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Les états, les organisations non gouvernementales et la transparence des industries extractives: la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité

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par Paul Elvic J. BATCHOM
Université de Yaoundé II/SOA - Doctorat/Ph.D 2010
  

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A. L'espace de la mise en oeuvre : territorialité et autorité de l'Etat

1. Territorialité et autorité : des notions centrales mais relatives

L'Etat procure à l'initiative l'espace de sa mise en oeuvre parce que la territorialité est un attribut exclusif de l'Etat ou des regroupements étatiques. Si l'on peut avoir des territoires

1 Geertz Clifford (1983) Bali. Paris : Gallimard

2 C'est d'ailleurs pensons-nous, l'illustration d'un ethnocentrisme d'un genre vicieux. Lorsque la politique se donne en spectacle en occident, nul ne démontre qu'il s'agit peut-être d'un trait inhérent au pouvoir que de se donner à voir dans les signes et les symboles. Ainsi, seulement de cette façon on ne taxera plus de tropicalisme les messes politiques dans les contrées autres que l'occident. D'ailleurs, comme le montrent des auteurs tels que Marc Abélès (2007) Le spectacle du pouvoir. Paris : l'Herne, Roger-Gérard Schwarzenberg (1977) L'Etatspectacle. Paris : Flammarion. Claude Rivière (1988) Les liturgies politiques. Paris : PUF, la politique admet toujours une dose élevée de symbole, de spectacle et de rites.

3 Bayart Jean François (1996) L'illusion identitaire. Paris : Fayard

4 Pourtant, comme semble le penser la professeur Sindjoun, l' « Etat ailleurs » relève de la spécificité car il est fortement marqué du sceau de la société qui l'abrite, tant il est socialisé par celle-ci en même temps qu'il étatise la société. L'Etat pense-t-il, est banal car il est fonction des usages et des investissements des acteurs compte tenu des enjeux locaux. Sindjoun Luc (2002) L'Etat ailleurs : Entre noyau dur et case vide. Paris : Economica

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industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

sans Etat1. Il n'existe pas d'Etat atérritorial. C'est ce qui fait dire à Carré de Malberg que : « le territoire ne fait pas partie de l'avoir de l'Etat, mais de son être2 ». L'Etat est différenciation c'est-à-dire constitution d'une classe en face de la société3 mais il est aussi et surtout un territoire. Les théories du territoire peuvent être regroupées autour de quatre mouvements. D'abord, le territoire comme élément constitutif de l'Etat c'est-à-dire qu'il faut un territoire pour le développement normal de l'Etat. Cette conception a motivé la pensée des pères de la géopolitique tels que Kjellen et Friedrich Ratzel. Le territoire est aussi l'objet de la souveraineté de l'Etat, en tant qu'il est objet d'un imperium et celui d'un dominium. Le territoire est par ailleurs la marque de la limite entre `eux' et `nous' dans une perspective de démarcation de l'aire de la souveraineté. C'est pourquoi le territoire est en dernière analyse le titre positif de l'exercice de la compétence des compétences. Cette composante de l'Etat qui suscite des définitions les plus diverses possibles en fonction des disciplines et des sensibilités, est incontournable dans l'affirmation de la statolité. Gérard Bergeron rappelle que « par dessus tout, il importe de ne jamais oublier le territoire dont on peut dire au sens premier qu'il supporte tout le reste et qu'il est la donnée la plus déterminante et la plus constante ne serait-ce que par son inertie »4. S'agissant des industries extractives, nul ne peut prétendre à l'analyse de l'initiative y relative en minorant l'essence primordiale de l'Etat en tant que territoire qui est le cadre munificent d'exploitation des ressources. En effet, les richesses du sol et du sous-sol dont les revenus sont au coeur de l'initiative sont précisément localisées dans le territoire des Etats. Ce territoire comprend aussi bien la terre ferme que la mer jusqu'aux limites des eaux territoriales d'un Etat. L'on peut y ajouter les zones économiques exclusives (ZEE) qui ont un régime juridique particulier en raison des articles 55 et 56 de la convention de Montego Bay5. Les plateformes pétrolières offshore en haute mer et dans les eaux territoriales des Etats, les sites d'opérations onshore mais aussi les mines

1 Les cas de la Palestine et de l'Antarctique encore que pour ce qui concerne ce dernier territoire, les Etats dans leur folie pétrolière sont en train d'étendre sur lui les attributs de leur autorité. Ainsi, la Russie a implanté son drapeau dans les profondeurs de l'antarctique en 2008, elle pourrait bien être suivie en cela par d'autres puissances.

2 Carré de Malberg Raymond (1985) Contribution à la théorie générale de l'Etat. Paris : CNRS (une réimpression des Editions Sirey) volume 1. p.4

3 Pierre Clastres pense qu'il faut discourir sur la société sans la rattacher systématiquement à l'Etat. C'est à ce prix qu'il veut initier une nouvelle anthropologie qui considère les sociétés comme des réalités autonomes, prenant ainsi ses distances de l'Etat-glouton. Clastres Pierre (1974) La société contre l'Etat. Paris : Minuit

4 Bergeron Gérard (1990) Petit traité de l'Etat. Paris : PUF p.12

5 L'article 56 dit notamment : « Dans la zone économique exclusive, l'Etat côtier a 1) des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins et de leurs sous-sols, ainsi qu'en ce qui concerne d'autres activités tendant à l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d'énergie à partir de l'eau, des courants et des vents ».

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diverses pour les pierres précieuses sont abrités soit par le sol et le sous-sol des Etats, soit par leurs eaux. Le territoire a donc ipso facto, la fonction supplémentaire de creuset des richesses qui conditionnent l'adhésion d'un Etat à EITI. Il s'agit de penser que l'examen en aval de la propriété territoriale de l'Etat comme site de mise en oeuvre de l'initiative n'est pas déconnecté de l'amont qui suppose l'hébergement des ressources.

L'examen de la qualité d'acteur au sein de l'EITI confirme que seul l'Etat est titulaire d'un territoire1. La suspension dans l'espace transnational des actions non étatiques n'est que par trop limitée par la loi de la pesanteur qui les dépose sur un espace territorial. L'initiative en tant que création abstraite trouve un ancrage sur le réel par son déploiement dans un Etat. Aussi, ce dernier se révèle-t-il dans son second aspect comme une autorité qui s'exerce dans son aire de compétence. La seconde dimension de l'Etat, c'est-à-dire comme organe contrôlant les principaux moyens de coercition sur un territoire donné, le régulateur de la vie sociale, s'exprime donc par le fait de la cession d'un droit d'implémentation. L'Etat qui s'engage à mettre en oeuvre l'initiative cède en même temps à celle-ci le droit de se déployer sur son sol. En cela, l'Etat exprime sa territorialité et son autorité dans l'initiative de transparence des industries extractives.

Cependant, les notions de territorialité et d'autorité que l'on peut retrouver au fondement et au coeur de l'Etat ne sont pas des données figées. Si la réalité des frontières nourrit et entretient l'illusion de la permanence de la territorialité et de l'autorité dans un espace

1 Les Etats sont très jaloux ipso facto de leur territoire, ils ont toujours pris la peine de le sécuriser car, s'il est l'assurance de leur existence, le territoire est une donnée dont la perte fait tressaillir de crainte les Etats car elle leur enlève le droit d'exister en tant que tel. La codification de l'espace territorial est un impératif au vue des Etats tant dans le droit public interne que dans le droit international. La sauvegarde de l'intégrité de son territoire exige de le cerner, de le protéger des irrédentismes et des invasions externes. Les caractères indivisibles, inaliénables et irréductibles des Etats ressortent dans plusieurs constitutions. La constitution des Etats-Unis du 17 septembre 1787 dans sa section VIII et à l'article 1er ; l'article 3 de la constitution malgache du 27 avril 2007; l'article 1er de la constitution tchadienne du 31 mars 1996 ; l'article 1er de la constitution du Niger du 9 août 1999 ; l'article 2 de la constitution ivoirienne du 4 novembre 1960 ; l'article 8 de la constitution péruvienne du 9 avril 1933 et la constitution norvégienne du 17 mai 1814 dans son article 8 portent toutes sur l'autel de la sacralité, l'intégrité des territoires respectifs de ces Etats. L'on notera par ailleurs que les Etats africains dès les premières années des indépendances, vont s'empresser de codifier par la voie constitutionnelle la nécessité et même l'impératif de l'intégrité territoriale. La raison réside certainement dans la crainte de l'éclatement des nationalismes et des irrédentismes car les Etats ont été taillés sur les mesures indifférentes des réalités sociologiques de la dispersion des peuples. D'ailleurs, appliquant en cela le principe de l'uti possidetis, les articles 2 et 3 de la charte constitutive de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) font de la défense et du respect de l'intangibilité des frontières heritées de la colonisation et donc de l'intégrité territoriale des Etats africains un principe cardinal de l'organisation. Ces articles avalisent donc les frontières et donc les territoires hérités de la colonisation. L'acte constitutif de l'Union africaine reprend ce principe du respect de l'intégrité territoriale dans son article 3 (b), en affirmant comme l'un des objectifs, de « défendre la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance de ses Etats membres ».

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Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

géographique, si EITI est rendue possible par l'emprise sur le réel que lui confère la qualité d'acteur des Etats, les territoires et l'autorité ont glissé vers la relativité et la responsabilité1. Ce double dépassement du territoire et de l'autorité informe cette étude qui, quoiqu'elle relève la qualité d'acteur de l'Etat, consacre aussi la pertinence des acteurs non-territoriaux2 qui transgressent aussi bien l'autorité étatique que les lois de la territorialité. Ainsi, la pertinence de l'Etat en tant que territoire et autorité qui se redéploie dans l'initiative est à relativiser par le fait des acteurs privés et des réseaux et autres allégeances multiples qui dénotent la prolifération des espaces. La figure de cette exigence de relativité dans la manipulation des concepts de territoire et d'autorité est la firme multinationale. Aterritoriale par excellence, elle exploite des richesses qui sont territorialement situées, enfouies dans le sol ou le sous-sol d'un Etat. C'est le sacre du territorial et de l'aterritorial, de l'autorité et de la non-autorité, de la souveraineté et de la non-souveraineté. A ce sujet, Badie dit : « les rapports entre nations- d'ailleurs de plus en plus difficile à territorialiser- ne sont désormais qu'un aspect du fonctionnement d'une scène mondiale faite de réseaux, de prolifération et de volatilité d'allégeances qui s'inscrivent elles-mêmes dans plusieurs espaces3 ». C'est la célébration de la supraterritorialité que les théories de la globalisation dressent comme réalité expliquée par le phénomène de la mondialisation. Cependant, si le système westphalien fondé sur la fixité d'un territoire qui abrite l'autorité suprême d'un Etat est dépassé, ce n'est pas l'histoire de son abolition qui est écrite dans cette étude. Se fondant sur les travaux de Jan Aart Scholte, Justin Rosenberg4 rejoint Badie pour penser que le dépassement du territoire par l'émergence d'un ordre supraterritorial à la faveur de la mondialisation ne signifie point la disparition des territoires, mais leur dépassement est aussi l'occasion d'une cohabitation entre deux ordres : l'ordre territorial et l'ordre supraterritorial. Rosenberg faisant écho à la pensée de Scholte à ce sujet dit : « For him (Scholte), globalisation shows no sign of erasing the state. And this is not simply because, having unfolded mainly since the 1960s', it needs more time to work its full effects. On the contrary, careful as ever, he has already told us that globalisation, despite being defined as the rise of supraterritorial space, is nonetheless not antithetical to territoriality. However, it has transcended the territorialist geography that sovereignty

1 Voir à ce sujet Bertrand Badie (1995) La fin des territoires, essai sur le désordre international et sur l'utilité sociale du respect, Paris : Fayard et Badie Bertrand (1999) Un monde sans souveraineté, les Etats entre ruse et responsabilité, Paris : Fayard.

2 Par cette appellation, Johan Galtung qualifie ces acteurs qui se différencient des acteurs territoriaux qui disposent d'une emprise territoriale. Voir Johan Galtung « un continent invisible : les acteurs non territoriaux, vers une typologie des organisations internationales » in Georges Abi-Saab (dir.) Le concept d'organisation internationale, Paris : Unesco, 1980, pp. 68-77.

3 Bertrand Badie La fin des territoires, op. cit. p. 14.

4 Rosenberg Justin, op. cit.

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industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

presupposes and as a result it has brought the end of sovereignty1 » (pour lui [Jan Art Scholte], la globalisation ne revèle pas des signes d'effacement de l'Etat. Et ce n'est pas uniquement parce que se déployant principalement depuis les années 1960, elle a besoin de plus de temps pour revéler ses effets. Au contraire, prudent comme toujours, il nous a déjà dit que la mondialisation, malgré qu'elle est définie comme l'augmentation de l'espace supraterritoriale n'est néanmoins pas antinomique de la territorialité. Cependant, elle a transcendé la géographie territorialiste que présuppose la souveraineté et comme incidence, elle a mis fin à la souveraineté). Ainsi, les deux auteurs nous invitent à intégrer la nécessité d'une considération du fait supraterritorial corollaire de la mondialisation, mais qui ne discrimine pas le territoire et donc l'Etat comme lieu pertinent d'observation des relations internationales.

2. Voyage au coeur de la diversité

L'espace multiforme et divers de l'initiative est un ensemble d'Etats dont l'histoire territoriale et la géographie politique sont révélatrices d'une spécificité. Au nombre des trente Etats qui implémentaient l'initiative en décembre 2009, vingt huit ont été des colonies soit 95,83% en terme de ratio. Les seuls qui n'aient pas goûté aux délices de la colonisation donc, qui ne soient pas des territoires hérités de l'architecture coloniale sont le Libéria2 et la Norvège3. Parmi les six pays qui appartiennent au continent asiatique, trois ont été des colonies russes.

L'Azerbaïdjan est un territoire vaste de 86.600 km2 peuplé d'environ 8177717 habitants selon l'estimation de la CIA en juillet 2008. Il produit environ 1099 baril de pétrole par jour avec des réserves prouvées estimées à 7 milliards de barils en janvier 2008. Le gaz naturel qu'il a produit en 2007 est estimé à 977 milliards de m3. Ses réserves prouvées sont de 849,5 milliards m3. Le pays produit par ailleurs du fer et de la bauxite4. A ce jour, c'est l'unique pays qui a atteint la phase de conformité de l'initiative, ayant respecté toutes les étapes de la mise en oeuvre.

1 Rosenberg, idem, pp. 33-34.

2 En effet, ce pays est une création de l'American Colonization Society qui en 1816, le fonda pour favoriser le retour des esclaves sur le sol africain. En 1821, la Society obtint des terres sur le cap de Mesurado et y fonda Monrovia en mémoire du président Monroe. Il fut dirigé dès 1841 par Joseph Jenkins Roberts qui fut le premier gouverneur noir de Monrovia. Même si le pays est dit être devenu indépendant en juillet 1846, on ne peut pas dire qu'il a subi la colonisation au sens premier du terme. Il semblerait plutôt qu'il y ait eu en 1846 une reconnaissance internationale du Liberia en tant qu'Etat.

3 A cette date, la Norvège est le seul pays de l'OCDE à implémenter l'initiative de transparence des industries extractives.

4 Ces données sont fournies par la CIA dans son factbook disponible dans le site www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/az.html visité le 13 mars 2009.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 75 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

Le Kazakhstan qui dispose de la plus grande réserve de pétrole de la région de la Caspienne est un Etat de 2717300 km2 de superficie ; il regorge en plus de chromium, de zinc, de cuivre, de manganèse, de fer, de charbon, d'or, d'uranium, de nickel... D'après BP Statistical Review of World Energy 2007, le Kazakhstan détient des réserves de pétrole estimées à 40 milliards de barils et selon la même source, le pays disposerait de 106000 milliards de mètres cube de réserves de gaz naturel. La CIA estime que ce pays produit 1445 millions de barils de brut par jour, 2788 milliards de m3 de gaz naturel (en 2007) et détient des réserves prouvées de pétrole de 30 milliards de barils (au 1er janvier 2008)1. C'est un ancien Etat de l'URSS qui a accédé à son indépendance le 16 décembre 1991 à la faveur de la balkanisation de l'empire soviétique. L'Azerbaïdjan, le Kirghizstan et le Kazakhstan constituent les trois pays de l'initiative qu appartenaient à l'ancien bloc soviétique et qui par le fait de leur indépendance, ont conservé leur territoires qu'ils mettent aujourd'hui à la disposition d'une initiative qui promeut les valeurs occidentales ; preuve s'il en faut de la fin de l'ère communiste, en dépit des élans de nostalgie.

Un des pays de l'Asie est une ancienne colonie chinoise qui a accédé à l'indépendance le 11 juillet 1921. La Mongolie est un Etat de 1564116 kilomètres carrés qui a annoncé sa volonté de mettre en oeuvre les principes de transparence dans les industries extractive en décembre 2005. Le gouvernement mongol a énoncé les tâches et fonctions des organisations administratives de l'Etat pour une mise en oeuvre efficace de l'initiative. La résolution n° 80 du 8 mars 2007 est l'instrument de cette volonté de donner à l'initiative un cadre d'émulation et d'efficience. C'est l'expression de l'autorité de l'Etat qui seul, autorise la mise en oeuvre dans son territoire et en tant qu'autorité, il s'exprime par des textes de loi. Le Timor Leste autre pays d'Asie, implémente l'initiative à laquelle il a adhéré le 22 février 2008. C'est un pays de 15.007 kilomètres carrés qui regorge d'or, de gaz naturel et qui a produit en 2007 78480 barils de brut par jour et dont les réserves sont indéterminées. Ses réserves de gaz naturel quant à elles sont estimées à 200 milliards de m3 par la CIA en janvier 2006. Ancienne colonie du Portugal, le pays a accédé à la souveraineté internationale le 28 novembre 1975 mais la domination de l'Indonésie sur le pays a perpétué la colonisation. Ce n'est que le 20 mai 2002 que le Timor Leste a vu son indépendance internationale reconnue par l'Indonésie.

Le Yémen a adhéré à l'initiative le 27 septembre 2007 mais le pays a affiché son désir de mettre en oeuvre les principes de la transparence dans les industries extractives dès mars 2007

1 www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/kz.html visité le 13 mars 2009.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 76 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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par un décret qui était suivi sur le plan de l'établissement d'un cadre institutionnel de la mise en oeuvre par un arrêté du ministre du pétrole et des mines de 2007 qui mettait sur pied un Conseil National EITI et un secrétariat du YEITI1. En novembre 1918, le Yémen du nord s'émancipe de l'empire Ottoman. Il faudra attendre le 30 novembre 1967 pour que le Yémen du sud accède à son tour à l'indépendance. Il s'en suivra l'unification des deux pays le 22 mai 1990 qui est retenu comme date d'indépendance du pays. Ce pays large de 527970 kilomètres carrés dispose de larges réserves de pétroles estimées par la CIA2 à 3 milliards de barils au 1er janvier 2008 de même que des réserves de gaz naturel de 478,5 milliards de m3 d'après la même source à la même période. Il est par ailleurs l'abri d'importants gisements d'or, de cuivre, de marbre et de nickel.

L'exploration des données et de l'histoire de ces pays révèle que tous ont été sous la domination étrangère et ont hérité d'un territoire dont ils perpétuent l'autorité et la sécurisation. Cette présentation ne marginalise pas les Etats africains et bien sûr le Pérou qui est un Etat de l'Amérique latine. Une vingtaine de pays africains aussi divers et variés que le Cameroun, le Niger et Madagascar implémentent l'initiative en juillet 2009. Au-delà de l'emprise territoriale qu'ils ont sur leurs Etats en vertu de l'uti possidetis juris par lequel ils ont adopté les frontières héritées de la colonisation, ces Etats ont manifesté l'expression de leur autoritas, en acceptant d'adhérer à EITI. Considérant les plus récents adhérents, on a la République centrafricaine, le Burkina Faso, la Zambie, le Mozambique et la Tanzanie. La RCA a adhéré à l'initiative le 30 août 2007 et est devenu un pays candidat le 21 novembre 2008 ; c'est un territoire de 622984 km2 de superficie qui a accédé à l'indépendance le 13 août 1960. Le pays abrite de l'or, de l'uranium du diamant et du pétrole. Le tableau ci-après donne un aperçu des Etats qui mettent en oeuvre EITI, il est évolutif en raison du caractère dynamique de cette initiative qui est progressivement rejointe par d'autres Etats.

1www.eitransparency.org/yemen visité le 09 mars 2009.

2 www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ym.html visité le 13 mars 2009.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 77 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

Tableau 1: les Etats mettant en oeuvre l'EITI au 15 février 2010

Pays

Date d'adhésion/ de
candidature

Rapports publiés

Statut

Afrique

Burkina Faso

15 mai 2008

0

Candidat

Cameroun

17 mars 2005

02

Candidat

Congo

Juin2004

0

Candidat

Côte d'Ivoire

12 mai 2008

0

Candidat

Gabon

Mars 2005

03

Candidat

Ghana

Juin 2005

02

Candidat

Guinée1

28 décembre 2004

01

Candidat

Guinée Eq.

