et le Gabon ont
recruté le cabinet parisien Ernst & Young alors que le
Ghana a confié ses opérations de conciliation à Boas
& Associates. L'on notera au passage la filiation anglo-saxone de ces
cabinets qui traduisent peut-être ainsi une mode de gestion et une
dynamique impulsée depuis l'hégémon actuel, la
suprématie de la culture anglo-saxonne qui se déploie par ses
modes consacrés de gestion des Etats.
Le financement des opérations de transparence est une
autre expression de la régulation étatique. D'après le
rapport annuel du Multi-Donor Trust Fund(MDTF) committee of management
rendu public en mai 2008, il est dit que le Cameroun et le Ghana ont couvert
les frais liés à la production de leurs rapports de conciliation
des chiffres. Le Gabon et l'Azerbaïdjan ont pris en charge, toutes les
dépenses qu'impliquait la mise en oeuvre de l'initiative. La Mauritanie
quant à elle a couvert les frais du secrétariat local et quelques
autres activités telles que les séminaires et les ateliers. Le
Timor-Leste a alloué un budget au fonctionnement du secrétariat
EITI mais également pour le renforcement des capacités des
1 La désignation de l'administrateur est un
pouvoir exclusif de l'Etat. Il est même précisé qu'il doit
s'agir d'une haute personnalité pour qu'elle ait une autorité
suffisante sur le comité. Ainsi, le Cameroun a désigné M.
Alfred Bagueka Assobo comme président du comité de mise en
oeuvre, le Gabon a désigné M. Fidèle Ntsissi un directeur
du cabinet du président de la république gabonaise, le Congo a
désigné M. Michel Okoko un conseiller du ministre congolais de
l'économie, des finances et du budget. La RDC a nommé M.
Jean Pierre Muteba Luhunga, la Mauritanie a nommé M. Mohammed
Ould Nany, la Guinée Equatoriale a mis à la tête de la
commission nationale de mise en oeuvre Mme Francisca Tatchoup Belope. Au Niger,
c'est M. Abdoul Aziz Askia qui pilote la mise en oeuvre, tandis que la
Guinée a confié sa mise en oeuvre à M. Mamadou Dabry, la
Côte d'Ivoire à M. Koffi N'dri, la Norvège a
désigné M. Lars Erik, la Zambie a nommé M. Likolo
Ndalamei. En RCA la mise en oeuvre de EITI est conduite par M. Robert
Moidokana. En Mongolie, M. Sh. Tsolmon conduit les opérations de mise en
oeuvre de EITI, Aset Magauov en est responsable au Kazakhstan, M. Harifidy
Janset Ramilison à Madagascar, M. Togola au Mali et M. Kairat Djumaliev
au Kirghizstan etc.. Tous sont des hauts cadres dans les administrations
respectives de leurs pays.
2 A propos de cette validation par les autres
acteurs de l'initiative, les représentants de la société
civile au Cameroun et au Gabon notamment, se plaignent de ce que la plupart des
documents qui nécessitent une validation par eux, leur sont
présentés non pas deux semaines avant la réunion pour
qu'ils aient le temps de s'en imprégner, mais en général
le jour même de la réunion. Ceci a pour conséquence, de le
empêcher de prendre connaissance au fond des documents. Il s'agit
pensent-ils, d'une stratégie du fait accompli qui vise à minorer
les risques de rejet du document.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
acteurs. Le Nigeria et la RDC ont prévu des couloirs
budgétaires pour supporter les dépenses liées aux plans
d'actions. Par ailleurs, tous les pays ont assumé des dépenses
relatives au renforcement des capacités des acteurs impliqués
dans la transparence des industries extractives. La plupart des plans d'actions
cependant, quand ils sont budgétisés comme c'est le cas pour le
Libéria, ne disent pas quel est l'apport de l'Etat. L'on fait le constat
que les pays misent très souvent sur l'appui extérieur provenant
notamment de la Banque Mondiale. Dans sa lettre n° 552/ MINEFI/CAB/CT2
adressée au représentant résident de la Banque Mondiale
à Yaoundé en 2005, M. Polycarpe Abah Abah alors ministre de
l'économie et des finances de la République du Cameroun a joint
une copie du projet de plan d'action budgétisé. La rubrique
concernant la provenance des financements indiquait systématiquement la
Banque comme pourvoyeuse escomptée des fonds.
L'Etat est à notre sens un acteur dont la pertinence et
la centralité dans l'initiative de transparence des industries
extractives battent en brèche les thèses du déclinisme.
Cependant, nous n'avons jusque-là examiné que l'Etat
théâtre de l'implémentation. Il convient dès lors de
se pencher sur une autre catégorie d'Etat à l'oeuvre à
savoir l'Etat-soutien à l'initiative. Dès lors qu'on a
postulé au début de cette étude que le nominalisme est
à proscrire quand on traite de l'Etat, pareille démarche prend
sens.
Paragraphe II : L'incursion démocratique des
Etats-soutien dans les espaces de la
mise en oeuvre: participation et respect de la norme au
centre d'une interférence
Une fois que l'on a rendu compte de l'importance de l'acteur
Etat dans la structuration du jeu international, en le peignant comme un acteur
solitaire mais surtout sous l'angle de l'acteur récepteur de la norme,
il demeure que la catégorie Etat n'est pas cernée dans sa
totalité. En effet, sans nécessairement souscrire au
schéma marxiste qui impose une lecture centre-périphérie
de la scène internationale, force est de noter que comme deux outres
symétriques sur l'épaule du porteur, les Etats de la mise en
oeuvre et ceux qui soutiennent l'initiative se renvoient l'image et dramatisent
une disparité dans l'appréhension du phénomène
Etat. Le but de cet espace étant de démontrer l'impertinence des
thèses déclinistes, nous pensons que l'Etat parce qu'il soutient
les opérations de la mise en oeuvre de l'initiative dans des espaces
lointains, permet de par son activité qui participe de la promotion de
l'Etat, d'affirmer sa centralité. Il s'agit de penser que par la
promotion de la participation comme fondement important de la démocratie
et au travers de la promotion de la norme de la transparence, l'Etat-soutien
démontre que l'Etat demeure un acteur central dans les relations
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 87 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
internationales. Toutefois, l'Etat ne peut pas jouer en
solo la partition de la promotion démocratique. C'est pourquoi
il convient de préciser que cet espace ne se veut pas le lieu d'un
plaidoyer en faveur d'une « illusion héroïque »
confinée sur l'Etat qui serait une sorte de deus ex machina sur
la scène internationale. Il s'agit de penser que l'intervention de
l'Etat-soutien se présente sous les aspects de la promotion de la
participation (A) et de la norme de la transparence (B). Toutes choses par
ailleurs qui échoient à la consolidation de la démocratie.
Mais l'on aura noté au passage le souci de faire graviter la
réflexion autour de l'actorat et de l'essence de l'initiative. La
participation promouvant l'actorat privé et la transparence étant
perçue comme l'illustration matérielle d'une pratique à
réifier.
A. L'impératif de participation : un fondement
inter alia de la démocratie
D'une façon générale, nous
considérons que l'implication de l'Etat développé dans
l'initiative est une entreprise qui relève de l'assistance à la
consolidation démocratique. Le projet de civilisation des peuples en
marge de la conception occidentale n'a pas changé1de nos
jours. Toutefois, ce n'est pas ici le lieu d'une démonstration des
usages géopolitiques de la démocratie2. Il s'agit
juste de penser que la promotion de la norme de la transparence dans les
industries extractives par certaines puissances occidentales s'inscrit dans la
promotion de la démocratie en tant qu'elle est compétition
électorale, respect des libertés individuelles et des droits
civiques mais surtout parce qu'elle est participation, c'est-à-dire
accountability et responsability.
Dès lors qu'on a validé l'hypothèse de la
participation comme un des éléments fondamentaux dans la
perception de la démocratie, une fois qu'on a souscrit au
parallèle que Graciela Ducatenzeiler3 établit entre la
définition de la démocratie et le sens de la consolidation, mais
aussi le sens à assigner à la transition, l'on peut
désormais se pencher sur la réalité de la consolidation
démocratique dans l'initiative, en tant qu'elle est promotion de la
participation. Car, la consolidation devient alors au sens de Leonardo Morlino
« un processus
1 Par le traité de Tordesillas en 1494 fut
formalisé un accord entre l'Espagne et le Portugal sur le partage du
nouveau monde. A y voir de près, ce traité qui s'appuie sur la
bulle papale Inter certera divina du pape Alexandre VI dans le cadre
de ce que les historiens ont appelé donatio alexandro, portait
déjà la croyance à la supériorité de la
civilisation européenne qu'il fallait apporter aux autres peuples du
monde. D'ailleurs, l'exclusion de la France de ces agapes suscita la
colère du roi François 1er qui s'exclama dans une
célèbre boutade : « j'aimerais bien voir le testament d'Adam
qui m'interdit le partage du monde ».
2 Cette perception de la promotion
démocratique sera présentée plus loin dans l'étude,
en s'appuyant sur les points de vue d'auteurs tels que David Slater «
Imperial Geopolitics and the Promise of Democracy » Development and
Change 38(6): 1041-1054 (2007).
3 Ducatenzeiler Graciela « Nouvelles approches
à l'étude de la consolidation démocratique »
Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 8, n°2,
p. 191.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 88 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
par lequel sont établies les structures
démocratiques ainsi que les relations entre le régime politique
et la société civile1 », c'est-à-dire un
processus mais, qui institutionnalisera donc rendra durable la participation de
la société civile. Les moments démocratiques que retient
Mamoudou Gazibo2 sont la transition, la consolidation et la rupture.
Il s'inscrit en cela dans la tradition des comparatistes qui se sont
consacrés à la « transitologie » et à la «
consolidologie ». Toutefois comme eux, il semble penser que seule la
transition démocratique peut être le fruit d'une ingérence
étrangère dans le cadre de ce que Larry Diamond appelle la «
révolution démocratique globale ». Ainsi, pense-t-il que,
« dans un monde où le répertoire institutionnel est
limité, les nouvelles démocraties apprennent des vieilles et les
unes des autres3». La mondialisation de la démocratie
deviendrait donc à ce titre une explication de l'impact externe sur la
démocratie au moment de la transition4.
Nous préconisons la consolidation comme entreprise
possiblement encouragée par l'interférence
extérieure5. A partir de cet instant, l'on peut comprendre
les actions des Etats qui soutiennent l'initiative dans les espaces de son
implémentation. Par l'ironie du sort, les acteurs dont on dit que le
dynamisme entraîne le déclin de l'Etat6 sont
ceux-là même précisément que l'action de l'Etat
implique dans le processus de mise en oeuvre de la transparence des industries
extractives. Si l'on peut penser que les industries extractives en tant que
firmes ont souvent été dans une « transaction collusive
» avec les Etats, il apparaît cependant que l'Etat procède
à l'empowerment de la société civile dans les
aires de la mise en oeuvre. Le soutien des Etats développés
à l'initiative est explicitement conditionné par
1 Morlino Leonardo « Consolidation
démocratique : la théorie de l'ancrage »Revue
internationale de politique comparée, vol. 8 n°2 pp. 247.
2 Gazibo Mamoudou « Le
néo-institutionnalisme dans l'analyse comparée des processus de
démocratisation » Politique et sociétés,
vol. 21, n°3, pp. 139-160 (2002).
3 Gazibo op. cit. p. 146.
4 Guy Hermet « Un concept et son
opérationnalisation : la transition démocratique en
Amérique latine et dans les anciens pays communistes » Revue
internationale de politique comparée, vol. 1 n°2 (1994) p.
298. Allant dans le même sens, Adam Przeworski prône la diffusion
des modèles démocratiques à partir des vieilles
démocraties. Przeworski A. (1991) Democracy and the market:
political and economic reforms in Eastern Europe and Latin America.
Cambridge: Cambridge University Press p. 98.
5 Nous nous inscrivons dans la lignée des
auteurs tels que Staffan Lindberg. En effet, examinant la consolidation de la
démocratie en Afrique, ce dernier considère que les pressions
internationales ont quelques fois des opportunités de changer
fondamentalement les Etats dans leur processus de consolidation
démocratique. Staffan I. Lindberg « Forms of states, governance,
and Regimes: Reconceptualizing the prospects for democratic consolidation in
Africa» International Political Science Review, vol. 22,
n°2, pp. 173-199 (2001).
6 Josépha Laroche et Susan Strange notamment
considèrent que le dynamisme des acteurs privés est à
l'origine du déclin de l'Etat. Dans cette étude et comme le
révèle cette initiative, c'est l'Etat qui insiste pour que la
triangulaire soit formée, afin de favoriser l'implémentation de
la norme de la transparence. Ce fait est suffisamment éloquent pour
constituer un démenti sérieux des thèses
développées sur le déclin de l'Etat.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'implication de la société civile dans une
tripartite1. Cela correspond entre autre à l'orientation de
la politique européenne qui promeut la démocratie par la
participation et donc, tout naturellement exporte ce schéma vers les
terres autres. Si la participation n'est plus effective la démocratie
entre en crise. Telle est la conviction de la politique
européenne2. C'est une architecture politique qui est
expérimentée au sein de l'Union Européenne en tant
qu'ensemble d'Etats et qui trouve sa sociogenèse dans la diplomatie de
certains pays comme le Royaume Uni3. L'idée que les
puissances européennes se font de la démocratie est celle de la
participation de la société civile. Aussi, elles tentent de
donner à l'UE en tant que niveau d'action qu'elles veulent pertinent et
unique, cette structure qui reflète les démocraties nationales.
La régulation européenne en matière d'Organismes
Génétiquement Modifiés (OGM) est un laboratoire
d'observation de cette tendance4. Dès lors, l'on comprend les
stigmatisations et au-delà, les condamnations véhémentes
des Etats-soutien à l'endroit du gouvernement gabonais lorsqu'il a
décidé de suspendre des coalitions d'ONG en janvier 2008. Au
nombre de ces ONG figuraient les membres de la coalition gabonaise
PWYP et cette suspension fut perçue comme une restriction de la
participation ou une tentative de musellement de la société
civile.
1 Le cinquième critère EITI est
précis sur ce point lorsqu'il dit: « La société
civile participe activement à la conception, au suivi et à
l'évaluation de ce processus et apporte sa contribution au débat
». Il faut certainement rappeler qu'aucun des pays de la mise en oeuvre
n'a été l'auteur de la conception de ces critères. Ceux-ci
sont le fruit de certain Etats-soutien.
2 On peut lire à ce propos les travaux de
Köhler-Koch Beate et Finke Barbara « The institutional shaping of
EUsociety relations: a contribution to democracy via participation»
Journal of civil society, Vol.3, N°3, pp.205- 211(2007);
Kohler-Koch, B. & Rittberger, B. (2007) (Eds), Debating the Democratic
Legitimacy of the European Union. Lanham: Rowman & Littlefield.
3 Il faut dire que le virage diplomatique d'abord
des Etats-Unis sous Bill Clinton dans son concept de New Democrats,
ensuite de la Grande Bretagne sous l'impulsion de Tony Blair qui lança
le New Labour en 1997, privilégie l'assistance au
développement par la participation de la société civile.
Il s'est agi de penser que la prévalence de l'opacité dans
certaines régions du globe explique la pérennisation de la
pauvreté et du sousdéveloppement. Aussi faut-il comprendre
l'implication de ces puissances à la tête d'un groupe de
puissances toutes occidentales (Australie, Belgique, Canada, Allemagne, France,
Italie, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Suède, Royaume-Uni,
Etats-Unis) comme la matérialisation d'une nouvelle diplomatie. Lire
à ce sujet : François Gaulme « Le sursaut africain du New
Labour : principes, promesses et résultats » Afrique
contemporaine, n° 207, automne 2003, pp. 71-97.
4 Dabrowska Patrycja « Civil society
involvement in the EU regulations on GMOs: from the design of a participatory
garden to the growing trees of European public debate » Journal of
civil society, vol. 3, n°3 pp. 287-304 (2007).
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 90 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Encadré :
Déclarations de soutien de la Norvège à
l'initiative
La Norvège, par le biais de son programme
Pétrole pour le développement (OfD) et d'un soutien financier
direct de la part du gouvernement norvégien, soutient fortement l'ITIE
en encourageant tous ses pays coopérants à mettre en oeuvre les
principes ITIE. Le programme Pétrole pour le développement est
présent dans vingt-cinq pays et son objectif général est
d'aider les pays en développement, à la demande de ces derniers,
dans leurs efforts pour gérer les ressources de pétrole de
manière à générer une croissance économique
et à promouvoir le bien-être de la population de façon
écologiquement durable. Une transparence et une bonne gouvernance sont
des éléments clés qui doivent être mis en oeuvre
afin de lutter contre « la malédiction des ressources ». Il
existe aussi une coopération pratique plus générale entre
nos deux organisations. Au Ghana et dans la région de l'Afrique de
l'Ouest, le programme Pétrole pour le développement et l'ITIE
soulignent de concert l'importance de la transparence et de la bonne
gouvernance dans le développement d'une politique suffisante. La
Norvège comme l'ITIE étaient représentées au Forum
national 2008 sur le développement du pétrole et du gaz au Ghana.
Ce Forum était organisé par le gouvernement afin d'assurer un
débat ouvert et général sur la manière dont le
Ghana pourrait bénéficier des ressources de pétrole et de
gaz récemment découvertes au large de ses côtes. Sur ce
point, le ministre norvégien du Développement et de
l'Environnement, Erik Solheim, ainsi que le président du conseil
d'administration de l'ITIE, Peter Eigen, et le professeur Humphrey Assisi
Asobie, président d'ITIE Nigeria, étaient des intervenants
clés dans ce forum. Par la suite, une déclaration fut
publiée par les représentants des groupes de la
société civile. Le Forum a rassemblé environ 500
participants représentant des parties prenantes d'horizons divers et a
abordé des questions primordiales relatives aux activités
pétrolières.
|
La stigmatisation des rémanences de l'autoritarisme
dans le comportement de certains dirigeants n'est pas le seul niveau de
promotion de la participation. Considérant en effet ces obstacles
à la participation, l'issue des conflits sociaux qu'ils
génèrent entre les gouvernements et les sociétés
civiles est souvent possible grâce à la médiation des Etats
développés qui soutiennent l'initiative. Ce soutien est soit
direct, soit sous-traité par les ONG du nord qui sont le véhicule
principal de l'aide au développement en direction des Etats de la mise
en oeuvre. La pression des chancelleries occidentales sur le gouvernement
gabonais et le lobbying des ONG auprès de leurs gouvernements en Europe
et aux USA ont abouti à la levée de la suspension des 22 ONG.
Dans cette même logique, l'on peut se rappeler le courrier de cinq
sénateurs1 de la commission Tom Landos des droits de l'homme
adressé le 21 janvier 2009 au président Omar Bongo, pour voler au
secours de Marc Ona Essangui. En effet, en raison des intimidations multiples,
des interdictions de sortie du pays et des interpellations dont a
été victime Marc Ona du fait de son activisme, les membres
ci-dessus cités du Sénat américain ont tenu à
rappeler au gouvernement gabonais ses engagements en tant que candidat EITI,
statut qui l'oblige à faire preuve de tolérance vis-à-vis
des membres de la société civile.
1 Il s'agit de Donald Payne, james P. McGovern, Edward
R. Royce, Barney Frank et Gwen Moore
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Les Etats de la mise en oeuvre récoltent la manne que
draine l'initiative et, l'argument financier joue un rôle
déterminant dans la résolution des contentieux entre les acteurs
de la transparence. En général, le soutien financier des Etats
développés est soit bilatéral, soit canalisé
à travers le Multi Donor Trust Fund. Ainsi, le 31 mars 2008, le
MDTF totalisait 16,94 millions de dollars versés par les donateurs,
contre 13,3 millions de dollars récoltés au 30 septembre 2007. Le
tableau ci-dessous donne quelques traits des financements que l'initiative
octroie aux Etats de la mise en oeuvre à travers son fonds multi
bailleurs.
Tableau 2 : Accords de dons du MDTF au 31 mars
2008
pays
|
N° de don
|
date
|
Montant du don (US$)
|
Montant dépensé (US$)
|
Balance (US$)
|
% dépensé
|
Nigeria
|
TF056072
|
03/28/2008
|
2220000
|
1799000
|
421000
|
81
|
Cameroun
|
TF056698
|
06/30/2008
|
130000
|
127000
|
3000
|
98
|
Mauritanie
|
TF056657
|
06/30/2008
|
240000
|
169000
|
71000
|
70
|
Pérou
|
TF057870
|
06/30/2008
|
300000
|
0
|
300000
|
0
|
Ghana
|
TF057337
|
12/31/2008
|
249000
|
113000
|
136000
|
45
|
Mongolie
|
TF058156
|
12/31/2008
|
304000
|
127000
|
177000
|
42
|
Liberia
|
TF090446
|
06/30/2009
|
400000
|
N/A
|
400000
|
0
|
Guinée
|
TF056637
|
09/20/2009
|
569000
|
206000
|
363000
|
36
|
Yémen
|
TF090446
|
10/31/2010
|
350000
|
N/A
|
350000
|
0
|
total
|
4762000
|
2541 000
|
2221000
|
53
|
Source : Le rapport du Fonds multi donateur d'avril
2008 page 4.
L'on notera par ailleurs que l'assistance offerte par les
Etats qui soutiennent l'initiative donc, la consolidation de la participation,
est en rupture avec ce que font d'autres puissances, la Chine en l'occurrence
qui ne s'encombre pas de la conditionnalité démocratique dans
l'octroi de son assistance1.
La participation est donc un des chantiers du déploiement
du soutien des Etats développés qui sont dans une logique
d'assistance à la consolidation démocratique. En plus de
celle-ci, le
1Lire par exemple: He Wenping, Chibuzo Nwoke, Anna
Erikson et Osita Agbu « Common cause, different approaches: China and
Norway in Nigeria» Research Report 2008-014. Ce rapport met en
lumière la différence d'approche entre le soutien qu'un pays
adhérents à l'EITI (la Norvège) apporte au Nigeria et
l'assistance chinoise en direction du même pays.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 92 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
soutien à l'initiative par les Etats
développés se lit aussi par l'appui à la
matérialisation de la transparence en tant que norme
démocratique.
B. L'expédition normative sur les sites de la mise
en oeuvre de l'initiative de transparence des industries
extractives
La transparence des industries extractives est une norme et en
tant que telle, sa promotion est l'occasion du décryptage de
l'importance et de la pertinence de l'Etat en tant qu'acteur de la scène
internationale. Non pas que les espaces de la mise en oeuvre ne
révèlent pas cet aspect de l'importance de l'Etat mais, il s'agit
d'un choix que de penser illustrer par l'Etat-soutien l'impact de l'acteur
étatique dans la promotion de la transparence comme norme à la
fois régulatrice et constitutive. La transparence des industries
extractives est donc doublement l'occasion de la démonstration de
l'importance de l'Etat. D'abord l'Etat récepteur de la norme, parce
qu'elle prend corps dans un environnement étatique et institutionnel.
Ensuite parce que la norme de la transparence, de même que les lois
anciennes régulatrices des sociétés juive et grecque
furent promues par les législateurs à l'instar de Moïse et
Lycurgue, a besoin d'un leader qui dans les sentiers de la vie sociale, se fait
le pèlerin de la norme. Dans le cas présent, le leader est un
Etat qui travaille à la socialisation de la norme par d'autres Etats.
Par delà les usages géopolitiques et donc rationalistes de la
norme, sa promotion plus précisément sa socialisation, est le
fait de l'investissement de l'Etat1.
La célébration de la transfiguration des acteurs
privés, transfiguration qui aurait eu lieu au Tabor de la
mondialisation, est l'occasion du fait de la transe collective des adeptes de
cette communauté, de l'oubli d'un fait fondateur. En effet, nul ne peut
prétendre à la promotion d'une norme auprès d'un Etat s'il
n'est peu ou prou lié de quelque façon à un Etat. L'on est
d'avis que la transparence des industries extractives est à l'origine un
projet des organisations de la société civile. Mais très
au fait des réalités internationales, ces organisations en
l'occurrence Global Witness et Open Society Institute ont
tôt fait de requérir le soutien des Etats du nord dans le cadre de
la cascade des normes afin que ces Etats leaders agissent sur les Etats mauvais
gestionnaires des revenus des industries extractives. La persuasion est de ce
point de vue une modalité d'action déterminante parce qu'elle
permet de convaincre les Etats
1 En cela, nous prenons appui sur Finnemore et
Sikkink qui dans le cycle de la vie d'une norme, établissent que le
passage de l'émergence d'une norme à sa cascade se
caractérise par son appropriation par un ou plusieurs Etats qui se
chargeront donc de sa socialisation auprès des Etats cibles. Finnemore
M. et Sikkink K. « International norms dynamics and political change
» International Organization, vol. 52, n°4 (automne 1998) p.
896- 897.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
du bien fondé de l'adoption d'une norme1.
Cet argument est discuté par Dionyssis Dimitrakopoulos2. En
effet, ce dernier pense que les auteurs intéressés par la
promotion des normes ont mis une emphase exagérée sur la
persuasion en minorant ce qu'il appelle « action rhétorique »
c'est-à-dire, un usage stratégique des arguments sous le couvert
de la norme3. Encore qu'il est réellement très
difficile de percevoir une démarcation nette entre la persuasion et
l'action rhétorique tant les deux ont pour issue finale, de convaincre
l'Etat cible du bien fondé de la norme en promotion. C'est d'ailleurs
cette stratégie de l'action rhétorique qui est
déployée dans l'initiative, où il existe une inflation
discursive sur la justesse de la transparence qui ouvre les voies au
développement4selon l'école qui crée une
affinité élective entre le développement économique
et la démocratie. Tant il est vrai que, la transparence des industries
extractives participe de la consolidation démocratique5.