22 février 2008

0

Candidat

Liberia

7 mai 2007

01

Conforme

Madagascar

22 février 2008

0

Candidat

Mali

2e trimestre 2006

0

Candidat

Mauritanie

20 septembre 2005

02

Candidat

Mozambique

15 mai 2008

0

Candidat

Niger

Mars 2005/ 27 août

2007

0

Candidat

Nigeria

Février 2004

02

Candidat

RCA

30/8/2007 - 21/11/2008

0

Candidat

RDC

17 mars 2005

0

Candidat

Sao Tomé

22 février 2008

0

Candidat

Sierra Leone

22 février 2008

0

Candidat

Tanzanie

16 février 2009

0

Candidat

Tchad

20 août 2007

0

Candidat

Zambie

15 mai 2008

0

Candidat

Asie

Afghanistan

10 février 2010

0

Candidat

Albanie

15 mai 2008

0

Candidat

Azerbaïdjan

Juin 2003

11

Conforme

Iraq

10 février 2010

0

Candidat

Kazakhstan

2005/10 mars 2007

02

Candidat

Kirghizstan

30 juin 2004

01

Candidat

Mongolie

Décembre 2005

02

 

Timor Leste

22 février 2008

1

Candidat

Yemen

27 septembre 2007

0

Candidat

Amérique

Pérou

14 septembre 2004

01

Candidat

Europe

Norvège

11 février 2009

1

Candidat

Source : confectionné à partir des informations révélées par le site de EITI et certains sites des Etats de mise en oeuvre.

L'intérêt de la présentation panoramique des Etats africains impliqués dans l'initiative peut aussi résider dans la manifestation de l'autorité juridique de ces Etats jeunes au plan du

1 En raison des evènements politiques en cours au pays à la fin d'année 2009, la Guinée a sollicité le 19 décembre 2009, une suspension en tant que membre de l'initiative de transparence des industries extractives qu'elle rejoindra une fois la tempête passée.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 78 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
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Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

droit international car, ayant acquis leurs indépendances dans la seconde moitié de XXème siècle. Le déploiement de leur capacité juridique dans l'initiative conforte la thèse de l'Etat pertinent et récuse l'argument du déclin. Le voyage au coeur de l'arsenal juridique des Etats africains dans la mise en oeuvre de l'initiative et précisément dans la construction d'un cadre légal et juridique propice à l'implémentation de EITI est le signe d'une capacité juridique affirmée desdits Etats. Ce n'est donc point le récital des instruments juridiques mis sur pieds à cet effet qui est l'objet de l'espace mais, l'affirmation ipso facto de la statolité des territoires africains évoqués et la centralité de l'Etat.

Le Cameroun, par la lettre n°05/1702/OF MINEFI /CTS/SP du 1er avril 2005 du ministre de l'économie et des finances, réaffirmait son adhésion totale aux principes EITI. Conformémént à cette volonté, le premier ministre par le décret n°2005/2176/PM du 16 juin 2005 créait un comité de suivi de la mise en oeuvre des principes de l'initiative de transparence des industries extractives. L'article 3 dudit décret donne la composition du comité. Il s'agit d'un corps de 23 membres dont 7 representent le secteur public et parapublic, 6 representent le secteur privé et 10 viennent de la société civile. En attendant qu'une loi offre à l'initiative un cadre normatif pérenne au Cameroun, le décret de 2005 et la décision ministérielle n°002328/MINEFI/CAB du 15 Septembre 2005 portant création du secrétariat technique du comité de suivi et de mise en oeuvre des principes EITI offrent le cadre institutionnel pour l'initiative. La Mauritanie quant à elle a créé par le décret n° 2006-001 du 13 janvier 2006 un comité national de mise en oeuvre de l'EITI. La République démocratique du Congo par décret n°05/160 du 18 novembre 2005 a mis sur pied le cadre institutionnel pour la création et la composition d'un comité national de l'EITI, tandis qu'au Tchad, la société civile a conçu un projet de décret qui a été deposé à la présidence de la République tchadienne et qui amenage un espace pour la création d'un haut conseil national EITI1. Comme au niveau supranational, la structure de l'initiative à l'échelle nationale obéit d'après le Livre Source2 à une composition qui se doit de tenir compte de la pluralité des provenances sociales des parties prenantes. Le Gabon a bâti son cadre de mise en oeuvre de l'initiative autour d'un décret et de deux arrêtés. En effet, par l'arrêté n° 229/MEFBP du 24 février 2005, le ministre de l'Economie des Finances, du Budget et de la Planification a créé le groupe de travail en indiquant son fonctionnement et

1 Auparavant, le Tchad avait annoncé sa volonté de faire partie de l'initiative par une déclaration publique. Il s'agit de la lettre n°836/PM/CAB/07.

2 Le Livre Source est le document cadre de l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives. Il informe sur les détails de l'initiative et les étapes à franchir dans son implémentation. Il a été rédigé et publié par le gouvernement britannique à travers le Department for International Development à Londres en Mars 2005.

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désignant ses membres. Plus tard, en juillet de la même année, le président Omar Bongo Ondimba a pris un décret créant un groupe d'intérêt. Le décret n°000535/PR/MEFBP du 8 juillet 2005 sera complété par l'arrêté n° 00056/MEFBP qui nomme les membres du groupe d'intérêt crée par le décret ci-dessus mentionné. Le Congo voisin adosse son implémentation de l'initiative sur le décret n° 2006-626 du 11 octobre 2006 qui crée le comité exécutif EITI/Congo, indique ses attributions et sa composition. La mise en oeuvre de EITI au Burkina Faso repose sur le cade bâti autour des décrets n° 2008/810/Pres/PM/MEF/MCE et n° 2008/811/Pres/PM/MEF/MCE du 17 décembre 2008 qui créent le comité de mise en oeuvre et en nomment les membres. L'Albanie quant à elle fonde sa mise en oeuvre sur une ordonnance du premier ministre datée du 27 décembre 2008. Il s'agit de l'ordonnance n° NR156.

Au-delà des similitudes structurelles, l'on peut penser que la domestication des principes de l'initiative répondra à l'exigence d'intégration de la réalité de chaque Etat. Au Nigeria, le Nigeria extractive industries transparency initiative Act passé le 25 Mai 2007 à l'Assemblée nationale fédérale et signé trois jours plus tard par le président Olusegun Obasanjo, offre le cadre normatif de mise en place des principes EITI1. En son article 6, cette loi donne au président le pouvoir de constituer un groupe de travail (National stakeholders working group) chapeauté par un chairman et formé de 28 membres. Cette structure nationale comprend des individus issus de la société civile, les représentants des syndicats du secteur des industries extractives, des experts des industries extractives et un membre de chacune des six régions géopolitiques. L'extension infinie de la présentation des structures étatiques mises en place pour l'implémentation de l'initiative ne révélera rien d'autre que cet isomorphisme institutionnel transnational. Il s'agit d'une exigence des principes EITI qui stipule que le gouvernement procède à la « dédifférenciation2 ». En effet, la structuration nationale de l'EITI laisse transparaître le souci d'agglomérer différents acteurs pour que soit possible la solution pérenne au déficit de transparence. Cela procède effectivement de la « dédifférenciation » qui suppose la levée des cloisons qui jadis séparaient l'Etat de la société.

1 Le Libéria est le second pays ayant passé une loi pour la mise en oeuvre de EITI. En effet, le vendredi 10 juillet 2009, le Liberia EITI Act a été signé par la présidente Helen Johnson Sirleaf ; offrant ainsi un cadre juridique pérenne à la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives au Libéria. La Norvège sera de la partie, en passant une loi (« Regulation on reporting and reconciliation of revenue flows from petroleum activity ») qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2008, six mois seulement après son admission au statut de candidat.

2 Pierre Birnbaum pense que l'Etat s'est bâti sur la séparation de la classe dirigeante d'avec la société. Par la dédifférenciation, il entend l'imbrication des deux composantes, un certain retour à l'enchevêtrement originel des classes sociales. Voir à ce sujet : Birnbaum P. « La fin de l'Etat? »Revue française de science politique, N°6 1986 pp.983.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 80 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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B. La double phénoménologie régulatrice dans la transparence des industries extractives

La démonstration de la pertinence de l'Etat comme acteur qui échappe à la logique du déclin, et donc qui confirme la pertinence de l'ordre westphalien se fait non seulement par la cession de son territoire et donc de son autorité sur ledit territoire dans la mise en oeuvre de l'initiative, mais également par la régulation des opérations quotidiennes de l'implémentation. Le potentiel ou mieux, la capacité régulatrice de l'Etat se lit au double plan actoriel et matériel. Dès lors que l'on a retenu de la régulation un sens qui donne de la puissance à l'Etat, il convient de se pencher sur les éléments factuels de l'initiative qui justifient cet alignement et confortent ipso facto que l'Etat demeure un acteur pertinent. Il s'agit donc au travers de deux moments fixés autour de la régulation actorielle et de la régulation matérielle, de scruter la capacité régulatrice de l'Etat.

1. De la puissance régulatrice de l'Etat dans la détermination du comportement

des acteurs dans l'Extractive Industries Transparency Initiative

Le Livre Source qui constitue le parchemin des acteurs dans l'entreprise de la transparence dans les industries extractives, se caractérise par la proéminence de l'acteur Etat au travers du terme « gouvernement ». En effet, considérant les étapes de la mise en oeuvre de l'initiative, l'Etat est le seul responsable de la réussite du processus. Il doit s'assurer que les quatre conditions qui conduisent au statut de candidat sont remplies1. Au-delà de cette profusion du terme « gouvernement » dans le vocabulaire du Livre Source, l'Etat est réellement investi d'une responsabilité centrale dans le processus de mise en oeuvre. D'ailleurs, cette interpellation inflationniste du gouvernement est révélatrice du poids de l'Etat dans l'initiative. Une vue panoramique de quelques pays permet de saisir la centralité de l'Etat en tant qu'acteur.

Dans tous les pays candidats à EITI, c'est l'Etat qui a la charge de fixer le nombre de membres des comités de mise en oeuvre. Il faut noter que dans la traduction de son autorité,

1 En effet, dès lors qu'un pays donné a annoncé sa volonté de mettre en oeuvre les principes de transparence promus par EITI, il lui faut remplir quatre conditions afin de gagner le statut de candidat. Il faut précisément : par une déclaration officielle, annoncer sa volonté d'adhérer à l'initiative, nommer un responsable de la mise en oeuvre qui soit un haut cadre de l'administration, former un comité de mise en oeuvre qui intègre les acteurs de la société civile et du secteur des industries extractives et établir un plan d'action. Ces conditions remplies, l'Etat peut être déclaré candidat par une décision du conseil international EITI. Il a donc deux ans pour se mettre en conformité avec les autres critères qui se lisent au travers des rapports de conciliation de chiffres des recettes et paiements des industries extractives. Chaque étape est contrôlée par une opération de validation.

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une fois qu'il a créé les institutions de la transparence, après qu'il ait fixé les prérogatives des structures ainsi créées, il repartit les représentativités. Le décret n° 2005/2176/PM du 16 juin 2005 qui crée, organise et indique le fonctionnement du comité de suivi de la mise en oeuvre de l'EITI au Cameroun précise dans son article 3 que les institutions publiques et parapubliques seront représentées dans ledit comité par 7 membres, le secteur privé par 6 membres et la société civile quant à elle aura 10 membres. Un arrêté pris plus tard, indiquera nommément les membres des institutions publiques et parapubliques. Pour les deux autres secteurs, les propositions doivent être validées par le gouvernement. La confirmation des propositions des autres secteurs ne relève pas de l'automaticité. En effet, le Congo offre un précédent dans les contentieux de la transparence avec les cas Mounzeo et Mackosso. Conformément aux indications du Livre Source, la société civile congolaise qui avait reconnu l'activisme de ces deux membres les proposa comme représentants au sein du comité national de mise en oeuvre de EITI au Congo. Cette proposition de la coalition Publish What You Pay Congo fut rejetée en mars 2007 car, leur agitation n'était pas du goût du gouvernement du président Sassou Nguesso1.

L'Etat tient à son autorité en ce qui concerne la nomination des membres des comités de mise en oeuvre de l'initiative. L'article 9 du décret n°2006-626 du 11 octobre 2006 portant création, attributions et composition du comité exécutif de mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives au Congo dit : « les membres du comité exécutif sont nommés par décret sur proposition des différentes entités qu'ils représentent pour un mandat de deux ans non renouvelable ». Le même décret dans son article 8 donne composition de ce comité exécutif tel que : 12 représentants des institutions publiques et parapubliques, 6 pour le secteur des industries extractives et autant pour la société civile.

Le 31 juillet 2007, le président Theodoro Obiang Nguema a nommé « en vertu de l'article 39 de la constitution », madame Francisca Tatchoup Belope et monsieur Santiago Nsobega Barreiros respectivement coordinatrice et coordonnateur adjoint de la commission nationale de mise en oeuvre de EITI. Le texte de leur nomination dit expressément « en vertu de l'article 39 » de la constitution pour marquer la légitimité de ce pouvoir inscrit dans la loi

1 Il faut d'ailleurs signaler au passage que les conflits autour de la désignation des membres de la société civile ont donné du retard au processus de mise en oeuvre au Congo. Le pays a adhéré à l'initiative le 10 Juin 2004 et deux ans plus tard, il n'avait pas encore de plan d'action. Il faudra attendre le 21 décembre 2007 pour qu'un plan d'action condensé soit mis sur pied.

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fondamentale1. Dans cet Etat pétrolier, la participation de la société civile à l'initiative est règlementée par un décret particulier. En effet, la commission nationale que préside Francisca Tatchoup Belope est créée par le décret n° 87/2005 du 4 mai 2005 alors qu'un autre décret, celui n° 42/2007 du 30 juillet 2007 a été pris précisément pour réglementer la participation de la société civile dans l'initiative. Il s'agit là, d'une expression de l'autorité de l'Etat qui tient à se faire connaître.

L'Etat ne détient pas seulement en dernière analyse l'exclusivité du rule-making2 mais il a aussi prise sur la conduite des acteurs de la transparence. Et en cela, l'allégation de la gouvernance qui suppose une intégration participative et responsabilisante des acteurs privés perd de sa pertinence, tant la gouvernementalité est substituée à la gouvernance selon la tradition foucaldienne reprise par Jean François Bayart3. C'est-à-dire que le gouvernement conduit les conduites, passant d'une logique de conduite de gouvernement à un gouvernement des conduites.

Le processus de mise en oeuvre de l'initiative a pris du retard au Congo entre autres raisons, à cause des tensions entre le gouvernement et la société civile. Alors que l'une des quatre conditions à la candidature à EITI est la participation de la société civile, le gouvernement

1 L'article 39 de la constitution de Guinée Equatoriale énumère les pouvoirs du chef de l'Etat en ces termes : « Le Président de la République exerce par ailleurs les pouvoirs suivants : garantit la stricte application de cette loi fondamentale, le fonctionnement des pouvoirs publics et la continuité de l'Etat. Convoque et préside le conseil de Ministres. Dicte en conseil de Ministres les décrets lois dans les termes établis à l'article 64-i) de cette loi fondamentale. Est le chef suprême des forces armées nationales et de le sécurité de l'Etat. Le Président de la République garantit la sécurité de l'Etat à l'extérieur déclare la guerre et conclut la paix. Nomme et révoque le Premier Ministre conformément à la constitution. Ratifie la décision de la chambre des représentants du peuple au sujet des élections, et de son Président et des autres membres du bureau conformément à cette loi fondamentale et au propre règlement intérieur de la Chambre. Nomme et révoque aux hautes fonctions civiles et militaires. Peut déléguer au Premier Ministre le pouvoir de nommer les autres fonctionnaires civiles et Militaires. Négocie et signe les accords et traités internationaux conformément à la loi fondamentale. Représente la Guinée Équatoriale dans les relations internationales, reçoit et accrédite les ambassadeurs et autorise aux Consuls l'exercice de leurs fonctions. Gratifie des titres, distinctions honorifiques de " la considération de l'Etat. Exerce le droit de grâce. Convoque les élections générales prévues dans cette loi fondamentale. Convoque le référendum conformément à cette loi fondamentale. Approuve en conseil de Ministres le plan national de développement. Dispose du droit de dissolution de la chambre des Représentants du Peuple, conformément aux dispositions de cette loi fondamentale. Exerce les autres attributions et prérogatives que lui confère la loi. »

2 Janice Thomson fait une différence entre le rule-making et le rule-enforcing. A son avis, même si les acteurs non-étatiques ont le locus standi dans le rule-enforcing c'est-à-dire dans l'implémentation d'une loi, c'est l'Etat qui en tant que garant de la souveraineté détient le monopole sur l'adoption ou non de cette loi. Si le rule-enforcing autorise la latéralité, le rule-making met en relief la verticalité de la loi. Voir Thomson J.E « State sovereignty in international Relations: Bridging the gap between theory and empirical research »International Studies Quarterly (1995)39:213-233.

3 Bayart Jean François (2004) Le gouvernement du monde ; une critique politique de la mondialisation. Paris : Fayard. L'on peut également lire Béatrice Hibou qui citant Bayart, dit : « La gouvernementalité désigne une configuration ou une séquence historique dont on entend analyser le gouvernement comme mode de structuration du champ d'action des individus ou des groupes » Béatrice Hibou (dir.) (1999) La privatisation des Etats. Paris : Karthala, p. 35

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 83 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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congolais a engagé un bras de fer contre sa société civile indocile. Le 6 avril 2006, Christian Mounzeo et Brice Mackosso ont été interpellés, relâchés dans la nuit puis de nouveau arrêtés le 7 avril, ils passeront deux semaines en prison, sur ordre du gouvernement qui tenait ainsi à rappeler qu'il est le maître du jeu de la transparence.

Au Gabon, les péripéties de Marc Ona Ossangui, coordonnateur de la coalition gabonaise de PCQVP et membre du comité multipartite chargé de la mise en oeuvre au Gabon de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives, sont par ailleurs révélatrices de la mainmise de l'Etat sur le destin des acteurs impliqués dans l'initiative. La Gendarmerie Nationale gabonaise a tenté d'arrêter mardi 29 juillet 2008 cinq personnes qui assistaient à une réunion du Front des Organisations de la Société Civile contre la Pauvreté au Gabon (FOSCPG) à Libreville. Au nombre des personnes interpellées se trouvait Marc Ona. Cet épisode est l'un des plus récents car, en janvier de la même année, 22 ONG ont été suspendues au motif d'une confusion des genres1. En juin 2008, alors que Marc Ona Essangui avait obtenu un visa pour se rendre à New York où il devait prendre part à une réunion sur la gestion des revenus des industries extractives, il s'est vu interdire l'accès à l'avion par des éléments de la police gabonaise. Au Niger, les membres de la société civile impliqués dans le combat pour la transparence dans les industries extractives font également l'objet d'intimidations et d'arrestations. L'on peut noter par exemple l'arrestation de M. Wada Maman le 22 août 2009 à Niamey. Il est le secrétaire général de l'Association Nigérienne de Lutte contre la Corruption (ANLC), et membre de la coalition ROTAB/PCQVP/Niger. Il lui a été reproché d'avoir participé à une manifestation non autorisée. De même, le 10 août 2009 c'est-à-dire avant l'interpellation de M. Wada, le président du Front Uni pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques (FUSAD) et membre de la coalition ROTAB/PCQVP du Niger a été arrêté suite à la publication d'une déclaration dénonçant le régime du président Tandja.

Le survol des pays implémentant l'initiative permet de faire le constat des contentieux autour de la désignation des membres de la société civile, contentieux qui illustrent le contrôle que l'Etat revendique sur l'espace de son autorité. Pendant que dans des pays tels que l'Azerbaïdjan et le Ghana il n'existe pas de comités tripartites mais les gouvernements ont

1 En effet, à la suite d'une conférence de presse tenue le 9 janvier 2008 par une vingtaine d'associations regroupant les coalitions PWYP, la coalition contre la vie chère, la coalition contre les dérives sectaires au Gabon et la plate-forme « Environnement Gabon », le ministre de l'Intérieur Monsieur André Mba Obame a pris une mesure qui suspendait lesdites organisations. Rencontré le mercredi 26 mars 2008, Marc Ona Essangui nous confiait qu'en réalité ces menaces et intimidations sont justifiées par la vigueur de la société civile au Gabon.

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pris le soin d'impliquer des représentants de la société civile, d'autres pays ont de façon statutaire institutionnalisé la participation de la société civile. Cependant, l'indépendance et la participation des membres de la société civile sont remises en cause dixit les membres de certaines sociétés civiles. Le rapport Un regard sur l'EITI publié en octobre 2006 par PWYP international et Revenue Watch Institute (RWI) indique que dans les pays tels que le Kazakhstan1, le Cameroun, la Mauritanie et la Mongolie, les membres de la coalition se plaignent de l'interférence des gouvernements dans le choix des représentants des sociétés civiles. D'après une déclaration de la coalition camerounaise PWYP portant sur le rapport de conciliation des chiffres et des volumes au Cameroun pour la période 2001-2004, la société civile s'est trouvée de façon répétée devant le fait accompli par un certain nombre de décisions prises par le gouvernement. Ce qui ne lui a pas permis de participer pleinement au suivi de l'initiative.

Cette emprise des gouvernements sur les acteurs de la transparence constitue une des deux facettes de la régulation étatique de l'initiative. En effet, en plus de l'actorat, l'Etat régule aussi la matérialité de l'initiative.

2. De la régulation matérielle du processus de transparence des industries extractives

Il convient de rappeler que la régulation dont il s'agit ici est le fait de l'Etat qui implémente l'initiative. Il s'agit de dire que l'Etat de la mise en oeuvre se présente comme un « acteur séquent ». Après la démonstration de l'autorité de l'Etat sur le territoire politique, il faut aussi dire sa souveraineté sur le territoire des politiques. Et dans cette prérogative, il exerce une double compétence : une compétence sur les actants et une compétence sur les actes.

L'initiative de transparence des industries extractives est un espace de démonstration de l'emprise de l'Etat sur les politiques2. L'ensemble des plans d'actions qui sont une des quatre conditions pour acquérir le statut de candidat, est le fait des Etats. Il faut dire que

1 D'après le rapport Un regard sur l'EITI, un membre de la coalition PWYP au Kazakhstan déclare : « Certains représentants de la société civile du conseil national des parties prenantes ont apparemment été choisis par le ministre de l'Energie...la nomination et l'élection des représentants n'ont été ni claires, ni transparentes. Certains des groupes retenus connaissaient mal l'EITI et ne semblent guère s'y intéresser, au vu de leur absence répétée aux nombreuses... tout ceci a beaucoup ralenti le processus ».

2 A ce propos, la présidente du Libéria Helen Johnson-Sirleaf déclarait lors de la 4ème conférence globale EITI tenue à Doha au Qatar du 16 au 18 février 2009, que la mise en oeuvre effective de l'initiative nécessite une réelle volonté politique. Il n'y a que l'Etat qui peut générer cette volonté politique et en assurer la matérialisation.

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l'administrateur1 désigné par l'Etat pour conduire les opérations de transparence, est en charge du suivi de la mise en oeuvre et donc, il lui incombe la tâche de préparer les plans d'actions qu'il pourra présenter aux autres acteurs pour validation2.

C'est aussi l'Etat qui, par l'administrateur qu'il a choisi, recrute le cabinet d'experts pour la conciliation des chiffres et des volumes. Ainsi, le cabinet Crane White & Associates a été recruté par le gouvernement de Mongolie pour la production des rapports de conciliation. Le Nigeria et le Cameroun ont jeté leur dévolu sur le cabinet Hart Group, même si le Cameroun a trouvé intéressant de recruter un second cabinet (Mazars) pour l'associer au premier. La Mauritanie, l'Azerbaïdjan et le Gabon ont recruté le cabinet parisien Ernst & Young alors que le Ghana a confié ses opérations de conciliation à Boas & Associates. L'on notera au passage la filiation anglo-saxone de ces cabinets qui traduisent peut-être ainsi une mode de gestion et une dynamique impulsée depuis l'hégémon actuel, la suprématie de la culture anglo-saxonne qui se déploie par ses modes consacrés de gestion des Etats.

Le financement des opérations de transparence est une autre expression de la régulation étatique. D'après le rapport annuel du Multi-Donor Trust Fund(MDTF) committee of management rendu public en mai 2008, il est dit que le Cameroun et le Ghana ont couvert les frais liés à la production de leurs rapports de conciliation des chiffres. Le Gabon et l'Azerbaïdjan ont pris en charge, toutes les dépenses qu'impliquait la mise en oeuvre de l'initiative. La Mauritanie quant à elle a couvert les frais du secrétariat local et quelques autres activités telles que les séminaires et les ateliers. Le Timor-Leste a alloué un budget au fonctionnement du secrétariat EITI mais également pour le renforcement des capacités des

1 La désignation de l'administrateur est un pouvoir exclusif de l'Etat. Il est même précisé qu'il doit s'agir d'une haute personnalité pour qu'elle ait une autorité suffisante sur le comité. Ainsi, le Cameroun a désigné M. Alfred Bagueka Assobo comme président du comité de mise en oeuvre, le Gabon a désigné M. Fidèle Ntsissi un directeur du cabinet du président de la république gabonaise, le Congo a désigné M. Michel Okoko un conseiller du ministre congolais de l'économie, des finances et du budget. La RDC a nommé M. Jean Pierre Muteba Luhunga, la Mauritanie a nommé M. Mohammed Ould Nany, la Guinée Equatoriale a mis à la tête de la commission nationale de mise en oeuvre Mme Francisca Tatchoup Belope. Au Niger, c'est M. Abdoul Aziz Askia qui pilote la mise en oeuvre, tandis que la Guinée a confié sa mise en oeuvre à M. Mamadou Dabry, la Côte d'Ivoire à M. Koffi N'dri, la Norvège a désigné M. Lars Erik, la Zambie a nommé M. Likolo Ndalamei. En RCA la mise en oeuvre de EITI est conduite par M. Robert Moidokana. En Mongolie, M. Sh. Tsolmon conduit les opérations de mise en oeuvre de EITI, Aset Magauov en est responsable au Kazakhstan, M. Harifidy Janset Ramilison à Madagascar, M. Togola au Mali et M. Kairat Djumaliev au Kirghizstan etc.. Tous sont des hauts cadres dans les administrations respectives de leurs pays.

2 A propos de cette validation par les autres acteurs de l'initiative, les représentants de la société civile au Cameroun et au Gabon notamment, se plaignent de ce que la plupart des documents qui nécessitent une validation par eux, leur sont présentés non pas deux semaines avant la réunion pour qu'ils aient le temps de s'en imprégner, mais en général le jour même de la réunion. Ceci a pour conséquence, de le empêcher de prendre connaissance au fond des documents. Il s'agit pensent-ils, d'une stratégie du fait accompli qui vise à minorer les risques de rejet du document.

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acteurs. Le Nigeria et la RDC ont prévu des couloirs budgétaires pour supporter les dépenses liées aux plans d'actions. Par ailleurs, tous les pays ont assumé des dépenses relatives au renforcement des capacités des acteurs impliqués dans la transparence des industries extractives. La plupart des plans d'actions cependant, quand ils sont budgétisés comme c'est le cas pour le Libéria, ne disent pas quel est l'apport de l'Etat. L'on fait le constat que les pays misent très souvent sur l'appui extérieur provenant notamment de la Banque Mondiale. Dans sa lettre n° 552/ MINEFI/CAB/CT2 adressée au représentant résident de la Banque Mondiale à Yaoundé en 2005, M. Polycarpe Abah Abah alors ministre de l'économie et des finances de la République du Cameroun a joint une copie du projet de plan d'action budgétisé. La rubrique concernant la provenance des financements indiquait systématiquement la Banque comme pourvoyeuse escomptée des fonds.

L'Etat est à notre sens un acteur dont la pertinence et la centralité dans l'initiative de transparence des industries extractives battent en brèche les thèses du déclinisme. Cependant, nous n'avons jusque-là examiné que l'Etat théâtre de l'implémentation. Il convient dès lors de se pencher sur une autre catégorie d'Etat à l'oeuvre à savoir l'Etat-soutien à l'initiative. Dès lors qu'on a postulé au début de cette étude que le nominalisme est à proscrire quand on traite de l'Etat, pareille démarche prend sens.

Paragraphe II : L'incursion démocratique des Etats-soutien dans les espaces de la

mise en oeuvre: participation et respect de la norme au centre d'une interférence

Une fois que l'on a rendu compte de l'importance de l'acteur Etat dans la structuration du jeu international, en le peignant comme un acteur solitaire mais surtout sous l'angle de l'acteur récepteur de la norme, il demeure que la catégorie Etat n'est pas cernée dans sa totalité. En effet, sans nécessairement souscrire au schéma marxiste qui impose une lecture centre-périphérie de la scène internationale, force est de noter que comme deux outres symétriques sur l'épaule du porteur, les Etats de la mise en oeuvre et ceux qui soutiennent l'initiative se renvoient l'image et dramatisent une disparité dans l'appréhension du phénomène Etat. Le but de cet espace étant de démontrer l'impertinence des thèses déclinistes, nous pensons que l'Etat parce qu'il soutient les opérations de la mise en oeuvre de l'initiative dans des espaces lointains, permet de par son activité qui participe de la promotion de l'Etat, d'affirmer sa centralité. Il s'agit de penser que par la promotion de la participation comme fondement important de la démocratie et au travers de la promotion de la norme de la transparence, l'Etat-soutien démontre que l'Etat demeure un acteur central dans les relations

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 87 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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internationales. Toutefois, l'Etat ne peut pas jouer en solo la partition de la promotion démocratique. C'est pourquoi il convient de préciser que cet espace ne se veut pas le lieu d'un plaidoyer en faveur d'une « illusion héroïque » confinée sur l'Etat qui serait une sorte de deus ex machina sur la scène internationale. Il s'agit de penser que l'intervention de l'Etat-soutien se présente sous les aspects de la promotion de la participation (A) et de la norme de la transparence (B). Toutes choses par ailleurs qui échoient à la consolidation de la démocratie. Mais l'on aura noté au passage le souci de faire graviter la réflexion autour de l'actorat et de l'essence de l'initiative. La participation promouvant l'actorat privé et la transparence étant perçue comme l'illustration matérielle d'une pratique à réifier.

A. L'impératif de participation : un fondement inter alia de la démocratie

D'une façon générale, nous considérons que l'implication de l'Etat développé dans l'initiative est une entreprise qui relève de l'assistance à la consolidation démocratique. Le projet de civilisation des peuples en marge de la conception occidentale n'a pas changé1de nos jours. Toutefois, ce n'est pas ici le lieu d'une démonstration des usages géopolitiques de la démocratie2. Il s'agit juste de penser que la promotion de la norme de la transparence dans les industries extractives par certaines puissances occidentales s'inscrit dans la promotion de la démocratie en tant qu'elle est compétition électorale, respect des libertés individuelles et des droits civiques mais surtout parce qu'elle est participation, c'est-à-dire accountability et responsability.

Dès lors qu'on a validé l'hypothèse de la participation comme un des éléments fondamentaux dans la perception de la démocratie, une fois qu'on a souscrit au parallèle que Graciela Ducatenzeiler3 établit entre la définition de la démocratie et le sens de la consolidation, mais aussi le sens à assigner à la transition, l'on peut désormais se pencher sur la réalité de la consolidation démocratique dans l'initiative, en tant qu'elle est promotion de la participation. Car, la consolidation devient alors au sens de Leonardo Morlino « un processus

1 Par le traité de Tordesillas en 1494 fut formalisé un accord entre l'Espagne et le Portugal sur le partage du nouveau monde. A y voir de près, ce traité qui s'appuie sur la bulle papale Inter certera divina du pape Alexandre VI dans le cadre de ce que les historiens ont appelé donatio alexandro, portait déjà la croyance à la supériorité de la civilisation européenne qu'il fallait apporter aux autres peuples du monde. D'ailleurs, l'exclusion de la France de ces agapes suscita la colère du roi François 1er qui s'exclama dans une célèbre boutade : « j'aimerais bien voir le testament d'Adam qui m'interdit le partage du monde ».

2 Cette perception de la promotion démocratique sera présentée plus loin dans l'étude, en s'appuyant sur les points de vue d'auteurs tels que David Slater « Imperial Geopolitics and the Promise of Democracy » Development and Change 38(6): 1041-1054 (2007).

3 Ducatenzeiler Graciela « Nouvelles approches à l'étude de la consolidation démocratique » Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 8, n°2, p. 191.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 88 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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par lequel sont établies les structures démocratiques ainsi que les relations entre le régime politique et la société civile1 », c'est-à-dire un processus mais, qui institutionnalisera donc rendra durable la participation de la société civile. Les moments démocratiques que retient Mamoudou Gazibo2 sont la transition, la consolidation et la rupture. Il s'inscrit en cela dans la tradition des comparatistes qui se sont consacrés à la « transitologie » et à la « consolidologie ». Toutefois comme eux, il semble penser que seule la transition démocratique peut être le fruit d'une ingérence étrangère dans le cadre de ce que Larry Diamond appelle la « révolution démocratique globale ». Ainsi, pense-t-il que, « dans un monde où le répertoire institutionnel est limité, les nouvelles démocraties apprennent des vieilles et les unes des autres3». La mondialisation de la démocratie deviendrait donc à ce titre une explication de l'impact externe sur la démocratie au moment de la transition4.

Nous préconisons la consolidation comme entreprise possiblement encouragée par l'interférence extérieure5. A partir de cet instant, l'on peut comprendre les actions des Etats qui soutiennent l'initiative dans les espaces de son implémentation. Par l'ironie du sort, les acteurs dont on dit que le dynamisme entraîne le déclin de l'Etat6 sont ceux-là même précisément que l'action de l'Etat implique dans le processus de mise en oeuvre de la transparence des industries extractives. Si l'on peut penser que les industries extractives en tant que firmes ont souvent été dans une « transaction collusive » avec les Etats, il apparaît cependant que l'Etat procède à l'empowerment de la société civile dans les aires de la mise en oeuvre. Le soutien des Etats développés à l'initiative est explicitement conditionné par

1 Morlino Leonardo « Consolidation démocratique : la théorie de l'ancrage »Revue internationale de politique comparée, vol. 8 n°2 pp. 247.

2 Gazibo Mamoudou « Le néo-institutionnalisme dans l'analyse comparée des processus de démocratisation » Politique et sociétés, vol. 21, n°3, pp. 139-160 (2002).

3 Gazibo op. cit. p. 146.

4 Guy Hermet « Un concept et son opérationnalisation : la transition démocratique en Amérique latine et dans les anciens pays communistes » Revue internationale de politique comparée, vol. 1 n°2 (1994) p. 298. Allant dans le même sens, Adam Przeworski prône la diffusion des modèles démocratiques à partir des vieilles démocraties. Przeworski A. (1991) Democracy and the market: political and economic reforms in Eastern Europe and Latin America. Cambridge: Cambridge University Press p. 98.

5 Nous nous inscrivons dans la lignée des auteurs tels que Staffan Lindberg. En effet, examinant la consolidation de la démocratie en Afrique, ce dernier considère que les pressions internationales ont quelques fois des opportunités de changer fondamentalement les Etats dans leur processus de consolidation démocratique. Staffan I. Lindberg « Forms of states, governance, and Regimes: Reconceptualizing the prospects for democratic consolidation in Africa» International Political Science Review, vol. 22, n°2, pp. 173-199 (2001).

6 Josépha Laroche et Susan Strange notamment considèrent que le dynamisme des acteurs privés est à l'origine du déclin de l'Etat. Dans cette étude et comme le révèle cette initiative, c'est l'Etat qui insiste pour que la triangulaire soit formée, afin de favoriser l'implémentation de la norme de la transparence. Ce fait est suffisamment éloquent pour constituer un démenti sérieux des thèses développées sur le déclin de l'Etat.

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l'implication de la société civile dans une tripartite1. Cela correspond entre autre à l'orientation de la politique européenne qui promeut la démocratie par la participation et donc, tout naturellement exporte ce schéma vers les terres autres. Si la participation n'est plus effective la démocratie entre en crise. Telle est la conviction de la politique européenne2. C'est une architecture politique qui est expérimentée au sein de l'Union Européenne en tant qu'ensemble d'Etats et qui trouve sa sociogenèse dans la diplomatie de certains pays comme le Royaume Uni3. L'idée que les puissances européennes se font de la démocratie est celle de la participation de la société civile. Aussi, elles tentent de donner à l'UE en tant que niveau d'action qu'elles veulent pertinent et unique, cette structure qui reflète les démocraties nationales. La régulation européenne en matière d'Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) est un laboratoire d'observation de cette tendance4. Dès lors, l'on comprend les stigmatisations et au-delà, les condamnations véhémentes des Etats-soutien à l'endroit du gouvernement gabonais lorsqu'il a décidé de suspendre des coalitions d'ONG en janvier 2008. Au nombre de ces ONG figuraient les membres de la coalition gabonaise PWYP et cette suspension fut perçue comme une restriction de la participation ou une tentative de musellement de la société civile.

1 Le cinquième critère EITI est précis sur ce point lorsqu'il dit: « La société civile participe activement à la conception, au suivi et à l'évaluation de ce processus et apporte sa contribution au débat ». Il faut certainement rappeler qu'aucun des pays de la mise en oeuvre n'a été l'auteur de la conception de ces critères. Ceux-ci sont le fruit de certain Etats-soutien.

2 On peut lire à ce propos les travaux de Köhler-Koch Beate et Finke Barbara « The institutional shaping of EUsociety relations: a contribution to democracy via participation» Journal of civil society, Vol.3, N°3, pp.205- 211(2007); Kohler-Koch, B. & Rittberger, B. (2007) (Eds), Debating the Democratic Legitimacy of the European Union. Lanham: Rowman & Littlefield.

3 Il faut dire que le virage diplomatique d'abord des Etats-Unis sous Bill Clinton dans son concept de New Democrats, ensuite de la Grande Bretagne sous l'impulsion de Tony Blair qui lança le New Labour en 1997, privilégie l'assistance au développement par la participation de la société civile. Il s'est agi de penser que la prévalence de l'opacité dans certaines régions du globe explique la pérennisation de la pauvreté et du sousdéveloppement. Aussi faut-il comprendre l'implication de ces puissances à la tête d'un groupe de puissances toutes occidentales (Australie, Belgique, Canada, Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Suède, Royaume-Uni, Etats-Unis) comme la matérialisation d'une nouvelle diplomatie. Lire à ce sujet : François Gaulme « Le sursaut africain du New Labour : principes, promesses et résultats » Afrique contemporaine, n° 207, automne 2003, pp. 71-97.

4 Dabrowska Patrycja « Civil society involvement in the EU regulations on GMOs: from the design of a participatory garden to the growing trees of European public debate » Journal of civil society, vol. 3, n°3 pp. 287-304 (2007).

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 90 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

Encadré : Déclarations de soutien de la Norvège à l'initiative

La Norvège, par le biais de son programme Pétrole pour le développement (OfD) et d'un soutien financier direct de la part du gouvernement norvégien, soutient fortement l'ITIE en encourageant tous ses pays coopérants à mettre en oeuvre les principes ITIE. Le programme Pétrole pour le développement est présent dans vingt-cinq pays et son objectif général est d'aider les pays en développement, à la demande de ces derniers, dans leurs efforts pour gérer les ressources de pétrole de manière à générer une croissance économique et à promouvoir le bien-être de la population de façon écologiquement durable. Une transparence et une bonne gouvernance sont des éléments clés qui doivent être mis en oeuvre afin de lutter contre « la malédiction des ressources ». Il existe aussi une coopération pratique plus générale entre nos deux organisations. Au Ghana et dans la région de l'Afrique de l'Ouest, le programme Pétrole pour le développement et l'ITIE soulignent de concert l'importance de la transparence et de la bonne gouvernance dans le développement d'une politique suffisante. La Norvège comme l'ITIE étaient représentées au Forum national 2008 sur le développement du pétrole et du gaz au Ghana. Ce Forum était organisé par le gouvernement afin d'assurer un débat ouvert et général sur la manière dont le Ghana pourrait bénéficier des ressources de pétrole et de gaz récemment découvertes au large de ses côtes. Sur ce point, le ministre norvégien du Développement et de l'Environnement, Erik Solheim, ainsi que le président du conseil d'administration de l'ITIE, Peter Eigen, et le professeur Humphrey Assisi Asobie, président d'ITIE Nigeria, étaient des intervenants clés dans ce forum. Par la suite, une déclaration fut publiée par les représentants des groupes de la société civile. Le Forum a rassemblé environ 500 participants représentant des parties prenantes d'horizons divers et a abordé des questions primordiales relatives aux activités pétrolières.

La stigmatisation des rémanences de l'autoritarisme dans le comportement de certains dirigeants n'est pas le seul niveau de promotion de la participation. Considérant en effet ces obstacles à la participation, l'issue des conflits sociaux qu'ils génèrent entre les gouvernements et les sociétés civiles est souvent possible grâce à la médiation des Etats développés qui soutiennent l'initiative. Ce soutien est soit direct, soit sous-traité par les ONG du nord qui sont le véhicule principal de l'aide au développement en direction des Etats de la mise en oeuvre. La pression des chancelleries occidentales sur le gouvernement gabonais et le lobbying des ONG auprès de leurs gouvernements en Europe et aux USA ont abouti à la levée de la suspension des 22 ONG. Dans cette même logique, l'on peut se rappeler le courrier de cinq sénateurs1 de la commission Tom Landos des droits de l'homme adressé le 21 janvier 2009 au président Omar Bongo, pour voler au secours de Marc Ona Essangui. En effet, en raison des intimidations multiples, des interdictions de sortie du pays et des interpellations dont a été victime Marc Ona du fait de son activisme, les membres ci-dessus cités du Sénat américain ont tenu à rappeler au gouvernement gabonais ses engagements en tant que candidat EITI, statut qui l'oblige à faire preuve de tolérance vis-à-vis des membres de la société civile.

1 Il s'agit de Donald Payne, james P. McGovern, Edward R. Royce, Barney Frank et Gwen Moore

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Les Etats de la mise en oeuvre récoltent la manne que draine l'initiative et, l'argument financier joue un rôle déterminant dans la résolution des contentieux entre les acteurs de la transparence. En général, le soutien financier des Etats développés est soit bilatéral, soit canalisé à travers le Multi Donor Trust Fund. Ainsi, le 31 mars 2008, le MDTF totalisait 16,94 millions de dollars versés par les donateurs, contre 13,3 millions de dollars récoltés au 30 septembre 2007. Le tableau ci-dessous donne quelques traits des financements que l'initiative octroie aux Etats de la mise en oeuvre à travers son fonds multi bailleurs.

Tableau 2 : Accords de dons du MDTF au 31 mars 2008

pays

N° de don

date

Montant
du don
(US$)

Montant dépensé (US$)

Balance (US$)

% dépensé

Nigeria

TF056072

03/28/2008

2220000

1799000

421000

81

Cameroun

TF056698

06/30/2008

130000

127000

3000

98

Mauritanie

TF056657

06/30/2008

240000

169000

71000

70

Pérou

TF057870

06/30/2008

300000

0

300000

0

Ghana

TF057337

12/31/2008

249000

113000

136000

45

Mongolie

TF058156

12/31/2008

304000

127000

177000

42

Liberia

TF090446

06/30/2009

400000

N/A

400000

0

Guinée

TF056637

09/20/2009

569000

206000

363000

36

Yémen

TF090446

10/31/2010

350000

N/A

350000

0

total

4762000

2541 000

2221000

53

Source : Le rapport du Fonds multi donateur d'avril 2008 page 4.