Pour contourner la contestation de la conformité selon
l'expression de Antje Wiener, l'une des approches peut-être en plus de la
persuasion et de l'action rhétorique donc de la ruse, les interventions
discursives. Il dit en effet: « social change occurs as a result of
discursive interventions uttered by both norms setters and norms
followers 6» (le changement social
1 Martha Finnemore et Kathryn Sikkink
présentent la persuasion comme le mécanisme principal de la
promotion des normes, en minorant toutes les autres démarches qui
partent de la pression ouverte à la pression larvée. Finnemore M.
et Sikkink K. op. cit. p. 898. Rodger A. Payne parle quant à
lui, de la «communication persuasive»qui jouerait un rôle
déterminant dans la construction et la promotion des normes. Car, il ne
faudrait pas privilégier l'explication de l'adoption d'une norme par la
violence que comporte le coercive compellence i.e, le fait pour un
pays d'adhérer à une norme sous la menace d'un Etat puissant. De
plus, dans un monde où la civilisation des moeurs politiques a fini
d'éradiquer la barbarie inhérente à l'état de
nature hobbesien, les Etats qui se réclament tous de la
démocratie, font de moins en moins de la langue dans les relations
internationales perçues comme des relations intergentes, une
arme de destruction massive. Lire Payne A. Rodger, «Persuasion, frames and
norms construction », European Journal of International
Relations, vol. 7 n°1, pp. 37-61 (2001).
2 Dimitrakopoulos Dionyssis « Norms strategies
and political change: explaining the establishment of the convention on the
future of Europe » European Journal of International Relations,
vol. 14, n°2, pp. 319-342 (2008).
3 C'est dans ce sens qu'il faut percevoir les
discours des Etats qui soutiennent l'initiative quand ils présentent
cette dernière comme une panacée pour les problèmes
africains, quelques fois sans dire le niveau de rentabilité de la
transparence pour leurs économies. Le Canada à ce titre fait une
fois encore exception en déclarant que la transparence des industries va
créer un climat favorable à l'épanouissement de ses
compagnies dans les espaces de leur activité, donc voit la chose en
termes de gagnant-gagnant. Tel n'est pas le cas de certaines puissances comme
la France et la Grande Bretagne qui justifient d'abord la promotion de la
transparence par le souci humanitaire de sortir les pays riches en ressources
mais très obérés de l'ornière.
4 L'on ne relève pas cependant assez que la
transparence est une médaille à deux faces qui expose le pays de
l'implémentation à la fragilité sécuritaire. A ce
propos, les travaux de Roland Robertson sont d'une portée pertinente
dans la mesure où il relève le parallèle qui existe entre
la transparence et la sécurité. Voir Robertson R., «Open
societies, closed minds? Exploring the ubiquity of suspicion and voyeurism
», Globalizations, vol. 4, n° 3 pp. 399-416 (September
2007).
5 Voir par exemple: Jörg Faust «
Democratic's dividend: political order and economic productivity »
World Political Science Review vol.3, issue 2, (2007) p.
1-26.
6 Wiener Antje « contested compliance:
Interventions on the normative structure of world politics » European
Journal of International Relations, vol. 10, n° 2, p. 192, 2004.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 94 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
advient comme un resultat des interventions discursives
prononcées autant par les initiateurs des normes que par les metteurs en
oeuvres de celles-ci).
Par des stratégies multiples, certains Etats
développés se sont constitués en leaders de la norme de la
transparence à la suite de la Grande Bretagne de Tony Blair, pour se
faire les hérauts de la transparence des industries extractives. La
représentation géographique de ces Etats se met en
porte-à-faux de l'argument selon lequel les Etats Unis sont une
puissance souverainiste tandis que l'Europe est une puissance normative qui se
donne pour but de moraliser la mondialisation1. En effet, cette
coalition d'Etats est composée des USA, de la France, de la Grande
Bretagne, de l'Italie, du Canada, de l'Australie, de l'Allemagne, de la
Norvège, de la Suède, la Belgique, les Pays-Bas et l'Espagne.
Dans la promotion de la transparence des industries
extractives, les Etats leaders ont des modus operandi variés.
Le Canada par exemple, a une approche originale qui consiste à chercher
une solution au problème de l'opacité dans les industries
extractives en contraignant ses firmes multinationales du secteur à une
législation qui en fait des compagnies plus investies à l'affect
de la transparence que d'autres. Dans un rapport2 publié par
Save the children en 2005 et qui évaluait les performances de
l'industrie du gaz et du pétrole, il est apparu que Talisman
Energy et TransAtlantic Petroleum qui sont deux firmes
canadiennes détiennent les deux meilleurs scores en matière de
transparence dans les industries extractives. Le Canada a
réitéré le 10 février 2007 par la voix de son
ministre des finances, l'honorable Jim Flaherty son soutien à
l'initiative. Au sortir d'une réunion des ministres des finances et des
gouverneurs des banques centrales du G7, monsieur Flaherty déclarait :
« La responsabilité, la transparence et l'équité
sont les principes de ce partenariat international conçu pour
accroître la divulgation des revenus tirés des ressources dans les
pays en développement. Ce sont des principes que le Canada appuie et
nous avons l'intention de jouer un rôle de chef de file pour que les
citoyens, et non seulement les gouvernements ou les sociétés
étrangères, partagent les fruits de la prospérité
dans ces pays.» Il fut en cela suivi par l'honorable Peter Mackay
ministre des Affaires étrangères et ministre chargé de
l'Agence de promotion économique du Canada atlantique qui disait :
« au cours de l'année écoulée, mon
ministère a consulté des entreprises canadiennes et la
société civile dans le but
1 Voir par exemple Zaki Laïdi « Peut-on
prendre la puissance européenne au sérieux ? Cahiers
européens n° 5/ 2005, 32 pages.
2 « Dépasser la rhétorique, mesurer la
transparence des revenus : les performances des entreprises publiques dans
l'industrie du pétrole et du gaz » rapport de Save the
children, 2005.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
d'améliorer les pratiques socio-environnementales
des sociétés exerçant des activités extractives
à l'étranger. Le nouveau gouvernement du Canada a
été à l'écoute et notre appui favorisera la
transparence et la règle de droit ». L'aide du Canada se
compose d'une contribution de 750.000 $1 au fonds fiduciaire des
donateurs de l'EITI, de même que d'un fonds annuel permanent de 100.000
$. Le Canada a également indiqué qu'il fournira un soutien
technique dans des domaines tels que la gouvernance d'entreprise, de concert
avec d'importantes sociétés minières du
Canada2.
Dans un rapport fait par Paul Bugala pour le compte de
Oxfam America, il apparaît que les Etats-Unis ont des
mécanismes internes de transparence dans les industries extractives mais
en raison des restrictions imposées par exemple par le Federal
Accounting Standart Board, le Freedom of Information Act (FOIA)
qui interdit la levée du secret commercial, ces mécanismes
n'épousent pas entièrement les critères EITI. En
réalité, il s'agit de penser que les USA ne peuvent pas avoir
exactement le même soutien que le Canada sur le plan de la
législation interne relative aux industries extractives. L'on peut
cependant noter que sous le couvert de l'Alien Tort Claim Act de 1789,
les citoyens étrangers peuvent dénoncer et traduire en justice
devant une cour fédérale américaine les multinationales
convaincues de violations de droits de l'homme. C'est ainsi que la famille de
Ken Saro Wiwa a saisi la cour fédérale de New York au sujet des
violations des droits de l'homme commises par le groupe anglonéerlandais
Shell vis-à-vis de certaines populations Ogoni dans le Delta du Niger
dans la décennie 1990, notamment son rôle dans la pendaison de Ken
Saro Wiwa et de ses compagnons Ogoni en 1995. Le Foreign Corrupt Practice
Act du 10 novembre 1998 constitue aussi un cadre règlementaire du
soutien américain à la transparence des industries extractives,
parce qu'il punit les pratiques de corruption des firmes américaines
à l'étranger. Mais de façon concrète, les USA
contribuent pour plus de 500.000 dollars au fonds de donateurs que gère
la Banque Mondiale et, le 5 août à Nairobi au Kenya, la
secrétaire d'Etat américaine Hilary Rodham Clinton a salué
l'adhésion de certains pays africains à EITI, elle a
affirmé : «The solution starts with transparency. A famous
judge in my country once said that sunlight is the best disinfectant, and
there's a lot of sunlight in Africa. African countries are starting to embrace
this view through participation in the Extractive Industries
Transparency
1 Avec cette contribution, le Canada siège donc
au comité de gestion du Fonds multi-bailleurs car, tous les Etats qui
contribuent avec au moins de 500000$ a le droit d'y siéger.
2 Bugala Paul , Transparency begins at home An
Assessment of United States Revenue Transparency and Extractive Industries
Transparency Initiative Requirements, Oxfam America for Publish What You
Pay United States June 2006.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 96 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Initiative. Creating a favorable investment climate
requires countries to translate politics into governing» (la solution
commence par la transparence. Un fameux juge de mon pays disait une fois que le
soleil est le meilleur désinfectant, et il y a beaucoup de soleil en
Afrique. Les pays africains commencent à épouser cette opinion
à travers leur participation à l'Initiative de Transparence des
Industries Extractives. Créant ainsi un climat favorable aux
investissements qui exige que les pays convertissent la politique en
gouvernance). C'est la suite logique d'un soutien de l'administration Obama tel
qu'exprimé plus tôt le 19 mai 2009 notamment par Michael Froman,
mais également par le Sénateur républicain Richard Lugar
de l'Indiana dans une lettre publiée par le New York Time1 du
13 Juin 2009. Dans cette lettre, il présentait EITI comme un des moyens
de lutte contre la corruption en Afrique, et encourageait la vingtaine d'Etats
engagés dans l'initiative à poursuivre leurs efforts. De
même, Alcee L. Hastings représentant démocrate de Floride,
a exprimé son soutien à EITI, en invitant l'administration Obama
à jouer un rôle déterminant pour la réussite de
l'initiative. C'est dire que le soutien des Etats-Unis à l'initiative
transcende les clivages partisans démocrates/républicains.
D'autres puissances telles que la France soutiennent l'initiative et le
président français Nicolas Sarkozy en visite au Niger le 27 mars
2009 a réitéré le soutien de son pays à EITI. La
Suisse a rejoint les rangs des pays soutenant l'initiative le 8 juin 2009. Par
la voix de son secrétaire d'Etat aux affaires économiques, la
confédération helvétique a annoncé son intention de
soutenir la mise en oeuvre de EITI par une participation de 3 millions de
dollars US au fonds multi-bailleurs. Lors de la 36ème
Assemblée Générale des Nations Unies, ces Etats leaders,
de concert avec d'autres Etats théâtres de la mise en
oeuvre2, ont donné à l'initiative un contenu juridique
international en soutenant une résolution sur la transparence dans les
industries extractives. Cela est une globalisation de la norme de la
transparence, c'est-à-dire une rupture avec la conception de Finnemore
et Sikkink qui considèrent que la norme doit être régionale
plutôt que globale3, pour lui permettre de prendre ancrage.
Toutefois, il faudrait lire à travers cette résolution, un souci
d'institutionnalisation dont le but est de vulgariser la transparence des
industries extractives. Le problème que cela pose est celui de
l'érosion du caractère volontaire de l'adhésion aux
principes de l'EITI. En effet, il s'agit d'une initiative volontaire mais
l'existence d'une résolution quoique non contraignante parce que produit
de l'Assemblée
1
http://www.nytimes.com/2009/06/13/opinion/l13africa.html?
r=2, visité le 19 juin 2009.
2 Cette résolution a été
initiée et co-sponsorée par: l'Australie, Azerbaïdjan, la
Belgique, le Canada, le Congo, la France, l'Allemagne, l'Irak, l'Italie, le
Kazakhstan, le Kirghizstan, le Liberia, la Moldavie, les Pays Bas, le Nigeria,
la Norvège, le Pérou, la Sierra Leone, l'Espagne, le Timor-Leste,
la Turquie, le Royaume-Uni et la Yémen
3 Elles disent: « Norms may be regional, for
example but not global » Finnemore et Sikkink op. cit. p. 892.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 97 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
générale, fait penser à une
évolution progressive vers l'impératif de la transparence. Cela
pourrait donc donner raison à ces auteurs déclinistes qui y
trouveraient l'illustration d'un retrait de l'Etat devant les organisations
internationales. A ce propos, la section suivante traite justement de l'Etat
comme acteur pertinent à travers son adhésion à des
groupes régionaux et globaux dans le climat de la postmodernité
politique qui crée d'autres niveaux pertinents d'action, mais qui
n'épuise pas comme nous venons de le voir la pertinence de l'Etat en
tant qu'acteur individuel.
Section 2 : La communautarisation de l'action
étatique pour la transparence des industries extractives : à la
recherche du niveau pertinent de soutien
Cette section vise dans le continuum de la
démonstration de la pertinence de l'acteur étatique, à
restituer le soutien de l'Etat à l'initiative dans le cadre des
organisations intergouvernementales. La présentation des organisations
intergouvernementales qui soutiennent l'initiative se fera donc en deux moments
: il s'agira d'abord d'insister sur le caractère intergouvernemental,
c'est-à-dire « multi-étatique » de chaque organisation,
ensuite de dire le cadre dans lequel s'exprime le soutien de l'organisation
à EITI. Le déferlement des chefs d'Etats des vingt
économies les plus développées de la planète
à Londres dès le 1er avril 2009, a lancé le
signal du sommet du G-20. Première réunion du genre, cette «
réunion des alcooliques anonymes dans un bar à vin » pour
reprendre la phrase de M. Jacques Attali, est censée constituer la
première phase d'une quête de solution à la crise actuelle
qui ébranle l'économie mondiale. Certes le G-20 n'est pas une
organisation internationale institutionnalisée à la
manière du FMI. Mais, l'intérêt de son évocation
dans cet espace qui se veut la tribune de l'apologie de l'Etat, réside
dans la complexité des phénomènes qui instiguent pareille
réunion. La réunion de Londres vise à réguler le
système financier ad majorem securitatem, afin de
prévenir à l'avenir l'avènement d'une crise de cet ordre.
Si la nécessité de réunir autant de puissances,
c'est-à-dire d'aller au-delà du G-8, est en soi le signe de la
pertinence de l'Etat mais de l'Etat dans une posture communautaire, le but de
cette section est de dire que la transparence des industries extractives est
l'occasion de la démonstration de la pertinence de l'Etat en tant
qu'acteur de relations internationales. Et cette pertinence est
manifestée dans l'action des organisations internationales, en tant
qu'elles sont
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 98 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
le fruit de la volonté de mise en commun des Etats pour
solutionner des problèmes complexes mais aussi, de poursuivre des
objectifs communs1.
Le débat qui pendant un certain temps a opposé
John Mearsheimer à Robert O. Keohane au sujet de l'efficience des
institutions internationales qui seraient une « promesse manquée
» d'après le premier et des ordres efficients de la politique
internationale pour le second, est révélateur de l'importance de
ces organisations en tant qu'elles sont rerum c'est-à-dire
dotées de fonctions et selon qu'elles sont rerum novum
c'est-à-dire curiosité du fait de la nouveauté et donc
objet de science. En ignorant l'aspect premier, les réflexions sur la
constitution de ces objets d'analyse dramatisent des acceptions qui sont de
l'ordre du fonctionnalisme ou de
l' « intergouvernementalisme libéral ».
Les Nations Unies et l'Union Européenne ont
été bâties sur deux modèles fonctionnalistes
différents, et qui révèlent en même temps la
diversité des organisations internationales. Lorsque David
Mitrany2, étudiant les causes de l'échec de la SDN en
1943, trouve l'explication dans la volonté d'universaliser des
règles formelles destinées à régir les relations
entre les Etats, il annonce en même temps un modèle
fonctionnaliste qui s'inspire de la biologie et qui confère à
chaque organe une fonction au sein d'un corps. Ce modèle a
présidé à la création des Nations Unies3
en 1945 à San Francisco. Tandis que les néo-fonctionnalistes tels
que Ernst Haas et Léon Lindberg4 ont fait l'apologie d'un
modèle qui intègre les éléments sociopolitiques en
plus de ceux fonctionnels que présentait déjà Mitrany et,
qui laissent entrevoir un spill over (engrenage). Mais à la
différence de Mitrany, Haas et Lindberg étendent la notion de
spill over pour l'émanciper des seules griffes de la technique
afin qu'elle
1 A ce propos, l'on peut lire par exemple Inis L.
Claude Jr. (1956) Swords into powshares : the problems and progress of
international organization, 4th Edition, New York : Random
House. Il s'insurge contre l'idée que les organisations internationales
seraient destinées à supplanter les Etats. D'ailleurs comment
pourrait-il en être ainsi dès lors que les Etats sont des acteurs
et les organisations internationales des scènes où se joue la
politique mondiale, mais une scène construite par les Etats. Cette
scène a vocation à aider les Etats à solutionner des
problèmes communs, à permettre l'atteinte des objectifs communs
de sécurité, de paix et de développement. La charte des
Nations Unies est de ce point de vue révélatrice de cette
ambition d'intégration des solutions.
2 Mitrany David (1943) A working peace
system. Londres: Royal Institute of International Affairs.
3 Il faut noter que dès l'origine le
désir de création d'un organisme au sein duquel les
souverainetés des Etats devaient être préservées
mais qui aurait une effectivité, a irrigué les différentes
initiatives dès 1941 avec la signature de la Charte de l'Atlantique
entre Winston Churchill et Franklin Delano Roosevelt le 26 août 1941. Les
conférences de Dumbarton Oaks qui furent préparatoires de la
future ONU et qui se tinrent d'une part du 21 au 28 septembre 1944 entre les
USA, l'Angleterre et l'URSS et d'autre part du 29 septembre au 07 octobre 1944
entre les USA, l'Angleterre et la Chine, ont obéi à ce même
souci.
4 Lindberg Léon (1963) The political
dynamics of European economic integration. Stanford: Stanford University
Press; Ernst Haas (1958) The uniting of Europe. Londres: Stevens &
Sons.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 99 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
soit aussi politique. Andrew Moravscik1 vient dans
le sillage de l'insertion du politique dans le processus de construction des
espaces d'intégration, relever que les gouvernants n'ont cessé de
contrôler le processus d'intégration européenne par des
calculs rationnels. Pierre de Senarclens et Yohan Ariffin diront de lui :
« Donnant à son approche la dénomination
d' « intergouvernementalisme libéral »,
Moravscik s'attache à montrer que l'intégration résulte de
choix rationnels effectués par les dirigeants nationaux pour soutenir
principalement les intérêts commerciaux des grands producteurs
nationaux »2. Quoiqu'il en soit, l'idée qui semble
ressortir de cette brève odyssée dans les méandres des
théories explicatives du fonctionnement des organisations
internationales, est celle qui les présente comme la juxtaposition des
Etats dans l'optique de l'atteinte des objectifs communs et en raison de la
complexité des faits qui s'opposent à eux.
Le caractère de plus en plus complexe de la
société internationale explique donc le regroupement des Etats.
L'on ne peut par exemple pas envisager l'atteinte de l'objectif de la
sécurité fut-elle intérieure en misant sur les seules
potentialités d'un Etat3. C'est ce qui fait dire à
certains auteurs tels que Bertrand Badie que, la souveraineté est
entrée dans la phase d'obsolescence car, la complexité des
problèmes entraîne l'interpénétration des
systèmes pour leur résolution4. La notion de «
communauté de sécurité » chère à Karl
Deutsch5, quel que soit le type6porte des marques de
cette conscience. Aussi, convient-il de préciser que l'incursion dans le
domaine des organisations internationales dans le cadre de cette section ne
relève
1 Moravscik Andrew (1999) The choice for Europe:
social purpose and state power from Messina to Maastricht. Londres: UCL
Press.
2 De Senarclens et Ariffin (2006) op. cit. p.
174.
3 Ce n'est pas non plus une
célébration de l'utopie de la sécurité globale
telle que dénoncée par Bernard Hours. Hours Bernard « La
production de l'utopie sécuritaire globale : de l'interdépendance
à l'insécurité » in in Bagayoko-Penone et Bernard
Hours (2005) Etats, ONG et production des normes sécuritaires dans
les pays du sud. Paris : l'Harmattan pp. 43-57.
4Badie Bertrand «Sécurité et
nouvelles relations internationales » in Bagayoko-Penone (2005) Etats,
ONG et production des normes sécuritaires dans les pays du sud.
Paris : l'Harmattan pp. 33-42. Angéla Meyer, considérant le
cas des défis de la sécurité en Afrique, pense que les
réponses ne peuvent être apportées que par la
réussite des processus d'intégration régionale. Mais ce,
à condition que les Etats cessent d'être les seuls acteurs car, la
prise en compte pense-t-elle des acteurs privés comme condition
pertinente de solution des défis de sécurité, rendra plus
efficace et efficiente l'action des régions. Telle est en tout cas sa
pensée concernant l'espace CEMAC/CEEAC. Angéla Meyer «
L'intégration régionale et son influence sur la structure, la
sécurité et la stabilité d'Etats faibles : L'exemple de
quatre Etats centrafricains » Thèse de doctorat soutenue le 13
décembre 2006 à l'IEP de Paris.
5 Voir l'hommage rendu à Karl Deutsch par Dario
Battistella : Battistella D. « L'apport de Karl Deutsch à la
théorie des relations internationales » Revue internationale de
politique comparée, vol. 4, pp. 567-585.
6 Il en existe quatre : la communauté de
sécurité unifiée, la communauté de
sécurité pluraliste, les noncommunautés de
sécurité pluraliste et les non-communautés de
sécurité unifiée. Cette typologie est faite par Deutsch
dans la tradition libérale qui rompt avec la conception belliciste
réaliste des relations internationales. La question qu'il se pose
à l'origine de cette analyse est celle de savoir « comment les
hommes peuvent-ils apprendre à agir ensemble en vue d'éliminer la
guerre comme institution sociale ?». Battistella op. cit.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 100 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
nullement d'une sociologie d'icelles, mais participe de la
démonstration de la pertinence de l'acteur étatique qui se meut
seul ou en groupe. Dans le cadre de la section précédente, l'Etat
est apparu dans la solitude de son actorness alors qu'ici, il est dans
une posture postmoderne de la communautarisation. Souvenons-nous du sens
attribué au postmodernisme dans cette étude. Il obéit
à la vision qu'en ont les cosmopolitistes qui ne prennent plus l'Etat
comme l'unité de base de la vie politique mais plutôt,
considèrent les niveaux régional et global comme niveaux
pertinents d'analyse. Sans aller jusque-là, nous pensons que les
aléas de la postmodernité politique ont rendu digne
d'intérêt l'examen des configurations en scène dans les
organisations internationales. Il ne s'agit donc pas d'étudier
l'initiative comme une organisation internationale, mais de rendre raison de la
pertinence de l'Etat au travers des organisations internationales qui la
soutiennent. Ce soutien transparaît dans deux types d'organisations qui
sont économiques et politiques avant d'être régionales ou
globales.
Paragraphe I : Un soutien groupé des Etats dans
les organisations intergouvernementales économiques
L'intégration économique qui est le fait de la
mondialisation a rendu interconnectés les Etats. La complexité de
l'espace économique et surtout l'interdépendance des
micro-espaces est l'explication du processus intégratif des
organisations économiques. La communauté des buts qui crée
des espaces communautaires de décision et d'action, est également
l'occasion d'éprouver la pertinence de l'acteur étatique,
dès lors que l'on a postulé l'existence des organisations
intergouvernementales en terme non pas de rivalité avec les Etats, mais
comme une intégration en vue d'une action synergique pour les besoins
d'efficience et d'efficacité. Aussi, à l'ère où le
phénomène intégratif s'apparente à un effet de
mode, le fait communautaire se caractérise par son universalité.
Pour des impératifs de forme, la pertinence de l'Etat dans les
regroupements du sud (A) va précéder l'examen des organisations
du monde développé dans leur dramatisation de l'importance du
fait étatique (B).
A. La solidarité des regroupements
économiques du sud vis-à-vis des théâtres
d'implémentation de la transparence des industries
extractives
L'initiative de transparence des industries extractives en
tant qu'espace de mise en oeuvre d'une norme présumée exorciste
des démons de la conflictualité et de la paupérisation,
offre l'occasion de se pencher sur le soutien qu'elle reçoit des banques
du sud, notamment de la
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
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souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Banque Africaine de Développement et de la Banque
Asiatique de Développement qui sont dans l'immédiateté
géographique de plusieurs aires de mise en oeuvre.
1. La Banque Africaine de Développement et
l'EITI
La Banque africaine de développement est une
institution bancaire multinationale qui se donne comme objectif le
développement du continent noir1 malgré le
caractère mondial de son équipe dirigeante2. Alors, le
lancement de l'initiative en 2002 correspondant précisément
à ses buts et objectifs pour les pays africains, a trouvé un
écho favorable. L'annonce de l'adhésion de la Banque aux
principes de l'Extractive Industries Transparency Initiative s'est
faite à la veille de la conférence internationale d'Oslo tenue du
16 au 17 octobre 2006. Ceci, au lendemain d'une réunion entre des
représentants du NORAD, de la Banque Mondiale, de l'EITI et de la BAD
à Tunis. A l'ouverture de ladite réunion, madame Zeinab El Bakri
viceprésidente du groupe de la BAD déclarait:
«There is an important role for revenues generated
from oil and gas and other extractive industries in public financing of
economic and social development programmes. Opportunities for many
resource-rich countries in Africa lie in the fact more and more investors are
interested in extractive industries, but which present challenges with regard
to the management of revenues, ensuring accountability and avoiding corruption
on the one hand, while promoting sustainable development in the context of
transparency and fiduciary discipline on the other» (il y a un
rôle important pour les revenus générés par
l'exploitation du pétrole, du gaz et des autres industries extractives
dans le financement public des programmes de développement sociaux et
économiques. Les opportunités pour plusieurs pays riches en
ressources en Afrique reposent sur le fait que de plus en plus d'investisseurs
sont interessés par les industries extractives, mais celles-ci
présentent des défis au regard de la gestion des revenus,
assurant la responsabilité et évitant la corruption d'une part,
pendant qu'elles promeuvent le développement durable dans un contexte de
transparence et de discipline fiduciaire d'autre part).
Le soutien de la BAD à l'initiative se fait dans le
cadre du programme Bonne gouvernance financière (BFG)
de la banque adoptée en novembre 1999. Ce, dans l'optique d'assister
les
1 Avec la Banque asiatique de développement
et la BERD, la BAD constitue la catégorie des institutions
intergouvernementales à vocation régionale. C'est pourquoi elles
sont dans le cadre de EITI des institutions qui ont un engagement
régional alors que le FMI, le groupe de la banque mondiale et la banque
européenne d'investissement (BEI) sont des institutions à
engagement global.