L'on notera par ailleurs que l'assistance offerte par les Etats qui soutiennent l'initiative donc, la consolidation de la participation, est en rupture avec ce que font d'autres puissances, la Chine en l'occurrence qui ne s'encombre pas de la conditionnalité démocratique dans l'octroi de son assistance1.

La participation est donc un des chantiers du déploiement du soutien des Etats développés qui sont dans une logique d'assistance à la consolidation démocratique. En plus de celle-ci, le

1Lire par exemple: He Wenping, Chibuzo Nwoke, Anna Erikson et Osita Agbu « Common cause, different approaches: China and Norway in Nigeria» Research Report 2008-014. Ce rapport met en lumière la différence d'approche entre le soutien qu'un pays adhérents à l'EITI (la Norvège) apporte au Nigeria et l'assistance chinoise en direction du même pays.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 92 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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soutien à l'initiative par les Etats développés se lit aussi par l'appui à la matérialisation de la transparence en tant que norme démocratique.

B. L'expédition normative sur les sites de la mise en oeuvre de l'initiative de transparence des industries extractives

La transparence des industries extractives est une norme et en tant que telle, sa promotion est l'occasion du décryptage de l'importance et de la pertinence de l'Etat en tant qu'acteur de la scène internationale. Non pas que les espaces de la mise en oeuvre ne révèlent pas cet aspect de l'importance de l'Etat mais, il s'agit d'un choix que de penser illustrer par l'Etat-soutien l'impact de l'acteur étatique dans la promotion de la transparence comme norme à la fois régulatrice et constitutive. La transparence des industries extractives est donc doublement l'occasion de la démonstration de l'importance de l'Etat. D'abord l'Etat récepteur de la norme, parce qu'elle prend corps dans un environnement étatique et institutionnel. Ensuite parce que la norme de la transparence, de même que les lois anciennes régulatrices des sociétés juive et grecque furent promues par les législateurs à l'instar de Moïse et Lycurgue, a besoin d'un leader qui dans les sentiers de la vie sociale, se fait le pèlerin de la norme. Dans le cas présent, le leader est un Etat qui travaille à la socialisation de la norme par d'autres Etats. Par delà les usages géopolitiques et donc rationalistes de la norme, sa promotion plus précisément sa socialisation, est le fait de l'investissement de l'Etat1.

La célébration de la transfiguration des acteurs privés, transfiguration qui aurait eu lieu au Tabor de la mondialisation, est l'occasion du fait de la transe collective des adeptes de cette communauté, de l'oubli d'un fait fondateur. En effet, nul ne peut prétendre à la promotion d'une norme auprès d'un Etat s'il n'est peu ou prou lié de quelque façon à un Etat. L'on est d'avis que la transparence des industries extractives est à l'origine un projet des organisations de la société civile. Mais très au fait des réalités internationales, ces organisations en l'occurrence Global Witness et Open Society Institute ont tôt fait de requérir le soutien des Etats du nord dans le cadre de la cascade des normes afin que ces Etats leaders agissent sur les Etats mauvais gestionnaires des revenus des industries extractives. La persuasion est de ce point de vue une modalité d'action déterminante parce qu'elle permet de convaincre les Etats

1 En cela, nous prenons appui sur Finnemore et Sikkink qui dans le cycle de la vie d'une norme, établissent que le passage de l'émergence d'une norme à sa cascade se caractérise par son appropriation par un ou plusieurs Etats qui se chargeront donc de sa socialisation auprès des Etats cibles. Finnemore M. et Sikkink K. « International norms dynamics and political change » International Organization, vol. 52, n°4 (automne 1998) p. 896- 897.

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du bien fondé de l'adoption d'une norme1. Cet argument est discuté par Dionyssis Dimitrakopoulos2. En effet, ce dernier pense que les auteurs intéressés par la promotion des normes ont mis une emphase exagérée sur la persuasion en minorant ce qu'il appelle « action rhétorique » c'est-à-dire, un usage stratégique des arguments sous le couvert de la norme3. Encore qu'il est réellement très difficile de percevoir une démarcation nette entre la persuasion et l'action rhétorique tant les deux ont pour issue finale, de convaincre l'Etat cible du bien fondé de la norme en promotion. C'est d'ailleurs cette stratégie de l'action rhétorique qui est déployée dans l'initiative, où il existe une inflation discursive sur la justesse de la transparence qui ouvre les voies au développement4selon l'école qui crée une affinité élective entre le développement économique et la démocratie. Tant il est vrai que, la transparence des industries extractives participe de la consolidation démocratique5.

Pour contourner la contestation de la conformité selon l'expression de Antje Wiener, l'une des approches peut-être en plus de la persuasion et de l'action rhétorique donc de la ruse, les interventions discursives. Il dit en effet: « social change occurs as a result of discursive interventions uttered by both norms setters and norms followers 6» (le changement social

1 Martha Finnemore et Kathryn Sikkink présentent la persuasion comme le mécanisme principal de la promotion des normes, en minorant toutes les autres démarches qui partent de la pression ouverte à la pression larvée. Finnemore M. et Sikkink K. op. cit. p. 898. Rodger A. Payne parle quant à lui, de la «communication persuasive»qui jouerait un rôle déterminant dans la construction et la promotion des normes. Car, il ne faudrait pas privilégier l'explication de l'adoption d'une norme par la violence que comporte le coercive compellence i.e, le fait pour un pays d'adhérer à une norme sous la menace d'un Etat puissant. De plus, dans un monde où la civilisation des moeurs politiques a fini d'éradiquer la barbarie inhérente à l'état de nature hobbesien, les Etats qui se réclament tous de la démocratie, font de moins en moins de la langue dans les relations internationales perçues comme des relations intergentes, une arme de destruction massive. Lire Payne A. Rodger, «Persuasion, frames and norms construction », European Journal of International Relations, vol. 7 n°1, pp. 37-61 (2001).

2 Dimitrakopoulos Dionyssis « Norms strategies and political change: explaining the establishment of the convention on the future of Europe » European Journal of International Relations, vol. 14, n°2, pp. 319-342 (2008).

3 C'est dans ce sens qu'il faut percevoir les discours des Etats qui soutiennent l'initiative quand ils présentent cette dernière comme une panacée pour les problèmes africains, quelques fois sans dire le niveau de rentabilité de la transparence pour leurs économies. Le Canada à ce titre fait une fois encore exception en déclarant que la transparence des industries va créer un climat favorable à l'épanouissement de ses compagnies dans les espaces de leur activité, donc voit la chose en termes de gagnant-gagnant. Tel n'est pas le cas de certaines puissances comme la France et la Grande Bretagne qui justifient d'abord la promotion de la transparence par le souci humanitaire de sortir les pays riches en ressources mais très obérés de l'ornière.

4 L'on ne relève pas cependant assez que la transparence est une médaille à deux faces qui expose le pays de l'implémentation à la fragilité sécuritaire. A ce propos, les travaux de Roland Robertson sont d'une portée pertinente dans la mesure où il relève le parallèle qui existe entre la transparence et la sécurité. Voir Robertson R., «Open societies, closed minds? Exploring the ubiquity of suspicion and voyeurism », Globalizations, vol. 4, n° 3 pp. 399-416 (September 2007).

5 Voir par exemple: Jörg Faust « Democratic's dividend: political order and economic productivity » World Political Science Review vol.3, issue 2, (2007) p. 1-26.

6 Wiener Antje « contested compliance: Interventions on the normative structure of world politics » European Journal of International Relations, vol. 10, n° 2, p. 192, 2004.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 94 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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advient comme un resultat des interventions discursives prononcées autant par les initiateurs des normes que par les metteurs en oeuvres de celles-ci).

Par des stratégies multiples, certains Etats développés se sont constitués en leaders de la norme de la transparence à la suite de la Grande Bretagne de Tony Blair, pour se faire les hérauts de la transparence des industries extractives. La représentation géographique de ces Etats se met en porte-à-faux de l'argument selon lequel les Etats Unis sont une puissance souverainiste tandis que l'Europe est une puissance normative qui se donne pour but de moraliser la mondialisation1. En effet, cette coalition d'Etats est composée des USA, de la France, de la Grande Bretagne, de l'Italie, du Canada, de l'Australie, de l'Allemagne, de la Norvège, de la Suède, la Belgique, les Pays-Bas et l'Espagne.

Dans la promotion de la transparence des industries extractives, les Etats leaders ont des modus operandi variés. Le Canada par exemple, a une approche originale qui consiste à chercher une solution au problème de l'opacité dans les industries extractives en contraignant ses firmes multinationales du secteur à une législation qui en fait des compagnies plus investies à l'affect de la transparence que d'autres. Dans un rapport2 publié par Save the children en 2005 et qui évaluait les performances de l'industrie du gaz et du pétrole, il est apparu que Talisman Energy et TransAtlantic Petroleum qui sont deux firmes canadiennes détiennent les deux meilleurs scores en matière de transparence dans les industries extractives. Le Canada a réitéré le 10 février 2007 par la voix de son ministre des finances, l'honorable Jim Flaherty son soutien à l'initiative. Au sortir d'une réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales du G7, monsieur Flaherty déclarait : « La responsabilité, la transparence et l'équité sont les principes de ce partenariat international conçu pour accroître la divulgation des revenus tirés des ressources dans les pays en développement. Ce sont des principes que le Canada appuie et nous avons l'intention de jouer un rôle de chef de file pour que les citoyens, et non seulement les gouvernements ou les sociétés étrangères, partagent les fruits de la prospérité dans ces pays.» Il fut en cela suivi par l'honorable Peter Mackay ministre des Affaires étrangères et ministre chargé de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique qui disait : « au cours de l'année écoulée, mon ministère a consulté des entreprises canadiennes et la société civile dans le but

1 Voir par exemple Zaki Laïdi « Peut-on prendre la puissance européenne au sérieux ? Cahiers européens n° 5/ 2005, 32 pages.

2 « Dépasser la rhétorique, mesurer la transparence des revenus : les performances des entreprises publiques dans l'industrie du pétrole et du gaz » rapport de Save the children, 2005.

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d'améliorer les pratiques socio-environnementales des sociétés exerçant des activités extractives à l'étranger. Le nouveau gouvernement du Canada a été à l'écoute et notre appui favorisera la transparence et la règle de droit ». L'aide du Canada se compose d'une contribution de 750.000 $1 au fonds fiduciaire des donateurs de l'EITI, de même que d'un fonds annuel permanent de 100.000 $. Le Canada a également indiqué qu'il fournira un soutien technique dans des domaines tels que la gouvernance d'entreprise, de concert avec d'importantes sociétés minières du Canada2.

Dans un rapport fait par Paul Bugala pour le compte de Oxfam America, il apparaît que les Etats-Unis ont des mécanismes internes de transparence dans les industries extractives mais en raison des restrictions imposées par exemple par le Federal Accounting Standart Board, le Freedom of Information Act (FOIA) qui interdit la levée du secret commercial, ces mécanismes n'épousent pas entièrement les critères EITI. En réalité, il s'agit de penser que les USA ne peuvent pas avoir exactement le même soutien que le Canada sur le plan de la législation interne relative aux industries extractives. L'on peut cependant noter que sous le couvert de l'Alien Tort Claim Act de 1789, les citoyens étrangers peuvent dénoncer et traduire en justice devant une cour fédérale américaine les multinationales convaincues de violations de droits de l'homme. C'est ainsi que la famille de Ken Saro Wiwa a saisi la cour fédérale de New York au sujet des violations des droits de l'homme commises par le groupe anglonéerlandais Shell vis-à-vis de certaines populations Ogoni dans le Delta du Niger dans la décennie 1990, notamment son rôle dans la pendaison de Ken Saro Wiwa et de ses compagnons Ogoni en 1995. Le Foreign Corrupt Practice Act du 10 novembre 1998 constitue aussi un cadre règlementaire du soutien américain à la transparence des industries extractives, parce qu'il punit les pratiques de corruption des firmes américaines à l'étranger. Mais de façon concrète, les USA contribuent pour plus de 500.000 dollars au fonds de donateurs que gère la Banque Mondiale et, le 5 août à Nairobi au Kenya, la secrétaire d'Etat américaine Hilary Rodham Clinton a salué l'adhésion de certains pays africains à EITI, elle a affirmé : «The solution starts with transparency. A famous judge in my country once said that sunlight is the best disinfectant, and there's a lot of sunlight in Africa. African countries are starting to embrace this view through participation in the Extractive Industries Transparency

1 Avec cette contribution, le Canada siège donc au comité de gestion du Fonds multi-bailleurs car, tous les Etats qui contribuent avec au moins de 500000$ a le droit d'y siéger.

2 Bugala Paul , Transparency begins at home An Assessment of United States Revenue Transparency and Extractive Industries Transparency Initiative Requirements, Oxfam America for Publish What You Pay United States June 2006.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 96 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

Initiative. Creating a favorable investment climate requires countries to translate politics into governing» (la solution commence par la transparence. Un fameux juge de mon pays disait une fois que le soleil est le meilleur désinfectant, et il y a beaucoup de soleil en Afrique. Les pays africains commencent à épouser cette opinion à travers leur participation à l'Initiative de Transparence des Industries Extractives. Créant ainsi un climat favorable aux investissements qui exige que les pays convertissent la politique en gouvernance). C'est la suite logique d'un soutien de l'administration Obama tel qu'exprimé plus tôt le 19 mai 2009 notamment par Michael Froman, mais également par le Sénateur républicain Richard Lugar de l'Indiana dans une lettre publiée par le New York Time1 du 13 Juin 2009. Dans cette lettre, il présentait EITI comme un des moyens de lutte contre la corruption en Afrique, et encourageait la vingtaine d'Etats engagés dans l'initiative à poursuivre leurs efforts. De même, Alcee L. Hastings représentant démocrate de Floride, a exprimé son soutien à EITI, en invitant l'administration Obama à jouer un rôle déterminant pour la réussite de l'initiative. C'est dire que le soutien des Etats-Unis à l'initiative transcende les clivages partisans démocrates/républicains. D'autres puissances telles que la France soutiennent l'initiative et le président français Nicolas Sarkozy en visite au Niger le 27 mars 2009 a réitéré le soutien de son pays à EITI. La Suisse a rejoint les rangs des pays soutenant l'initiative le 8 juin 2009. Par la voix de son secrétaire d'Etat aux affaires économiques, la confédération helvétique a annoncé son intention de soutenir la mise en oeuvre de EITI par une participation de 3 millions de dollars US au fonds multi-bailleurs. Lors de la 36ème Assemblée Générale des Nations Unies, ces Etats leaders, de concert avec d'autres Etats théâtres de la mise en oeuvre2, ont donné à l'initiative un contenu juridique international en soutenant une résolution sur la transparence dans les industries extractives. Cela est une globalisation de la norme de la transparence, c'est-à-dire une rupture avec la conception de Finnemore et Sikkink qui considèrent que la norme doit être régionale plutôt que globale3, pour lui permettre de prendre ancrage. Toutefois, il faudrait lire à travers cette résolution, un souci d'institutionnalisation dont le but est de vulgariser la transparence des industries extractives. Le problème que cela pose est celui de l'érosion du caractère volontaire de l'adhésion aux principes de l'EITI. En effet, il s'agit d'une initiative volontaire mais l'existence d'une résolution quoique non contraignante parce que produit de l'Assemblée

1 http://www.nytimes.com/2009/06/13/opinion/l13africa.html? r=2, visité le 19 juin 2009.

2 Cette résolution a été initiée et co-sponsorée par: l'Australie, Azerbaïdjan, la Belgique, le Canada, le Congo, la France, l'Allemagne, l'Irak, l'Italie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Liberia, la Moldavie, les Pays Bas, le Nigeria, la Norvège, le Pérou, la Sierra Leone, l'Espagne, le Timor-Leste, la Turquie, le Royaume-Uni et la Yémen

3 Elles disent: « Norms may be regional, for example but not global » Finnemore et Sikkink op. cit. p. 892.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 97 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
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générale, fait penser à une évolution progressive vers l'impératif de la transparence. Cela pourrait donc donner raison à ces auteurs déclinistes qui y trouveraient l'illustration d'un retrait de l'Etat devant les organisations internationales. A ce propos, la section suivante traite justement de l'Etat comme acteur pertinent à travers son adhésion à des groupes régionaux et globaux dans le climat de la postmodernité politique qui crée d'autres niveaux pertinents d'action, mais qui n'épuise pas comme nous venons de le voir la pertinence de l'Etat en tant qu'acteur individuel.

Section 2 : La communautarisation de l'action étatique pour la transparence des industries extractives : à la recherche du niveau pertinent de soutien

Cette section vise dans le continuum de la démonstration de la pertinence de l'acteur étatique, à restituer le soutien de l'Etat à l'initiative dans le cadre des organisations intergouvernementales. La présentation des organisations intergouvernementales qui soutiennent l'initiative se fera donc en deux moments : il s'agira d'abord d'insister sur le caractère intergouvernemental, c'est-à-dire « multi-étatique » de chaque organisation, ensuite de dire le cadre dans lequel s'exprime le soutien de l'organisation à EITI. Le déferlement des chefs d'Etats des vingt économies les plus développées de la planète à Londres dès le 1er avril 2009, a lancé le signal du sommet du G-20. Première réunion du genre, cette « réunion des alcooliques anonymes dans un bar à vin » pour reprendre la phrase de M. Jacques Attali, est censée constituer la première phase d'une quête de solution à la crise actuelle qui ébranle l'économie mondiale. Certes le G-20 n'est pas une organisation internationale institutionnalisée à la manière du FMI. Mais, l'intérêt de son évocation dans cet espace qui se veut la tribune de l'apologie de l'Etat, réside dans la complexité des phénomènes qui instiguent pareille réunion. La réunion de Londres vise à réguler le système financier ad majorem securitatem, afin de prévenir à l'avenir l'avènement d'une crise de cet ordre. Si la nécessité de réunir autant de puissances, c'est-à-dire d'aller au-delà du G-8, est en soi le signe de la pertinence de l'Etat mais de l'Etat dans une posture communautaire, le but de cette section est de dire que la transparence des industries extractives est l'occasion de la démonstration de la pertinence de l'Etat en tant qu'acteur de relations internationales. Et cette pertinence est manifestée dans l'action des organisations internationales, en tant qu'elles sont

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 98 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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le fruit de la volonté de mise en commun des Etats pour solutionner des problèmes complexes mais aussi, de poursuivre des objectifs communs1.

Le débat qui pendant un certain temps a opposé John Mearsheimer à Robert O. Keohane au sujet de l'efficience des institutions internationales qui seraient une « promesse manquée » d'après le premier et des ordres efficients de la politique internationale pour le second, est révélateur de l'importance de ces organisations en tant qu'elles sont rerum c'est-à-dire dotées de fonctions et selon qu'elles sont rerum novum c'est-à-dire curiosité du fait de la nouveauté et donc objet de science. En ignorant l'aspect premier, les réflexions sur la constitution de ces objets d'analyse dramatisent des acceptions qui sont de l'ordre du fonctionnalisme ou de

l' « intergouvernementalisme libéral ».

Les Nations Unies et l'Union Européenne ont été bâties sur deux modèles fonctionnalistes différents, et qui révèlent en même temps la diversité des organisations internationales. Lorsque David Mitrany2, étudiant les causes de l'échec de la SDN en 1943, trouve l'explication dans la volonté d'universaliser des règles formelles destinées à régir les relations entre les Etats, il annonce en même temps un modèle fonctionnaliste qui s'inspire de la biologie et qui confère à chaque organe une fonction au sein d'un corps. Ce modèle a présidé à la création des Nations Unies3 en 1945 à San Francisco. Tandis que les néo-fonctionnalistes tels que Ernst Haas et Léon Lindberg4 ont fait l'apologie d'un modèle qui intègre les éléments sociopolitiques en plus de ceux fonctionnels que présentait déjà Mitrany et, qui laissent entrevoir un spill over (engrenage). Mais à la différence de Mitrany, Haas et Lindberg étendent la notion de spill over pour l'émanciper des seules griffes de la technique afin qu'elle

1 A ce propos, l'on peut lire par exemple Inis L. Claude Jr. (1956) Swords into powshares : the problems and progress of international organization, 4th Edition, New York : Random House. Il s'insurge contre l'idée que les organisations internationales seraient destinées à supplanter les Etats. D'ailleurs comment pourrait-il en être ainsi dès lors que les Etats sont des acteurs et les organisations internationales des scènes où se joue la politique mondiale, mais une scène construite par les Etats. Cette scène a vocation à aider les Etats à solutionner des problèmes communs, à permettre l'atteinte des objectifs communs de sécurité, de paix et de développement. La charte des Nations Unies est de ce point de vue révélatrice de cette ambition d'intégration des solutions.

2 Mitrany David (1943) A working peace system. Londres: Royal Institute of International Affairs.

3 Il faut noter que dès l'origine le désir de création d'un organisme au sein duquel les souverainetés des Etats devaient être préservées mais qui aurait une effectivité, a irrigué les différentes initiatives dès 1941 avec la signature de la Charte de l'Atlantique entre Winston Churchill et Franklin Delano Roosevelt le 26 août 1941. Les conférences de Dumbarton Oaks qui furent préparatoires de la future ONU et qui se tinrent d'une part du 21 au 28 septembre 1944 entre les USA, l'Angleterre et l'URSS et d'autre part du 29 septembre au 07 octobre 1944 entre les USA, l'Angleterre et la Chine, ont obéi à ce même souci.