2 Au 28 février 2009, la Banque africaine de
développement compte environ 110 gouverneurs dont 7 qui ont rejoint le
groupe en ce même mois de février (soit : 2 zambiens et les
nationalités suivantes avec chacune un gouverneur ; Uganda, Ghana,
Kenya, Corée et Autriche). Par ailleurs, presque une centaine de
nationalités sont représentées parmi les gouverneurs et
gouverneurs suppléants.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 102 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Yaoundé II/Cameroun)
pays dans leurs efforts de développement. Reconnaissant
les avancées de l'Afrique en matière de développement et
en imputant celles-ci aux budgets nationaux qui sont de plus en plus le reflet
des priorités économiques des pays, la BAD s'investit à
aider les pays africains dans leurs efforts de transparence budgétaire.
Il s'agit d'un soutien général pour la transparence dans la
gestion des budgets des Etats par :
· La mise en place de procédures budgétaires
transparentes et globales.
· La promotion de la responsabilité, de la
transparence et l'amélioration des contrôles
budgétaires.
De plus, l'action de la BAD vise un renforcement de
l'obligation de rendre compte de la gestion des recettes issues des industries
extractives. Il s'agit là, de l'une des approches de la Banque. En
effet, celle-ci opère dans le cadre du programme Bonne
gouvernance financière en s'appuyant sur six approches
à savoir : (1) le renforcement des systèmes fiscaux africains,
(2)la mise en place des procédures budgétaires transparentes et
globales, (3) la promotion de la responsabilité, de la transparence et
l'amélioration des contrôles budgétaires, (4) le
renforcement de l'obligation de rendre des comptes de la gestion des recettes
issues des industries extractives, (5) le soutien de la décentralisation
fiscale et (6)le renforcement de la gouvernance dans les Etats et les
situations fragiles et la gouvernance au sein de la banque.
Encadré : Déclaration de
soutien de Gabriel NEGATU, directeur du département gouvernance et de
gestion économique et financière à la Banque africaine de
développement à EITI.
La gestion financière publique constitue l'un des
instruments les plus importants pour le renforcement de la capacité des
États en Afrique. Elle renforce la mise en oeuvre saine d'une politique
économique en ayant un rôle influent sur l'allocation et
l'utilisation des ressources publiques. La transparence est une étape
nécessaire mais insuffisante vers une bonne gestion des finances
publiques. Le plan d'action et de direction stratégique de gouvernance
2008-2012 est le guide de la Banque africaine de développement pour
soutenir les efforts des pays membres régionaux pour améliorer la
gouvernance et lutter contre la corruption, et inclut l'ITIE et le
Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs (MAEP). La
transparence dans la déclaration des revenus des industries extractives
est essentielle, de même que l'ensemble de la chaîne de gestion des
ressources des industries extractives. Outre l'ITIE, d'autres initiatives
complémentaires ont vu le jour afin d'améliorer la gouvernance
des industries extractives, y compris l'African Legal Support Facility
et l'initiative de la Banque Mondiale pour soutenir l'ensemble de la
chaîne de gouvernance. Des efforts pour soutenir les réformes
fiscales comprennent des initiatives telles qu'AFRITAC, le Dialogue fiscal
international et le Forum sur l'administration fiscale africain. Des
organisations régionales telles que l'AFROSAI (Organisation africaine
des institutions supérieures de contrôle des finances) supervisent
la mise en oeuvre des normes d'audit internationales. La Banque africaine de
développement apporte son soutien à toutes ces initiatives et
s'efforce de garantir une meilleure coopération et coordination entre
elles.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
L'implication de la banque pour le renforcement de
l'obligation de rendre des comptes de la gestion faite des revenus issus des
industries extractives, qui est l'une des approches de la banque et qui est
directement reliée au soutien qu'elle apporte à l'initiative,
porte sur deux niveaux. Pour les pays qui mettent en oeuvre les principes de
l'EITI, il s'agit de les aider en les dotant des capacités
financières et techniques pour implémenter l'initiative. Le
second niveau consiste à convaincre les pays qui sont dotés de
richesses minières, pétrolières et gazières
d'adhérer aux principes de l'initiative.
2. La Banque Asiatique de Développement dans
l'EITI
La Banque asiatique de développement est une
institution bancaire multilatérale qui oeuvre au développement
des pays de l'Asie. Elle est d'ailleurs la première institution de ce
type à avoir engagé une action particulière en direction
de la gouvernance en 1995. Dès 1998, une politique de lutte contre la
corruption fut adoptée pour renforcer et élargir le travail de la
gouvernance. Et en 1999 la Banque a mis sur pied une stratégie de
réduction de la pauvreté contenue dans un document
intitulé Fighting poverty in Asia and the Pacific : The poverty
reduction strategy. Ce dernier s'appuie sur trois piliers à savoir
:
· La promotion de la croissance économique en faveur
des pauvres,
· La promotion d'un développement inclusif et
· La bonne gouvernance.
Le document cadre dit à ce sujet:»For poverty
reduction, ADB sees the twin pillars of pro-poor development, sustainable
economic growth and social development as the key elements in any framework for
reducing poverty. Successful achievement of either element requires sound
macroeconomic management and good governance, the third
pillar1». Ce cadre global et général de
réduction de la pauvreté comporte la conscience de
l'impératif de la bonne gouvernance. Ainsi, elle en constitue le
troisième pilier dans la mesure où elle facilite la participation
et assure l'utilisation transparente des fonds publics. Le dernier paragraphe
dans l'espace consacré à la bonne gouvernance comme pilier dans
la stratégie de réduction de la pauvreté souligne l'apport
des ONG qui, par le fait de leur expertise et de leur proximité
vis-à-vis des pauvres et des couches défavorisées, sont un
acteur pertinent dans la réussite de l'opération. Au-delà
de cette conscience précoce du rôle des ONG dans les initiatives
de développement, il faut dire que l'attention portée sur ce
document se justifie par le fait qu'il est le cadre dans lequel
s'enchâsse la participation de la Banque à EITI. Ce cadre est
1 Asian Development Bank (1999) Fighting poverty
in Asia and the Pacific : The poverty reduction strategy, p.6
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 104 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
cependant demeuré très général
car, même son renforcement en 2004 par l'ajout de cinq
thématiques1 n'a pas explicitement fait
référence à la transparence, ni aux industries
extractives. Il faudra attendre le lancement du GACAP II2 en juillet
2006 pour que progressivement mais encore de façon très
générale, la responsabilité et l'obligation de rendre des
comptes apparaissent comme un impératif.
La Banque asiatique de développement a donc
apporté son soutien à EITI par l'entremise de madame Ursula
Schaefer-Preuss, vice-présidente de la Banque pour le savoir, la gestion
et le développement durable. Elle déclarait à cette
occasion: «It is widely recognized that while large public sector
revenues from extractive industries hold great potential for economic growth
and poverty reduction, if transparency and accountability are weak, extractive
industries can lead to exacerbation of poverty, corruption, and conflict, ADB's
support of this initiative will help ensure that wealth generated from natural
resources is used to enhance a country's economic development».
Même si cinq pays seulement dans la région que couvre la Banque
mettent en oeuvre l'initiative à savoir l'Azerbaïdjan, le
Kazakhstan, la République Kirghize, la Mongolie et la Timor Leste, force
est de noter que le tout premier pays à avoir atteint la
conformité est l'Azerbaïdjan, un pays de la zone d'opération
de la Banque.
Encadré :
Déclaration de Ursula Schaefer-Preuss vice-présidente
de la Banque asiatique de développement au sujet de
EITI.
La Banque européenne d'investissement et la Banque
asiatique de développement ont rejoint en
2008 la liste des organisations soutenant l'ITIE. «
Il est de notoriété publique que, bien que les importants revenus
du secteur public générés par les industries extractives
détiennent le potentiel significatif d'augmenter la croissance
économique et de réduire la pauvreté, si la transparence
et la responsabilité sont faibles, les industries extractives peuvent
entraîner une exacerbation de la pauvreté, de la corruption et des
conflits... Le soutien apporté par la Banque asiatique de
développement à cette initiative contribuera à garantir
que la richesse générée par les ressources naturelles est
utilisée pour renforcer le développement économique d'un
pays. »
|
|
1 Ces thématiques sont :
l'égalité des genres, la durabilité environnementale, le
développement du secteur privé, la coopération
régionale et le développement des capacités.
2 Second Governance and Anticorruption Action
Plan, le GACAP II a été lancé en 2006 à la suite
d'une revue conduite par la Banque asiatique de développement en 2005.
Il vise l'amélioration de la performance de la Banque dans la mise en
oeuvre des politiques de gouvernance et de lutte contre la corruption dans les
secteurs et sous-secteurs d'activité de la Banque. Il est
detaillé dans: Asian Development Bank Second Governance and
Anticorruption Action Plan (GACAP II), Final Report, July 2006.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 105 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
B. Le monde développé et son soutien
communautarisé à l'EITI : La modalité
économique
L'engagement des Etats du monde développé
regroupés au sein des organisations intergouvernementales
économiques sera lu par la participation de deux banques
européennes et des institutions de Bretton Woods. Les premières,
quoique comportant un engagement régional pour le cas de la BERD,
partagent avec les secondes l'implantation géographique dans ce que les
marxistes appellent le « centre ».
1. L'implication des banques européennes dans
l'Extractive Industries
Transparency Initiative : le cas de la BERD et de la
BEI
Deux banques européennes sont engagées à
soutenir l'initiative. Il s'agit de la Banque Européenne pour la
Reconstruction et le Développement (BERD) et la Banque Européenne
d'Investissement (BEI).
a) La Banque Européenne pour la Reconstruction et
le Développement et l'Initiative de transparence des industries
extractives
La BERD consacre à l'EITI un engagement
régional car, sa mission première consiste à oeuvrer pour
l'ouverture des pays de l'Europe centrale et orientale en plus de la Mongolie,
à l'économie de marché. Il faut noter que ces pays qui
font partie de l'ancien giron communiste, ne disposent guère des
structures et infrastructures compatibles pour un échange avec l'Europe
occidentale au sortir de la balkanisation de l'URSS. Aussi, la BERD est-elle
créée à Paris suite à l'Accord du 29 mai 1990 qui
entra en vigueur le 28 mars 1991 c'est-à-dire dans les temps qui ont
précédé la perestroïka1.
L'article 3 de l'Accord portant création de la BERD dit
dans ses alinéas 1 et 2 :
« La qualité de membre peut être
accordée : aux pays européens et aux pays noneuropéens qui
sont membres du Fonds Monétaire International ; et à la
Communauté économique européenne et à la Banque
européenne d'investissement. Les pays à qui la qualité de
membre peut être accordée conformément au paragraphe 1 du
présent article, mais qui ne le deviennent pas conformément
à l'article 61 du présent Accord, peuvent être
admis
1 L'on peut penser que la Perestroïka en tant
que processus de refondation de l'URSS a débuté avec la signature
des accords de Belovez en décembre 1991 créant la CEI et la
démission de Mikhaïl Gorbatchev du poste de président de
l'URSS qui cessa d'exister le 25 décembre 1991. C'est l'avis de
Anaïs Marin « Saint-Pétersbourg, ville-frontière
d'Europe. Extraversion, paradiplomatie et influence de la « capitale du
Nord »sur la politique étrangère de la
fédération de Russie » Thèse de doctorat soutenue le
1er décembre 2006 à l'IEP de Paris. p.22-23
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
comme membres, selon des conditions et modalités
que la Banque peut déterminer, par décision expresse des deux
tiers au moins du nombre des gouverneurs, représentant au moins les
trois quarts du nombre total des voix attribuées aux membres
».
C'est dire que, le membership est exclusivement
étatique et donc, le soutien de cette institution à l'initiative
est celui d'un ensemble d'Etats. Voilà qui invalide la thèse du
déclin de l'Etat alors que son existence solitaire ou en groupe est la
condition sine qua non pour le fonctionnement des initiatives qui
comme EITI, concourent à la résolution des problèmes
complexes de ces temps.
La corruption et la fraude sont deux fléaux qui
empoisonnent le climat de l'investissement. C'est pourquoi la transparence est
au coeur du mandat de la banque en tant qu'élément de la
démocratie pluraliste et de marché qu'elle promeut dans cet
ancien giron communiste1. La BERD et EITI ont donc en partage la
valeur et le souci de la transparence. En s'engageant à travailler avec
EITI, cette banque encourage les pays de sa zone d'opération2
à adopter les principes EITI. Elle s'est engagée notamment
à :
· S'impliquer activement dans le processus des
consultations d'EITI y compris en faisant des propositions dans le
développement des mécanismes techniques de reporting.
· Promouvoir la transparence dans les rapports des
revenus, de même qu'une transparence accrue sur les plans financiers et
organisationnels en se servant du guide EITI comme modèle pour une plus
grande transparence.
· Travailler en coopération avec d'autres
institutions financières internationales et les institutions
financières privées pour promouvoir les initiatives de
transparence et de gouvernance dans la communauté financière.
· Aider au renforcement des capacités dans les pays
d'opération afin de les aider à implémenter les
critères EITI.
1 L'article premier de l'Accord portant
création de la BERD dit d'ailleurs à ce sujet : «
L'objet de la Banque est, en contribuant au progrès et à
la reconstruction économiques des pays d'Europe centrale et orientale
quis'engagent à respecter et mettent en pratique les
principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de
l'économie de marché, de favoriser la
transition de leurs économies vers des économies de
marché, et d'y promouvoir l'initiative privée et l'esprit
d'entreprise. L'objet de la Banque peut également être mis en
oeuvre en Mongolie sous les mêmes conditions. En conséquence,
toute référence dans le présent Accord et dans ses annexes
aux « pays d'Europe centrale et orientale », à un ou plusieurs
« pays bénéficiaires » ou aux « pays membres
bénéficiaires » s'applique également à la
Mongolie ».
2 Les pays mettant en oeuvre les principes de
l'initiative et qui sont dans sa zone d'action sont : l'Azerbaïdjan, le
Kazakhstan, le Kirghizstan et la Mongolie
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 107 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
b) Le soutien du groupe de la Banque Européenne
d'Investissement à l'EITI
La deuxième banque d'Europe qui soutient l'initiative
est la Banque Européenne d'Investissement (BEI). C'est une institution
dont l'engagement y est à la fois global et régional. Global
parce qu'elle mène des activités dans le monde entier et donc,
peut avoir une influence effective dans tous les pays dans lesquels elle
finance des projets de développement. Ensuite régional parce
qu'elle est active dans plusieurs régions du globe où elle peut
donc peser de tout son poids dans l'adoption des principes EITI par les Etats
qui sollicitent son appui.
Le groupe BEI est l'organisation financière de l'Union
européenne. Il est constitué par la BEI, qui octroie des
prêts directs ou indirects et le FEI (Fonds Européen
d'Investissement) qui aide les entreprises innovantes par des activités
de capital-risque ou de garanties. Ils agissent dans le but de favoriser la
réalisation des objectifs fondamentaux et prioritaires de l'Union
européenne. Et donc, sont en quelque sorte la composante
financière de l'UE dont ils appliquent les normes.
Ayant fait le constat des conséquences d'une gestion
médiocre des affaires publiques par l'impact de la corruption et
l'absence de transparence, le groupe de la BEI qui oeuvre à la poursuite
de l'éradication de la pauvreté en tant qu'objectif premier du
millénaire pour le développement, soutient l'initiative qui vise
à donner corps à la transparence. Ainsi, en rejoignant la liste
des organisations qui soutiennent EITI en 2008, il s'est engagé à
appuyer les travaux de l'initiative dans les pays riches en ressources
extractives dans lesquels il intervient. De plus, il promeut l'initiative dans
le cadre de ses relations avec les Etats et les autorités nationales en
les encourageant à adopter les principes de l'initiative. Enfin, il
soutient les activités du secrétariat international EITI qui est
basé à Oslo. La BEI s'est engagée à promouvoir un
niveau élevé de transparence et la bonne gouvernance dans le
cadre de tous les projets qu'elle finance. En soutenant les objectifs de
l'EITI, elle réaffirme la déclaration sur la promotion de la
gouvernance d'entreprise qu'elle a signée avec d'autres institutions de
financement du développement, et confirme l'orientation de sa politique
dans le domaine de la lutte contre la fraude et la corruption.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Encadré : A
propos du soutien de la BEI à l'Initiative de Transparence des
Industries Extractives
Des industries extractives correctement gérées
peuvent apporter une contribution significative au développement
économique et à la création d'emplois. La BEI est
convaincue qu'une meilleure transparence et une plus grande
responsabilité dans les industries extractives constituent des
éléments essentiels pour renforcer le développement
économique, réduire la pauvreté et assurer une plus grande
stabilité politique dans les pays riches en ressources naturelles... La
BEI apportera son soutien au travail de l'ITIE dans les pays riches en
ressources dans lesquels la banque est présente, en travaillant avec ses
sponsors de projet pour introduire une plus grande transparence et
cohérence dans la déclaration de l'information financière
au niveau du projet. En même temps, la BEI promouvra l'initiative
grâce à ses contacts avec les gouvernements et les
autorités nationales et encouragera ces derniers à adopter les
principes de l'ITIE quant à la déclaration de l'information
financière et à la publication des revenus issus des industries
extractives. La BEI soutiendra aussi activement le travail du
Secrétariat ITIE International dont le siège se trouve à
Oslo.
BANQUE EUROPÉENNE
D'INVESTISSEMENT
|
|
En plus de ces institutions intergouvernementales
européennes au sein desquelles les Etats font la démonstration de
la pertinence de leur actorat, il y a les institutions de Bretton Woods qui
relèvent aussi dans notre taxonomie des regroupements du monde
développé.
2. Les institutions de Bretton Woods et la transparence
des industries extractives
L'engagement de l'Etat dans l'initiative se lit
également au travers des institutions de Bretton Woods. Organismes
intergouvernementaux ayant vu le jour lors de la conférence tenue
près de Washington en 1944, le Fonds Monétaire International et
le Groupe de la Banque Mondiale poursuivent des objectifs de
développement dans le monde. Leur appui à la transparence dans
les industries extractives n'épouse pas le même schéma,
autrement dit leur parenté s'arrête à la lisière de
la communauté de leur sociogenèse.
a) L'initiative de transparence des industries
extractives dans la politique de transparence du Fonds Monétaire
International
L'antériorité du FMI par rapport à
l'initiative n'est pas uniquement de l'ordre du surgissement historique mais
également dans le domaine des initiatives de promotion de la
transparence même si ces dernières sont de portée plus
générale.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Fondé pour prévenir le retour aux politiques
économiques désastreuses qui ont conduit à la grande
dépression des années 1930, le FMI est une institution regroupant
185 Etats membres avec environ 2635 employés originaires de 143 pays
différents1. De nos jours, il a pour objectif de promouvoir
la coopération monétaire internationale, de faciliter l'expansion
et la croissance équilibrée du commerce mondial, de promouvoir la
stabilité des changes et de mettre ses ressources à la
disposition des pays confrontés à des difficultés de
balance de paiement2.
Le FMI entretient avec les pays riches en ressources
naturelles un dialogue autour des défis macroéconomiques auxquels
ils font face, à savoir la volatilité des prix internationaux et
la vulnérabilité fiscale que cela comporte ; le syndrome
hollandais ; l'équité intergénérationnelle
etc...Elle renforce aussi les institutions publiques car la faiblesse de
celles-ci entraîne une mauvaise gouvernance qui à son tour
explique largement l'absence de croissance. Pour tous ces défis, la
transparence semble être la panacée.
Le fonds a développé des instruments pour la
promotion de la transparence dans la gestion des économies en
général notamment, un standard pour améliorer la
disponibilité des statistiques compréhensibles et
up-to-date, des codes et manuels d'accompagnement sur la politique de
transparence des politiques monétaires, fiscales et financières.
A cet ensemble, vient s'ajouter un guide sur la transparence des revenus
des ressources naturelles. C'est dans la lignée de ce guide que se
situe l'engagement du fonds à EITI. En effet, ce guide est un espace
réduit d'un cadre plus large, le code de bonnes pratiques sur la
transparence fiscale adopté en 2005. Le guide sur la transparence
des revenus des ressources vise l'implémentation du code des bonnes
pratiques sur la transparence fiscale mais uniquement dans les pays
dotés de ressources naturelles qui font face aux problèmes de
gestion de leurs revenus. C'est précisément ce secteur que cible
EITI c'est pourquoi le Fonds considère que l'approche de l'initiative
est complémentaire de la sienne. Ainsi, le 17 mars 2005, M. Takatoshi
Kato directeur adjoint du FMI a déclaré le soutien du Fonds
à l'initiative lors de la conférence internationale de
Londres.
1 D'après le site du FMI
www.imf.org visité le 23 mars
2009.
2 C'est ainsi que, les difficultés de la
crise financière qui est née aux USA en été 2007
laissant présager des mauvaises années pour les pays pauvres, M.
Dominique Strauss-Kahn directeur du FMI a obtenu du sommet du G-20 tenu
à Londres du 1er au 2 avril 2009 que les Etats
développés versent 1100 milliards de dollars US à
l'institution dont il a la charge afin de soutenir les économies
fragiles qui seront davantage fragilisées par cette crise.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Le guide sur la transparence en tant qu'espace structurel de
soutien du Fonds à l'initiative, s'appuie sur une définition de
la transparence qui prend en compte quatre variables. Selon ce guide, la
transparence s'articule autour de :
· La clarté des rôles et des
responsabilités
· La publicité des informations relatives aux
finances
· L'ouverture de la préparation, de
l'exécution et des rapports des budgets
· L'assurance de l'intégrité.
Parmi ces quatre critères, le second à savoir
la publication des informations relatives aux finances est le cadre dans lequel
s'enchâsse le soutien du Fonds à l'initiative. C'est pourquoi le
FMI encourage les pays à prendre part à l'initiative, encourage
les pays candidats dans leur implémentation des principes EITI. A un
niveau plus global, le FMI travaille en collaboration avec le DFID et la Banque
Mondiale pour étendre la liste des candidats à l'initiative.
b) Le groupe de la Banque Mondiale et l'initiative de
transparence des industries extractives
Le Groupe de la Banque Mondiale est une des organisations
intergouvernementales les plus importantes de la transparence des industries
extractives, de par le rôle qu'il joue dans l'initiative mais
également pour son implication dans les projets d'exploitation des
industries extractives qu'il veut transparentes depuis que les organisations de
la société civile sont entrées en croisade contre son
soutien à des régimes autoritaires et à des projets
dévastateurs de l'environnement1. Le caractère
intergouvernemental ne souffre plus d'aucun doute puisque ce groupe
composé de cinq organismes, est largement représentatif des
nationalités du monde dans leur pluralité et leur
diversité2.
1 Voir par exemple: Pegg S. « Poverty
reduction or poverty exacerbation? World Bank group support for extractive
industries in Africa» Report for Oxfam America, April 2003;
Oxfam international, BIC, Campagna per la riforma della banca
mondiale «The World Bank group's mining operations; Tarnished gold:
Mining and the unmet promise of development», September 2006; Gary I.
& Karl T.L. « Bottom of barrel: African oil boom and the poor
»CRS: rapport de Juin 2003.
2 En effet, le groupe de la Banque Mondiale est
composé de la BIRD (Banque Internationale pour la Reconstruction et le
Développement) qui a 185 pays membres, la SFI (Société
Financière Internationale) avec 181 Etats membres, de l'Agence
Multilatérale de Garantie des Investissements (AMGI) qui dispose de 173
Etats membres, du Centre International de Règlement des
Différents relatifs aux investissements (CIRDI) qui a 143 pays membres
et de l'IDA avec ses 168 membres. Voir le site
www.worldbank.org.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 111 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
En plus d'être un acteur déterminant dans les
projets d'exploitation des industries extractives par le biais de la SFI qui
finance directement certains projets dans le monde1, le groupe BM
possède une expérience dans les efforts de transparence dans ce
secteur d'activité, notamment avec la Revue des Industries Extractives
et son implication dans le projet pétrole TchadCameroun2.
Le lancement en juillet 2001 de la Revue des Industries
Extractives par le groupe de la banque mondiale était la
réalisation d'une promesse de M. James Wolfensohn faite aux
organisations de la société civile. En effet, lors de
l'assemblée générale de la BM tenue à Prague en
juin 2000, les OSC ont exprimé leurs doutes quant à la
possibilité pour la BM de lutter efficacement contre la pauvreté
avec sa participation dans les projets d'exploitation des industries
extractives. Il leur promit donc de réétudier le rôle de la
banque. La problématique du développement durable fut au centre
de cette revue qui devait réunir dans une triangulaire composée
des Etats, des industries extractives et des organisations de la
société civile autour de la question du développement par
le biais de l'exploitation minière, gazière et
pétrolière. La Revue posa donc l'impératif du
développement durable comme objectif à atteindre, à trois
conditions principales :
· Observer une gouvernance publique et industrielle
favorable aux pauvres, incluant une planification et une gestion proactives
destinées à optimiser la réduction de la pauvreté
grâce au développement durable ;
· Conduire des politiques sociales et environnementales
beaucoup plus efficaces ; et
· Promouvoir le respect des droits de l'Homme.
1 Le premier investissement de la SFI en Afrique a
été approuvé en 1960 sous forme d'un prêt de 2,8
millions de dollar en Tanzanie. De 1992 à 1999, elle a approuvé
33 projets en Afrique pour plus de 660 millions de dollar dans les industries
extractives. Considérant la décennie 1990-2000, les principaux
pays récipiendaires des financements de la Banque pour les industries
extractives étaient: le Cameroun (534 millions de dollar), le Tchad (491
millions USD), la Tanzanie (402 millions USD), le Nigeria (391 millions USD),
la Zambie (391 millions USD), la Côte d'Ivoire (199 millions USD) et le
Mali (108 millions USD) soit un total de 2.625 millions USD. En juillet 2006,
la Banque a accordé un prêt de 125 millions de dollars à
Newmont Mining Corporation pour extraire de l'or à Ahafo
à 300km d'Accra au Ghana. La même compagnie a reçu en 1993,
100 millions de dollar de la Banque pour l'exploitation de la mine de Cajamarca
au Pérou. Au Kyrgystan ; Kumtor Gold Mine a reçu en
1998, 40millions de dollar de la Banque Mondiale. Voilà quelques projets
financés par la BM au travers de la SFI. Voir Pegg S. « Poverty
reduction or poverty exacerbation? World Bank group support for extractive
industries in Africa» Report for Oxfam America, April 2003.