4 Lindberg Léon (1963) The political dynamics of European economic integration. Stanford: Stanford University Press; Ernst Haas (1958) The uniting of Europe. Londres: Stevens & Sons.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 99 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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soit aussi politique. Andrew Moravscik1 vient dans le sillage de l'insertion du politique dans le processus de construction des espaces d'intégration, relever que les gouvernants n'ont cessé de contrôler le processus d'intégration européenne par des calculs rationnels. Pierre de Senarclens et Yohan Ariffin diront de lui : « Donnant à son approche la dénomination

d' « intergouvernementalisme libéral », Moravscik s'attache à montrer que l'intégration résulte de choix rationnels effectués par les dirigeants nationaux pour soutenir principalement les intérêts commerciaux des grands producteurs nationaux »2. Quoiqu'il en soit, l'idée qui semble ressortir de cette brève odyssée dans les méandres des théories explicatives du fonctionnement des organisations internationales, est celle qui les présente comme la juxtaposition des Etats dans l'optique de l'atteinte des objectifs communs et en raison de la complexité des faits qui s'opposent à eux.

Le caractère de plus en plus complexe de la société internationale explique donc le regroupement des Etats. L'on ne peut par exemple pas envisager l'atteinte de l'objectif de la sécurité fut-elle intérieure en misant sur les seules potentialités d'un Etat3. C'est ce qui fait dire à certains auteurs tels que Bertrand Badie que, la souveraineté est entrée dans la phase d'obsolescence car, la complexité des problèmes entraîne l'interpénétration des systèmes pour leur résolution4. La notion de « communauté de sécurité » chère à Karl Deutsch5, quel que soit le type6porte des marques de cette conscience. Aussi, convient-il de préciser que l'incursion dans le domaine des organisations internationales dans le cadre de cette section ne relève

1 Moravscik Andrew (1999) The choice for Europe: social purpose and state power from Messina to Maastricht. Londres: UCL Press.

2 De Senarclens et Ariffin (2006) op. cit. p. 174.

3 Ce n'est pas non plus une célébration de l'utopie de la sécurité globale telle que dénoncée par Bernard Hours. Hours Bernard « La production de l'utopie sécuritaire globale : de l'interdépendance à l'insécurité » in in Bagayoko-Penone et Bernard Hours (2005) Etats, ONG et production des normes sécuritaires dans les pays du sud. Paris : l'Harmattan pp. 43-57.

4Badie Bertrand «Sécurité et nouvelles relations internationales » in Bagayoko-Penone (2005) Etats, ONG et production des normes sécuritaires dans les pays du sud. Paris : l'Harmattan pp. 33-42. Angéla Meyer, considérant le cas des défis de la sécurité en Afrique, pense que les réponses ne peuvent être apportées que par la réussite des processus d'intégration régionale. Mais ce, à condition que les Etats cessent d'être les seuls acteurs car, la prise en compte pense-t-elle des acteurs privés comme condition pertinente de solution des défis de sécurité, rendra plus efficace et efficiente l'action des régions. Telle est en tout cas sa pensée concernant l'espace CEMAC/CEEAC. Angéla Meyer « L'intégration régionale et son influence sur la structure, la sécurité et la stabilité d'Etats faibles : L'exemple de quatre Etats centrafricains » Thèse de doctorat soutenue le 13 décembre 2006 à l'IEP de Paris.

5 Voir l'hommage rendu à Karl Deutsch par Dario Battistella : Battistella D. « L'apport de Karl Deutsch à la théorie des relations internationales » Revue internationale de politique comparée, vol. 4, pp. 567-585.

6 Il en existe quatre : la communauté de sécurité unifiée, la communauté de sécurité pluraliste, les noncommunautés de sécurité pluraliste et les non-communautés de sécurité unifiée. Cette typologie est faite par Deutsch dans la tradition libérale qui rompt avec la conception belliciste réaliste des relations internationales. La question qu'il se pose à l'origine de cette analyse est celle de savoir « comment les hommes peuvent-ils apprendre à agir ensemble en vue d'éliminer la guerre comme institution sociale ?». Battistella op. cit.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 100 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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nullement d'une sociologie d'icelles, mais participe de la démonstration de la pertinence de l'acteur étatique qui se meut seul ou en groupe. Dans le cadre de la section précédente, l'Etat est apparu dans la solitude de son actorness alors qu'ici, il est dans une posture postmoderne de la communautarisation. Souvenons-nous du sens attribué au postmodernisme dans cette étude. Il obéit à la vision qu'en ont les cosmopolitistes qui ne prennent plus l'Etat comme l'unité de base de la vie politique mais plutôt, considèrent les niveaux régional et global comme niveaux pertinents d'analyse. Sans aller jusque-là, nous pensons que les aléas de la postmodernité politique ont rendu digne d'intérêt l'examen des configurations en scène dans les organisations internationales. Il ne s'agit donc pas d'étudier l'initiative comme une organisation internationale, mais de rendre raison de la pertinence de l'Etat au travers des organisations internationales qui la soutiennent. Ce soutien transparaît dans deux types d'organisations qui sont économiques et politiques avant d'être régionales ou globales.

Paragraphe I : Un soutien groupé des Etats dans les organisations intergouvernementales économiques

L'intégration économique qui est le fait de la mondialisation a rendu interconnectés les Etats. La complexité de l'espace économique et surtout l'interdépendance des micro-espaces est l'explication du processus intégratif des organisations économiques. La communauté des buts qui crée des espaces communautaires de décision et d'action, est également l'occasion d'éprouver la pertinence de l'acteur étatique, dès lors que l'on a postulé l'existence des organisations intergouvernementales en terme non pas de rivalité avec les Etats, mais comme une intégration en vue d'une action synergique pour les besoins d'efficience et d'efficacité. Aussi, à l'ère où le phénomène intégratif s'apparente à un effet de mode, le fait communautaire se caractérise par son universalité. Pour des impératifs de forme, la pertinence de l'Etat dans les regroupements du sud (A) va précéder l'examen des organisations du monde développé dans leur dramatisation de l'importance du fait étatique (B).

A. La solidarité des regroupements économiques du sud vis-à-vis des théâtres d'implémentation de la transparence des industries extractives

L'initiative de transparence des industries extractives en tant qu'espace de mise en oeuvre d'une norme présumée exorciste des démons de la conflictualité et de la paupérisation, offre l'occasion de se pencher sur le soutien qu'elle reçoit des banques du sud, notamment de la

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Banque Africaine de Développement et de la Banque Asiatique de Développement qui sont dans l'immédiateté géographique de plusieurs aires de mise en oeuvre.

1. La Banque Africaine de Développement et l'EITI

La Banque africaine de développement est une institution bancaire multinationale qui se donne comme objectif le développement du continent noir1 malgré le caractère mondial de son équipe dirigeante2. Alors, le lancement de l'initiative en 2002 correspondant précisément à ses buts et objectifs pour les pays africains, a trouvé un écho favorable. L'annonce de l'adhésion de la Banque aux principes de l'Extractive Industries Transparency Initiative s'est faite à la veille de la conférence internationale d'Oslo tenue du 16 au 17 octobre 2006. Ceci, au lendemain d'une réunion entre des représentants du NORAD, de la Banque Mondiale, de l'EITI et de la BAD à Tunis. A l'ouverture de ladite réunion, madame Zeinab El Bakri viceprésidente du groupe de la BAD déclarait:

«There is an important role for revenues generated from oil and gas and other extractive industries in public financing of economic and social development programmes. Opportunities for many resource-rich countries in Africa lie in the fact more and more investors are interested in extractive industries, but which present challenges with regard to the management of revenues, ensuring accountability and avoiding corruption on the one hand, while promoting sustainable development in the context of transparency and fiduciary discipline on the other» (il y a un rôle important pour les revenus générés par l'exploitation du pétrole, du gaz et des autres industries extractives dans le financement public des programmes de développement sociaux et économiques. Les opportunités pour plusieurs pays riches en ressources en Afrique reposent sur le fait que de plus en plus d'investisseurs sont interessés par les industries extractives, mais celles-ci présentent des défis au regard de la gestion des revenus, assurant la responsabilité et évitant la corruption d'une part, pendant qu'elles promeuvent le développement durable dans un contexte de transparence et de discipline fiduciaire d'autre part).

Le soutien de la BAD à l'initiative se fait dans le cadre du programme Bonne gouvernance financière (BFG) de la banque adoptée en novembre 1999. Ce, dans l'optique d'assister les

1 Avec la Banque asiatique de développement et la BERD, la BAD constitue la catégorie des institutions intergouvernementales à vocation régionale. C'est pourquoi elles sont dans le cadre de EITI des institutions qui ont un engagement régional alors que le FMI, le groupe de la banque mondiale et la banque européenne d'investissement (BEI) sont des institutions à engagement global.

2 Au 28 février 2009, la Banque africaine de développement compte environ 110 gouverneurs dont 7 qui ont rejoint le groupe en ce même mois de février (soit : 2 zambiens et les nationalités suivantes avec chacune un gouverneur ; Uganda, Ghana, Kenya, Corée et Autriche). Par ailleurs, presque une centaine de nationalités sont représentées parmi les gouverneurs et gouverneurs suppléants.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 102 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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pays dans leurs efforts de développement. Reconnaissant les avancées de l'Afrique en matière de développement et en imputant celles-ci aux budgets nationaux qui sont de plus en plus le reflet des priorités économiques des pays, la BAD s'investit à aider les pays africains dans leurs efforts de transparence budgétaire. Il s'agit d'un soutien général pour la transparence dans la gestion des budgets des Etats par :

· La mise en place de procédures budgétaires transparentes et globales.

· La promotion de la responsabilité, de la transparence et l'amélioration des contrôles budgétaires.

De plus, l'action de la BAD vise un renforcement de l'obligation de rendre compte de la gestion des recettes issues des industries extractives. Il s'agit là, de l'une des approches de la Banque. En effet, celle-ci opère dans le cadre du programme Bonne gouvernance financière en s'appuyant sur six approches à savoir : (1) le renforcement des systèmes fiscaux africains, (2)la mise en place des procédures budgétaires transparentes et globales, (3) la promotion de la responsabilité, de la transparence et l'amélioration des contrôles budgétaires, (4) le renforcement de l'obligation de rendre des comptes de la gestion des recettes issues des industries extractives, (5) le soutien de la décentralisation fiscale et (6)le renforcement de la gouvernance dans les Etats et les situations fragiles et la gouvernance au sein de la banque.

Encadré : Déclaration de soutien de Gabriel NEGATU, directeur du département gouvernance et de gestion économique et financière à la Banque africaine de développement à EITI.

La gestion financière publique constitue l'un des instruments les plus importants pour le renforcement de la capacité des États en Afrique. Elle renforce la mise en oeuvre saine d'une politique économique en ayant un rôle influent sur l'allocation et l'utilisation des ressources publiques. La transparence est une étape nécessaire mais insuffisante vers une bonne gestion des finances publiques. Le plan d'action et de direction stratégique de gouvernance 2008-2012 est le guide de la Banque africaine de développement pour soutenir les efforts des pays membres régionaux pour améliorer la gouvernance et lutter contre la corruption, et inclut l'ITIE et le Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs (MAEP). La transparence dans la déclaration des revenus des industries extractives est essentielle, de même que l'ensemble de la chaîne de gestion des ressources des industries extractives. Outre l'ITIE, d'autres initiatives complémentaires ont vu le jour afin d'améliorer la gouvernance des industries extractives, y compris l'African Legal Support Facility et l'initiative de la Banque Mondiale pour soutenir l'ensemble de la chaîne de gouvernance. Des efforts pour soutenir les réformes fiscales comprennent des initiatives telles qu'AFRITAC, le Dialogue fiscal international et le Forum sur l'administration fiscale africain. Des organisations régionales telles que l'AFROSAI (Organisation africaine des institutions supérieures de contrôle des finances) supervisent la mise en oeuvre des normes d'audit internationales. La Banque africaine de développement apporte son soutien à toutes ces initiatives et s'efforce de garantir une meilleure coopération et coordination entre elles.

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Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

L'implication de la banque pour le renforcement de l'obligation de rendre des comptes de la gestion faite des revenus issus des industries extractives, qui est l'une des approches de la banque et qui est directement reliée au soutien qu'elle apporte à l'initiative, porte sur deux niveaux. Pour les pays qui mettent en oeuvre les principes de l'EITI, il s'agit de les aider en les dotant des capacités financières et techniques pour implémenter l'initiative. Le second niveau consiste à convaincre les pays qui sont dotés de richesses minières, pétrolières et gazières d'adhérer aux principes de l'initiative.

2. La Banque Asiatique de Développement dans l'EITI

La Banque asiatique de développement est une institution bancaire multilatérale qui oeuvre au développement des pays de l'Asie. Elle est d'ailleurs la première institution de ce type à avoir engagé une action particulière en direction de la gouvernance en 1995. Dès 1998, une politique de lutte contre la corruption fut adoptée pour renforcer et élargir le travail de la gouvernance. Et en 1999 la Banque a mis sur pied une stratégie de réduction de la pauvreté contenue dans un document intitulé Fighting poverty in Asia and the Pacific : The poverty reduction strategy. Ce dernier s'appuie sur trois piliers à savoir :

· La promotion de la croissance économique en faveur des pauvres,

· La promotion d'un développement inclusif et

· La bonne gouvernance.

Le document cadre dit à ce sujet:»For poverty reduction, ADB sees the twin pillars of pro-poor development, sustainable economic growth and social development as the key elements in any framework for reducing poverty. Successful achievement of either element requires sound macroeconomic management and good governance, the third pillar1». Ce cadre global et général de réduction de la pauvreté comporte la conscience de l'impératif de la bonne gouvernance. Ainsi, elle en constitue le troisième pilier dans la mesure où elle facilite la participation et assure l'utilisation transparente des fonds publics. Le dernier paragraphe dans l'espace consacré à la bonne gouvernance comme pilier dans la stratégie de réduction de la pauvreté souligne l'apport des ONG qui, par le fait de leur expertise et de leur proximité vis-à-vis des pauvres et des couches défavorisées, sont un acteur pertinent dans la réussite de l'opération. Au-delà de cette conscience précoce du rôle des ONG dans les initiatives de développement, il faut dire que l'attention portée sur ce document se justifie par le fait qu'il est le cadre dans lequel s'enchâsse la participation de la Banque à EITI. Ce cadre est

1 Asian Development Bank (1999) Fighting poverty in Asia and the Pacific : The poverty reduction strategy, p.6

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 104 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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cependant demeuré très général car, même son renforcement en 2004 par l'ajout de cinq thématiques1 n'a pas explicitement fait référence à la transparence, ni aux industries extractives. Il faudra attendre le lancement du GACAP II2 en juillet 2006 pour que progressivement mais encore de façon très générale, la responsabilité et l'obligation de rendre des comptes apparaissent comme un impératif.

La Banque asiatique de développement a donc apporté son soutien à EITI par l'entremise de madame Ursula Schaefer-Preuss, vice-présidente de la Banque pour le savoir, la gestion et le développement durable. Elle déclarait à cette occasion: «It is widely recognized that while large public sector revenues from extractive industries hold great potential for economic growth and poverty reduction, if transparency and accountability are weak, extractive industries can lead to exacerbation of poverty, corruption, and conflict, ADB's support of this initiative will help ensure that wealth generated from natural resources is used to enhance a country's economic development». Même si cinq pays seulement dans la région que couvre la Banque mettent en oeuvre l'initiative à savoir l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan, la République Kirghize, la Mongolie et la Timor Leste, force est de noter que le tout premier pays à avoir atteint la conformité est l'Azerbaïdjan, un pays de la zone d'opération de la Banque.

Encadré : Déclaration de Ursula Schaefer-Preuss vice-présidente de la Banque asiatique de développement au sujet de EITI.

La Banque européenne d'investissement et la Banque asiatique de développement ont rejoint en

2008 la liste des organisations soutenant l'ITIE. « Il est de notoriété publique que, bien que les importants revenus du secteur public générés par les industries extractives détiennent le potentiel significatif d'augmenter la croissance économique et de réduire la pauvreté, si la transparence et la responsabilité sont faibles, les industries extractives peuvent entraîner une exacerbation de la pauvreté, de la corruption et des conflits... Le soutien apporté par la Banque asiatique de développement à cette initiative contribuera à garantir que la richesse générée par les ressources naturelles est utilisée pour renforcer le développement économique d'un pays. »

 

1 Ces thématiques sont : l'égalité des genres, la durabilité environnementale, le développement du secteur privé, la coopération régionale et le développement des capacités.

2 Second Governance and Anticorruption Action Plan, le GACAP II a été lancé en 2006 à la suite d'une revue conduite par la Banque asiatique de développement en 2005. Il vise l'amélioration de la performance de la Banque dans la mise en oeuvre des politiques de gouvernance et de lutte contre la corruption dans les secteurs et sous-secteurs d'activité de la Banque. Il est detaillé dans: Asian Development Bank Second Governance and Anticorruption Action Plan (GACAP II), Final Report, July 2006.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 105 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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B. Le monde développé et son soutien communautarisé à l'EITI : La modalité économique

L'engagement des Etats du monde développé regroupés au sein des organisations intergouvernementales économiques sera lu par la participation de deux banques européennes et des institutions de Bretton Woods. Les premières, quoique comportant un engagement régional pour le cas de la BERD, partagent avec les secondes l'implantation géographique dans ce que les marxistes appellent le « centre ».

1. L'implication des banques européennes dans l'Extractive Industries

Transparency Initiative : le cas de la BERD et de la BEI

Deux banques européennes sont engagées à soutenir l'initiative. Il s'agit de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) et la Banque Européenne d'Investissement (BEI).

a) La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement et l'Initiative de transparence des industries extractives

La BERD consacre à l'EITI un engagement régional car, sa mission première consiste à oeuvrer pour l'ouverture des pays de l'Europe centrale et orientale en plus de la Mongolie, à l'économie de marché. Il faut noter que ces pays qui font partie de l'ancien giron communiste, ne disposent guère des structures et infrastructures compatibles pour un échange avec l'Europe occidentale au sortir de la balkanisation de l'URSS. Aussi, la BERD est-elle créée à Paris suite à l'Accord du 29 mai 1990 qui entra en vigueur le 28 mars 1991 c'est-à-dire dans les temps qui ont précédé la perestroïka1.

L'article 3 de l'Accord portant création de la BERD dit dans ses alinéas 1 et 2 :

« La qualité de membre peut être accordée : aux pays européens et aux pays noneuropéens qui sont membres du Fonds Monétaire International ; et à la Communauté économique européenne et à la Banque européenne d'investissement. Les pays à qui la qualité de membre peut être accordée conformément au paragraphe 1 du présent article, mais qui ne le deviennent pas conformément à l'article 61 du présent Accord, peuvent être admis

1 L'on peut penser que la Perestroïka en tant que processus de refondation de l'URSS a débuté avec la signature des accords de Belovez en décembre 1991 créant la CEI et la démission de Mikhaïl Gorbatchev du poste de président de l'URSS qui cessa d'exister le 25 décembre 1991. C'est l'avis de Anaïs Marin « Saint-Pétersbourg, ville-frontière d'Europe. Extraversion, paradiplomatie et influence de la « capitale du Nord »sur la politique étrangère de la fédération de Russie » Thèse de doctorat soutenue le 1er décembre 2006 à l'IEP de Paris. p.22-23

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comme membres, selon des conditions et modalités que la Banque peut déterminer, par décision expresse des deux tiers au moins du nombre des gouverneurs, représentant au moins les trois quarts du nombre total des voix attribuées aux membres ».

C'est dire que, le membership est exclusivement étatique et donc, le soutien de cette institution à l'initiative est celui d'un ensemble d'Etats. Voilà qui invalide la thèse du déclin de l'Etat alors que son existence solitaire ou en groupe est la condition sine qua non pour le fonctionnement des initiatives qui comme EITI, concourent à la résolution des problèmes complexes de ces temps.

La corruption et la fraude sont deux fléaux qui empoisonnent le climat de l'investissement. C'est pourquoi la transparence est au coeur du mandat de la banque en tant qu'élément de la démocratie pluraliste et de marché qu'elle promeut dans cet ancien giron communiste1. La BERD et EITI ont donc en partage la valeur et le souci de la transparence. En s'engageant à travailler avec EITI, cette banque encourage les pays de sa zone d'opération2 à adopter les principes EITI. Elle s'est engagée notamment à :

· S'impliquer activement dans le processus des consultations d'EITI y compris en faisant des propositions dans le développement des mécanismes techniques de reporting.

· Promouvoir la transparence dans les rapports des revenus, de même qu'une transparence accrue sur les plans financiers et organisationnels en se servant du guide EITI comme modèle pour une plus grande transparence.

· Travailler en coopération avec d'autres institutions financières internationales et les institutions financières privées pour promouvoir les initiatives de transparence et de gouvernance dans la communauté financière.

· Aider au renforcement des capacités dans les pays d'opération afin de les aider à implémenter les critères EITI.

1 L'article premier de l'Accord portant création de la BERD dit d'ailleurs à ce sujet : « L'objet de la Banque est,
en contribuant au progrès et à la reconstruction économiques des pays d'Europe centrale et orientale quis'engagent à respecter et mettent en pratique les principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de

l'économie de marché, de favoriser la transition de leurs économies vers des économies de marché, et d'y promouvoir l'initiative privée et l'esprit d'entreprise. L'objet de la Banque peut également être mis en oeuvre en Mongolie sous les mêmes conditions. En conséquence, toute référence dans le présent Accord et dans ses annexes aux « pays d'Europe centrale et orientale », à un ou plusieurs « pays bénéficiaires » ou aux « pays membres bénéficiaires » s'applique également à la Mongolie ».

2 Les pays mettant en oeuvre les principes de l'initiative et qui sont dans sa zone d'action sont : l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizstan et la Mongolie

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 107 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
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b) Le soutien du groupe de la Banque Européenne d'Investissement à l'EITI

La deuxième banque d'Europe qui soutient l'initiative est la Banque Européenne d'Investissement (BEI). C'est une institution dont l'engagement y est à la fois global et régional. Global parce qu'elle mène des activités dans le monde entier et donc, peut avoir une influence effective dans tous les pays dans lesquels elle finance des projets de développement. Ensuite régional parce qu'elle est active dans plusieurs régions du globe où elle peut donc peser de tout son poids dans l'adoption des principes EITI par les Etats qui sollicitent son appui.

Le groupe BEI est l'organisation financière de l'Union européenne. Il est constitué par la BEI, qui octroie des prêts directs ou indirects et le FEI (Fonds Européen d'Investissement) qui aide les entreprises innovantes par des activités de capital-risque ou de garanties. Ils agissent dans le but de favoriser la réalisation des objectifs fondamentaux et prioritaires de l'Union européenne. Et donc, sont en quelque sorte la composante financière de l'UE dont ils appliquent les normes.

Ayant fait le constat des conséquences d'une gestion médiocre des affaires publiques par l'impact de la corruption et l'absence de transparence, le groupe de la BEI qui oeuvre à la poursuite de l'éradication de la pauvreté en tant qu'objectif premier du millénaire pour le développement, soutient l'initiative qui vise à donner corps à la transparence. Ainsi, en rejoignant la liste des organisations qui soutiennent EITI en 2008, il s'est engagé à appuyer les travaux de l'initiative dans les pays riches en ressources extractives dans lesquels il intervient. De plus, il promeut l'initiative dans le cadre de ses relations avec les Etats et les autorités nationales en les encourageant à adopter les principes de l'initiative. Enfin, il soutient les activités du secrétariat international EITI qui est basé à Oslo. La BEI s'est engagée à promouvoir un niveau élevé de transparence et la bonne gouvernance dans le cadre de tous les projets qu'elle finance. En soutenant les objectifs de l'EITI, elle réaffirme la déclaration sur la promotion de la gouvernance d'entreprise qu'elle a signée avec d'autres institutions de financement du développement, et confirme l'orientation de sa politique dans le domaine de la lutte contre la fraude et la corruption.

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Encadré : A propos du soutien de la BEI à l'Initiative de Transparence des Industries Extractives

Des industries extractives correctement gérées peuvent apporter une contribution significative au développement économique et à la création d'emplois. La BEI est convaincue qu'une meilleure transparence et une plus grande responsabilité dans les industries extractives constituent des éléments essentiels pour renforcer le développement économique, réduire la pauvreté et assurer une plus grande stabilité politique dans les pays riches en ressources naturelles... La BEI apportera son soutien au travail de l'ITIE dans les pays riches en ressources dans lesquels la banque est présente, en travaillant avec ses sponsors de projet pour introduire une plus grande transparence et cohérence dans la déclaration de l'information financière au niveau du projet. En même temps, la BEI promouvra l'initiative grâce à ses contacts avec les gouvernements et les autorités nationales et encouragera ces derniers à adopter les principes de l'ITIE quant à la déclaration de l'information financière et à la publication des revenus issus des industries extractives. La BEI soutiendra aussi activement le travail du Secrétariat ITIE International dont le siège se trouve à Oslo.

BANQUE EUROPÉENNE D'INVESTISSEMENT

 

En plus de ces institutions intergouvernementales européennes au sein desquelles les Etats font la démonstration de la pertinence de leur actorat, il y a les institutions de Bretton Woods qui relèvent aussi dans notre taxonomie des regroupements du monde développé.

2. Les institutions de Bretton Woods et la transparence des industries extractives

L'engagement de l'Etat dans l'initiative se lit également au travers des institutions de Bretton Woods. Organismes intergouvernementaux ayant vu le jour lors de la conférence tenue près de Washington en 1944, le Fonds Monétaire International et le Groupe de la Banque Mondiale poursuivent des objectifs de développement dans le monde. Leur appui à la transparence dans les industries extractives n'épouse pas le même schéma, autrement dit leur parenté s'arrête à la lisière de la communauté de leur sociogenèse.

a) L'initiative de transparence des industries extractives dans la politique de transparence du Fonds Monétaire International

L'antériorité du FMI par rapport à l'initiative n'est pas uniquement de l'ordre du surgissement historique mais également dans le domaine des initiatives de promotion de la transparence même si ces dernières sont de portée plus générale.

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Fondé pour prévenir le retour aux politiques économiques désastreuses qui ont conduit à la grande dépression des années 1930, le FMI est une institution regroupant 185 Etats membres avec environ 2635 employés originaires de 143 pays différents1. De nos jours, il a pour objectif de promouvoir la coopération monétaire internationale, de faciliter l'expansion et la croissance équilibrée du commerce mondial, de promouvoir la stabilité des changes et de mettre ses ressources à la disposition des pays confrontés à des difficultés de balance de paiement2.

Le FMI entretient avec les pays riches en ressources naturelles un dialogue autour des défis macroéconomiques auxquels ils font face, à savoir la volatilité des prix internationaux et la vulnérabilité fiscale que cela comporte ; le syndrome hollandais ; l'équité intergénérationnelle etc...Elle renforce aussi les institutions publiques car la faiblesse de celles-ci entraîne une mauvaise gouvernance qui à son tour explique largement l'absence de croissance. Pour tous ces défis, la transparence semble être la panacée.

Le fonds a développé des instruments pour la promotion de la transparence dans la gestion des économies en général notamment, un standard pour améliorer la disponibilité des statistiques compréhensibles et up-to-date, des codes et manuels d'accompagnement sur la politique de transparence des politiques monétaires, fiscales et financières. A cet ensemble, vient s'ajouter un guide sur la transparence des revenus des ressources naturelles. C'est dans la lignée de ce guide que se situe l'engagement du fonds à EITI. En effet, ce guide est un espace réduit d'un cadre plus large, le code de bonnes pratiques sur la transparence fiscale adopté en 2005. Le guide sur la transparence des revenus des ressources vise l'implémentation du code des bonnes pratiques sur la transparence fiscale mais uniquement dans les pays dotés de ressources naturelles qui font face aux problèmes de gestion de leurs revenus. C'est précisément ce secteur que cible EITI c'est pourquoi le Fonds considère que l'approche de l'initiative est complémentaire de la sienne. Ainsi, le 17 mars 2005, M. Takatoshi Kato directeur adjoint du FMI a déclaré le soutien du Fonds à l'initiative lors de la conférence internationale de Londres.

1 D'après le site du FMI www.imf.org visité le 23 mars 2009.

2 C'est ainsi que, les difficultés de la crise financière qui est née aux USA en été 2007 laissant présager des mauvaises années pour les pays pauvres, M. Dominique Strauss-Kahn directeur du FMI a obtenu du sommet du G-20 tenu à Londres du 1er au 2 avril 2009 que les Etats développés versent 1100 milliards de dollars US à l'institution dont il a la charge afin de soutenir les économies fragiles qui seront davantage fragilisées par cette crise.

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Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

Le guide sur la transparence en tant qu'espace structurel de soutien du Fonds à l'initiative, s'appuie sur une définition de la transparence qui prend en compte quatre variables. Selon ce guide, la transparence s'articule autour de :

· La clarté des rôles et des responsabilités

· La publicité des informations relatives aux finances

· L'ouverture de la préparation, de l'exécution et des rapports des budgets

· L'assurance de l'intégrité.

Parmi ces quatre critères, le second à savoir la publication des informations relatives aux finances est le cadre dans lequel s'enchâsse le soutien du Fonds à l'initiative. C'est pourquoi le FMI encourage les pays à prendre part à l'initiative, encourage les pays candidats dans leur implémentation des principes EITI. A un niveau plus global, le FMI travaille en collaboration avec le DFID et la Banque Mondiale pour étendre la liste des candidats à l'initiative.

b) Le groupe de la Banque Mondiale et l'initiative de transparence des industries extractives

Le Groupe de la Banque Mondiale est une des organisations intergouvernementales les plus importantes de la transparence des industries extractives, de par le rôle qu'il joue dans l'initiative mais également pour son implication dans les projets d'exploitation des industries extractives qu'il veut transparentes depuis que les organisations de la société civile sont entrées en croisade contre son soutien à des régimes autoritaires et à des projets dévastateurs de l'environnement1. Le caractère intergouvernemental ne souffre plus d'aucun doute puisque ce groupe composé de cinq organismes, est largement représentatif des nationalités du monde dans leur pluralité et leur diversité2.

1 Voir par exemple: Pegg S. « Poverty reduction or poverty exacerbation? World Bank group support for extractive industries in Africa» Report for Oxfam America, April 2003; Oxfam international, BIC, Campagna per la riforma della banca mondiale «The World Bank group's mining operations; Tarnished gold: Mining and the unmet promise of development», September 2006; Gary I. & Karl T.L. « Bottom of barrel: African oil boom and the poor »CRS: rapport de Juin 2003.

2 En effet, le groupe de la Banque Mondiale est composé de la BIRD (Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement) qui a 185 pays membres, la SFI (Société Financière Internationale) avec 181 Etats membres, de l'Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (AMGI) qui dispose de 173 Etats membres, du Centre International de Règlement des Différents relatifs aux investissements (CIRDI) qui a 143 pays membres et de l'IDA avec ses 168 membres. Voir le site www.worldbank.org.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 111 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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En plus d'être un acteur déterminant dans les projets d'exploitation des industries extractives par le biais de la SFI qui finance directement certains projets dans le monde1, le groupe BM possède une expérience dans les efforts de transparence dans ce secteur d'activité, notamment avec la Revue des Industries Extractives et son implication dans le projet pétrole TchadCameroun2.

Le lancement en juillet 2001 de la Revue des Industries Extractives par le groupe de la banque mondiale était la réalisation d'une promesse de M. James Wolfensohn faite aux organisations de la société civile. En effet, lors de l'assemblée générale de la BM tenue à Prague en juin 2000, les OSC ont exprimé leurs doutes quant à la possibilité pour la BM de lutter efficacement contre la pauvreté avec sa participation dans les projets d'exploitation des industries extractives. Il leur promit donc de réétudier le rôle de la banque. La problématique du développement durable fut au centre de cette revue qui devait réunir dans une triangulaire composée des Etats, des industries extractives et des organisations de la société civile autour de la question du développement par le biais de l'exploitation minière, gazière et pétrolière. La Revue posa donc l'impératif du développement durable comme objectif à atteindre, à trois conditions principales :

· Observer une gouvernance publique et industrielle favorable aux pauvres, incluant une planification et une gestion proactives destinées à optimiser la réduction de la pauvreté grâce au développement durable ;

· Conduire des politiques sociales et environnementales beaucoup plus efficaces ; et

· Promouvoir le respect des droits de l'Homme.

1 Le premier investissement de la SFI en Afrique a été approuvé en 1960 sous forme d'un prêt de 2,8 millions de dollar en Tanzanie. De 1992 à 1999, elle a approuvé 33 projets en Afrique pour plus de 660 millions de dollar dans les industries extractives. Considérant la décennie 1990-2000, les principaux pays récipiendaires des financements de la Banque pour les industries extractives étaient: le Cameroun (534 millions de dollar), le Tchad (491 millions USD), la Tanzanie (402 millions USD), le Nigeria (391 millions USD), la Zambie (391 millions USD), la Côte d'Ivoire (199 millions USD) et le Mali (108 millions USD) soit un total de 2.625 millions USD. En juillet 2006, la Banque a accordé un prêt de 125 millions de dollars à Newmont Mining Corporation pour extraire de l'or à Ahafo à 300km d'Accra au Ghana. La même compagnie a reçu en 1993, 100 millions de dollar de la Banque pour l'exploitation de la mine de Cajamarca au Pérou. Au Kyrgystan ; Kumtor Gold Mine a reçu en 1998, 40millions de dollar de la Banque Mondiale. Voilà quelques projets financés par la BM au travers de la SFI. Voir Pegg S. « Poverty reduction or poverty exacerbation? World Bank group support for extractive industries in Africa» Report for Oxfam America, April 2003.

2 L'on peut également évoquer son implication dans la construction de l'oléoduc Bakou-Tbilisi-Ceylan pour lequel la SFI a déboursé 125 millions de dollars US mais en raison du défi de la transparence que posait le projet Tchad-Cameroun, défi rappelé par les organisations de la société civile tant quant à l'impact sur le développement que sur l'environnement, nous faisons le choix de n'évoquer que ce dernier.

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D'après ce document du groupe de la Banque mondiale produit par M. Emil Salim, une gouvernance publique favorable aux pauvres passe par :

· La promotion de la transparence des flux de revenus ;

· La promotion de la divulgation des documents liés aux projets ;

· Le développement de la capacité à gérer la fluctuation des revenus ;

· Le développement de la capacité à gérer les revenus de manière responsable ;

· L'aide aux gouvernements pour l'élaboration des cadres réglementaires et politiques modernes ; et

· L'intégration du public dans les processus décisionnels tant au niveau local que national.

Toutefois, même si la Revue des Industries Extractives a le mérite d'avoir rapproché la politique de la BM en principe des Objectifs du Millénaire pour le Développement et l'esprit du consensus de Monterrey1, les projets financés par la banque n'ont fait l'objet d'une implémentation de la transparence telle que voulue par les OSI que dans le cadre de l'EITI2 ce, pour ceux qui sont localisés dans les pays candidats à l'initiative. Aussi, lorsque Tony Blair lance l'initiative en 2002, la Banque Mondiale possède déjà les éléments nécessaires pour son implémentation et se trouve donc au centre du dispositif en tant que pourvoyeur de fonds dans les grands projets des industries extractives.

Le 9 décembre 2003, l'année même du démarrage effectif de l'initiative, la Banque Mondiale annonce par son chef du département pétrole, mine et gaz M. Rashad Kaldany qu'elle lui accorde son soutien total. Il déclarait à cette occasion:

«We believe this step will both underscore and expand the leadership role that the Bank Group has had in fostering transparency, ensuring accountability, and contributing to sustainable development impact... We have gained more experience in working with companies and governments on these issues, most recently through the BTC pipeline. New

1 Le consensus de Monterrey a été signé à l'issue de la conférence des Nations Unies pour le financement du développement tenue du 18 au 22 mars 2002 à Monterrey au Mexique. Les Etats du système des Nations Unies ont trouvé un consensus autour de six actions prioritaires à savoir : la mobilisation des financements internes pour le développement, la mobilisation des financements étrangers pour le développement, une augmentation de l'usage du financement et de l'expertise internationaux pour le développement, le commerce international comme moteur du développement, l'amélioration de la cohérence et de la consistance des systèmes financiers, monétaires et commerciaux internationaux dans le soutien au développement et la question de la dette extérieure.

2 Il faut d'ailleurs signaler que le cas tchadien est révélateur d'une situation ambiguë. Lorsque le 9 septembre 2008 la BM annonce son retrait du projet d'oléoduc Tchad-Cameroun, cela fait suite au remboursement par le gouvernement tchadien de la totalité de sa dette.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 113 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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research in this area has created more momentum in the international community to focus on these issues...And the Extractive Industries Review, which is now winding down under the leadership of Dr. Emil Salim, has very clearly signaled that this is, and will be, a high-priority issue for our stakeholders in civil society... This is the next evolutionary step in our role as a neutral broker on these complex issues and we are prepared to make a long-term commitment» (nous pensons que cette étape va en même temps sous-influencer et étendre le rôle du groupe dans l'encouragement de la transparence, assurant la responsabilité et contribuant à un développement durable...Nous avons gagné plus d'expérience en travaillant avec les compagnies et les gouvernements sur ces questions, plus recemment encore lors de la construction du pipeline reliant Bakou, Tbilisi et Ceylan. Une nouvelle recherche dans ce domaine a crée plus d'élan au sein de la communauté internationale qui se penche sur ces questions. Et la revue des industries extractives qui sous la conduite du Dr Emil Salim tire à sa fin, a très clairement signalé que cela est et sera une question de haute priorité pour nos parties prenantes de la société civile...Ceci est la prochaine étape dans notre rôle en tant que courtier neutre dans ces questions complexes et nous sommes préparés pour un engagement à long terme).

Le rôle qu'elle joue dans les projets d'exploitation des industries extractives la place en position privilégiée pour rassembler les Etats et les compagnies autour de cette initiative. En effet, elle est avec le FMI un bailleur de fonds incontournable pour nombre de pays riches en ressources extractives. De plus, les compagnies engagées dans de grands projets d'extraction aiment solliciter son capital non pas par carence de moyens, mais pour s'offrir ainsi une assurance tout-risque contre les aléas des zones de faible gouvernance. Comme le déclarait Miles Shaw à Luc Lamprière en 2001 au sujet du projet d'oléoduc Tchad-Cameroun :

« Nous avons recherché la participation de la Banque mondiale dans le contexte des risques politiques : le rôle de la Banque constituait une part de l'effort pour minimiser les risques politiques. Nous pouvons accepter le risque économique mais l'expertise de la Banque et ses relations avec le gouvernement endossent le risque politique. Le gouvernement tchadien a déclaré vouloir participer financièrement à la TOTCO. Pour cela il a besoin de l'argent de la Banque. Et cela n'allait qu'avec certaines conditions1 ».

1 Luc Lamprière est journaliste et Miles Shaw était en 2001 un porte-parole de ExxonMobil. Cette déclaration est citée dans Martin Petry & Naygotimti Bambé (2005) Le pétrole du Tchad : rêve ou cauchemar pour les populations ? Paris : Karthala, p.33-34.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 114 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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La Banque se trouve donc à la tête du Multi Donor Trust Fund qui est l'organe centralisateur des financements de l'initiative. Elle est omniprésente dans le processus de mise en oeuvre de l'initiative qu'elle soutient aux niveaux global et régional. Cet intérêt de la Banque s'explique par la concordance de l'initiative avec sa stratégie globale de lutte pour la gouvernance et contre la corruption. Programme qui a d'ailleurs évolué, passant d'un désintérêt vis-à-vis la chose politique à une compréhension du caractère inséparable des sphères économiques et politiques1. Aussi, le soutien de la Banque mondiale à l'initiative entend-il s'étendre à d'autres ressources naturelles, c'est le sens de l'initiative renforcée pour la transparence des industries extractives (EITI++) lancée le 12 avril 2008 par M. Robert Zoellick président du groupe de la Banque mondiale. Il s'agit de compléter le processus EITI qui s'arrête à la déclaration et à la publication de recettes et des paiements des revenus des industries extractives, en prêtant attention à l'ensemble du processus d'utilisation des revenus mais cette fois-ci, de toutes les ressources naturelles dont disposent les pays africains au sud du Sahara2.

En somme, la Banque mondiale est un partenaire privilégié de l'initiative dont elle soutient presque tous les niveaux de la mise en oeuvre, en collaborant avec la totalité des pays candidats mais aussi dans le cadre de l'administration du MDTF et aux côtés du secrétariat international.

Si la modalité économique est centrale dans le processus de mise en oeuvre de l'initiative, au travers des institutions intergouvernementales qui sont engagées dans la mise en oeuvre de l'ITIE, force est de noter que le politique n'est pas en reste. La pertinence de l'actorité de l'Etat au travers des regroupements intergouvernementaux est également validée par les organisations internationales de type politique.

1 En effet, en 1992 dans son rapport intitulé « Governance and development », la Banque mondiale esquivait la question de la forme particulière que devait prendre un régime politique dans le cadre de la bonne gouvernance, arguant que cette question se situait « hors du mandat de la banque ». Dans le rapport de 1997 « l'Etat dans un monde en développement », la Banque mondiale a effectué une volte-face en intégrant la forme des régimes politiques car entre temps, le PPTE qui vit le jour en septembre 1996 comportait une conditionnalité des reformes institutionnelles.

2 A l'origine EITI++ est destinée à cette région du monde. Elle reçoit dès l'annonce de son lancement, le soutien du président de la BAD, du ministre mauritanien du Pétrole et des Mines, Mohamed El Moktar Ould Mohamed El Hacen, de la Commission de l'Union africaine, en la personne de son vice-président, Erastus Mwencha, et de Ousmane Doré, ministre guinéen de l'Économie, des Finances et du Plan.

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Paragraphe II : Les organisations internationales politiques et la transparence des industrie extractives

Classées en deux types de façon arbitraire, ces organisations sont engagées dans la mise en oeuvre de l'initiative tant sur le plan régional que sur le plan global. C'est la seule considération qui justifie leur catégorisation en un espace qui privilégie l'affect intrahémisphérique au sud (A) et une assistance des regroupements globaux (B).

A. L'affect intra-hémisphérique au sud et le soutien à la transparence des industries extractives

L'Union africaine et l'Organisation Internationale de la Francophonie sont les socles de la démonstration de la pertinence de l'Etat dans l'initiative à travers les organisations intergouvernementales du sud.

1. L'Union Africaine et la transparence des industries extractives : un soutien timide

Parmi les regroupements intergouvernementaux qui ont annoncé leur soutien à l'initiative, l'Union Africaine est particulière en raison du nombre de pays de son espace qui implémentent les principes EITI, et de la superficialité de son soutien. En effet, avec plus de quinze pays dans l'initiative, l'Union n'a pas manifesté collectivement un grand engouement quant au soutien de l'initiative et malgré les engagements contenus dans plusieurs textes de base de l'Union, et qui rattachent le développement durable à la bonne gouvernance. Peut-être cela est-il dû à la crainte que suscite l'initiative par rapport à la souveraineté des Etats dont le respect est l'un des principes fondateurs de l'Union. L'explication peut également résider dans l'esprit de l'article 21 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui dit : « Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles ; ce droit s'exerce dans l'intérêt exclusif des populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être privé1».