2 L'on peut également évoquer son
implication dans la construction de l'oléoduc Bakou-Tbilisi-Ceylan pour
lequel la SFI a déboursé 125 millions de dollars US mais en
raison du défi de la transparence que posait le projet Tchad-Cameroun,
défi rappelé par les organisations de la société
civile tant quant à l'impact sur le développement que sur
l'environnement, nous faisons le choix de n'évoquer que ce dernier.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
D'après ce document du groupe de la Banque mondiale
produit par M. Emil Salim, une gouvernance publique favorable aux pauvres passe
par :
· La promotion de la transparence des flux de revenus ;
· La promotion de la divulgation des documents liés
aux projets ;
· Le développement de la capacité à
gérer la fluctuation des revenus ;
· Le développement de la capacité à
gérer les revenus de manière responsable ;
· L'aide aux gouvernements pour l'élaboration des
cadres réglementaires et politiques modernes ; et
· L'intégration du public dans les processus
décisionnels tant au niveau local que national.
Toutefois, même si la Revue des Industries Extractives
a le mérite d'avoir rapproché la politique de la BM en principe
des Objectifs du Millénaire pour le Développement et l'esprit du
consensus de Monterrey1, les projets financés par la banque
n'ont fait l'objet d'une implémentation de la transparence telle que
voulue par les OSI que dans le cadre de l'EITI2 ce, pour ceux qui
sont localisés dans les pays candidats à l'initiative. Aussi,
lorsque Tony Blair lance l'initiative en 2002, la Banque Mondiale
possède déjà les éléments nécessaires
pour son implémentation et se trouve donc au centre du dispositif en
tant que pourvoyeur de fonds dans les grands projets des industries
extractives.
Le 9 décembre 2003, l'année même du
démarrage effectif de l'initiative, la Banque Mondiale annonce par son
chef du département pétrole, mine et gaz M. Rashad Kaldany
qu'elle lui accorde son soutien total. Il déclarait à cette
occasion:
«We believe this step will both underscore and
expand the leadership role that the Bank Group has had in fostering
transparency, ensuring accountability, and contributing to sustainable
development impact... We have gained more experience in working with companies
and governments on these issues, most recently through the BTC pipeline.
New
1 Le consensus de Monterrey a été
signé à l'issue de la conférence des Nations Unies pour le
financement du développement tenue du 18 au 22 mars 2002 à
Monterrey au Mexique. Les Etats du système des Nations Unies ont
trouvé un consensus autour de six actions prioritaires à savoir :
la mobilisation des financements internes pour le développement, la
mobilisation des financements étrangers pour le développement,
une augmentation de l'usage du financement et de l'expertise internationaux
pour le développement, le commerce international comme moteur du
développement, l'amélioration de la cohérence et de la
consistance des systèmes financiers, monétaires et commerciaux
internationaux dans le soutien au développement et la question de la
dette extérieure.
2 Il faut d'ailleurs signaler que le cas tchadien
est révélateur d'une situation ambiguë. Lorsque le 9
septembre 2008 la BM annonce son retrait du projet d'oléoduc
Tchad-Cameroun, cela fait suite au remboursement par le gouvernement tchadien
de la totalité de sa dette.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 113 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
research in this area has created more momentum in the
international community to focus on these issues...And the Extractive
Industries Review, which is now winding down under the leadership of Dr. Emil
Salim, has very clearly signaled that this is, and will be, a high-priority
issue for our stakeholders in civil society... This is the next evolutionary
step in our role as a neutral broker on these complex issues and we are
prepared to make a long-term commitment» (nous pensons que cette
étape va en même temps sous-influencer et étendre le
rôle du groupe dans l'encouragement de la transparence, assurant la
responsabilité et contribuant à un développement
durable...Nous avons gagné plus d'expérience en travaillant avec
les compagnies et les gouvernements sur ces questions, plus recemment encore
lors de la construction du pipeline reliant Bakou, Tbilisi et Ceylan. Une
nouvelle recherche dans ce domaine a crée plus d'élan au sein de
la communauté internationale qui se penche sur ces questions. Et la
revue des industries extractives qui sous la conduite du Dr Emil Salim tire
à sa fin, a très clairement signalé que cela est et sera
une question de haute priorité pour nos parties prenantes de la
société civile...Ceci est la prochaine étape dans notre
rôle en tant que courtier neutre dans ces questions complexes et nous
sommes préparés pour un engagement à long terme).
Le rôle qu'elle joue dans les projets d'exploitation
des industries extractives la place en position privilégiée pour
rassembler les Etats et les compagnies autour de cette initiative. En effet,
elle est avec le FMI un bailleur de fonds incontournable pour nombre de pays
riches en ressources extractives. De plus, les compagnies engagées dans
de grands projets d'extraction aiment solliciter son capital non pas par
carence de moyens, mais pour s'offrir ainsi une assurance tout-risque contre
les aléas des zones de faible gouvernance. Comme le déclarait
Miles Shaw à Luc Lamprière en 2001 au sujet du projet
d'oléoduc Tchad-Cameroun :
« Nous avons recherché la participation de la
Banque mondiale dans le contexte des risques politiques : le rôle de la
Banque constituait une part de l'effort pour minimiser les risques politiques.
Nous pouvons accepter le risque économique mais l'expertise de la Banque
et ses relations avec le gouvernement endossent le risque politique. Le
gouvernement tchadien a déclaré vouloir participer
financièrement à la TOTCO. Pour cela il a besoin de l'argent de
la Banque. Et cela n'allait qu'avec certaines conditions1
».
1 Luc Lamprière est journaliste et Miles
Shaw était en 2001 un porte-parole de ExxonMobil. Cette
déclaration est citée dans Martin Petry & Naygotimti
Bambé (2005) Le pétrole du Tchad : rêve ou cauchemar
pour les populations ? Paris : Karthala, p.33-34.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 114 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
La Banque se trouve donc à la tête du Multi
Donor Trust Fund qui est l'organe centralisateur des financements de
l'initiative. Elle est omniprésente dans le processus de mise en oeuvre
de l'initiative qu'elle soutient aux niveaux global et régional. Cet
intérêt de la Banque s'explique par la concordance de l'initiative
avec sa stratégie globale de lutte pour la gouvernance et contre la
corruption. Programme qui a d'ailleurs évolué, passant d'un
désintérêt vis-à-vis la chose politique à une
compréhension du caractère inséparable des sphères
économiques et politiques1. Aussi, le soutien de la Banque
mondiale à l'initiative entend-il s'étendre à d'autres
ressources naturelles, c'est le sens de l'initiative renforcée pour
la transparence des industries extractives (EITI++) lancée le 12
avril 2008 par M. Robert Zoellick président du groupe de la Banque
mondiale. Il s'agit de compléter le processus EITI qui s'arrête
à la déclaration et à la publication de recettes et des
paiements des revenus des industries extractives, en prêtant attention
à l'ensemble du processus d'utilisation des revenus mais cette fois-ci,
de toutes les ressources naturelles dont disposent les pays africains au sud du
Sahara2.
En somme, la Banque mondiale est un partenaire
privilégié de l'initiative dont elle soutient presque tous les
niveaux de la mise en oeuvre, en collaborant avec la totalité des pays
candidats mais aussi dans le cadre de l'administration du MDTF et aux
côtés du secrétariat international.
Si la modalité économique est centrale dans le
processus de mise en oeuvre de l'initiative, au travers des institutions
intergouvernementales qui sont engagées dans la mise en oeuvre de
l'ITIE, force est de noter que le politique n'est pas en reste. La pertinence
de l'actorité de l'Etat au travers des regroupements
intergouvernementaux est également validée par les organisations
internationales de type politique.
1 En effet, en 1992 dans son rapport
intitulé « Governance and development », la Banque mondiale
esquivait la question de la forme particulière que devait prendre un
régime politique dans le cadre de la bonne gouvernance, arguant que
cette question se situait « hors du mandat de la banque ». Dans le
rapport de 1997 « l'Etat dans un monde en développement », la
Banque mondiale a effectué une volte-face en intégrant la forme
des régimes politiques car entre temps, le PPTE qui vit le jour en
septembre 1996 comportait une conditionnalité des reformes
institutionnelles.
2 A l'origine EITI++ est destinée à
cette région du monde. Elle reçoit dès l'annonce de son
lancement, le soutien du président de la BAD, du ministre mauritanien du
Pétrole et des Mines, Mohamed El Moktar Ould Mohamed El Hacen, de la
Commission de l'Union africaine, en la personne de son vice-président,
Erastus Mwencha, et de Ousmane Doré, ministre guinéen de
l'Économie, des Finances et du Plan.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Paragraphe II : Les organisations internationales
politiques et la transparence des industrie extractives
Classées en deux types de façon arbitraire, ces
organisations sont engagées dans la mise en oeuvre de l'initiative tant
sur le plan régional que sur le plan global. C'est la seule
considération qui justifie leur catégorisation en un espace qui
privilégie l'affect intrahémisphérique au sud (A) et une
assistance des regroupements globaux (B).
A. L'affect intra-hémisphérique au sud
et le soutien à la transparence des industries
extractives
L'Union africaine et l'Organisation Internationale de la
Francophonie sont les socles de la démonstration de la pertinence de
l'Etat dans l'initiative à travers les organisations
intergouvernementales du sud.
1. L'Union Africaine et la transparence des industries
extractives : un soutien timide
Parmi les regroupements intergouvernementaux qui ont
annoncé leur soutien à l'initiative, l'Union Africaine est
particulière en raison du nombre de pays de son espace qui
implémentent les principes EITI, et de la superficialité de son
soutien. En effet, avec plus de quinze pays dans l'initiative, l'Union n'a pas
manifesté collectivement un grand engouement quant au soutien de
l'initiative et malgré les engagements contenus dans plusieurs textes de
base de l'Union, et qui rattachent le développement durable à la
bonne gouvernance. Peut-être cela est-il dû à la crainte que
suscite l'initiative par rapport à la souveraineté des Etats dont
le respect est l'un des principes fondateurs de l'Union. L'explication peut
également résider dans l'esprit de l'article 21 de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples qui dit : « Les peuples ont
la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles ; ce
droit s'exerce dans l'intérêt exclusif des populations. En aucun
cas, un peuple ne peut en être privé1».
En réalité, l'argument de la
superficialité du soutien de l'Union africaine se fonde sur un certain
nombre de faits. Pendant que l'Acte constitutif de l'Union ratifié par
53 pays africains fixe au nombre de ses objectifs la promotion des principes et
des institutions démocratiques,
1 Voir la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples adoptée en juin 1981 à Nairobi dans le site
www.union-africaine.org/
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
la participation populaire et la bonne
gouvernance1, alors que le respect des principes
démocratiques, des droits de l'homme, de l'état de droit et de la
bonne gouvernance figure en bonne place dans l'Acte2, la Commission
de l'Union Africaine n'a accordé à l'initiative qu'un soutien
partagé, au sein d'un partenariat stratégique avec la Commission
Européenne. En effet, aucune déclaration commune à l'issue
d'un sommet ne porte comme cela a été le cas pour les
communiqués finaux des sommets du G83, une invitation des
pays à adhérer et à soutenir l'initiative4. La
généralité des appels à soutenir un
développement durable par la bonne gouvernance est-elle le signe de la
prudence diplomatique qui évite de blesser les susceptibilités ?
Toutefois, l'on notera que quoique timidement, l'Union a déclaré
soutenir l'initiative en partenariat avec l'Union européenne, dans le
cadre d'un ambitieux plan de relance du secteur de l'énergie lors d'une
réunion tenue à Bruxelles le 8 septembre 2008. Il faut
espérer que l'adhésion individuelle des pays africains à
l'initiative porte un jour au sein de la Commission une majorité
suffisante pour qu'un soutien franc et massif soit apporté à
l'adhésion aux principes de EITI.
2. La Francophonie ou l'unité linguistique au
service du développement durable
C'est sous l'impulsion de Léopold Sédar Senghor
du Sénégal, Habib Bourguiba de Tunisie, Hamani Diori du Niger et
du Prince Norodom Sihanouk du Cambodge, que les représentants de 21
Etats et gouvernements ont signé à Niamey, le 20 mars 1970, la
Convention portant création de l'Agence de Coopération Culturelle
et Technique (ACCT)5. C'est bien plus tard que la France va
récupérer le projet de ces chefs d'Etats qui voulaient par cette
organisation fondée sur le socle linguistique, contrer l'influence
anglosaxone au sein de l'OUA. Par la mue de ses institutions, l'ACCT devient
l'Agence de la Francophonie en 1997
1 Objectif (g) de l'article 3 de l'Acte constitutif
relatif aux objectifs de l'Union Africaine
2 Principe (m) de l'article 4 de l'Acte
constitutif relatif aux principes de l'Union Africaine. Il faut même
ajouter qu'il existe un Comité technique spécialisé
chargé de l'industrie, de la science et de la technologie, de
l'énergie, des ressources naturelles et de l'environnement (article 14
(d) de l'Acte constitutif de l'Union). Autant de choses qui laissent penser que
l'Union devait accueillir avec enthousiasme l'initiative mais il n'en est rien.
Peut-être la crainte de la perte de souveraineté de certains chefs
d'Etats a eu raison de l'intérêt général qu'aurait
pu promouvoir une certaine transparence dans la gestion des revenus des
industries extractives.
3 Depuis Evian, les sommets du G8 insistent
systématiquement sur la nécessité pour les pays en voie de
développement d'adhérer à EITI pour permettre par une
gestion transparente des revenus des ressources du soussol, un décollage
de leurs économies.
4 Depuis la déclaration de Syrte en
février 2004 c'est-à-dire l'année qui a suivi le lancement
officiel de l'initiative par la première conférence de Londres,
jusqu'à la déclaration d'Addis-Ababa faite lors de la
douzième session ordinaire de février 2009, aucune ne fait
mention à l'initiative de transparence des industries extractives
à laquelle les pays seraient conviés à adhérer pour
le développement du continent.
5 Voir le site
www.francophonie.org
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
après une révision de sa charte. En 1998
à Bucarest, la conférence ministérielle prenant acte de
la décision du Conseil permanent de la Francophonie, adopte
l'appellation de
l' « Organisation Internationale de la Francophonie
».
La déclaration de Hanoi de novembre 1997 commence
à insister sur la nécessité de renforcer la dimension
économique de la Francophonie. Elle exprime cette
nécessité en ces termes :
« Conscients de la nécessité de
renforcer la dimension économique de la Francophonie pour que, de pair
avec ses dimensions culturelle et politique, elle assure la
pérennité de la Francophonie dans le monde d'aujourd'hui et de
demain, et reconnaissant l'urgence de répondre au besoin de
développement de nos peuples, comme l'indique le thème du Sommet
de Hanoi : « Renforcement de la coopération et de la
solidarité francophones pour la paix et le développement
économique et social1 ».
Lors du Xème sommet des chefs d'Etats et de
gouvernements de la Francophonie tenu en novembre 2004 à Ouagadougou,
les membres ont adopté les nouvelles missions stratégiques de
l'organisation qui sont résumées dans l'article premier de la
Charte de 2005 qui dit :
« La Francophonie, consciente des liens que
créent entre ses membres le partage de la langue française et des
valeurs universelles, et souhaitant les utiliser au service de la paix, de la
coopération, de la solidarité et du développement durable,
a pour objectifs d'aider : à l'instauration et au développement
de la démocratie, à la prévention, à la gestion et
au règlement des conflits, et au soutien à l'État de droit
et aux droits de l'Homme ; à l'intensification du dialogue des cultures
et des civilisations ; au rapprochement des peuples par leur connaissance
mutuelle ; au renforcement de leur solidarité par des actions de
coopération multilatérale en vue de favoriser l'essor de leurs
économies ; à la promotion de l'éducation et de la
formation. Le Sommet peut assigner d'autres objectifs à la Francophonie
».
Ainsi, les initiatives qui oeuvrent à l'atteinte des
buts de développement contenus dans les objectifs du millénaire
pour le développement, trouvent la sympathie de la Francophonie, surtout
le développement durable qui s'appuie entre autre sur la gouvernance
démocratique2.
1 Paragraphe 3 de la déclaration de Hanoi de
novembre 1997
2 A ce sujet, le paragraphe 5 de la déclaration de
Québec dit que les membres de l'organisation sont: « Convaincus
de la nécessité d'oeuvrer conjointement, au sein d'un espace
francophone solidaire, pour apporter, par des actions ciblées, une
valeur ajoutée en faveur de la paix, de l'Etat de droit, de la
coopération et du
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 118 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Elle s'est donc engagée à l'issue du sommet de
Québec tenu du 17 au 19 octobre 2008, à promouvoir une meilleure
gestion des ressources, en soutenant les efforts déployés par les
institutions financières internationales pour élaborer des normes
et codes susceptibles d'être adoptés par les pays membres ;
à promouvoir la transparence, la responsabilité et la bonne
gouvernance dans le secteur des industries d'extraction, notamment en vue de
prendre en compte la dimension des « ressources naturelles » dans les
conflits armés et les situations de sortie de crise ; à
encourager à cet égard une adhésion plus large à
l'Initiative pour la Transparence des Industries d'Extraction (ITIE)
dont font déjà partie 14 pays appartenant à la
Francophonie, notamment par l'appui aux candidatures des pays membres de la
famille francophone 1».
B. L'assistance politique des regroupements globaux pour
des industries extractives transparentes
Deux organisations nous semblent illustrer l'importance de
l'actorité de l'Etat par son rôle au sein des
organisations intergouvernementales, dans la mesure de leur engagement dans
l'initiative.
1. La transparence des industries extractives dans
l'espace d'action de l'OCDE
L'Organisation pour la Coopération et le
Développement en Europe (OCDE) a annoncé son soutien à
l'initiative dès 2003, lors de la première conférence
internationale tenue à Londres. En mars 2005 lors de la seconde
conférence, l'organisation était présente et à
chaque occasion, elle réitérait la nécessité pour
les deux institutions de coopérer en raison des similitudes
noyées dans les objectifs poursuivis par elles. A l'occasion de la
conférence internationale d'Oslo, M. Manfred Schekulin, directeur du
comité des investissements de l'OCDE disait le 25 octobre 2006:
«As Chair of the OECD Investment Committee, I would
like to convey the Committee's continued strong support for the Extractive
Industries Transparency Initiative's (EITI) efforts to improve governance in
resource-rich countries... I would now like to call to your attention the
recent adoption at a high political level (in the OECD Council) of two
investment instruments that complement and reinforce EITI's aims» (en
tant que directeur du comité d'investissement de l'OCDE, je voudrais
conduire le soutien solide du comité aux efforts de
développement durable » pour marquer sa conscience
de l'impératif de soutenir ces aspects de la vie sociale comme gage
d'une réussite de la Francophonie.
1 Paragraphes 38, 39 et 40 de la déclaration
de Québec du 19 octobre 2008.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'initiative de transparence des industries extractives pour
l'amélioration de la gouvernance dans les pays riches en ressources...Je
voudrais à présent attirer votre attention sur la récente
adpotion à un niveau élévé (le conseil de l'OCDE),
de deux instruments d'investissement qui complètent et renforcent les
objectifs de EITI).
En effet, le soutien que l'OCDE accorde à l'initiative
se fait dans le cadre de deux outils qu'il a mis sur pied dans le but
d'améliorer la gouvernance dans les pays de son giron d'action. Il
s'agit du Policy framework for investment et de l'OECD risk
awareness tool for multinational enterprises in weak governance zone. Ces
deux instruments sont développés dans le cadre du comité
des investissements de l'OCDE qui est l'interlocuteur direct de l'initiative
dans cette organisation. L'un des instruments est destiné aux Etats qui
recherchent des investissements pour leur développement (a) et l'autre
est au service des entreprises qui souhaitent investir dans certains pays
(b).
a) Le Cadre d'Action pour
l'Investissement1
Le cadre d'action pour l'investissement est un
élément de l'initiative pour un investissement au service du
développement lancée à Johannesburg en novembre 2003. Il a
été adopté en mai 2006 par le conseil de l'OCDE qui est
l'organe suprême de l'institution. Il est bâti autour de dix points
qui sont : La politique d'investissement, la promotion et facilitation de
l'investissement, la politique commerciale, la politique de la concurrence, la
politique fiscale, le gouvernement d'entreprise, les politiques en faveur d'un
comportement responsable des entreprises, la mise en valeur des ressources
humaines, le développement des infrastructures et du secteur financier
et la gouvernance publique.
Parmi ces dix points, le dernier à savoir la «
gouvernance publique » est intimement lié à la transparence
que promeut l'EITI. C'est là la zone de congruence entre le cadre
d'action pour les investissements et l'initiative. Ce point se décline
en neuf questions dont l'avant dernière s'interroge sur l'existence par
le fait du gouvernement, des mécanismes d'examen pour évaluer
l'application des lois et règlements relatifs à la lutte contre
la corruption et l'intégrité. L'ultime question de ce point est
ainsi libellé : « Le gouvernement est-il partie à des
initiatives internationales visant à lutter contre la corruption et
à améliorer l'intégrité du secteur public ? Quels
mécanismes sont mis en place pour assurer l'application efficace et
en
1 D'après le texte original en anglais, il est
appelé OECD Policy Framework for Investment
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 120 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
temps voulu des conventions de lutte contre la corruption ?
Ces mécanismes contrôlent-ils l'application et l'exécution
des lois anti-corruption mettant en oeuvre les conventions ? ». Il
semblerait que l'initiative qui est en réalité un microcosme dans
le macrocosme de la lutte contre la corruption et pour la bonne gouvernance,
trouve l'espace de son émulation dans ce dixième point du cadre
d'action pour l'investissement.
b) L'outil de sensibilisation au risque de l'OCDE
destiné aux entreprises multinationales opérant dans les zones
à déficit de gouvernance1
Le second instrument de l'OCDE qui offre un espace de
congruence avec l'initiative est l'outil de sensibilisation au risque.
Destiné aux entreprises multinationales qui veulent investir, cet outil
s'intéresse aux risques et aux dilemmes éthiques auxquels font
face les entreprises dans les pays à déficit de
gouvernance2. Il a été développé dans le
cadre du suivi des investissements de l'OCDE par le Comité des
investissements en collaboration avec d'autres corps de l'OCDE3.
Après une large consultation qui a abouti à la collecte de 64
contributions, l'outil a été adopté le 8 juin 2006 lors
d'un conseil de l'OCDE, conformément à la recommandation du
communiqué final du sommet du G-8 tenue à Gleeneagles en
20054 qui demandait que l'OCDE développât un guide
à l'usage des multinationales opérant dans des zones à
faible gouvernance. L'idée que soutient cet instrument est que les
problèmes de développement ne peuvent être résolus
qu'avec le concours des populations et des dirigeants des zones
concernées, car ils sont mieux à même d'implémenter
les reformes qui s'imposent pour leur développement.
Cet instrument propose sept questions que doivent se poser
les entreprises quand elles veulent investir dans un pays. Elles vont de
l'obéissance aux lois et l'observance des instruments internationaux au
rôle des affaires dans les sociétés à faible
gouvernance, en passant par la connaissance des partenaires et clients dans les
affaires, les activités politiques et la possibilité de
s'exprimer sur les mauvaises pratiques.
1 En anglais OECD Risk Awareness Tool for
Multinational Enterprises in Weak Governance Zone
2 Appelées « weak
governance zone » dans le document elles sont définies comme:
« Investment environment in which government cannot or will not assure
their roles in protecting rights, providing basic public services and ensuring
that public sector management is effective ». Page 11 de l'OECD Risk
Awareness Tool for Multinational Enterprises in Weak Governance Zones
3 Notamment le groupe de travail sur la corruption
dans les transactions internationales d'affaire, le réseau du
comité de développement de l'assistance sur les conflits, la
coopération sur la paix et le développement et le comité
de la gouvernance publique en plus des ONG.
4 Voir le communiqué final du sommet de
Gleeneagles, au paragraphe 10C consacré à l'Afrique.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 121 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Les entreprises sont vivement conviées à
rejoindre dans le cadre du premier point, des initiatives telles que l'EITI
pour favoriser par leur engagement, la lutte contre la corruption dans les
secteurs comme les industries extractives. Par ailleurs, l'outil s'assure que
les entreprises collaborent avec d'autres entreprises et les gouvernements,
dans l'optique de publier les rapports fiables et transparents de leurs
activités. Surtout, les informations relatives à leurs
activités et aux taxes diverses qu'elles versent aux gouvernements
hôtes. Le rôle des entreprises dans le défi du
développement dans les zones à faible gouvernance est capital
dans l'élargissement des partenaires au développement, à
l'image de EITI qui s'ouvre à la société civile pour
créer un espace de concertation, le septième point qui s'articule
autour du rôle des affaires dans les sociétés à
déficit de gouvernance insiste sur la nécessité des
entreprises de s'interroger sur l'implication des autres secteurs de la
société dans la problématique du développement.
2. Les objectifs de développements des Nations
Unies et la transparence des industries extractives
Les Nations Unies sont l'architecte du cadre global qui sert
de substrat à la transparence des industries extractives. Leur soutien
à l'initiative relève donc de l'automaticité. La
déclaration du Millénaire qui est la matrice des Objectifs du
Millénaire pour le Développement a été
présentée comme un tournant dans l'existence des Nations Unies en
raison des buts qu'elle fixait pour l'humanité. Mais, cette
déclaration a également le mérite d'avoir accouché
d'un esprit propice au développement, qui a fixé des objectifs
quantifiables et comportant un délai dans le temps1. La
poursuite des huit objectifs1 fixés par les Nations Unies
comme buts à
1 C'est un mérite que ne manque pas de
souligner le secrétaire général Kofi Annan dans le rapport
2005 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement quand
il dit dans l'avant-propos: « En quoi les Objectifs du Millénaire
sont-ils si différents? Ils ont quatre particularités. En
premier lieu, ils sont axés sur l'homme, ils ont des délais
précis et ils sont quantifiables. En deuxième lieu, ils
supposent la formation d'un partenariat mondial et ne cachent pas le fait que
les pays en développement doivent balayer devant leur propre porte et
les pays développés les y aider. En troisième lieu,
ils jouissent d'un soutien politique inédit, ils sont
acceptés au plus haut niveau dans les pays développés, les
pays en développement, la société civile et les grands
organismes de développement. En quatrième lieu, ils sont
réalisables. L'année 2005 est capitale pour la réalisation
des Objectifs du Millénaire. En septembre, c'est-à-dire cinq ans
après l'adoption de la Déclaration du Millénaire et 10 ans
avant l'échéance des délais, les dirigeants du monde
entier se réuniront à l'ONU, à New York, pour voir comment
les promesses ont été accomplies et décider de ce qu'il
faudra encore entreprendre. Sous beaucoup d'aspects, le travail de 2005 sera
beaucoup plus difficile qu'en 2000 : il ne s'agira plus de fixer des objectifs,
mais de décider des moyens de les atteindre ». L'on peut penser
effectivement qu'il s'agit là d'un tournant décisif de l'ONU dont
les buts et principes tels qu'énumérés dans la Charte ne
font guère mention du développement durable. Mais la conscience
des menaces à la paix et à la sécurité que comporte
la pauvreté et l'inégale répartition des ressources qui
sont le fait de la corruption et de la gestion catastrophique des revenus des
ressources naturelles, a entraîné ce virage qui prend en compte
les objectifs de développement en vue
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
atteindre avant 2015 a justifié le lancement de moult
initiatives sous la férule de l'ONU, cherchant la formule
appropriée pour que décollent enfin les économies
attardées du globe. A Monterrey, l'ONU a réuni les chefs d'Etats
et de gouvernements pour financer le développement, comme l'indique le
rapport final de la conférence :
«We the heads of State and Government, gathered in
Monterrey, Mexico, on 21 and 22 March 2002, have resolved to address the
challenges of financing for development around the world, particularly in
developing countries. Our goal is to eradicate poverty, achieve sustained
economic growth and promote sustainable development as we advance to a fully
inclusive and equitable global economic system» (nous chefs d'Etats
et de gouvernements reunis à Monterrey au Mexique, le 21 et 22 mars
2002, avons resolu de nous pencher sur les défis du financement du
développement dans le monde, particulièrement dans les pays en
développement. Notre but est d'éradiquer la pauvreté, de
réaliser une croissance économique durable et de promouvoir un
développement durable alors que nous avançons vers un
sytème économique mondial totalement inclusif et
équitable).