En réalité, l'argument de la superficialité du soutien de l'Union africaine se fonde sur un certain nombre de faits. Pendant que l'Acte constitutif de l'Union ratifié par 53 pays africains fixe au nombre de ses objectifs la promotion des principes et des institutions démocratiques,

1 Voir la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples adoptée en juin 1981 à Nairobi dans le site www.union-africaine.org/

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la participation populaire et la bonne gouvernance1, alors que le respect des principes démocratiques, des droits de l'homme, de l'état de droit et de la bonne gouvernance figure en bonne place dans l'Acte2, la Commission de l'Union Africaine n'a accordé à l'initiative qu'un soutien partagé, au sein d'un partenariat stratégique avec la Commission Européenne. En effet, aucune déclaration commune à l'issue d'un sommet ne porte comme cela a été le cas pour les communiqués finaux des sommets du G83, une invitation des pays à adhérer et à soutenir l'initiative4. La généralité des appels à soutenir un développement durable par la bonne gouvernance est-elle le signe de la prudence diplomatique qui évite de blesser les susceptibilités ? Toutefois, l'on notera que quoique timidement, l'Union a déclaré soutenir l'initiative en partenariat avec l'Union européenne, dans le cadre d'un ambitieux plan de relance du secteur de l'énergie lors d'une réunion tenue à Bruxelles le 8 septembre 2008. Il faut espérer que l'adhésion individuelle des pays africains à l'initiative porte un jour au sein de la Commission une majorité suffisante pour qu'un soutien franc et massif soit apporté à l'adhésion aux principes de EITI.

2. La Francophonie ou l'unité linguistique au service du développement durable

C'est sous l'impulsion de Léopold Sédar Senghor du Sénégal, Habib Bourguiba de Tunisie, Hamani Diori du Niger et du Prince Norodom Sihanouk du Cambodge, que les représentants de 21 Etats et gouvernements ont signé à Niamey, le 20 mars 1970, la Convention portant création de l'Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT)5. C'est bien plus tard que la France va récupérer le projet de ces chefs d'Etats qui voulaient par cette organisation fondée sur le socle linguistique, contrer l'influence anglosaxone au sein de l'OUA. Par la mue de ses institutions, l'ACCT devient l'Agence de la Francophonie en 1997

1 Objectif (g) de l'article 3 de l'Acte constitutif relatif aux objectifs de l'Union Africaine

2 Principe (m) de l'article 4 de l'Acte constitutif relatif aux principes de l'Union Africaine. Il faut même ajouter qu'il existe un Comité technique spécialisé chargé de l'industrie, de la science et de la technologie, de l'énergie, des ressources naturelles et de l'environnement (article 14 (d) de l'Acte constitutif de l'Union). Autant de choses qui laissent penser que l'Union devait accueillir avec enthousiasme l'initiative mais il n'en est rien. Peut-être la crainte de la perte de souveraineté de certains chefs d'Etats a eu raison de l'intérêt général qu'aurait pu promouvoir une certaine transparence dans la gestion des revenus des industries extractives.

3 Depuis Evian, les sommets du G8 insistent systématiquement sur la nécessité pour les pays en voie de développement d'adhérer à EITI pour permettre par une gestion transparente des revenus des ressources du soussol, un décollage de leurs économies.

4 Depuis la déclaration de Syrte en février 2004 c'est-à-dire l'année qui a suivi le lancement officiel de l'initiative par la première conférence de Londres, jusqu'à la déclaration d'Addis-Ababa faite lors de la douzième session ordinaire de février 2009, aucune ne fait mention à l'initiative de transparence des industries extractives à laquelle les pays seraient conviés à adhérer pour le développement du continent.

5 Voir le site www.francophonie.org

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après une révision de sa charte. En 1998 à Bucarest, la conférence ministérielle prenant acte
de la décision du Conseil permanent de la Francophonie, adopte l'appellation de

l' « Organisation Internationale de la Francophonie ».

La déclaration de Hanoi de novembre 1997 commence à insister sur la nécessité de renforcer la dimension économique de la Francophonie. Elle exprime cette nécessité en ces termes :

« Conscients de la nécessité de renforcer la dimension économique de la Francophonie pour que, de pair avec ses dimensions culturelle et politique, elle assure la pérennité de la Francophonie dans le monde d'aujourd'hui et de demain, et reconnaissant l'urgence de répondre au besoin de développement de nos peuples, comme l'indique le thème du Sommet de Hanoi : « Renforcement de la coopération et de la solidarité francophones pour la paix et le développement économique et social1 ».

Lors du Xème sommet des chefs d'Etats et de gouvernements de la Francophonie tenu en novembre 2004 à Ouagadougou, les membres ont adopté les nouvelles missions stratégiques de l'organisation qui sont résumées dans l'article premier de la Charte de 2005 qui dit :

« La Francophonie, consciente des liens que créent entre ses membres le partage de la langue française et des valeurs universelles, et souhaitant les utiliser au service de la paix, de la coopération, de la solidarité et du développement durable, a pour objectifs d'aider : à l'instauration et au développement de la démocratie, à la prévention, à la gestion et au règlement des conflits, et au soutien à l'État de droit et aux droits de l'Homme ; à l'intensification du dialogue des cultures et des civilisations ; au rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle ; au renforcement de leur solidarité par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l'essor de leurs économies ; à la promotion de l'éducation et de la formation. Le Sommet peut assigner d'autres objectifs à la Francophonie ».

Ainsi, les initiatives qui oeuvrent à l'atteinte des buts de développement contenus dans les objectifs du millénaire pour le développement, trouvent la sympathie de la Francophonie, surtout le développement durable qui s'appuie entre autre sur la gouvernance démocratique2.

1 Paragraphe 3 de la déclaration de Hanoi de novembre 1997

2 A ce sujet, le paragraphe 5 de la déclaration de Québec dit que les membres de l'organisation sont:
« Convaincus de la nécessité d'oeuvrer conjointement, au sein d'un espace francophone solidaire, pour apporter,
par des actions ciblées, une valeur ajoutée en faveur de la paix, de l'Etat de droit, de la coopération et du

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Elle s'est donc engagée à l'issue du sommet de Québec tenu du 17 au 19 octobre 2008, à promouvoir une meilleure gestion des ressources, en soutenant les efforts déployés par les institutions financières internationales pour élaborer des normes et codes susceptibles d'être adoptés par les pays membres ; à promouvoir la transparence, la responsabilité et la bonne gouvernance dans le secteur des industries d'extraction, notamment en vue de prendre en compte la dimension des « ressources naturelles » dans les conflits armés et les situations de sortie de crise ; à encourager à cet égard une adhésion plus large à l'Initiative pour la Transparence des Industries d'Extraction (ITIE) dont font déjà partie 14 pays appartenant à la Francophonie, notamment par l'appui aux candidatures des pays membres de la famille francophone 1».

B. L'assistance politique des regroupements globaux pour des industries extractives transparentes

Deux organisations nous semblent illustrer l'importance de l'actorité de l'Etat par son rôle au sein des organisations intergouvernementales, dans la mesure de leur engagement dans l'initiative.

1. La transparence des industries extractives dans l'espace d'action de l'OCDE

L'Organisation pour la Coopération et le Développement en Europe (OCDE) a annoncé son soutien à l'initiative dès 2003, lors de la première conférence internationale tenue à Londres. En mars 2005 lors de la seconde conférence, l'organisation était présente et à chaque occasion, elle réitérait la nécessité pour les deux institutions de coopérer en raison des similitudes noyées dans les objectifs poursuivis par elles. A l'occasion de la conférence internationale d'Oslo, M. Manfred Schekulin, directeur du comité des investissements de l'OCDE disait le 25 octobre 2006:

«As Chair of the OECD Investment Committee, I would like to convey the Committee's continued strong support for the Extractive Industries Transparency Initiative's (EITI) efforts to improve governance in resource-rich countries... I would now like to call to your attention the recent adoption at a high political level (in the OECD Council) of two investment instruments that complement and reinforce EITI's aims» (en tant que directeur du comité d'investissement de l'OCDE, je voudrais conduire le soutien solide du comité aux efforts de

développement durable » pour marquer sa conscience de l'impératif de soutenir ces aspects de la vie sociale comme gage d'une réussite de la Francophonie.

1 Paragraphes 38, 39 et 40 de la déclaration de Québec du 19 octobre 2008.

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l'initiative de transparence des industries extractives pour l'amélioration de la gouvernance dans les pays riches en ressources...Je voudrais à présent attirer votre attention sur la récente adpotion à un niveau élévé (le conseil de l'OCDE), de deux instruments d'investissement qui complètent et renforcent les objectifs de EITI).

En effet, le soutien que l'OCDE accorde à l'initiative se fait dans le cadre de deux outils qu'il a mis sur pied dans le but d'améliorer la gouvernance dans les pays de son giron d'action. Il s'agit du Policy framework for investment et de l'OECD risk awareness tool for multinational enterprises in weak governance zone. Ces deux instruments sont développés dans le cadre du comité des investissements de l'OCDE qui est l'interlocuteur direct de l'initiative dans cette organisation. L'un des instruments est destiné aux Etats qui recherchent des investissements pour leur développement (a) et l'autre est au service des entreprises qui souhaitent investir dans certains pays (b).

a) Le Cadre d'Action pour l'Investissement1

Le cadre d'action pour l'investissement est un élément de l'initiative pour un investissement au service du développement lancée à Johannesburg en novembre 2003. Il a été adopté en mai 2006 par le conseil de l'OCDE qui est l'organe suprême de l'institution. Il est bâti autour de dix points qui sont : La politique d'investissement, la promotion et facilitation de l'investissement, la politique commerciale, la politique de la concurrence, la politique fiscale, le gouvernement d'entreprise, les politiques en faveur d'un comportement responsable des entreprises, la mise en valeur des ressources humaines, le développement des infrastructures et du secteur financier et la gouvernance publique.

Parmi ces dix points, le dernier à savoir la « gouvernance publique » est intimement lié à la transparence que promeut l'EITI. C'est là la zone de congruence entre le cadre d'action pour les investissements et l'initiative. Ce point se décline en neuf questions dont l'avant dernière s'interroge sur l'existence par le fait du gouvernement, des mécanismes d'examen pour évaluer l'application des lois et règlements relatifs à la lutte contre la corruption et l'intégrité. L'ultime question de ce point est ainsi libellé : « Le gouvernement est-il partie à des initiatives internationales visant à lutter contre la corruption et à améliorer l'intégrité du secteur public ? Quels mécanismes sont mis en place pour assurer l'application efficace et en

1 D'après le texte original en anglais, il est appelé OECD Policy Framework for Investment

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temps voulu des conventions de lutte contre la corruption ? Ces mécanismes contrôlent-ils l'application et l'exécution des lois anti-corruption mettant en oeuvre les conventions ? ». Il semblerait que l'initiative qui est en réalité un microcosme dans le macrocosme de la lutte contre la corruption et pour la bonne gouvernance, trouve l'espace de son émulation dans ce dixième point du cadre d'action pour l'investissement.

b) L'outil de sensibilisation au risque de l'OCDE destiné aux entreprises multinationales opérant dans les zones à déficit de gouvernance1

Le second instrument de l'OCDE qui offre un espace de congruence avec l'initiative est l'outil de sensibilisation au risque. Destiné aux entreprises multinationales qui veulent investir, cet outil s'intéresse aux risques et aux dilemmes éthiques auxquels font face les entreprises dans les pays à déficit de gouvernance2. Il a été développé dans le cadre du suivi des investissements de l'OCDE par le Comité des investissements en collaboration avec d'autres corps de l'OCDE3. Après une large consultation qui a abouti à la collecte de 64 contributions, l'outil a été adopté le 8 juin 2006 lors d'un conseil de l'OCDE, conformément à la recommandation du communiqué final du sommet du G-8 tenue à Gleeneagles en 20054 qui demandait que l'OCDE développât un guide à l'usage des multinationales opérant dans des zones à faible gouvernance. L'idée que soutient cet instrument est que les problèmes de développement ne peuvent être résolus qu'avec le concours des populations et des dirigeants des zones concernées, car ils sont mieux à même d'implémenter les reformes qui s'imposent pour leur développement.

Cet instrument propose sept questions que doivent se poser les entreprises quand elles veulent investir dans un pays. Elles vont de l'obéissance aux lois et l'observance des instruments internationaux au rôle des affaires dans les sociétés à faible gouvernance, en passant par la connaissance des partenaires et clients dans les affaires, les activités politiques et la possibilité de s'exprimer sur les mauvaises pratiques.

1 En anglais OECD Risk Awareness Tool for Multinational Enterprises in Weak Governance Zone

2 Appelées « weak governance zone » dans le document elles sont définies comme: « Investment environment in which government cannot or will not assure their roles in protecting rights, providing basic public services and ensuring that public sector management is effective ». Page 11 de l'OECD Risk Awareness Tool for Multinational Enterprises in Weak Governance Zones

3 Notamment le groupe de travail sur la corruption dans les transactions internationales d'affaire, le réseau du comité de développement de l'assistance sur les conflits, la coopération sur la paix et le développement et le comité de la gouvernance publique en plus des ONG.

4 Voir le communiqué final du sommet de Gleeneagles, au paragraphe 10C consacré à l'Afrique.

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Les entreprises sont vivement conviées à rejoindre dans le cadre du premier point, des initiatives telles que l'EITI pour favoriser par leur engagement, la lutte contre la corruption dans les secteurs comme les industries extractives. Par ailleurs, l'outil s'assure que les entreprises collaborent avec d'autres entreprises et les gouvernements, dans l'optique de publier les rapports fiables et transparents de leurs activités. Surtout, les informations relatives à leurs activités et aux taxes diverses qu'elles versent aux gouvernements hôtes. Le rôle des entreprises dans le défi du développement dans les zones à faible gouvernance est capital dans l'élargissement des partenaires au développement, à l'image de EITI qui s'ouvre à la société civile pour créer un espace de concertation, le septième point qui s'articule autour du rôle des affaires dans les sociétés à déficit de gouvernance insiste sur la nécessité des entreprises de s'interroger sur l'implication des autres secteurs de la société dans la problématique du développement.

2. Les objectifs de développements des Nations Unies et la transparence des industries extractives

Les Nations Unies sont l'architecte du cadre global qui sert de substrat à la transparence des industries extractives. Leur soutien à l'initiative relève donc de l'automaticité. La déclaration du Millénaire qui est la matrice des Objectifs du Millénaire pour le Développement a été présentée comme un tournant dans l'existence des Nations Unies en raison des buts qu'elle fixait pour l'humanité. Mais, cette déclaration a également le mérite d'avoir accouché d'un esprit propice au développement, qui a fixé des objectifs quantifiables et comportant un délai dans le temps1. La poursuite des huit objectifs1 fixés par les Nations Unies comme buts à

1 C'est un mérite que ne manque pas de souligner le secrétaire général Kofi Annan dans le rapport 2005 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement quand il dit dans l'avant-propos: « En quoi les Objectifs du Millénaire sont-ils si différents? Ils ont quatre particularités. En premier lieu, ils sont axés sur l'homme, ils ont des délais précis et ils sont quantifiables. En deuxième lieu, ils supposent la formation d'un partenariat mondial et ne cachent pas le fait que les pays en développement doivent balayer devant leur propre porte et les pays développés les y aider. En troisième lieu, ils jouissent d'un soutien politique inédit, ils sont acceptés au plus haut niveau dans les pays développés, les pays en développement, la société civile et les grands organismes de développement. En quatrième lieu, ils sont réalisables. L'année 2005 est capitale pour la réalisation des Objectifs du Millénaire. En septembre, c'est-à-dire cinq ans après l'adoption de la Déclaration du Millénaire et 10 ans avant l'échéance des délais, les dirigeants du monde entier se réuniront à l'ONU, à New York, pour voir comment les promesses ont été accomplies et décider de ce qu'il faudra encore entreprendre. Sous beaucoup d'aspects, le travail de 2005 sera beaucoup plus difficile qu'en 2000 : il ne s'agira plus de fixer des objectifs, mais de décider des moyens de les atteindre ». L'on peut penser effectivement qu'il s'agit là d'un tournant décisif de l'ONU dont les buts et principes tels qu'énumérés dans la Charte ne font guère mention du développement durable. Mais la conscience des menaces à la paix et à la sécurité que comporte la pauvreté et l'inégale répartition des ressources qui sont le fait de la corruption et de la gestion catastrophique des revenus des ressources naturelles, a entraîné ce virage qui prend en compte les objectifs de développement en vue

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atteindre avant 2015 a justifié le lancement de moult initiatives sous la férule de l'ONU, cherchant la formule appropriée pour que décollent enfin les économies attardées du globe. A Monterrey, l'ONU a réuni les chefs d'Etats et de gouvernements pour financer le développement, comme l'indique le rapport final de la conférence :

«We the heads of State and Government, gathered in Monterrey, Mexico, on 21 and 22 March 2002, have resolved to address the challenges of financing for development around the world, particularly in developing countries. Our goal is to eradicate poverty, achieve sustained economic growth and promote sustainable development as we advance to a fully inclusive and equitable global economic system» (nous chefs d'Etats et de gouvernements reunis à Monterrey au Mexique, le 21 et 22 mars 2002, avons resolu de nous pencher sur les défis du financement du développement dans le monde, particulièrement dans les pays en développement. Notre but est d'éradiquer la pauvreté, de réaliser une croissance économique durable et de promouvoir un développement durable alors que nous avançons vers un sytème économique mondial totalement inclusif et équitable).

L'on peut penser que cette quête de développement par les Nations Unies est également au principe de l'ajout d'un dixième point au Pacte Global qu'elles ont initié en 1999 et qui a été lancé dans sa phase opérationnelle le 26 juillet 2000. En effet, depuis le 24 juin 2004, le Pacte Mondial compte un dixième principe relatif à la lutte contre la corruption. C'est tout naturellement donc que les Nations Unies se sont engagées à soutenir l'EITI qu'elles ont presque engendrée. En effet, dès le 21 décembre 19522, l'ONU s'est inscrite dans la logique de la défense du droit des peuples à exploiter librement leurs ressources naturelles, conformément à l'article 1 alinéa 2 de la Charte qui énonce comme but de l'Organisation inter alia, de développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples à disposer d'eux-mêmes. Principe réitéré dans la résolution 1314/XIII qui fait des recommandations concernant le respect sur le plan international du droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes.

d'assurer la paix, la sécurité, la coopération internationale et les relations amicales entre les nations, fondées sur le respect de l'égalité et de la souveraineté des peuples.

1 Il s'agit par ordre et selon les Nations Unies, d'éliminer l'extrême pauvreté et la faim, d'assurer l'éducation primaire pour tous, de promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, de réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans, d'améliorer la santé maternelle, de combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies, d'assurer un environnement durable et enfin, de mettre en place un partenariat mondial pour le développement

2 Voir la résolution 626/VII de l'Assemblée générale du 21 décembre 1952 mais également les résolutions 1515/XV du 15 décembre 1960 et surtout la résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1962 sur la «Souveraineté permanente sur les ressources naturelles».

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 123 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

Le droit des peuples à exploiter librement leurs ressources naturelles s'est souvent heurté à la corruption entre autres écueils aussi, l'adoption en 2003 par les Nations Unies d'une Convention contre la corruption1 et leur engagement au sein de l'initiative s'est traduit par une résolution de l'Assemblée générale votée le 11 septembre 2008 à l'unanimité. Cette résolution introduite par une vingtaine de pays2, appelle les pays membres des Nations Unies à adopter et à implémenter la transparence notamment dans les industries, comme elle est déjà mise en oeuvre dans les industries extractives. Les Nations Unies continuent ainsi dans leur lutte contre la pauvreté comme modalité déterminante pour la paix et la stabilité, de soutenir ou d'initier des espaces pour la gouvernance et la lutte contre la corruption dans le monde.

D'une façon générale, le soutien des organisations intergouvernementales à EITI a des incidences sur la souveraineté des Etats d'accueil. Il démontre l'ambiguïté et l'équivoque que soulève Badie à propos du multilatéralisme et de la régionalisation3. Lorsque l'Etat qui reçoit le soutien est membre de l'organisation qui soutient EITI, il rentabilise son appartenance à cette organisation, tout en oeuvrant à conserver sa souveraineté. De l'autre côté, l'organisation de par son implication, va revendiquer un droit de regard sur l'usage des moyens alloués et donc, rendre relative la souveraineté de l'Etat d'accueil. Quand l'Etat qui reçoit le soutien n'appartient pas à l'organisation, comme par exemple les Etats africains qui ne font pas partie de l'OCDE, il s'agit d'un jeu équivoque dans lequel l'un tire les rentes de situation, et l'autre étend l'influence des Etats qui la constitue. Manifestement, le soutien des organisations intergouvernementales dramatise les logiques d'une intégration recherchée autour d'une valeur communément partagée, et la « réinvention de la puissance ». Autrement dit, cette irruption du social qui se traduit entre autre par les regroupements multilatéraux et régionaux, favorise la mise en valeur de la morale de la transparence. Mais, comme l'on est en présence d'une cohabitation de la puissance et de la morale, les organisations de type FMI, OIF et même les organisations régionales deviennent des espaces de recréation de la puissance où la souveraineté se donne à voir dans sa matité. D'où peut-être l'hésitation de l'UA qui est constitué d'Etats fiers de leurs souverainetés et donc, ne sauraient encourager une initiative

1 Pour plus de détails, voir http://www.unodc.org/unodc/en/crime convention corruption.html.

2 Il s'agit d'une résolution instiguée l'Azerbaïdjan et co-sponsorisée par l'Australie, la Belgique, le Canada, le Congo, la France, l'Allemagne, l'Irak, l'Italie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Liberia, la Moldavie, les Pays Bas, le Nigeria, la Norvège, le Pérou, la Sierra Leone, l'Espagne, le Timor-Leste, la Turquie, le Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande de Nord et le Yémen

3 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit. Chapitres 4 et 5. Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, op. cit. Chapitre 6.