L'on peut penser que cette quête de
développement par les Nations Unies est également au principe de
l'ajout d'un dixième point au Pacte Global qu'elles ont initié en
1999 et qui a été lancé dans sa phase
opérationnelle le 26 juillet 2000. En effet, depuis le 24 juin 2004, le
Pacte Mondial compte un dixième principe relatif à la lutte
contre la corruption. C'est tout naturellement donc que les Nations Unies se
sont engagées à soutenir l'EITI qu'elles ont presque
engendrée. En effet, dès le 21 décembre 19522,
l'ONU s'est inscrite dans la logique de la défense du droit des peuples
à exploiter librement leurs ressources naturelles, conformément
à l'article 1 alinéa 2 de la Charte qui énonce comme but
de l'Organisation inter alia, de développer entre les nations
des relations amicales fondées sur le respect du principe de
l'égalité de droits des peuples à disposer
d'eux-mêmes. Principe réitéré dans la
résolution 1314/XIII qui fait des recommandations concernant le respect
sur le plan international du droit des peuples et des nations à disposer
d'eux-mêmes.
d'assurer la paix, la sécurité, la
coopération internationale et les relations amicales entre les nations,
fondées sur le respect de l'égalité et de la
souveraineté des peuples.
1 Il s'agit par ordre et selon les Nations Unies,
d'éliminer l'extrême pauvreté et la faim, d'assurer
l'éducation primaire pour tous, de promouvoir l'égalité
des sexes et l'autonomisation des femmes, de réduire la mortalité
des enfants de moins de 5 ans, d'améliorer la santé maternelle,
de combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies, d'assurer un
environnement durable et enfin, de mettre en place un partenariat mondial pour
le développement
2 Voir la résolution 626/VII de
l'Assemblée générale du 21 décembre 1952 mais
également les résolutions 1515/XV du 15 décembre 1960 et
surtout la résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée
générale en date du 14 décembre 1962 sur la
«Souveraineté permanente sur les ressources naturelles».
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 123 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Le droit des peuples à exploiter librement leurs
ressources naturelles s'est souvent heurté à la corruption entre
autres écueils aussi, l'adoption en 2003 par les Nations Unies d'une
Convention contre la corruption1 et leur engagement au sein de
l'initiative s'est traduit par une résolution de l'Assemblée
générale votée le 11 septembre 2008 à
l'unanimité. Cette résolution introduite par une vingtaine de
pays2, appelle les pays membres des Nations Unies à adopter
et à implémenter la transparence notamment dans les industries,
comme elle est déjà mise en oeuvre dans les industries
extractives. Les Nations Unies continuent ainsi dans leur lutte contre la
pauvreté comme modalité déterminante pour la paix et la
stabilité, de soutenir ou d'initier des espaces pour la gouvernance et
la lutte contre la corruption dans le monde.
D'une façon générale, le soutien des
organisations intergouvernementales à EITI a des incidences sur la
souveraineté des Etats d'accueil. Il démontre
l'ambiguïté et l'équivoque que soulève Badie à
propos du multilatéralisme et de la régionalisation3.
Lorsque l'Etat qui reçoit le soutien est membre de l'organisation qui
soutient EITI, il rentabilise son appartenance à cette organisation,
tout en oeuvrant à conserver sa souveraineté. De l'autre
côté, l'organisation de par son implication, va revendiquer un
droit de regard sur l'usage des moyens alloués et donc, rendre relative
la souveraineté de l'Etat d'accueil. Quand l'Etat qui reçoit le
soutien n'appartient pas à l'organisation, comme par exemple les Etats
africains qui ne font pas partie de l'OCDE, il s'agit d'un jeu équivoque
dans lequel l'un tire les rentes de situation, et l'autre étend
l'influence des Etats qui la constitue. Manifestement, le soutien des
organisations intergouvernementales dramatise les logiques d'une
intégration recherchée autour d'une valeur communément
partagée, et la « réinvention de la puissance ».
Autrement dit, cette irruption du social qui se traduit entre autre par les
regroupements multilatéraux et régionaux, favorise la mise en
valeur de la morale de la transparence. Mais, comme l'on est en présence
d'une cohabitation de la puissance et de la morale, les organisations de type
FMI, OIF et même les organisations régionales deviennent des
espaces de recréation de la puissance où la souveraineté
se donne à voir dans sa matité. D'où peut-être
l'hésitation de l'UA qui est constitué d'Etats fiers de leurs
souverainetés et donc, ne sauraient encourager une initiative
1 Pour plus de détails, voir
http://www.unodc.org/unodc/en/crime
convention corruption.html.
2 Il s'agit d'une résolution
instiguée l'Azerbaïdjan et co-sponsorisée par l'Australie,
la Belgique, le Canada, le Congo, la France, l'Allemagne, l'Irak, l'Italie, le
Kazakhstan, le Kirghizstan, le Liberia, la Moldavie, les Pays Bas, le Nigeria,
la Norvège, le Pérou, la Sierra Leone, l'Espagne, le Timor-Leste,
la Turquie, le Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande de Nord et le
Yémen
3 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op.
cit. Chapitres 4 et 5. Badie B. La diplomatie des droits de l'homme,
op. cit. Chapitre 6.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
qui promeut l'érosion de leur essence. Deux
réalités se dégagent en somme : le soutien des
organisations intergouvernementales est le signe que la souveraineté est
devenue responsable, car elle a le souci de la commodité de vie de
l'autre proche ou lointain1. Et, les organisations
intergouvernementales offrent le spectacle d'une réinvention de la
puissance de l'Etat2.
En conclusion, la complexification de la scène
internationale3 est un fait avéré,
démontré par la profusion des acteurs qu'implique le
caractère complexe des problèmes. Cet état de fait est au
principe du lamento que certains auteurs relevant du courant
décliniste entonnent sur l'Etat. L'initiative de transparence des
industries extractives constitue comme beaucoup d'autres initiatives
lancées dans des secteurs aussi divers et variés que les
forêts, l'éducation, le gender empowering, la
santé etc... un espace où la multilatéralité
induite par les politiques publiques en quête d'efficacité, peut
comporter l'illusion du déclin de l'Etat. Il convient de ne pas perdre
de vue l'objectif de ce chapitre. Il est la tribune du plaidoyer de la
rémanence de l'Etat dans un contexte où la complexification des
problèmes rend incontournable l'intégration des autres acteurs de
la société dans la quête des solutions. Aussi, toute la
problématique autour de la fin des souverainetés trouve-t-elle sa
genèse dans cette excroissance des acteurs qui laisse penser à
l'obsolescence d'un contrôle sur le territoire par l'Etat.
Peut-être l'illusion est-elle entretenue par la fixation sur l'Etat
providentiel et omniprésent qui dans sa logique de centralisation des
polycentrismes, ou dans ses prérogatives évidentes en temps de
guerre et dans la reconstruction post-guerre, de même que dans sa
capacité de juguler les crises économiques, avait habitué
la population à une présence totale. Alors que la crise
économique et financière née aux Etats-Unis autour des
subprimes et des hedge fund en été 2007
pourrait conduire à une célébration nostalgique de
l'Etat-total comme seule solution, le paradoxe de la situation qui s'apparente
au dilemme aronien4,
1 Badie B. Un monde sans
souveraineté, op. cit.
2 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op.
cit. pp. 163-179.
3 James N. Rosenau relevait déjà
cette complexité dès le début de la décennie 1990
lorsqu'il proposait le passage de la notion de relations internationales qu'il
frappait d'obsolescence, à celle de « politique internationale
». Mais du fait des nouvelles structures et des nouveaux
procédés, la complexité était telle qu'il est
allé plus loin en formulant le concept de « politique
post-internationale ». Rosenau N. James (1990) Turbulence in world
politics: A theory of change and continuity. New Jersey: Princeton
University Press.
4 En effet, même si la réalité
de la présence des autres acteurs dans l'espace international et la
pertinence de leur action dans les Etats sont indiscutables, le monde qui fait
face à une crise ne peut compter que sur l'Etat. C'est dire que pendant
que les acteurs du marché et de la société civile
espèrent le retrait de l'Etat, il est advenu une situation de
dépression économique et financière qui nécessite
l'action de l'Etat. Ce dilemme en soit constitue un revers aux thèses du
déclinisme mais puisque tempus edad homo edacior, il serait
peut-être prématuré de célébrer le sacre de
l'Etat éternel comme solution à la première
dépression du troisième millénaire et donc, comme une
entité irremplaçable.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 125 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
conforte dans l'idée que l'Etat est encore un acteur
pertinent dont le déclin a été prématurément
annoncé.
Seul ou engagé dans une mouvance communautaire, l'Etat
se présente comme une entité incontournable pour la mise en
oeuvre de la transparence des industries extractives. Détenteur d'une
autorité rendue relative sur un territoire lui même discuté
par des acteurs privés, l'Etat cède ce qui lui reste
d'autorité à l'initiative, il régule mieux, coordonne les
opérations de transparence dans l'espace de son autorité.
Lorsqu'il n'est qu'un soutien à la mise en oeuvre sur un Etat autre, il
finance, soutient dans les instances intergouvernementales politiques et
économiques les efforts de transparence. L'Etat demeure donc pertinent
comme acteur sur la scène internationale.
En empruntant au vocabulaire théâtral comme cela
se fait depuis des décennies avec les termes tels que l'acteur et la
scène, l'on peut pousser la logique théâtrale plus en avant
en pensant que, de même que la scène dispose de deux
côtés (côté Cour et côté Jardin), aussi
vrai que le don d'ubiquité n'est pas de cet ordre, de même la
scène internationale a autant de place pour l'Etat que pour d'autres
acteurs. Chacun jouant un rôle, entrant en lien social avec les autres,
en raison des enjeux qu'offre l'espace international. La cascade des
autorités qui fait l'objet du chapitre suivant, ne consume pas la
pertinence de l'Etat mais au contraire, elle valide l'hypothèse de la
complexité qui est le signe de la relativité de la
souveraineté qui, loin d'être rendue obsolète par cette
excroissance d'acteurs, s'est transformée.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
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Chapitre 2 : Cascade d'autorités à
l'ère de la politique mondiale : le positionnement marqué des
firmes multinationales et des organisations non gouvernementales
dans l'EITI.
L'émergence d'une diplomatie parapublique a
favorisé l'éclosion et l'émulation des acteurs
privés dans l'arène internationale. La volonté d'aller
au-delà de l'Etat ou de le transformer s'est traduite par une
protubérance des acteurs privés transnationaux. Ainsi, la
diplomatie parapublique désigne l'action internationale des acteurs
privés mais qui n'est pas en rupture totale avec les
intérêts de l'Etat. Il ne s'agit pas d'une diplomatie
parallèle à celle de l'Etat qui donnerait naissance à ce
que Anaïs Marin1, à la suite des auteurs tels que
Panayotis Soldatos2 appelle la « paradiplomatie »,
c'est-à-dire une diplomatie qui est le fait des acteurs
infraétatiques tels que la ville ou la région et qui se fait en
contournant les canons de l'Etat. C'est donc une diplomatie portée par
des acteurs privés intra-(extra) étatiques3, mais qui
n'est pas totalement étrangère à l'Etat car ce dernier,
par le fait « intermestique4 », y garde une certaine
présence.
La réalité de la scène internationale en
tant qu'espace changeant et changé, interdit la lecture simpliste de la
politique internationale qui pourrait s'apparenter à une dyslexie. La
profusion des acteurs est un fait avéré de même que l'usure
de l'explication radicale des phénomènes politiques.
Désormais, selon le constat de Alex Warleigh5, l'on est
passé des relations internationales traditionnelles animées par
les Etats seuls sous les conditions d'anarchie à une étude de la
politique mondiale qui implique un changement des grilles de lecture. La
théorie
1 Anaïs Marin op. cit.
2 Voir par exemple : Panayotis Soldatos «
Cascading subnational paradiplomacy in an interdependant and transnational
world » in Earl H. Fry & Douglas M. Brown (ed.) States and
provinces in the international economy, Berkeley : University of
California Institute of governemental studies press, 1993, chapitre 2, pp. 45-
64.
3 Nous postulons ipso facto le
dépassement de l'opposition entre les concepts de « sovereignty
bound » et de « free-sovereignty actors » par lequel James
Rosenau désigne les acteurs privés qui échappent à
l'emprise de l'Etat et ceux qui sont confinés dans les limites
territoriales des Etats car nous estimons dans le cadre de cette étude
que l'interconnexion des choses publiques et privées dans ce sens,
explique en même temps que la complexité mais également,
donne du sens à notre hypothèse de la transformation de la
souveraineté. Désormais, la souveraineté trouve une
attitude sur-mesure par rapport à tous ces acteurs et devant toutes les
situations. Voir James Rosenau (1990) Turbulence in World Politics: A
theory of Change and Continuity. Princeton: Princeton University Press,
P.36
4 C'est un néologisme dont la
paternité est attribuée à Bayless Manning l'ancien
président du Council for Foreign Relations au USA. Par
ce terme, il traduit l'interconnexion des affaires domestiques avec celles
internationales dans la définition de la politique
étrangère d'un Etat. Anaïs Marin op. cit. p.38.
5 Warleigh, Alex «Learning from Europe? EU
studies and the re-thinking of international relations », European
Journal of International Relations, vol. 12, n°1, pp. 31-51.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 127 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
de la gouvernance globale1 devient ainsi
l'instrumentum laboris pour les analystes de la scène
internationale. Ce constat partagé par le professeur Luc Sindjoun qui
dit: «The evolution is toward the crisis of national monopoly in which
the global perspective is becoming important...The process and context of
globalization reconfigure the concept of sovereignty. The epistemological
obstacle is the attachment to Westphalia as a founding myth of international
relations2 » (l'évolution tend vers une crise du
monopole national dans laquelle la perspective globale devient importante...Le
processus et le contexte de mondialisation reconfigure le concept de
souveraineté. S'attacher à Westphalie comme mythe fondateur des
relations internationales est un obstacle épistémologique),
implique une considération des acteurs autres que l'Etat dans la
définition et la mise en oeuvre des politiques étatiques devenues
de plus en plus mondiales de par leur impact et l'attente qu'elles inspirent
dans la résolution des défis globaux. Cette
réalité3 n'use pas tous les possibles lorsqu'on pense
la souveraineté. La profusion des acteurs, si elle est
conditionnée par les défis et la complexification de la politique
mondiale, ne signifie pas la fin de la souveraineté. C'est pourquoi le
professeur Sindjoun poursuit en disant: «Meanwhile it is excessive to
proclaim the end of sovereignty, sovereignty still makes sense in international
relations through new meanings and specific uses4»
(pendant qu'il est excéssif de proclamer la fin de la
souveraineté, celle-ci continue de faire sens dans les relations
internationales à travers des significations nouvelles et des usages
spécifiques). Telle est la conviction qui irrigue cette
étude et la démonstration de la multi-actorité participe
de cette démonstration des transformations de la souveraineté. Au
nombre des acteurs privés dont l'action est proéminente, deux ont
retenu l'attention en raison de leur implication dans l'EITI, objet de cette
étude. Il s'agit des organisations non gouvernementales en tant que
composantes de la société civile (section 1) et des firmes
impliquées dans l'activité extractive qui représentent le
marché comme l'un des angles du triangle que forment l'Etat, la
société civile et le marché (section 2).
1 Par cette théorie, Robert E Kelly ajoute
un quatrième acteur au modèle des Relations Internationales en
plus des Etats, des organisations internationales et des firmes multinationales
; cet acteur est l'ONG. Kelly E. Robert « From International Relations to
global governance theory: Conceptualizing NGOs after the Rio breakthrough of
1992 » Journal of Civil Society, vol. 3, n°1, pp. 81-99,
2007.
2 Sindjoun Luc « Transformation of International
Relations: Between change and continuity » International Political
Science Review, vol.22, n° 3 p. 220 et 223, 2001.
3 James Rosenau dit au sujet de cette
complexité qu'il qualifie de chaos: « Indeed, we are on the verge
of living in a world (...) which constitute one single economic system, within
which private transnational actors allocate resources with global calculus
» Rosenau James « Patterned chaos in global life: structure and
process in the two worlds of world politics »International Political
Science Review, vol. 9, n° 4, p.327, 1988.
4 Sindjoun, idem.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
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Section 1 : Les ONG dans le défi de la
gouvernance globale : des promoteurs du « marché de la pitié
» dans la transparence des industries extractives
La littérature actuelle sur les organisations non
gouvernementales rend obsolète le constat de Norbert Götz. En
effet, ce dernier considère que malgré l'attention croissante
accordée aux ONG durant la décennie 1990, celles-ci ne sont pas
encore suffisamment comprises1. Il pense d'ailleurs que cette
compréhension partielle des ONG est entretenue par une certaine
négligence qui explique que les deux ouvrages majeurs des relations
internationales publiés entre 1995 et 2005 ne font pas
référence aux ONG. Il s'agit pense-t-il de Social Theory of
international politics de Alexander Wendt (1999) et de Tragedy of
Great Power Politics de John Mearsheimer (2001). Par-delà les
chapelles théoriques qui peuvent sous-tendre pareille allégation,
il est un fait à savoir que le phénomène de
l'«ongéisation » est un des traits dominants des façons
contemporaines de faire la politique. L'exigence de la gouvernance globale
interdit la marginalisation des acteurs privés avec un potentiel
cathartique avéré face aux défis actuels. Toutefois,
l'importance prise par ces organisations dans la définition des agendas
internationaux des Etats ou au sein des organisations internationales dont
Sydney Tarrow dit qu'elles servent de « récif de corail » aux
acteurs non-étatiques (les ONG inter alia), occulte
généralement ou favorise une utilisation confuse avec le concept
de la société civile. Cette section a l'ambition de rendre raison
de la charge heuristique mais aussi politique des organisations non
gouvernementales dans les processus complexes de la politique internationale.
Ce faisant, l'EITI va servir de talweg sur lequel coule le fleuve de la
réflexion non gouvernementale, en deux mouvements logiques. D'abord, un
discours sur les organisations non gouvernementales en tant qu'acteurs de la
politique internationale stricto sensu (paragraphe I),
ensuite un examen pratique de la praxis des organisations non gouvernementales
dans le cadre d'un espace précis attelé à faire corps et
chose la transparence dans les industries extractives (paragraphe II).
Paragraphe I : Les organisations non gouvernementales :
des acteurs de la société civile impliqués dans la
promotion de la transparence des industries extractives
Nul ne peut s'exprimer sur les ONG sans se heurter à
la société civile en tant que concept matriciel ou alors pierre
sur laquelle on achoppe dans la poursuite du sens des premières. Aussi,
une étude qui vise à analyser le rôle des organisations non
gouvernementales doit-elle
1 Norbert Götz « Reframing NGOs: The
Identity of an International Relations Non-Starter » European Journal
of International Relations, vol. 14, n°2, pp. 231-258.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
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restituer le couloir sémantique qu'elle va emprunter
dès lors qu'il s'agit de penser que la société civile ne
se réduit pas aux seules ONG mais que ces dernières, comme par le
fait du levain, semblent s'assimiler à la société
civile1.
A. La constitution d'une société civile
internationale autour de EITI ou l'apport du social dans la construction d'un
espace public dédié à la transparence des industries
extractives
Ce paragraphe vise à démontrer que la survenue
de EITI n'est pas ex nihilo mais, la suite logique d'un combat
mené par une société civile constituée depuis la
décennie 1990 sur plusieurs fronts et de façon disparate mais qui
connaît avec l'initiative, une certaine structuration, un certain ordre.
En cela, cette construction a été favorisée par trois
éléments que Bertrand Badie2 place au centre de la
« société ouverte », qui sert de lit à la
construction d'une société civile transnationale autour de la
transparence des industries extractives. La communication, premier de cette
triade d'éléments, a connu une évolution exponentielle
avec le développement des TIC. Cela a conduit à rendre possible
les deux autres éléments à savoir l'interdépendance
et la transnationalisation. Les détails de la formation d'une
société civile dont Publish What You Pay est le moment
paroxystique, ne trouvent de sens que parce que ces éléments
pavent la voie. Aussi, une coalition internationale s'est-elle construite,
mettant en commun des coalitions nationales. Cette émergence du social
qui laisserait penser à une revanche3, donne naissance
à des nouveaux bourgeois4 dont l'absence de
démocratie5 et la distance vis-à-vis des
populations6 laissent dubitatifs quand aux réels desseins.
1 Les textes fondateurs de l'initiative de
transparence des industries extractives font mention de la
société civile comme troisième ordre d'acteur qui avec les
Etats et les firmes du secteur extractif, constituent les trois
catégories à réunir autour de la table de la transparence.
Mais, les organisations non gouvernementales sont les représentants de
cette société civile, peut-être en raison des moyens et de
l'expertise dont elles sont nanties, et dont ne disposent pas les autres
composantes traditionnelles de la société civile telles que les
syndicats, les églises etc...occupent la place qui est
réservée à la société civile.
2 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op.
cit. Chapitre 2.
3 Badie B. La diplomatie des droits de
l'homme, op. cit. Voir particulièrement la troisième partie
de l'ouvrage.
4 Badie B. Idem, p. 270.
5 Jan Aart Scholte « Global civil society:
opportunity or obstacle to democracy? » Development Dialogue,
n°49, pp. 15-28, 2006.
6 Eva-Etzioni Halevy « Linkage deficit in
transnational politics » International Political Science Review,
vol. 23, n°2, pp. 203-222, 2002. L'on peut également voir au sujet
de cette configuration élitiste des nouveaux bourgeois internationaux,
Johan Galtung « Un continent invisible : les acteurs non territoriaux.
Vers une typologie des organisations internationales » in Georges Abi-Saab
Le concept d'organisation internationale, Paris : UNESCO, 1980, pp.
74-75.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
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Il convient de préciser d'entrée de jeu que le
lancement de l'EITI est survenu à la suite d'une certaine
cristallisation de l'activisme non gouvernemental au sujet des industries
extractives. Cette cristallisation a donc une histoire et un cursus qui
constituent la préhistoire de l'initiative, mais également le
moment de la formation de la société civile qui se mettra en
branle autour de EITI. Car, le moment de la contagion normative, le tipping
point que Kathryn Sikkink et Martha Finnemore1
considèrent comme le moment où une certaine masse critique
d'Etats adopte une norme, est en même temps que favorisé par cette
société civile, mais aussi précédé par une
intense activité de celle-ci dans des domaines aussi variés que
l'environnement, les droits de l'homme, l'éducation, le gender
empowering...Dans la mesure de cette étude, l'activité de la
société civile sera considérée uniquement en
rapport avec les domaines liés aux industries extractives ou dont
celles-ci influencent la marche. Ainsi, l'activisme des ONG au sujet des
violences autour de l'exploitation des ressources extractives, la
dénonciation des impacts néfastes de leur exploitation sur
l'environnement et le mépris des droits des populations riveraines et du
« complexe de corruption2 » qui se développe autour
des industries extractives, vont entre autre constituer la quintessence de cet
espace. Etant entendu par ailleurs que, ces facteurs expliquent surtout la
défense de la norme de la transparence comme facteur de
résolution des problèmes que cause l'activité extractive.
Le cas du Delta du Niger est dans ce cas, riche d'intérêt.
Les organisations non gouvernementales se sont très
vite inscrites dans une posture de dénonciation des dérives
autour des industries extractives. Le complexe formé autour de
l'exploitation pétrolière et gazière dans les trois Etats
pétroliers au Nigeria3 a offert l'occasion d'une
activité débordante des ONG. Le rôle néfaste du
pétrole dans le processus démocratique au Nigeria, tant au niveau
fédéral qu'à celui des Etats, a été
dénoncé à suffisance par les spécialistes des
sciences sociales4, mais également par les ONG. L'abondante
littérature qui restitue les enquêtes de Human Rights Watch sur la
violence et l'impasse démocratique dans les Etats du Delta du Niger
depuis la décennie 1990 traduit le souci de cette catégorie
d'acteur
1 Sikkink K. et Finnemore M. op. cit.
p.895
2 Par cette expression, Jean Pierre Olivier de
Sardan entend : « la corruption, le délit d'ingérence, les
détournements de fonds, le népotisme, les abus de pouvoir, les
malversations diverses, le délit d'initié, la
prévarication, le trafic d'influence et les abus de biens sociaux
». Lire De Sardan J.P.O. « L'économie morale de la corruption
en Afrique » Politique africaine n° 63, octobre 1996 p.16
3 River State, Bayelsa State et Niger Delta State.
4 L'on peut notamment lire : Obi I. Cyril (2004.),
»The Oil Paradox: Reflections on the Violent Dynamics of Petro-Politics
and (Mis) Governance in Nigeria's Niger Delta, Africa Institute Occasional
Paper No. 73, Pretoria: Africa Institute of South Africa, Obi I. Cyril
« Is Petroleum `Oiling' or Obstructing Democratic Struggles in Nigeria?
» Communication présentée lors de la 12ème
assemblée générale du CODESRIA, Yaoundé, 2008.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
de transformer les comportements dans le secteur des
industries extractives. La collusion entre les compagnies extractives dans le
cadre d'un consensus opaque et les milieux politiques dans cette région
précise a donné naissance à une privatisation de la
violence par le fait d'un soutien aux mercenaires. Les relations
présumées entre Alhadji Dokubo Asari, Ateke Tom et les
élites locales du Delta1 ont plombé le processus
démocratique mais pis encore, les populations minoritaires comme les
Itsekeris ont pâti de la confiscation par leurs élites, du pouvoir
au détriment des Ijaws et des Urhobos2. Cette situation prive
donc les populations de leurs droits les plus primordiaux mais comporte aussi
des conséquences sur le plan environnemental.
En effet, l'un des aspects lucratifs de l'activité des
milices ethniques est le bunkering c'està-dire le vol du
pétrole par le sabotage des pipelines. Il a été à
la source de nombreux déversements de pétrole avec des impacts
écologiques mais également des morts par calcinations des
populations. Certaines fois, ces déversements sont accidentels et
produisent des conséquences écologiques énormes et
irréparables3. D'autres part, les torchères de gaz
à ciel ouvert ont souvent été la cible des ONG
environnementales qui fustigent cette forme de pollution. Au Nigeria, les ONG
ont réussi par une plainte déposée contre Shell qui
excelle dans cette pratique des torchères, à obtenir la
condamnation de cette compagnie par une décision de la Haute Cour
fédérale datée du 14 novembre 2005 et qui demandait
à la compagnie Shell d'arrêter la pratique des torchères
dans la communauté Iwerekhan dans l'Etat du Delta. Le gouvernement
fédéral attentif aux plaintes des ONG environnementales au sujet
de ces déversements de gaz à ciel ouvert, a ordonné qu'au
1er janvier 2008 cette pratique
1 Lire à ce propos: Human Rights Watch
(2005) «Rivers and Blood: Guns, Oil and Power in Nigeria's Rivers
State» A Human Rights Watch Briefing Paper, Human Rights Watch (2007),
Criminal Politics: Violence, «Godfathers» and Corruption in
Nigeria», vol. 19, n°. 16 (A), New York: Human Rights Watch,
February; Human Rights Watch «La crise de Warri: le combustible de la
violence», décembre 2003 vol. 15, n°.18 (A); Ikelegbe, A.
(2006), «The Economy of Conflicts in the Oil Rich Niger Delta Region of
Nigeria, African and Asian Studies, vol. 5, n°1.
2 Les Ijaws, les Urhobos et les Itsekeris sont les
trois groupes qui peuplent la région du Delta du Niger.
3 En décembre 2007, nous avons
visité la localité de Ubeji qui est un village Itsekeris dans la
périphérie de Warri la capitale de l'Etat du Delta. Nous y avons
visité un site de mangrove entièrement carbonisé par un
incendie survenu six mois plus tôt après un déversement de
pétrole de la raffinerie voisine de Warri. Cette mangrove qui est la
mamelle nourricière du village, n'était plus propice à la
pêche car selon les villageois, le poisson sentait du pétrole
jusque dans ses entrailles. L'on s'est rendu compte de l'impact
écologique mais également de l'incidence sur la vie quotidienne
des populations de cette localité. Ce cas n'est qu'un exemple
illustratif car, de Port Harcourt à Warri, surtout après la
traversée du pont qui marque l'entrée dans l'Etat de Bayelsa,
l'on est frappé par le degré de pollutions des bras du Delta qui
sont ipso facto devenu inutiles pour ces populations de
pêcheurs.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 132 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
connaisse une fin, condamnant à une amende de 100 dollars
par mètre cube de gaz déversé, toute compagnie qui
s'adonnerait davantage à cette pratique polluante1.
L'arrestation de l'ancien gouverneur James Onanefe
Ibori2 de l'Etat du Delta au début de l'année 2008,
pour corruption est seulement une illustration de collusions
d'intérêt entre les politiques et les compagnies. Le concept de
petro-politics développé par John Clark3 pour
décrire le lien entre les sociétés
pétrolières et les pouvoirs politiques mais également son
incidence sur le développement économique des Etats, rend bien
compte de la complexité de la situation. Les organisations non
gouvernementales telles que le Secours Catholique, Oxfam,
Open Society ont rendu publiques les collusions entre les classes
politiques et les compagnies extractives. Elles ont souvent
dénoncé cette situation qui n'est pas spécifique au
Nigeria, et qui plombe les efforts de développement de certains pays.
Les cas du Congo et du Gabon que rappellent les procès intentés
par des ONG4 contre les présidents Obiang Nguema, Omar Bongo
et Sassou Nguesso en 2008, sont révélateurs de ce consensus
opaque que les ONG combattent bien avant le lancement de l'initiative. Aussi,
convient-il de rappeler que l'objectif de cet espace n'est pas de discourir sur
les fléaux qui ont conduit à la pensée d'une initiative de
transparence dans les industries extractives mais, de dire qu'avant que
l'initiative n'existe, il y avait une logique non gouvernementale
antérieure de dénonciation des mauvaises pratiques dans le
secteur extractif. Ainsi, l'initiative apparaît dès lors comme le
continuum historique d'un processus enclenché par les ONG dans une
perspective d'entreprenariat des normes.
1 A propos des activités des ONG contre la
pollution au Nigeria l'on peut s'intéresser à ce que fait
Environmental Right Action (ERA/Nigeria). L'un de ses leaders, Nnimmo
Bassey a présenté beaucoup de papiers sur ces questions et bien
d'autres lors des conférences internationales. On peut lire entre autre
: Nnimmo Bassey «African Challenges with Democracy and Governance - Case
Study Nigeria», paper presented at FoEI's IBGM Pre-conference on Democracy
for Human Development, Social and Environmental Justice held Sunday
th th
4 to Monday 5 November 2007 at Manzini, Swaziland; Nnimmo
Bassey «Environmental Impacts and the Vulnerability of Communities»,
Nnimmo Bassey «Oil, Environment and Crisis Economics» paper presented
at the Niger Delta Roundtable held at Ibom Hall, Uyo, on Thursday, 1 November
2007; Nnimmo Bassey (2007) «The Environment and sustainability in the
Niger Delta 2007-2017» working paper. Nnimmo Bassey «Environmental
Impacts and the Vulnerability of Communities» paper presented at the
ERA/OXFAM Workshop on EIA held in Warri, 9-11 April 2007
2 Accuse d'avoir détourné près
de 80 millions de dollars, il s'en défendait le 27 septembre 2009 en
arguant qu'il s'agit là d'un règlement de compte de la part du
président Oumarou Moussa Yar'Adua qui voudrait l'obliger à le
soutenir pour sa réélection en 2011.
3 Clark, John, «Petro-Politics in
Congo» Journal of Democracy, vol. 8, n° 3, July 1997, pp.
62-76
4 Il s'agit de Transparency International, Sherpa et
Global Witness entre autres, qui ont déposé une plainte au
pôle financier du parquet de Paris en mai 2009.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Le lancement du processus de certification de Kimberley en
janvier 2003 est une autre résultante de l'activité des ONG qui
à l'instar de Human Rights Watch et Global Witness en
Angola et au Libéria, ont oeuvré pour que les « diamants de
sang » soient exclus du circuit de vente1. En effet, le
processus de Kimberley qui est soutenu par l'Assemblée
générale et le Conseil de Sécurité des Nations
Unies, et compte en 2007 soixante dix pays adhérents2 permet
d'endiguer les effets nocifs des diamants extraits des zones de conflit et qui
constituent donc une source et une ressource des conflits. Les diamants de RDC,
d'Angola3 et du Libéria4 ont constitué
l'élément essentiel dans les conflits recensés dans ces
pays.
De même, le rôle des ONG a été
notable dans les négociations en vue de la construction du pipeline
Tchad-Cameroun. En effet, inquiètes des résultats négatifs
de l'exploitation du pétrole dans d'autres pays, les ONG occidentales en
connexion avec certaines autres de la sous-région ont
dénoncé jusqu'au bout ce projet, arguant que les populations n'en
tireront pas profit, que les revenus serviront à l'achat des armes et
que le risque des nuisances environnementales potentielles est
grand5. La coordination de nombre de ces ONG autour de la
nécessité de la transparence en tant que début de solution
à ces problématiques variées, a donné naissance
à une coalition dont le rôle est central dans le lancement et la
réalité de
1 Les ONG ont réussi avant le lancement du
processus de Kimberley, d'obtenir un embargo sur les diamants angolais en 1998.
Cependant, la contrebande avait rendu ardu le contrôle de la provenance
des diamants car il fallait démontrer que les diamants proviennent bien
de l'Angola et qu'ils étaient placés sur le marché par
l'UNITA.
2 Le processus est rejoint en novembre 2007 par la
République démocratique du Congo.
3 Le premier ministre angolais Aguinaldo Jaime, a
lancé le 5 mars la campagne en vue de l'organisation à Luanda, en
novembre 2008 d'un sommet mondial des diamants sous le thème : « la
réputation du diamant ». Le lancement a été
effectué depuis le Metro convention center de Toronto, au
Canada où une délégation angolaise assistait à la
convention des prospecteurs et entrepreneurs du Canada. Le but était de
montrer une autre facette du rapport que l'Angola entretient désormais
avec le diamant. (Jeune Afrique n° 2409 du 11 au
17 mars 2007 p.64)
4 Le rôle des diamants dans le conflit dans
ce pays lui a valu de tomber sous le coup d'un embargo des Nations unies pour
ce qui est de l'exportation de ses diamants. Cet embargo fut levé le 27
avril 2007 par le Conseil de sécurité qui a voté à
l'unanimité pour la levée de l'embargo sur les exportations de
diamants dans sa résolution 1753. Régulièrement reconduite
depuis la résolution 1521 de 2003, cette mesure était l'une des
priorités de la présidente Ellen Johnson-Sirleaf qui a ainsi
exprimé son satisfecit. Soutenue par les Etats-Unis, cette
décision dont la prochaine étape sera l'adhésion au
processus de Kimberley, est également un signal fort envoyé
à la communauté internationale pour qu'elle continue de soutenir
la reconstruction de ce pays laminé par 14 ans de guerre
(Jeune Afrique n° du 6 au 12 mai 2007 p.80
5 Il faut cependant noter que les points de vue au
sein de la coalition des ONG étaient divergents. Pendant que les ONG
locales espéraient que le projet apporterait au Tchad les moyens pour
son décollage économique, les ONG étrangères,
occidentales en générale, fortes de leur expérience dans
le suivi des projets de cet ordre dans lesquels le groupe de la Banque mondiale
est impliquée, ne se faisaient pas d'illusion et plaidaient pour une
annulation pure et simple du projet. L'on peut penser que ces dernières
ont eu raison car, l'annonce du retrait de la Banque mondiale du projet en 2008
et les preuves de l'usage des revenus du pétrole pour l'achat des armes
malgré la loi 001 relative à la gestion du pétrole
tchadien ont fini de convaincre que le pétrole du Tchad est plus un
mirage qu'un miracle. C'est ce qui a fait dire à M. Samuel Nguiffo du
Centre pour l'Environnement et le Développement (CED) que la Banque
mondiale a fabriqué un nouveau tyran milliardaire car à l'entame
du projet, Idriss Deby Itno était juste dictateur mais aujourd'hui il a
en sa possession des comptes remplis de milliards. Voir l'article sur le
nouveau dictateur milliardaire sur
www.cedcameroun.org.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'initiative de transparence des industries extractives. Les
liens communs à ces plaidoyers sont tissés par l'usage des TIC
par l' « effet CNN » dont Bernard Kouchner1 est
passé maître. En effet, la maîtrise de l'outil Internet et
les relations développées par les ONG au sein du monde des
médias sont d'un apport central dans la présentation horresco
referens des méfaits de l'opacité sur les populations des
Etats riches en ressources extractives. En plus des faits qui sont objets de la
dénonciation, il se construit un réseau complexe de relations
entre les acteurs de la société civile au Sud et ceux du Nord
dans une logique mettant en exergue l'interdépendance et la
maîtrise de la communication qui sert à deux niveaux. D'une part,
la communication met en relation les divers protagonistes de la
société civile de par le monde d'autre part, elle sert à
renvoyer de façon brutale aux opinions publiques les faits crus de la
misère des mondes et des peuples afin de susciter de la pitié.
Les détails de la constitution d'une société civile autour
de la transparence des industries extractives donnent sens à la trilogie
communication-interdépendance-transnationalisation. Eu égard
à l'expertise requise, à l'instruction exigée et au
caractère fermé des réseaux, il en découle une
catégorie que Badie appelle les « nouveaux bourgeois
internationaux2 ». Cela, introduit un débat sur la
légitimité des acteurs de la société civile et la
représentativité des couches dont les problèmes sont au
coeur de l'activisme. Les ONG sont la composante la plus visible et la plus
active de cette société civile.
B. Considérations sémantique, historique
et typologique autour des organisations non gouvernementales
1. Eléments de définition d'un acteur
à l'identité vague
Le terme ONG proviendrait du système des Nations
Unies3 qui les définit comme des « associations à
but non lucratif impliquées dans le développement international
à l'aide de programmes vers l'étranger ou d'actions locales
liées aux problèmes du développement »4.
Cette définition qui rend compte du double caractère
interne/externe5 de l'action de l'ONG, ne précise pas qu'il
s'agit d'abord d'une structure de droit interne. Bien qu'elle donne
1 Voir dans l'ouvrage de Pierre Péan, Le
monde selon K. Paris : Fayard, 2009, comment M. Kouchner utilise les
médias pour faire parler les évènements et les images dans
un sens qui satisfait ses objectifs.
2 Badie B. La diplomatie des droits de
l'homme, op. cit. pp. 270-274.
3 Il aurait été utilisé pour la
première fois en 1949 par l'ONU.
4 Maradeix M-S. (1990) Les ONG américaines
en Afrique, Paris : Syros. p.23.
5 Yves Beigbeder rappelle les définitions
de l'Institut de droit international, du Conseil de l'Europe et de l'ECOSOC qui
ne diffèrent des définitions de l'association selon la loi
française de 1901 et l'article 60 du code civil suisse que par le
rôle international qui s'ajoute aux éléments constitutifs
qui sont surtout internes. Il existe en général une
différence entre la définition des ONG selon les organisations
intergouvernementales et les Etats nationaux chaque catégorie
privilégiant le ressort de sa compétence. Beigbeder Yves (1992)
Le rôle international des organisations internationales.
Bruxelles et Paris : Bruylant &LGDJ p. 8-10.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'impression de définir plutôt une ONG
internationale, Breton-le-Goff1évoque cet aspect quand elle
dit : « Une ONG est une structure privée de droit interne
regroupant des personnes privées ou publiques originaires de plusieurs
pays et qui oeuvre sans esprit de lucre à la réalisation d'un but
d'intérêt général international dans les pays autres
que celui de sa fondation ». Quand elle a précisé la nature
interne de l'acteur ONG, elle suscite un questionnement sur la destination
internationale de son action. En effet, sa définition de l'ONG a la
particularité d'ignorer que seul l'Etat a le droit d'avoir une action de
portée internationale d'après l'école réaliste. Sa
définition a donc un aspect pléonastique2. Samy Cohen
définit l'ONG en disant : « Dans son acception originelle, la plus
répandue, la notion d'ONG indique une association de solidarité
internationale à but non lucratif, apostolique, pétrie de valeurs
humanistes et indépendante des Etats ». Ainsi définie, l'ONG
« pétrie de valeurs humanistes et indépendante des Etats
»3 serait en quelque sorte le porte-fanion d'une système
international pacifié et angélique. Il exorcise l'ONG de toute
intention de contradiction vis-à-vis de l'Etat en même temps, en
fait tout simplement la voix des sans voix. Shamami Ahmed et David Potter quant
à eux s'alignent derrière l'affirmation des Nations Unies qui dit
: « Any international organisation which is not established by
intergovernmental agreement shall be considered as an NGO
»4. Cette définition révèle la
difficulté à cerner ce concept très vague. La
définition des ONG, au-delà des tentatives de la circonscrire au
rôle prétendument éthique qui lui serait quintessenciel et
qui ressort dans la plupart des définitions précédemment
évoquées, est problématique car elle peut renvoyer aux
associations à but non lucratif, aux OING, aux organismes populaires,
aux organisations partisanes et même aux sociétés
secrètes et aux groupes terroristes. Car en effet, tous ces ordres
d'organisations sont non gouvernementaux. Et c'est bien cela la
société civile dans ses distances par rapport aux institutions
politiques étatiques. Ainsi, Lorenzo Fioramonti5 abondant
dans le même sens, va considérer que le Ku Klux Klan et Al Qaeda
sont des
1 Breton-le-Goff G. (2001) L'influence des ONG
dans la négociation de quelques instruments internationaux
Bruxelles : Yvon Blais p.14.
2 En fait de pléonasme, Breton-le-Goff se
heurte simplement à un écueil très connu par les auteurs
qui ont écrit sur les ONG. Il s'agit de la contradiction entre le statut
juridique des ONG et la destination internationale de leur action. La
convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité
juridique des organisations non gouvernementales, adoptée le 24 octobre
1985 par le comité des ministres du conseil de l'Europe essaie de
pallier à cette contradiction mais, elle reste restreinte. Même si
elle entre en vigueur en janvier 1991, elle ne s'applique qu'aux Etats du
conseil de l'Union qui l'ont ratifiée (Belgique, Grèce,
Royaume-Uni et Suisse).
3 Cohen S. «Les ONG sont-elles
altermondialistes? » Humanitaire, n° 9, 2004, p. 104.
4 Shamami A. et Potter D. (2006) NGOs in
international politics, Bloomfield: Kummarian Press p. 8.
5 Voir Lorenzo Fioramonti op. cit. Mais
également Jude L. Fernando et Alan W. Heston « NGOs between states,
markets and civil society » Annals of the American Academy of
Political and Social Science, vol.554, n°8 (1997) p. 10
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 136 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
organisations non gouvernementales au sens où on
l'entend d'habitude. Aussi, au cours de cette étude l'on aura
l'impression que cette façon de percevoir l'organisation non
gouvernementale trouve nos faveurs car, lorsqu'on considère la coalition
internationale PWYP, on y trouve des instituts de recherches, des organisations
ecclésiales, des organisations non gouvernementales classiques mais
toutes ces organisations regroupées au sein de la coalition ont en
partage leur caractère non gouvernemental, c'est ce qui fonde leur
coalition. Certains auteurs préfèrent d'ailleurs s'exprimer en
termes d'Organisation de Solidarité Internationale (OSI) pour faire le
distinguo entre les organisations que regroupe le terme générique
d'ONG et les associations attelées à l'humanitaire et au
développement durable. Dans le cadre de cette étude, nous nous
situons dans l'entre-deux de ces nuances. En effet, nous prenons le concept
d'organisation non gouvernementale dans le sens que lui confère sa
distance vis-à-vis du gouvernement et le caractère non lucratif
de son action. Cependant, nous rétrécissons l'éventail aux
seules organisations qui oeuvrent pour des buts nobles, éthiques
disqualifiant ainsi les organisations terroristes et mafieuses de la course.
Quoiqu'il en soit, cette forme de regroupement des associations privées
a une histoire qui s'ancre dans la modernité politique en tant qu'elle
est caractérisée par l'émergence de l'Etat comme forme
d'organisation de la vie sociale, mais également en tant qu'elle est
symbolisée par les institutions démocratiques. Elle regroupe des
réalités multiples.
2. De la diversité au sein des ONG ou
l'humanitaire protéiforme.
Examiner la position de l'acteur ONG dans l'initiative c'est
préciser d'emblée deux choses. Premièrement, son action
dans EITI s'inscrit dans le cadre de la société civile.
Deuxièmement, l'ONG n'est pas une entité uniforme et portant le
même sens, tout nominalisme s'avérerait être un apriorisme.
Dans cet espace, il s'agit donc de restituer le caractère multiple des
ONG et de préciser la catégorie qui est à l'oeuvre dans
l'EITI.
Traditionnellement, on distingue les ONG des droits de
l'Homme, les ONG de développement et les ONG environnementales. Les
premières plongeraient leurs rémiges dans la philosophie des
Lumières, avec la création de la ligue des droits de l'Homme en
1898. Elles sont les plus lointaines dans l'histoire. Les ONG de
développement ont vu le jour lorsque la problématique du
développement des peuples a commencé à attirer
l'attention. Comme le dit Rouillé d'Orfeuil : « Les ONG de
développement sont elles aussi des héritières des
mouvements sociaux ou religieux qui ont accompagné souvent en la
critiquant l'action coloniale, les mouvements d'émancipation, voire les
guerres de libération, puis les premiers
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
pas de ces pays du tiers-monde nouvellement
indépendants »1. Enfin, surviennent les ONG dites
environnementales qui n'ont pas d'antécédents. Elles sont
pionnières et ont oeuvré à sonner l'hallali sur le
dépérissement de la planète dès les années
1960 environ. Toutefois, l'on est tenté de s'interroger sur la
pertinence de la distinction faite entre ONG de développement et ONG
environnementales. La problématique du développement ne saurait
être détachée des questions environnementales2.
Cette réalité a d'ailleurs été perçue par
certaines ONG comme le Centre pour l'Environnement et le
Développement (CED), le Réseau de Lutte contre la
Faim (RELUFA)3...qui ne dissocient pas le développement
de l'environnement.
D'autre part, au-delà de cette typologie fondée
sur le critère du surgissement historique, l'on peut aussi
catégoriser les ONG suivant les hémisphères. Ainsi, on
aura les ONG du nord et celles du sud. Les premières
géographiquement situées dans l'hémisphère nord,
disposent de moyens colossaux et celles du sud qui sont moins pourvues,
travaillent en relais et en réseau avec celles du nord. Dans le cadre de
l'initiative, les ONG du nord telles CAFOD, CARE
international, Global witness, Save the children, Human
rights watch, Open society institute, Transparency
international et Oxfam ont instigué une action de
plaidoyer au sein de la coalition internationale publish what you pay,
ce qui a abouti au lancement de l'EITI. Dans les deux cas, les ONG dans
certains pays du sud ont suivi la cadence impulsée par celles du nord.
Il s'est formé au Cameroun notamment, une coalition publish what you
pay le 06 décembre 2005 en écho à la coalition
mondiale. Celle-ci comprend à ce jour 9 ONG dont : le CED, le RELUFA, le
RENAC, ERA/Cameroon, le FOCARFE, le service oecuménique pour la paix, le
service national Justice et Paix, AGAGES et Transparency
international/Cameroon. Des représentants d'ONG du nord sont
membres des instances internationales d'EITI. Au niveau national, les ONG parce
que membres de la société civile, comptent parmi ses
représentants dans les instances de l'initiative. La présence et
l'activisme
1 D'Orfeuil op. cit P. 21.
2 La définition du développement par
le rapport Bruntdland consolide d'ailleurs l'idée d'une
communauté de destins entre les questions environnementales et les
questions de développement. Se développer, c'est désormais
résoudre les défis de l'instant en utilisant les ressources
disponibles mais sans compromettre les chances des générations
futures d'assurer leur bien-être. Il s'agit d'une conception altruiste et
intergénérationnelle du développement.
3 Le CED et le RELUFA sont deux ONG camerounaises
membres de la coalition nationale publish what you pay ; elles
oeuvrent pour le développement, la protection des peuples autochtones,
la préservation de la biodiversité...Dans leur modus operandi,
elles considèrent par exemple que l'exploitation des ressources du sol
et du sous sol, en même temps qu'elle doit être un vecteur du
développement, doit respecter l'environnement et les droits des peuples
dont les terres abritent ces richesses. Telle est leur conviction, telle est
leur philosophie et ayant compris le lien entre les problématiques du
développement et de l'environnement, elles se trouvent à
l'avant-garde de cette lutte.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 138 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
de cet acteur aux côtés de l'Etat et des
compagnies extractives sont assez intéressants pour que puisse en
sourdre une étude. En effet, les ONG, une et multiple, en réseau
ou seules, font office de porte-faix du chagrin des victimes du paradoxe
d'abondance. A cet effet, à côté d'autres acteurs, elles
veillent à la transparence des industries extractives dans le cadre de
l'EITI.
Paragraphe II : Les ONG dans la mise en oeuvre de
l'Initiative de Transparence des Industries Extractives : la
dénonciation légitimante ou le fondement éthique d'une
catégorie d'acteurs en quête de scène
L'examen de la praxis des organisations non gouvernementales
dans l'initiative impose une attention à l'activité qui a
précédé le lancement officiel de celle-ci, tant ce moment
est révélateur des logiques à l'oeuvre et des
causalités de l'action. Aussi, s'agit-il de scruter la
préhistoire de l'initiative (A) avant d'y examiner proprement dit le
rôle des ONG.
A. «Publish What You Pay» ou la
création d'une scène pour la promotion de la transparence dans
les industries extractives.
L'action dispersée des ONG contre les fléaux
liés aux industries extractives va entrer dans un tournant
organisationnel avec la création d'une plate-forme institutionnelle en
juin 2002. Kathryn Sikkink et Martha Finnemore dressent dans leur cycle de vie
d'une norme, des étapes qu'elle doit forcément parcourir. Ainsi,
à la genèse d'une norme se trouve un entrepreneur de norme qui se
sert d'une plate-forme institutionnelle déjà existante ou alors
qu'il crée afin de favoriser la promotion de la norme dont il est
entrepreneur1. La transparence des industries extractives semble
obéir à ce schéma. Les activités isolées des
ONG telles que Global Witness et Human Rights Watch qui
dénonçaient les usages déviés des revenus du
pétrole et du diamant en Angola, en RDC et au Libéria ont fini
par trouver un récif de corail pour s'agripper, et constituer une action
efficace. En 1999, Global Witness publia un rapport intitulé « A
crude Awakening » dans lequel il exposait les liens entre les milieux
bancaires et pétroliers dans le pillage des richesses angolaises pendant
les quarante années de guerre civile qui ont ravagé ce pays. Au
nombre des recommandations conclusives, le rapport mentionna l'impératif
pour les compagnies extractives, de publier ce qu'elles paient à
l'Angola. « Publiez ce que vous payez » vit ainsi le jour en tant que
recommandation faite aux firmes.
1 Sikkink K et Finnemore M. art. cit. pp.
896-900
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Eu égard au caractère endémique de ce
mal qui n'était pas l'apanage de l'Angola, quelques ONG au nombre
desquelles Global Witness, CAFOD, Open Society Institute (OSI), Oxfam GB, Save
the Children UK et Transparency International UK décidèrent de
lancer une initiative internationale demandant aux compagnies de publier ce
qu'elles paient aux pays où elles opèrent. Le lancement d'une
plate-forme organisationnelle ou l'arrimage de la promotion d'une norme
à une plate-forme se fait en général autour d'une figure
principale. A l'instar des figures telles que Henri Dunant qui fut
transformé lors de la bataille de Solferino, Susan B. Anthony et
Elisabeth Cady Stanton, Georges Soros le fondateur de Open Society Institute a
joué un rôle important dans le lancement de Publish what you
pay en tant que plateforme du plaidoyer en faveur de la transparence dans
les industries extractives. En juin 2002 il lance la Campagne «
Publish What You Pay ». La petite coalition des ONG fondatrices a
été bientôt rejointe par d'autres telles que Catholic
Relief Services, Human Rights Watch, Partnership Africa/Canada, Pax
Christi/Pays Bas et le Secours Catholique / Caritas-France ainsi que par un
nombre croissant de groupes de pays en développement1. La
coalition a beaucoup grandi depuis le lancement de la campagne et continue de
croître au point d'être constituée de 300 ONG dans plusieurs
pays.
La coalition PCQVP/PWYP demande aux compagnies
multinationales pétrolières, minières et gazières
de révéler les mêmes informations de base concernant les
paiements nets effectués à un Etat du monde en
développement, qu'ils révèlent couramment dans les pays du
monde industrialisé. Les entreprises d`Etat doivent également
être rendues responsables financièrement des paiements faits
à leurs gouvernements et des revenus qu'elles génèrent.
Dans leur ensemble, ces renseignements aideront les citoyens des pays pauvres
mais riches en ressources naturelles à demander à leurs
gouvernements des comptes sur la gestion des revenus et de ce fait à
générer un débat démocratique sur leur emploi et
leur distribution. Les sociétés peuvent souvent être
perçues comme complices de la corruption et de la
détérioration des conditions sociales dans les pays où
elles opèrent, même quand elles fournissent une source importante
d'investissement qui, lorsqu'il est géré de façon
transparente et responsable, devrait être une source de croissance et de
développement bénéfique à tous les citoyens de ces
pays pauvres. L'action de la coalition s'inscrit donc dans le continuum d'un
engagement moral antérieur des ONG et constitue une plate-forme à
partir de laquelle les ONG ont lancé l'opération de contagion
normative en direction des Etats que Sikkink et
1 Voir le site de la coalition
www.publishwhatyoupay.org
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Finnemore appellent norms leaders, il s'agit pour le
cas qui nous intéresse de la Grande Bretagne et dans une certaine mesure
du G8.
B. Les organisations non gouvernementales et le
suivi de la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives: des
gardiennes du jardin de la transparence ?
D'emblée, il convient de préciser un fait qui
ne saurait passer inaperçu. Le livre source qui est le document de base
de l'EITI cite au nombre des parties prenantes impliquées dans la
transparence des industries extractives : les institutions publiques, le
secteur privé, la société civile, les exécutants de
l'EITI et les partenaires internationaux. Il s'agit d'une mise en scène
de trois secteurs à savoir, le secteur public, le marché et la
société civile en tant que « troisième secteur
». Or, le paragraphe qui va suivre parle des organisations non
gouvernementales. Aussi, cela mérite-t-il quelque explication. Comme il
est apparu dans l'espace définitionnel, le concept ONG renferme deux
éléments substantiels à savoir le fondement non lucratif
de son action et sa distance vis-à-vis des institutions
gouvernementales. Ceci implique qu'en principe toute organisation de la
société civile est non gouvernementale si l'on s'en tient
à la généralité de ce niveau de définition.
De plus, s'en tenir à la considération de l'ONG comme composante
de la société civile uniquement serait rendre compte
partiellement de son action dans le transparence des industries extractives.
Car, les ONG dans le cadre des coalitions nationales et internationales PWYP
oeuvrent pour la transparence des industries extractives et même dans le
cadre des comités de mise en oeuvre, leur action sort du lot en raison
des moyens et connexions extérieures dont elles disposent. Aussi, qu'il
nous soit permis d'utiliser de façon confuse les concepts de
société civile et d'ONG pour rendre raison de la participation
d'un troisième secteur dans l'initiative. Ce paragraphe va s'articuler
autour de la participation actorielle des ONG à l'initiative dans le
cadre des comités de mise en oeuvre et au niveau international (1),
ensuite un examen de la participation matérielle sera fait (2) pour
enfin analyser les difficultés liées au dur apprentissage de la
cohabitation de l'Etat avec la société civile dans certains
contextes (3).
1. La participation de la société civile
dans la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives : un
acteur en quête de scène
La jeunesse de l'initiative et son essence performative
interdisent toute évaluation sous forme de bilan cependant, l'on peut
sans être exhaustif rendre compte de certains aspects de la
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
participation des ONG dans la mise en oeuvre de la
transparence des industries extractives, pour restituer
l'actorité des organisations non gouvernementales dans la
politique mondiale. Le locus standi formalisé dont elles
jouissent en vertu du cinquième critère EITI qui dit que «
la société civile participe activement à la conception, au
suivi et à l'évaluation de ce processus et apporte sa
contribution au débat public », leur accorde tout droit d'agir dans
le cadre de l'initiative. Le premier signe de leur participation est
d'être un acteur incontournable pour que soit prise au sérieux
l'adhésion d'un pays aux principes de l'initiative. Car, faut-il le
rappeler, parmi les quatre conditions à remplir pour acquérir le
statut de candidat, figure en bonne place la formation d'une équipe de
suivi de la mise en oeuvre qui intègre la société civile.
Et selon le Livre Source, celle-ci comprend : les organisations de
base communautaire, les organisations non gouvernementales nationales, les
organisations non gouvernementales internationales et affiliées locaux,
les medias, les syndicats, les instituts universitaires et de recherche et les
organisations confessionnelles.
Au niveau supranational, c'est-à-dire au sein du
Conseil international EITI, les organisations de la société
civile sont représentées par : Revenue Watch Institute (Karin
Lissakers), Oxfam America (Bennett Freeman), PWYP/Congo (Christian Mounzeo),
Revenue Watch Kazakhstan (Anton Artemyev), Global Witness (Gavin Hayman) et
Transparency International/Nigeria (Humphrey Assisi Asobie). En plus de cette
présence au conseil d'administration, nombre d'organisations soutiennent
l'initiative au plan international. Il s'agit notamment de : Catholic Agency
for Overseas Development (CAFOD), Global Witness, Oxfam, Open Society
Institute, Publiez ce que vous payez, Revenue Watch Institute, Secours
Catholique (Caritas France) et Transparency International.
L'architecture institutionnelle du conseil d'administration
se reflète au niveau national où l'exigence de la prise en compte
des acteurs de la société civile impose la présence des
représentants des organisations non gouvernementales au sein des
comités de pilotage de la mise en oeuvre. Au Cameroun, le décret
n°2005/2176/PM du 16 juin 2005 portant création, organisation et
fonctionnement du comité de mise en oeuvre de l'EITI assigne dix
sièges à la société civile tel que, deux
députés dont l'un de l'opposition et l'autre de la
majorité au pouvoir, un siège pour le coordonnateur national de
Transparency International, trois représentants des
collectivités locales décentralisées, un siège pour
le président de l'Union des Journalistes du Cameroun (UJC) et trois ONG
nationales.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
L'article 8 du décret n°2006-626 du 11 octobre
2006 portant création, attribution et composition du comité
exécutif de mise en oeuvre de l'EITI au Congo dispose que la
société civile a cinq représentants au sein dudit
comité1 avec un membre de la société civile
comme vice-président du comité exécutif2.
Tandis que le République démocratique du Congo a établi un
comité de pilotage qui compte huit (08) représentants de la
société civile et un conseil consultatif auquel siège
également huit (08) membres de la société
civile3. Tous les pays dont la candidature a été
validée ont certainement un comité de mise en oeuvre qui
intègre des membres issus des organisations de la société
civile4.
2. Les organisations de la société
civile dans la matérialisation de la transparence dans les industries
extractives : contribution à la construction d'un « marché
de valeurs »
La participation des organisations de la
société civile ne se limite cependant pas à une simple
présence au sein des instances de mise en oeuvre tant nationales
qu'internationales. Celles-ci jouent un rôle effectif qui se
décline en plusieurs actions allant de l'information du public au
financement, en passant par le contre-pouvoir face à la
complicité entre l'Etat et les industries extractives et la formation
des membres des comités aux rouages du suivi budgétaire.
Les organisations de la société civile
étant les gardiennes de l'intérêt général au
sein des comités de mise en oeuvre, elles ont la tâche de
participer à la vulgarisation de l'information
1 (01) membre du comité de liaison des ONG,
(1) membre du groupe thématique pétrole DSRP, (01) membre de la
coalition PWYP, (01) membre de la fédération nationale des
jeunesses et individualités du Congo et (01) membre du centre
d'échange et d'appui et de renforcement des capacités.
2 Il s'agit de M. Christian Mounzeo de l'ONG
Rencontre pour la Paix et les Droits de l'Homme (RPDH). Il est par ailleurs le
coordonnateur de la coalition PWYP au Congo et c'est à ce titre qu'il
siège au conseil d'administration international de l'ITIE.
3 Respectivement selon le décret n°
05/160 du 18 novembre 2006 portant création, organisation et
fonctionnement du comité de pilotage du comité national ITIE et
l'arrêté n°026/CAB/
MIN. PL/2007 portant nomination des
membres du conseil consultatif du comité national de mise en oeuvre de
l'ITIE.
4 Quelques exemples : au Niger, l'article 8 de
l'arrêté n°000073/PM du 04 juillet 2005 portant
création, attributions, composition et fonctionnement du dispositif
institutionnel de préparation et de suivi de la mise en oeuvre de l'ITIE
au Niger réserve des sièges à des membres dont on
soupçonne qu'ils sont de la société civile. Il s'agit de
deux représentants des medias public et privé, un
représentant du collectif d'ONG nationales, un représentant des
ONG internationales, un représentant du SYNTRAMIN et un
représentant du collectif des organisations de base. La Mauritanie a
accorde neuf (09) sièges aux organisations de la société
civile au sein du comité national de mise en oeuvre de l'ITIE selon le
décret n° 29-2006 modifiant certaines dispositions du décret
n° 2006-001 du 13 janvier 2006 portant création, organisation et
fonctionnement de l'ITIE en Mauritanie. Le NEITI Act au Nigeria stipule dans sa
section 6 paragraphe (a) que: «In making the appointment into the
NSWG, the president shall include ... representatives from civil
society».
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
relative aux industries extractives car, il s'agit d'un
secteur inconnu pour la plupart des citoyens ordinaires. Au Niger, le
Réseau des Organisations pour la Transparence et l'Analyse
Budgétaire (ROTAB-PCQVP/Niger) a lancé un bulletin d'information
destiné au grand public au sujet des industries extractives qu'il veut
transparentes. Il a lancé un site Internet1 comme nombre de
coalitions nationales PWYP dans le but de rendre les informations locales
disponibles pour tous et de constituer des fora de discussion. Les
ateliers et autres journées d'information permettent aux ONG de rendre
publiques les informations relatives aux industries extractives. La coalition
camerounaise PWYP a ainsi organisé le 10 mai 2007 à Douala, le 08
et le 15 novembre 2007 à Limbé et Bertoua des journées
d'information publiques sur l'initiative de transparence des industries
extractives et la campagne « Publish What You Pay ». Le but de ces
journées était de maximiser l'efficacité de la coalition
et de toucher un large public tout en partageant les connaissances avec ce
dernier.
La formation est également l'un des domaines d'action
des organisations de la société civile. Eu égard à
la complexité des rouages du suivi budgétaire des industries
extractives, les membres des comités issus de la société
civile nécessitent souvent une formation appropriée que leur
offrent les institutions gouvernementales mais également les
organisations de la société civile. C'est ainsi que le ROTAB
-PWYP/Niger a initié du 30 au 31 août 2007 un atelier sur l'EITI.
Il s'est agi d'un atelier de formation destiné à la
société civile et animé par Mamane Sa Adamou de l'ONG
Alternative Espace Citoyen et de Bagna Aissata Fall. Un autre atelier
du même type fut organisé les 21 et 22 août à
l'ambassade du Canada à Niamey sur la problématique des
industries extractives au Niger. Ce dernier faisait suite à un atelier
antérieur organisé du 12 au 13 juillet 2006 par la même
organisation à savoir le Groupe de Réflexion et
d'Action. Au Cameroun, la coalition a organisé les 22 et 23 janvier
2008 un atelier de formation des membres de la coalition sur la gestion
financière et administrative d'un projet qui s'inscrivait dans une
série à la suite de l'atelier du 7 au 9 août 2007
destiné à la formation des membres de la coalition sur le suivi
du budget de l'Etat et la fiscalité pétrolière.
Le bon déroulement de ces ateliers requiert souvent
des moyens financiers dont ne disposent pas les organisations et les coalitions
qui se tournent donc vers leurs partenaires du monde développé.
L'atelier du ROTAB a ainsi bénéficié du financement de
Revenue Watch
1
www.tamtaminfo.org
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 144 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Institute, tandis que celui du GREN a été
sponsorisé par SWISSAID. Les organisations non gouvernementales prennent
ainsi part à la transparence des industries extractives par un apport
des financements. Voici quelques chiffres des financements reçus par la
coalition camerounaise PWYP pour l'année 2007.
Tableau 3 : les financements reçus par la
coalition PWYP/Cameroun en 2007
ONG donatrice
|
Montant du financement
|
%
|
Revenue Watch Institute
|
23.701.1751
|
53'2
|
Open Society Institute West Africa (OSIWA)
|
19. 232. 893
|
43'2
|
MISEREOR
|
1.632.498
|
03'6
|
TOTAL
|
44.566.566
|
100
|
|
Source : Rapport annuel 2007 de la coalition camerounaise
PWYP p. 20.
D'autre part, parce que gardiennes des opérations de
transparence, les organisations de la société civile veillent
à l'effectivité de la transparence dans les industries
extractives. Elles ont ainsi la charge de s'assurer que les rapports que
publient les Etats et qui sont censés rendre compte des paiements et
recettes issus des industries extractives sont fiables. Même s'il est
encore difficile de témoigner de la réalité des chiffres
livrés dans ces rapports, tant les Etats et les firmes disposent de
plusieurs outils pour tromper la vigilance des organisations de la
société civile, ces dernières ont souvent
dénoncé les irrégularités, prenant le peuple
à témoin. La publication des rapports de conciliation est souvent
l'occasion d'une inflation de condamnations d'un processus jugé
unfair, alors même que lesdites organisations qui se plaisent
à la stigmatisation a posteriori n'ont pas osé bloquer
la publication du rapport. En fait, l'adoption des textes et autres mesures qui
relèvent de la compétence du comité ne se fait pas par un
vote secret, du moins dans nombre de pays. Même si l'on peut avoir des
réserves quant aux agitations ex post des organisations de la
société civile, il demeure que dans l'optique de la description
de leur participation dans la mise en oeuvre, la publication des rapports dits
« d'évaluation indépendante » relève du
contre-pouvoir que sont censées représenter les ONG dans
l'initiative.
1 En FCFA la monnaie locale
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 145 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Ainsi, les sociétés civiles ont coutume de
dénoncer le mode adopté par la plupart des pays candidats pour la
publication des chiffres. A la différence de certains pays comme le
Nigeria la plupart des pays ont opté pour la publication des
données agrégées et ce, malgré l'insistance des
sociétés civiles qui jugent plus transparentes les données
désagrégées. Lorsqu'en avril 2007 le Gabon publie son
second rapport, la société civile juge que l'écart de
64.990.000 dollars est énorme. Elle condamne par ailleurs le fait que
Total Gabon, Total Participation et Shell Gabon
n'ont pas certifié leurs déclarations. De plus, le Gabon ayant
perçu son profit oil en nature et l'ayant commercialisé
sur le marché international par le truchement de Petrolin, le
fruit de la vente n'a pas été indiqué dans les
données et, ces anomalies ont entraîné une vague de
dénonciation de la part des organisations de la société
civile. La publication du troisième rapport gabonais a
révélé un écart de 63,4 millions de dollars pour
les produits pétroliers mais, ces écarts représentant
moins de 5%, sont jugés acceptables par le conciliateur
indépendant1.
La coalition camerounaise PWYP a publié une
déclaration sur le rapport de conciliation des chiffres et des volumes
dans le cadre de l'EITI au Cameroun2. En effet, le 26
décembre 2006 le gouvernement camerounais a rendu public son premier
rapport de la mise en oeuvre de l'EITI. La coalition a exprimé son rejet
du mode de publication des données, en estimant que la «
publication agrégée des chiffres biaise la transparence et
maintient l'opacité dans le processus, car ne permet pas entre autre,
d'identifier les flux entre les compagnies prises individuellement, et l'Etat
et ses démembrements. De la même manière, elle ne permet
pas d'identifier les compagnies défaillantes, ni de situer la
période des défaillances d'une année à l'autre
pendant la période considérée ». Tout se passe comme
si les membres de la coalition découvrent en même temps que le
public le rapport car, ils marquent leur surprise devant les écarts et
autres absences de déclarations de la part de l'Etat. Tout en restituant
certains des aspects de la dénonciation des sociétés
civiles dans le cadre de leur rôle de contrôle au sein des
comités de mise en oeuvre, il se dégage comme un laxisme de la
part de ces organisations devant la responsabilité lourde qui est la
leur, dans ces processus de transparence. Mais, en plus de ces
éléments qui relèveraient du laxisme, il existe des
preuves du malaise de certains Etats devant cette nouvelle donne qui suppose la
cohabitation avec des organisations de la
1 M. Anton Mélard de Feuerdant du cabinet
Ernst & Young qui s'occupe de la conciliation au Gabon disait d'ailleurs
à la suite des contestations consécutives à la publication
du premier rapport EITI Gabon que l'écart de 5% est acceptable car c'est
l'écart 0 qui serait plutôt suspect. M. Marc Ona Essangui de
Brainforest Gabon nous a tenu le même propos lors de son passage au
Cameroun en mars 2008.
2 Voir le site du Réseau de Lutte contre la
Faim
www.relufa.org.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 146 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
société civile dans la gestion des affaires
délicates telles que les revenus des industries extractives.
3. Obstacles à l'émulation de la
société civile sur les sentiers de la transparence Les
écluses sur le chemin de la participation effective de la
société civile sont de plusieurs natures. Il peut s'agir de
l'organisation insuffisante des réunions, de l'inaccessibilité
des documents à débattre lors des réunions ou des
problèmes lié au choix des membres de la société
civile.
Au Cameroun, un membre de la coalition nous a confié
que l'organisation des réunions à la hâte ne permettait pas
aux membres de la société civile domiciliés dans d'autres
villes que la capitale Yaoundé de s'y rendre à temps. Ce d'autant
plus que les documents soumis à l'ordre du jour ne sont jamais transmis
deux semaines avant la tenue des réunions comme l'ont souhaité
les organisations de la société civile. Un autre a avoué
aux enquêteurs de Revenue Watch Institute en charge de
recueillir les données pour l'évaluation de la mise en oeuvre de
l'EITI en 2006 que : « Les représentants de la
société civile n'ont pas eu la possibilité de contribuer
au plan de travail. Les représentants du gouvernement sont
arrivés à la réunion avec les documents et les ont
analysés pendant cette même réunion...Les
représentants de la société civile n'avaient pas eu le
temps de se préparer puisque les documents n'avaient pas
été distribués avant la réunion ». Cela
peut en partie expliquer l'impression de laxisme que dégagent les
critiques acerbes à l'endroit des textes que les détracteurs ont
eux-mêmes adoptés. Cette ruse de l'improviste qui consiste
à remettre les documents le jour de la réunion est un
stratagème apparemment répandu puisqu'un membre de la coalition
mauritanienne nous a confié la même inquitétude. Le rapport
Eye on EITI1 évoque les cas de la République
Kirghize où le comité s'est réuni seulement deux fois en
deux ans au lieu de quatre fois par an. Tandis qu'au Nigeria, le NSWG fait
aussi figure de mauvais élève en terme des réunions
annuelles.
Le souci de contrôler le processus de transparence a
conduit certains gouvernements à nommer les représentants de la
société civile au lieu que celle-ci désigne ses membres au
sein du comité. Au Cameroun, deux membres du parlement sont
considérés comme faisant partie de la société
civile. Si le ressortissant de l'opposition peut se targuer de jouir d'une
liberté
1 Un regard sur l'EITI : perspective de las
société civile et recommandations concernant l'EITI, Publish What
You Pay et Revenue Watch Institute, octobre 2006.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
d'esprit, peut-il en être de même de celui qui
est issu de la majorité au pouvoir ? Le Gabon dans la première
version de la composition de son groupe d'intérêt a assigné
les deux places réservées à la société
civile à deux membres du conseil économique et social qui est un
corps constitué de l'Etat et dont on ne peut douter de
l'inféodation à la politique gouvernementale. Il a fallu de vives
protestations de la société civile réelle pour qu'en 2006,
M. Marc Ona Essangui président de l'ONG Brainforest et Mgr Mike
S. Jocktane du Rassemblement des Eglises et ministères
pentecôtistes et charismatiques du Gabon remplacent les
précédents pseudo-représentants de la
société civile. En Mauritanie, le décret n° 2006-001
portant création, organisation et fonctionnement du Comité
National de l'Initiative sur la Transparence des Industries Extractives indique
au nombre des représentants de la société civile quatre
représentants des partis politiques. Les mêmes constatations ont
été faites pour ce qui concerne les comités de mise en
oeuvre de la Mongolie où le gouvernement a désigné comme
membres de la société civile des personnes qui
représentaient des intérêts privés des entreprises
et au Nigeria, avec le rôle prépondérant joué par
l'ancien président Olusegun Obasanjo dans la désignation des
membres de la société civile siégeant au sein du
comité des 28 personnes chargées de piloter la mise en oeuvre de
l'EITI.
A ces actions ou inactions qui illustrent le désir des
gouvernements de contrôler la totalité du processus de mise en
oeuvre de la transparence des industries extractives, il faut ajouter
l'intimidation et l'arrestation des membres de la société civile.
En plus des soucis de Marc Ona Essangui du Gabon et des sieurs Brice Mackosso
et Christian Mounzeo au Congo-Brazzaville déjà
évoqués dans cette étude, le cas de M. Golden Misabiko en
RDC vient enrichir la liste des victimes collatérales de l'activisme non
gouvernemental. Ce président de l'Association Africaine de
Défense des Droits de l'Homme (AADDH)/section du Katanga a publié
le 13 juillet 2009, un rapport intitulé « Mine uranifère de
Shinkolobwe : de l'exploitation illicite artisanale à l'accord entre la
RDC et le groupe nucléaire français AREVA ». En corollaire,
il a été appréhendé le 25 juillet par les services
de renseignements du pays pour « atteinte à la sûreté
de l'Etat ». Devant l'inquiétude suscitée par cette
unième interpellation la coalition internationale PWYP a adressé
le vendredi 7 août 2009, une lettre ouverte à madame Hillary
Clinton pour requérir un soutien plus affirmé du gouvernement
américain pour la transparence des industries extractives. Il faut y
ajouter les interpellations de MM. Wada Maman et Marou Amadou du
ROTAB/PCQVP/Niger en août 2009 par les autorités
nigériennes. Ces entraves sur la route de la transparence illustrent la
difficulté à se
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
départir d'un habitus de total contrôle des
institutions de l'Etat et traduit le bouleversement des habitudes qu'induit la
complexification de la politique internationale qui donne naissance à
des initiative telles que EITI, Global Compact etc. dans lesquelles les
gouvernements sont invités à tabler sur des questions relevant de
leur souveraineté avec des acteurs privés, même quand ils
sont fortement liés à l'extérieur ou sont tout simplement
étrangers.
Les ONG plus globalement ou bien les organisations de la
société civile si l'on veut s'entourer de la prudence
définitionnelle qu'exige le maniement d'un concept aussi ouvert, ne
constituent cependant pas le seul acteur dont l'irruption dans la politique
internationale est le signe de la complexité. Dans la
démonstration de ce premier niveau de la relativité de la
souveraineté, le foisonnement des acteurs qui ont acquis un locus
standi au sein des espaces de résolution des problèmes tout
aussi complexes, révèle que les ONG sont autant
déterminantes que les industries extractives en tant que
sociétés et donc, acteurs des « relations transnationales
». Les firmes transnationales en général et les firmes du
secteur des industries extractives vont constituer la quintessence de la
section suivante.
Section 2 : Les firmes multinationales du
secteur des industries extractives dans l'économie politique
internationale : affirmation de la qualité d'acteur et oppression de la
souveraineté
Cette section s'articule autour de l'idée que les
sociétés multinationales en général et les
multinationales des industries extractives en particulier, sont des acteurs
à part entière et confirmés de la politique internationale
et que cette affirmation de l'actorité comporte des
éléments de subversion de la souveraineté. Engagé
dans la démonstration de la relativité de la souveraineté
par la profusion des acteurs impliqués dans la politique internationale
et eu égard aux transactions complexes qui les lient, la pertinence de
l'idée d'une excroissance des acteurs a semblé constituer le
passage obligé pour que rendre raison de la relativité de la
souveraineté au travers des interactions complexes entre ceux-ci
possède un sens. Cette étude s'inscrit donc dans le sillage des
auteurs de la sociologie des relations internationales1 qui rendent
compte de la complexité de la scène internationale en raison de
l'irruption des acteurs privés à l'instar des multinationales,
des ONG, des organisations intergouvernementales et des
1 Notamment : Guillaume Devin (2002) Sociologie
des relations internationales. Paris : La découverte et Syros ;
Marcel Merle (1974), Sociologie des relations internationales, Paris :
Dalloz
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
mouvements transfrontaliers1. Elle confirme la
thèse de la complexité qui peut faire penser à une
obsolescence de la souveraineté devant le flux de border spanners
qui transgressent la territorialité, propriété
première de l'Etat. Cet espace qui se veut l'occasion de la
démonstration de l'actorness des multinationales comme acteurs
privés, impose quelques précisions sémantiques sur la
notion d'industries extractives.
La notion d'industries extractives renvoie à la fois
à un secteur d'activité et à une catégorie
d'acteur. C'est d'abord un secteur d'activité qui au sens du rapport de
la CNUCED 2007 sur les investissements dans le monde, assigne à la
notion la connotation figée et non la mobilité d'un acteur. Il y
est dit : « Dans le présent rapport, les industries extractives
sont définies comme les activités primaires concernant
l'extraction de ressources non renouvelables. Elles ne couvrent donc pas des
branches d'activité telles que l'agriculture, la sylviculture et la
pêche2 ». Ce sens ne contient pas la charge
sémantique que cette étude veut attribuer aux industries
extractives. En effet, selon la logique suivie, les industries extractives ne
sont pas ce secteur impersonnel et inerte mais, une version
écourtée de l'appellation sociétés des industries
extractives. Ce qui rend bien compte qu'il s'agit d'un acteur mouvant et
animé. De plus, l'importance des industries extractives en tant
qu'acteur de la politique mondiale sera croquée dans son
caractère dynamique. Jam dies, elles ont servi à la
poursuite de l'intérêt, animées par le seul désir de
faire du profit et ont ainsi été de acteurs centraux de la
mondialisation de l'économie libérale3avec les risques
et incidences que cela a induit. Leur importance contemporaine sera
nécessaire dans la résolution de certains des fléaux de la
mondialisation et à ce titre, leur place dans la transparence du secteur
est centrale. Dans les deux cas, il s'agit de dire que les multinationales des
industries extractives sont des acteurs pertinents dans la politique
mondiale.
Les sociétés multinationales du secteur des
industries extractives s'insèrent dans une composante plus large
à savoir les multinationales tout simplement. Aussi, un propos sur les
sociétés des industries extractives doit restituer le cadre
général de leur appartenance ce, dans un élan
d'affirmation de l'acteur (paragraphe I) pour ensuite examiner le cas
particulier de
1 D'où l'allégorie de la «
toile d'araignée » utilisée par John Burton pour traduire
l'enchevêtrement des acteurs qui ne peuvent plus être
appréhendés simplement par l'opposition Etats-acteurs
privés qui peuvent de temps en temps entrer en contact dans le cadre
d'un système à l'image des « boules de billards » que
critique d'ailleurs Arnold Wolfers.
2 CNUCED (2008) Rapport sur les investissements
dans le monde 2007 : Sociétés transnationales, industries
extractives et développement. Nations Unies : Genève,
p.33.
3 Lire à ce propos Wladimir Andreff (2003)
Les multinationales globales. Paris : La découverte.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 150 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
leur implication dans l'initiative de transparence des
industries extractives dans leur rapport à la transparence, parce que
subversives de la souveraineté étatique (paragraphe II).
Paragraphe I : Considérations
générales sur les multinationales du secteur des industries
extractives dans la politique internationale
La prononciation sur les industries extractives en tant
qu'acteurs pertinents de la politique internationale, par le fait de leur
implication dans l'Initiative de Transparence des Industries Extractives exige
de dire l'insertion dans un cadre plus large de cette catégorie
d'acteurs. En effet, va-t-on parler des industries extractives sans sacrifier
au devoir de les enchâsser dans les sociétés
multinationales ? Non pas cependant que toutes les firmes qui opèrent
dans ce domaine sont multinationales ou transnationales mais, c'est une
expression de la marginalisation expresse des sociétés
extractives confinées dans les frontières territoriales d'un seul
Etat car, de façon arbitraire, il nous a semblé pertinent
lorsqu'on veut démontrer les transformation de la souveraineté du
fait de l'action des acteurs privés, d'invoquer les
sociétés dont le champ d'action est multinational. Ainsi, ce
paragraphe obéit-il à cette gradation qui rend compte de la
généralité des multinationales (A) qui abritent en leur
sein des multinationales des industries extractives (B).
A. Les sociétés multinationales : le
renouveau d'un objet d'analyse ancien. 1. Eléments de
définition et d'histoire des sociétés
multinationales
L'émergence des sociétés transnationales ou
multinationales peut être liée à l'essor du
capitalisme. Tel semble être l'avis de Karl Max et
Engels qui dans le Manifeste du Particommuniste1,
liaient intimement le phénomène de transnationalisation des
sociétés nationales
au capitalisme. Ainsi, le fabuleux destin des
sociétés multinationales ne s'explique que par l'expansion du
capitalisme qui est un système bâti sur la quête du profit
à partir d'un capital. La définition de la société
multinationale comporte à la fois une simplicité et une dose de
complexité. En effet, si l'on s'en tient à son caractère
multinational c'est-à-dire le fait pour elle d'échapper à
l'emprise territoriale d'un seul Etat pour implanter des filiales à
l'étranger, il se dégage quelque facilité à la
définir car, il faudra tout simplement dans ce cas, restituer
l'importance d'un centre unique de décision et la saillie de
représentations outre-frontières.. Le tout premier
auteur à s'intéresser aux sociétés multinationales
est Maurice Byé de
1 Max et Engels cité par Jacques Huntzinger
(1987) Introduction aux relations internationales. Paris : Le Seuil,
p.53-54
Paul Elvic Jérôme BATCHOM.
Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
l'Université de Paris. En 1953, il mena une
étude sur les « Grandes unités de production
interterritoriales ». Pour lui, ces grandes unités de production
inter-territoriales qui sont l'équivalent des multinationales, sont un
« ensemble intégré d'organisations de production
contrôlées en divers territoires par un centre unique de
décision1 ». Cette tendance à la
spécification de l'essence des multinationales sur la base de leur
multi-présence dans moult espaces territoriaux nationaux est fort
répandue car, Mucchielli se penchant à son tour sur cette
catégorie d'acteurs, la présente comme « toute entreprise
possédant au moins une unité de production à
l'étranger2». Cette unité de production
implantée à l'étranger doit être autre chose qu'une
succursale commerciale. Elle doit produire tout ou partie de ses produits
à l'extérieure de son territoire d'origine pour être
considérée comme une entreprise multinationale. C'est pourquoi
Wladimir Andreff3 estime que dès lors qu'une entreprise
possède ou contrôle des filiales de production ou des actifs
physiques et financiers dans au moins deux pays de l'économie mondiale,
elle peut être considérée comme multinationale. Et John
Dunning conforte cette vue en mettant une emphase particulière sur le
rôle de l'investissement direct étranger dans
l'appréhension du phénomène des sociétés
transnationales. Il parle de Multinational Producing Enterprise pour
designer la société qu'il considère transnationale et la
définit comme « an enterprise which owns or controls producing
facilities (i.e factories, mines, oil refineries or distribution outlets,
offices etc.) in more than one country4 ». Pareille
entreprise est distincte de ce qu'il appelle Multinational Trade Enterprise
(MTE) qui écoule tout simplement dans d'autres pays les produits
fabriqués dans le pays de son implantation. Mais, elle diffère
également de l'entreprise qui n'est transnationale que par la provenance
multinationale de ses capitaux (Multinational Owned Enterprise, MOE).
Johan Galtung ne souscrit pas à cette caractérisation et pense
que, la qualification multinationale d'une société sur la base de
son déploiement sur deux Etats seulement en fait une
société non pas multinationale, mais transnationale. De plus
pense-t-il, le principe de déséquilibre entre les Etats interdit
de parler de société multinationale car, l'asymétrie que
masque l'appellation « multinationale » est le signe d'une relation
de
1 Maurice Byé est cité par Jean Louis
Mucchielli (1998) Multinationales et mondialisation. Paris : Le Seuil,
p. 16
2 Mucchielli, op. cit. p. 18
3 Andreff W. op. cit. p.6
4 Dunning John H. «The multinational enterprise:
the background» in Dunning John H. (ed.) The multinational
enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. p. 16-17.
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 152 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
domination à partir d'un Etat développé. Il
propose donc de parler d'OINGC (Organisation Inter Non Gouvernementale
Commerciale)1.
Même si quelques fois le terme multinational
au sens entendu dans cette étude peut échoir aux trois
catégories, nous faisons le choix sémantique de la
catégorie MPE. Cette structure définitionnelle exclut de notre
champ d'analyse certaines compagnies nationales qui comme la
Société Nationale des Hydrocarbures du Cameroun (SNH), la
Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) et bien
d'autres de la même catégorie, n'ont pas d'actifs physiques
à l'extérieur en terme de capacité de production.
D'ailleurs, elles ont un simple rôle de protection des
intérêts de leurs Etats respectifs dans les opérations
d'extraction. De plus, elles ont en général la charge de
gérer la part du profit oil qui à la suite des
opérations d'extraction, revient à leurs gouvernements pour
l'écouler sur le marché international.
Le parti pris transnationaliste dans la définition des
sociétés multinationales rend compte de la pertinence de
l'attribut qui accompagne ces entreprises. Cependant, il existe quelques
éléments de complexité et qui relèvent des
techniques économétriques particulières, et qui sont
porteurs d'une essence explicative des multinationales et des critères
de l'internationalisation d'une société. Déclarer qu'une
société est multinationale peut reposer sur des
éléments tels que son chiffre d'affaires, le chiffre de ses
ventes mondiales et la valeur des actifs possédés à
l'étranger2. On peut considérer que si une firme
possède au moins 10% du capital d'une entreprise
étrangère, cette dernière peut être sa filiale et
donc, faire de la première une firme multinationale. La mondialisation
qui a favorisé les fusions et rachats des sociétés les
unes par les autres, rend très complexe la définition sur le plan
technique de la société multinationale. Mucchielli dit à
cet effet : « le statut de multinationale est en fait une question de
degré. Il n'y a pas deux situations extrêmes : être
multinationale ou ne pas être
1 Johan Galtung, « Un continent invisible : les
acteurs non territoriaux, vers une typologie des organisations internationales
», Georges Abi-Saab, op. cit. p. 69.
2 La catégorisation de Perlmutter distingue
trois types, les firmes ethnocentriques tournées vers leurs
pays d'origine, avec un faible degré de multinationalisation qui n'est
que le prolongement de certaines activités nationales. Ensuite, le type
polycentrique : ici, l'entreprise est implantée dans plusieurs
pays et traite chacun comme un marché particulier. Enfin le type
géocentrique pour qui la firme est orientée vers le
marché mondial. Pour toutes ces catégories cependant, il existe
un degré de multinationalisation qui est certes relative mais l'on peut
penser que la catégorie ethnocentrique est une espèce en voie de
disparition car, les sites de matières premières de plus en plus
lointains, la variation du coût de la main d'oeuvre et les
facilités des marchés captifs exigent de la part des
sociétés un effort de multinationalisation, il y va même de
leur survie. Il considère cependant que seules les
sociétés qui couvrent la globalité du marché dans
le cadre du type géocentrique sont réellement multinationales.
Perlmutter H.V « The tortuous evolution of the multinational company
» Columbia Journal of World Business, January/February
1969 cité par Dunning John H. (1971) op. cit. p. 18
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Universités à l'Université de 153 Yaoundé
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
multinationale1 ». Dans le cadre de cette
analyse, sera considérée comme société
transnationale toute firme qui possède des unités de production
dans au moins un pays autre que celui d'origine et, les filiales commerciales
seront exclues du champ d'analyse.
Les sociétés multinationales actuelles
trouveraient leur origine dans les dernières décennies du
XIXème siècle2. Comme le dit Dunning :
« During the last half century, and particularly in the last twenty
years, a new and separately identifiable vehicle of international economic
activity has emerged as a result of the internationalization of the productive
activities of many activities3 ». Leur éclosion a
été rendue possible par le développement fulgurant des
moyens de communication et de transport à la fin du dix neuvième
siècle. Les câbles, les bateaux à vapeur et autres chemins
de fer et télégraphe ont crée un monde dans lequel la
multinationalisation des sociétés a trouvé un terrain
favorable. Robert Z. Aliber situe la croissance de ce phénomène
dans l'ère qui a vu naître les compagnies East Indies et
Hudson's Bay4. Quoiqu'il en soit, le
phénomène a gagné en importance au fur et à mesure
de l'interconnexion des Etats car, en 1914, 41 entreprises américaines
ont déjà au moins deux filiales à l'étranger. Il
s'agit notamment de Ford, Singer Sewing Machine, Westing
House, General Electric, International Harvester etc. Et, avant
cette année quarante firmes européennes ont des filiales à
l'étranger (notamment : Siemens, Bayer, AEG) et Michelin établit
sa première usine aux Etats-Unis en 19075. Toutefois la
timidité de la transnationalisation et le caractère
vertical6de leurs actions qui par le fait de l'économie
coloniale mais aussi de la prépondérance des firmes
américaines, allaient s'implanter vers les débouchés ou
vers les réservoirs de matières premières, a permis que le
processus fut ignoré pendant longtemps par les chercheurs. Il fallut
attendre la fin de l'organisation économique d'après
guerre7 pour que la complexification croissante de l'architecture
économique
1 Mucchielli op. cit. p.26
2 Wladmir Andreff rapporte que dès 1852, Colt
a implanté une usine à Londres, Bayer s'est installé aux
EtatsUnis en 1865 et Singer a ouvert une usine à Glasgow en 1867.
Andreff op. cit. p.8
3 Dunning John H. «The multinational enterprise:
the background» in Dunning John H. (ed.) The multinational
enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. p. 16
4 Aliber Z. Robert «The multinational enterprise
in a multiple currency world» in Dunning John H. (ed.) The
multinational enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. pp.
49-56.
5 Mucchielli op. cit. p18
6 Aliber op. cit. p. 49
7 Robert Gilpin parle d'une économie
fondée sur la triade USA-Japon- Europe occidentale et sous la coupole
des premiers. Des bouleversements survenus dans le courant des années
1970 tels que l'annonce d'une nouvelle politique économique par le
président Nixon le 15 août 1971 en réaction à un
déficit commercial des USA, la dévaluation du dollar en
décembre 1971 et février 1973. Mais ces événements
internes aux USA sont à conjuguer avec le rapprochement du pays avec la
Chine, et la marche vers la détente avec l'URSS. Toutes choses qui ont
rendu complexe un système jadis piloté par les Etats-Unis. Robert
Gilpin (1975) op. cit p. 38
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Universités à l'Université de 154 Yaoundé
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transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
mondiale autorise une excroissance des multinationalisations et
ipso facto, un intérêt pour la recherche. Cet
intérêt va révéler un acteur incontournable de la
politique internationale.
2. De la pertinence des sociétés
multinationales dans l'économie politique internationale
En 1960, Stephen Hymer un jeune canadien du MIT a produit une
thèse de doctorat sur les sociétés
multinationales1. Cette étude scientifique des firmes
multinationales qui constitue avec celle de Byé les premières
analyses du phénomène de transnationalisation des entreprises et
leur impact sur les pays, l'explique par la volonté d'assurer la
sécurité de son investissement et de contrôler l'ensemble
du rendement des capitaux investis d'une part et d'autre part, de modifier les
structures de compétition entre les firmes et organiser une sorte de
collusion avec ses filiales étrangères. Mais au-delà de
l'explication du phénomène, c'est un acteur
sous-évalué ou ignoré qui est révélé
à la communauté scientifique internationale. Son importance est
illustrée par le rôle qu'il joue dans l'investissement direct
étranger et donc dans la mondialisation de l'économie
internationale.
Si l'on peut blâmer l'action de certaines firmes
multinationales qui ont mené une politique étrangère
belliciste et quelques fois contre-productive pour les Etats2, au
point que dans les années 1960 le syndicaliste Charles Robinson accusait
les multinationales d'être responsables de l'inflation, force est de
noter que celles-ci sont responsables de l'augmentation des investissements
directs en direction de l'étranger, avec une nouvelle vague de
multinationales et donc d'IDE en provenance des Etats du tiers-monde dès
les années 1980.
Le paradigme du développement par l'investissement est
très centré sur le rôle et l'apport des investissements
directs étrangers dans les processus de développement des
Etats3. Il s'agit
1 Publié 16 ans plus tard : Hymer Stephen
(1976) The International operations of national firms : A study of foreign
direct investment. Cambridge: Massachusetts, MIT Press.
2 On rappellera les politiques de Elf au
Gabon et au Congo dans la guerre civile de 1997, l'affaire Elf avec
Loïc le Floch-Prigent, le soutien de United Fruit aux mercenaires
encadrés par la CIA pour le renversement du colonel Arbenz au Guatemala
en 1954, la collusion entre la CIA et International Telephone and
Telegraph dans la chute de Salvator Allende au Chili en 1973. Mais on peut
également évoquer les actions de Total et
Pepsico en Birmanie dans les années 1990 et même 2000.
3 Sur le paradigme du développement par
l'investissement appelé Investment Development Path, on peut
lire les travaux de John H. Dunning notamment: Dunning John H. (1993) «
The prospect of foreign direct investment in Central and Eastern Europe »
in Dunning John H. ed., The globalization of business. The challenge of the
1990s, London & New York : Routledge, pp. 220-241 ; Dunning John H.
(1993) Multinational enterprises and the global economy, Wokingham and
Reading: Addison-Wesley.
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Universités à l'Université de 155 Yaoundé
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transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Yaoundé II/Cameroun)
d'une approche paradigmatique qui considère que les
changements structurels de l'économie conjugués avec la nature
des investissements directs étrangers sont les moteurs de la croissance
économique d'un Etat. En lieu et place de l'aide public au
développement, cette forme d'assistance au développement semble
séduire Fabienne Boudier-Bensebaa1 qui à la
lumière du cas des Etats de l'Europe centrale et de l'Est, tente
d'évaluer l'incidence de l'IDE sur les sentiers de développement
à la recherche des éléments
d'homogénéité. Mais, même si l'aspect comparatif de
son analyse n'est pas le centre de notre intérêt, elle
démontre l'impact de l'IDE dans le développement des Etats. Car,
son flux a le mérite de créer des emplois qui encouragent la
mobilité des travailleurs hautement éduqués
c'est-à-dire un transfert des technologies et de
l'expertise2.
Il ne suffit cependant pas qu'il existe un transfert de fonds
d'un pays à un autre pour que l'on parle d'investissement direct
étranger. Pour qu'un flux de capitaux prenne la coloration
d'investissement direct étranger, il faut qu'il existe une
capacité de contrôle ou un pouvoir d'influence sur la gestion
d'une entreprise étrangère, qu'il y ait un transfert de
compétences complexes et une logique de production. C'est dire que le
simple mouvement de capitaux ne suffit pas à conférer le
caractère d'investissement direct étranger à un
financement. L'on peut y voir la différence et même la cause
principale de l'échec d'une certaine politique d'aide au
développement qui transférait uniquement des fonds aux pays
sous-développés sans une logique et un arsenal de production des
richesses. Et, qui a conduit au recyclage de l'aide publique au
développement en produit de la corruption entre les élites des
pays en développement et les planners comme William
Easterly3 appelle les planificateurs du développement des
Etats depuis les institutions de Bretton Woods.
L'IDE est aussi différent d'un investissement de
portefeuille qui n'est qu'une prise de participation sous forme d'achat
d'actions ou autres modes qui ne sont perçus que comme un placement
financier. La banque de France par exemple définit l'IDE à partir
de certains critères tels que : la détention à
l'étranger d'une unité ayant une autonomie juridique ou une
1 Boudier-Bensebaa « FDI-assisted development
in the light of the investment development path paradigm: Evidence from Central
and Eastern European countries »Transnational Corporations, vol.
17, n° 1 (avril 2007) pp. 37-63.
2 Comme le démontrent Steven Globerman et
Daniel Shapiro pour le cas de la mobilité des travailleurs hautement
qualifiés dans l'espace OCDE. Globerman Steven & Shapiro Daniel
« The international mobility of highly educated workers among OECD
countries » International Corporations, vol. 17, n°1 (avril
2007) pp.1- 35.
3 A propos de l'échec des politiques d'aide au
développement planifiées depuis Washington et des effets pervers
desdites politiques, lire Easterly William (2006) The White man's
burden. London : Penguin Books Ltd
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Yaoundé II/Cameroun)
succursale, la détention d'une proportion
significative du capital donnant à l'investisseur résidant un
droit de regard dans la gestion de l'entreprise étrangère
investie ; pareille participation peut être supérieure ou
égale à 10%. Avec plus de 44.508 multinationales en 1957
possédant plus de 276.660 filiales en 1957 déjà, il y en
avait plus de 7.000 à la fin des années 1960 et 40.000 en 1997
d'après les Nations Unies. Le flux d'IDE que drainent ces
sociétés leur a conféré une importance indubitable
dans l'économie politique internationale au point que certains auteurs
tels que Raymond Vernon1 ont proclamé l'anachronisme de
l'Etatnation pour souligner l'importance des multinationales dans la
distribution du pouvoir dans la politique internationale. A ce sujet, Bergsten,
Keohane et Nye disent: «With regard to multinational enterprises, some
incautious or enthusiastic observers have gone too far in proclaiming the death
of the nation state in a world of interdependence2»
(à propos des entreprisess multinationales, certains observateurs
non avertis et enthousiastes sont allés trop loin en proclamant la mort
de l'Etat-nation dans un monde interdépendant). D'après le
rapport des Nations Unies sur les investissements dans le monde publié
en 2007, les IDE ont atteint par exemple en 2006, 1.306 milliards de dollars
soit une augmentation de 38% par rapport à 2005. Le record de 2000
(1.411 milliards de dollars) n'a pas pu être battu mais, l'on a toutefois
noté des chiffres exceptionnels avec des entrées des IDE dans les
pays développés qui ont connu une croissance de plus de 45%, des
entrées dans les pays en développement qui ont atteint le record
de 379 milliards de dollars ce, du fait notamment du boom des industries
extractives observé entre 2004 et 2008. Ce qui représente pour
l'entrée des IDE dans les pays en développement, une augmentation
de 21% par rapport à 2005 tandis que, les entrées de IDE dans les
pays en transition ont été évaluées à 69
milliards de dollars soit 68% d'augmentation. Tous les secteurs
d'activité ont connu une embellie depuis 1990 et les tableaux ci-dessous
donnent un aperçu des tendances en considérant les sorties et les
entrées des IDE en 1990 et en 2005.
1 Vernon Raymond (1971) Sovereignty at bay.
New York: Basic Books. On peut également lire pour cette école,
les auteurs tels que Kindleberger Charles et les travaux de Susan Strange sur
les firmes multinationales.
2 Bergsten Fred C., Keohane Robert O., Nye Joseph
S. «International economics and international relations: A framework for
analysis» in Bergsten Fred C and Krause B. Lawrence (Eds). (1975)
World Politics and International Economics. Washington DC: The
Brookings Institution, p. 11
Sous la direction de M. Luc SINDJOUN
Agrégé de Science Politique, Professeur des
Universités à l'Université de 157 Yaoundé
II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
en Science Politique présentée à l'Université de
Yaoundé II/Cameroun)
Tableau 4 : Stock estimé de l'IDE entrant par
secteur en 1990 et 2005 (en millions de dollars)
Secteurs
|
1990
|
2005
|
|
PVD
|
Monde
|
Pays développés
|
PVD
|
Monde
|
Primaire
|
139.013
|
27.847
|
166.860
|
551.2002
|
201.559
|
790.478
|
Manifacture
|
584.069
|
144.996
|
729.065
|
2.196.988
|
716.624
|
2.975.519
|
Services
|
713.721
|
155.123
|
868.844
|
4.683.574
|
1.339.703
|
6.110.761
|
Activités non spécialisées
|
9.662
|
4.767
|
14.429
|
108.101
|
48.668
|
164.998
|
|
Source : conçu à partir des
données du WIR 2007 de la CNUCED
Tableau 5 : Stock mondial estimé d'IDE sortant
par secteur, 1990 et 2005 (en millions de dollars)
Secteurs
|
1990
|
2005
|
|
PVD
|
Monde
|
Pays développés
|
PVD
|
Monde
|
Primaire
|
161.564
|
2.219
|
163.783
|
584.093
|
35.365
|
618.569
|
Manifacture
|
793.573
|
6.452
|
850.025
|
2.655.294
|
117.426
|
2.774.283
|
Services
|
834.927
|
834.927
|
846.550
|
6.264.620
|
870.740
|
7.095.563
|
Activités non spécialisées
|
4.139
|
716
|
4.855
|
66.959
|
21.538
|
88.676
|
|
Source : conçu à partir des
données du WIR 2007 de la CNUCED
Par delà la finesse que peut requérir
l'interprétation des chiffres, le constat de l'importance des flux des
IDE par le fait des multinationales valide la thèse de leur importance
sans cesse grandissante dans le sérail des acteurs de la politique
internationale, telle fut dès le départ toutefois la
présomption de cette étude et, qui contribue à la
démonstration de la relativité de la souveraineté dans un
contexte où la multiplication des acteurs a semblé signifier la
fin du principe structurant de leurs relations.
Cette émulation excroissante des multinationales, grande
composante qui comporte des micro-classes, a été prise au
sérieux par la communauté internationale dès la fin de
l'ordre
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Les Etats, les organisations non gouvernementales et la
transparence des industries extractives : la dialectique de la
souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat
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Yaoundé II/Cameroun)
économique post-guerre dont Robert Gilpin1
pense qu'il était le fait des Etats-Unis d'Amérique en tant
qu'hégémon économique qui greffait autour de lui une
triade. Aussi, les changements dans l'environnement économique
perçus entre autre par la démultiplication des multinationales et
leur poids progressif va pousser les Nations Unies à encadrer leur
activité internationale2. L'adoption par l'ECOSOC de
l'expression « sociétés transnationales » traduit la
prise au sérieux de la menace de cette catégorie qui
échappe aux seules législations nationales puisque, s'inscrivant
dans l'espace transnational et comportant des risques réels au double
plan social et environnemental. A la faveur d'une résolution de l'ECOSOC
de 1972, un groupe constitué commit en 1974 un rapport intitulé
« Effets des sociétés multinationales sur le
développement et sur les relations internationales ». Le
désir de réguler et d'encadrer les activités de ces
acteurs conduisit le Conseil dans la foulée des recommandations dudit
rapport, à créer la même année la commission des STN
et le centre des STN. Les deux deviendront respectivement en 1993 et 1994 une
commission de la CNUCED et la division de l'investissement
international3. L'éventail de éléments porteurs
de sens dans la démonstration de l'importance, de la pertinence et de
l'affirmation actorielle des multinationales ne saurait être
épuisé dans un espace aussi réduit qui ne porte pas
exclusivement sur leur étude. Mais une catégorie dans ce vaste
ensemble, requiert notre attention de façon soutenue dans le cadre de
l'argumentaire relatif à la transformation de la souveraineté
dans la triangulaire complexe autour de la transparence des industries
extractives. Les multinationales des industries extractives sont la composante
précise qui constitue le substrat de notre réflexion.
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