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qui promeut l'érosion de leur essence. Deux réalités se dégagent en somme : le soutien des organisations intergouvernementales est le signe que la souveraineté est devenue responsable, car elle a le souci de la commodité de vie de l'autre proche ou lointain1. Et, les organisations intergouvernementales offrent le spectacle d'une réinvention de la puissance de l'Etat2.

En conclusion, la complexification de la scène internationale3 est un fait avéré, démontré par la profusion des acteurs qu'implique le caractère complexe des problèmes. Cet état de fait est au principe du lamento que certains auteurs relevant du courant décliniste entonnent sur l'Etat. L'initiative de transparence des industries extractives constitue comme beaucoup d'autres initiatives lancées dans des secteurs aussi divers et variés que les forêts, l'éducation, le gender empowering, la santé etc... un espace où la multilatéralité induite par les politiques publiques en quête d'efficacité, peut comporter l'illusion du déclin de l'Etat. Il convient de ne pas perdre de vue l'objectif de ce chapitre. Il est la tribune du plaidoyer de la rémanence de l'Etat dans un contexte où la complexification des problèmes rend incontournable l'intégration des autres acteurs de la société dans la quête des solutions. Aussi, toute la problématique autour de la fin des souverainetés trouve-t-elle sa genèse dans cette excroissance des acteurs qui laisse penser à l'obsolescence d'un contrôle sur le territoire par l'Etat. Peut-être l'illusion est-elle entretenue par la fixation sur l'Etat providentiel et omniprésent qui dans sa logique de centralisation des polycentrismes, ou dans ses prérogatives évidentes en temps de guerre et dans la reconstruction post-guerre, de même que dans sa capacité de juguler les crises économiques, avait habitué la population à une présence totale. Alors que la crise économique et financière née aux Etats-Unis autour des subprimes et des hedge fund en été 2007 pourrait conduire à une célébration nostalgique de l'Etat-total comme seule solution, le paradoxe de la situation qui s'apparente au dilemme aronien4,

1 Badie B. Un monde sans souveraineté, op. cit.

2 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit. pp. 163-179.

3 James N. Rosenau relevait déjà cette complexité dès le début de la décennie 1990 lorsqu'il proposait le passage de la notion de relations internationales qu'il frappait d'obsolescence, à celle de « politique internationale ». Mais du fait des nouvelles structures et des nouveaux procédés, la complexité était telle qu'il est allé plus loin en formulant le concept de « politique post-internationale ». Rosenau N. James (1990) Turbulence in world politics: A theory of change and continuity. New Jersey: Princeton University Press.

4 En effet, même si la réalité de la présence des autres acteurs dans l'espace international et la pertinence de leur action dans les Etats sont indiscutables, le monde qui fait face à une crise ne peut compter que sur l'Etat. C'est dire que pendant que les acteurs du marché et de la société civile espèrent le retrait de l'Etat, il est advenu une situation de dépression économique et financière qui nécessite l'action de l'Etat. Ce dilemme en soit constitue un revers aux thèses du déclinisme mais puisque tempus edad homo edacior, il serait peut-être prématuré de célébrer le sacre de l'Etat éternel comme solution à la première dépression du troisième millénaire et donc, comme une entité irremplaçable.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 125 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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conforte dans l'idée que l'Etat est encore un acteur pertinent dont le déclin a été prématurément annoncé.

Seul ou engagé dans une mouvance communautaire, l'Etat se présente comme une entité incontournable pour la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives. Détenteur d'une autorité rendue relative sur un territoire lui même discuté par des acteurs privés, l'Etat cède ce qui lui reste d'autorité à l'initiative, il régule mieux, coordonne les opérations de transparence dans l'espace de son autorité. Lorsqu'il n'est qu'un soutien à la mise en oeuvre sur un Etat autre, il finance, soutient dans les instances intergouvernementales politiques et économiques les efforts de transparence. L'Etat demeure donc pertinent comme acteur sur la scène internationale.

En empruntant au vocabulaire théâtral comme cela se fait depuis des décennies avec les termes tels que l'acteur et la scène, l'on peut pousser la logique théâtrale plus en avant en pensant que, de même que la scène dispose de deux côtés (côté Cour et côté Jardin), aussi vrai que le don d'ubiquité n'est pas de cet ordre, de même la scène internationale a autant de place pour l'Etat que pour d'autres acteurs. Chacun jouant un rôle, entrant en lien social avec les autres, en raison des enjeux qu'offre l'espace international. La cascade des autorités qui fait l'objet du chapitre suivant, ne consume pas la pertinence de l'Etat mais au contraire, elle valide l'hypothèse de la complexité qui est le signe de la relativité de la souveraineté qui, loin d'être rendue obsolète par cette excroissance d'acteurs, s'est transformée.

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Chapitre 2 : Cascade d'autorités à l'ère de la politique mondiale : le positionnement
marqué des firmes multinationales et des organisations non gouvernementales dans
l'EITI.

L'émergence d'une diplomatie parapublique a favorisé l'éclosion et l'émulation des acteurs privés dans l'arène internationale. La volonté d'aller au-delà de l'Etat ou de le transformer s'est traduite par une protubérance des acteurs privés transnationaux. Ainsi, la diplomatie parapublique désigne l'action internationale des acteurs privés mais qui n'est pas en rupture totale avec les intérêts de l'Etat. Il ne s'agit pas d'une diplomatie parallèle à celle de l'Etat qui donnerait naissance à ce que Anaïs Marin1, à la suite des auteurs tels que Panayotis Soldatos2 appelle la « paradiplomatie », c'est-à-dire une diplomatie qui est le fait des acteurs infraétatiques tels que la ville ou la région et qui se fait en contournant les canons de l'Etat. C'est donc une diplomatie portée par des acteurs privés intra-(extra) étatiques3, mais qui n'est pas totalement étrangère à l'Etat car ce dernier, par le fait « intermestique4 », y garde une certaine présence.

La réalité de la scène internationale en tant qu'espace changeant et changé, interdit la lecture simpliste de la politique internationale qui pourrait s'apparenter à une dyslexie. La profusion des acteurs est un fait avéré de même que l'usure de l'explication radicale des phénomènes politiques. Désormais, selon le constat de Alex Warleigh5, l'on est passé des relations internationales traditionnelles animées par les Etats seuls sous les conditions d'anarchie à une étude de la politique mondiale qui implique un changement des grilles de lecture. La théorie

1 Anaïs Marin op. cit.

2 Voir par exemple : Panayotis Soldatos « Cascading subnational paradiplomacy in an interdependant and transnational world » in Earl H. Fry & Douglas M. Brown (ed.) States and provinces in the international economy, Berkeley : University of California Institute of governemental studies press, 1993, chapitre 2, pp. 45- 64.

3 Nous postulons ipso facto le dépassement de l'opposition entre les concepts de « sovereignty bound » et de « free-sovereignty actors » par lequel James Rosenau désigne les acteurs privés qui échappent à l'emprise de l'Etat et ceux qui sont confinés dans les limites territoriales des Etats car nous estimons dans le cadre de cette étude que l'interconnexion des choses publiques et privées dans ce sens, explique en même temps que la complexité mais également, donne du sens à notre hypothèse de la transformation de la souveraineté. Désormais, la souveraineté trouve une attitude sur-mesure par rapport à tous ces acteurs et devant toutes les situations. Voir James Rosenau (1990) Turbulence in World Politics: A theory of Change and Continuity. Princeton: Princeton University Press, P.36

4 C'est un néologisme dont la paternité est attribuée à Bayless Manning l'ancien président du Council for Foreign Relations au USA. Par ce terme, il traduit l'interconnexion des affaires domestiques avec celles internationales dans la définition de la politique étrangère d'un Etat. Anaïs Marin op. cit. p.38.

5 Warleigh, Alex «Learning from Europe? EU studies and the re-thinking of international relations », European Journal of International Relations, vol. 12, n°1, pp. 31-51.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 127 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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de la gouvernance globale1 devient ainsi l'instrumentum laboris pour les analystes de la scène internationale. Ce constat partagé par le professeur Luc Sindjoun qui dit: «The evolution is toward the crisis of national monopoly in which the global perspective is becoming important...The process and context of globalization reconfigure the concept of sovereignty. The epistemological obstacle is the attachment to Westphalia as a founding myth of international relations2 » (l'évolution tend vers une crise du monopole national dans laquelle la perspective globale devient importante...Le processus et le contexte de mondialisation reconfigure le concept de souveraineté. S'attacher à Westphalie comme mythe fondateur des relations internationales est un obstacle épistémologique), implique une considération des acteurs autres que l'Etat dans la définition et la mise en oeuvre des politiques étatiques devenues de plus en plus mondiales de par leur impact et l'attente qu'elles inspirent dans la résolution des défis globaux. Cette réalité3 n'use pas tous les possibles lorsqu'on pense la souveraineté. La profusion des acteurs, si elle est conditionnée par les défis et la complexification de la politique mondiale, ne signifie pas la fin de la souveraineté. C'est pourquoi le professeur Sindjoun poursuit en disant: «Meanwhile it is excessive to proclaim the end of sovereignty, sovereignty still makes sense in international relations through new meanings and specific uses4» (pendant qu'il est excéssif de proclamer la fin de la souveraineté, celle-ci continue de faire sens dans les relations internationales à travers des significations nouvelles et des usages spécifiques). Telle est la conviction qui irrigue cette étude et la démonstration de la multi-actorité participe de cette démonstration des transformations de la souveraineté. Au nombre des acteurs privés dont l'action est proéminente, deux ont retenu l'attention en raison de leur implication dans l'EITI, objet de cette étude. Il s'agit des organisations non gouvernementales en tant que composantes de la société civile (section 1) et des firmes impliquées dans l'activité extractive qui représentent le marché comme l'un des angles du triangle que forment l'Etat, la société civile et le marché (section 2).

1 Par cette théorie, Robert E Kelly ajoute un quatrième acteur au modèle des Relations Internationales en plus des Etats, des organisations internationales et des firmes multinationales ; cet acteur est l'ONG. Kelly E. Robert « From International Relations to global governance theory: Conceptualizing NGOs after the Rio breakthrough of 1992 » Journal of Civil Society, vol. 3, n°1, pp. 81-99, 2007.

2 Sindjoun Luc « Transformation of International Relations: Between change and continuity » International Political Science Review, vol.22, n° 3 p. 220 et 223, 2001.

3 James Rosenau dit au sujet de cette complexité qu'il qualifie de chaos: « Indeed, we are on the verge of living in a world (...) which constitute one single economic system, within which private transnational actors allocate resources with global calculus » Rosenau James « Patterned chaos in global life: structure and process in the two worlds of world politics »International Political Science Review, vol. 9, n° 4, p.327, 1988.

4 Sindjoun, idem.

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Section 1 : Les ONG dans le défi de la gouvernance globale : des promoteurs du « marché de la pitié » dans la transparence des industries extractives

La littérature actuelle sur les organisations non gouvernementales rend obsolète le constat de Norbert Götz. En effet, ce dernier considère que malgré l'attention croissante accordée aux ONG durant la décennie 1990, celles-ci ne sont pas encore suffisamment comprises1. Il pense d'ailleurs que cette compréhension partielle des ONG est entretenue par une certaine négligence qui explique que les deux ouvrages majeurs des relations internationales publiés entre 1995 et 2005 ne font pas référence aux ONG. Il s'agit pense-t-il de Social Theory of international politics de Alexander Wendt (1999) et de Tragedy of Great Power Politics de John Mearsheimer (2001). Par-delà les chapelles théoriques qui peuvent sous-tendre pareille allégation, il est un fait à savoir que le phénomène de l'«ongéisation » est un des traits dominants des façons contemporaines de faire la politique. L'exigence de la gouvernance globale interdit la marginalisation des acteurs privés avec un potentiel cathartique avéré face aux défis actuels. Toutefois, l'importance prise par ces organisations dans la définition des agendas internationaux des Etats ou au sein des organisations internationales dont Sydney Tarrow dit qu'elles servent de « récif de corail » aux acteurs non-étatiques (les ONG inter alia), occulte généralement ou favorise une utilisation confuse avec le concept de la société civile. Cette section a l'ambition de rendre raison de la charge heuristique mais aussi politique des organisations non gouvernementales dans les processus complexes de la politique internationale. Ce faisant, l'EITI va servir de talweg sur lequel coule le fleuve de la réflexion non gouvernementale, en deux mouvements logiques. D'abord, un discours sur les organisations non gouvernementales en tant qu'acteurs de la politique internationale stricto sensu (paragraphe I), ensuite un examen pratique de la praxis des organisations non gouvernementales dans le cadre d'un espace précis attelé à faire corps et chose la transparence dans les industries extractives (paragraphe II).

Paragraphe I : Les organisations non gouvernementales : des acteurs de la société civile impliqués dans la promotion de la transparence des industries extractives

Nul ne peut s'exprimer sur les ONG sans se heurter à la société civile en tant que concept matriciel ou alors pierre sur laquelle on achoppe dans la poursuite du sens des premières. Aussi, une étude qui vise à analyser le rôle des organisations non gouvernementales doit-elle

1 Norbert Götz « Reframing NGOs: The Identity of an International Relations Non-Starter » European Journal of International Relations, vol. 14, n°2, pp. 231-258.

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restituer le couloir sémantique qu'elle va emprunter dès lors qu'il s'agit de penser que la société civile ne se réduit pas aux seules ONG mais que ces dernières, comme par le fait du levain, semblent s'assimiler à la société civile1.

A. La constitution d'une société civile internationale autour de EITI ou l'apport du social dans la construction d'un espace public dédié à la transparence des industries extractives

Ce paragraphe vise à démontrer que la survenue de EITI n'est pas ex nihilo mais, la suite logique d'un combat mené par une société civile constituée depuis la décennie 1990 sur plusieurs fronts et de façon disparate mais qui connaît avec l'initiative, une certaine structuration, un certain ordre. En cela, cette construction a été favorisée par trois éléments que Bertrand Badie2 place au centre de la « société ouverte », qui sert de lit à la construction d'une société civile transnationale autour de la transparence des industries extractives. La communication, premier de cette triade d'éléments, a connu une évolution exponentielle avec le développement des TIC. Cela a conduit à rendre possible les deux autres éléments à savoir l'interdépendance et la transnationalisation. Les détails de la formation d'une société civile dont Publish What You Pay est le moment paroxystique, ne trouvent de sens que parce que ces éléments pavent la voie. Aussi, une coalition internationale s'est-elle construite, mettant en commun des coalitions nationales. Cette émergence du social qui laisserait penser à une revanche3, donne naissance à des nouveaux bourgeois4 dont l'absence de démocratie5 et la distance vis-à-vis des populations6 laissent dubitatifs quand aux réels desseins.

1 Les textes fondateurs de l'initiative de transparence des industries extractives font mention de la société civile comme troisième ordre d'acteur qui avec les Etats et les firmes du secteur extractif, constituent les trois catégories à réunir autour de la table de la transparence. Mais, les organisations non gouvernementales sont les représentants de cette société civile, peut-être en raison des moyens et de l'expertise dont elles sont nanties, et dont ne disposent pas les autres composantes traditionnelles de la société civile telles que les syndicats, les églises etc...occupent la place qui est réservée à la société civile.

2 Badie B. Le diplomate et l'intrus, op. cit. Chapitre 2.

3 Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, op. cit. Voir particulièrement la troisième partie de l'ouvrage.

4 Badie B. Idem, p. 270.

5 Jan Aart Scholte « Global civil society: opportunity or obstacle to democracy? » Development Dialogue, n°49, pp. 15-28, 2006.

6 Eva-Etzioni Halevy « Linkage deficit in transnational politics » International Political Science Review, vol. 23, n°2, pp. 203-222, 2002. L'on peut également voir au sujet de cette configuration élitiste des nouveaux bourgeois internationaux, Johan Galtung « Un continent invisible : les acteurs non territoriaux. Vers une typologie des organisations internationales » in Georges Abi-Saab Le concept d'organisation internationale, Paris : UNESCO, 1980, pp. 74-75.

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Il convient de préciser d'entrée de jeu que le lancement de l'EITI est survenu à la suite d'une certaine cristallisation de l'activisme non gouvernemental au sujet des industries extractives. Cette cristallisation a donc une histoire et un cursus qui constituent la préhistoire de l'initiative, mais également le moment de la formation de la société civile qui se mettra en branle autour de EITI. Car, le moment de la contagion normative, le tipping point que Kathryn Sikkink et Martha Finnemore1 considèrent comme le moment où une certaine masse critique d'Etats adopte une norme, est en même temps que favorisé par cette société civile, mais aussi précédé par une intense activité de celle-ci dans des domaines aussi variés que l'environnement, les droits de l'homme, l'éducation, le gender empowering...Dans la mesure de cette étude, l'activité de la société civile sera considérée uniquement en rapport avec les domaines liés aux industries extractives ou dont celles-ci influencent la marche. Ainsi, l'activisme des ONG au sujet des violences autour de l'exploitation des ressources extractives, la dénonciation des impacts néfastes de leur exploitation sur l'environnement et le mépris des droits des populations riveraines et du « complexe de corruption2 » qui se développe autour des industries extractives, vont entre autre constituer la quintessence de cet espace. Etant entendu par ailleurs que, ces facteurs expliquent surtout la défense de la norme de la transparence comme facteur de résolution des problèmes que cause l'activité extractive. Le cas du Delta du Niger est dans ce cas, riche d'intérêt.

Les organisations non gouvernementales se sont très vite inscrites dans une posture de dénonciation des dérives autour des industries extractives. Le complexe formé autour de l'exploitation pétrolière et gazière dans les trois Etats pétroliers au Nigeria3 a offert l'occasion d'une activité débordante des ONG. Le rôle néfaste du pétrole dans le processus démocratique au Nigeria, tant au niveau fédéral qu'à celui des Etats, a été dénoncé à suffisance par les spécialistes des sciences sociales4, mais également par les ONG. L'abondante littérature qui restitue les enquêtes de Human Rights Watch sur la violence et l'impasse démocratique dans les Etats du Delta du Niger depuis la décennie 1990 traduit le souci de cette catégorie d'acteur

1 Sikkink K. et Finnemore M. op. cit. p.895

2 Par cette expression, Jean Pierre Olivier de Sardan entend : « la corruption, le délit d'ingérence, les détournements de fonds, le népotisme, les abus de pouvoir, les malversations diverses, le délit d'initié, la prévarication, le trafic d'influence et les abus de biens sociaux ». Lire De Sardan J.P.O. « L'économie morale de la corruption en Afrique » Politique africaine n° 63, octobre 1996 p.16

3 River State, Bayelsa State et Niger Delta State.

4 L'on peut notamment lire : Obi I. Cyril (2004.), »The Oil Paradox: Reflections on the Violent Dynamics of Petro-Politics and (Mis) Governance in Nigeria's Niger Delta, Africa Institute Occasional Paper No. 73, Pretoria: Africa Institute of South Africa, Obi I. Cyril « Is Petroleum `Oiling' or Obstructing Democratic Struggles in Nigeria? » Communication présentée lors de la 12ème assemblée générale du CODESRIA, Yaoundé, 2008.

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de transformer les comportements dans le secteur des industries extractives. La collusion entre les compagnies extractives dans le cadre d'un consensus opaque et les milieux politiques dans cette région précise a donné naissance à une privatisation de la violence par le fait d'un soutien aux mercenaires. Les relations présumées entre Alhadji Dokubo Asari, Ateke Tom et les élites locales du Delta1 ont plombé le processus démocratique mais pis encore, les populations minoritaires comme les Itsekeris ont pâti de la confiscation par leurs élites, du pouvoir au détriment des Ijaws et des Urhobos2. Cette situation prive donc les populations de leurs droits les plus primordiaux mais comporte aussi des conséquences sur le plan environnemental.

En effet, l'un des aspects lucratifs de l'activité des milices ethniques est le bunkering c'està-dire le vol du pétrole par le sabotage des pipelines. Il a été à la source de nombreux déversements de pétrole avec des impacts écologiques mais également des morts par calcinations des populations. Certaines fois, ces déversements sont accidentels et produisent des conséquences écologiques énormes et irréparables3. D'autres part, les torchères de gaz à ciel ouvert ont souvent été la cible des ONG environnementales qui fustigent cette forme de pollution. Au Nigeria, les ONG ont réussi par une plainte déposée contre Shell qui excelle dans cette pratique des torchères, à obtenir la condamnation de cette compagnie par une décision de la Haute Cour fédérale datée du 14 novembre 2005 et qui demandait à la compagnie Shell d'arrêter la pratique des torchères dans la communauté Iwerekhan dans l'Etat du Delta. Le gouvernement fédéral attentif aux plaintes des ONG environnementales au sujet de ces déversements de gaz à ciel ouvert, a ordonné qu'au 1er janvier 2008 cette pratique

1 Lire à ce propos: Human Rights Watch (2005) «Rivers and Blood: Guns, Oil and Power in Nigeria's Rivers State» A Human Rights Watch Briefing Paper, Human Rights Watch (2007), Criminal Politics: Violence, «Godfathers» and Corruption in Nigeria», vol. 19, n°. 16 (A), New York: Human Rights Watch, February; Human Rights Watch «La crise de Warri: le combustible de la violence», décembre 2003 vol. 15, n°.18 (A); Ikelegbe, A. (2006), «The Economy of Conflicts in the Oil Rich Niger Delta Region of Nigeria, African and Asian Studies, vol. 5, n°1.

2 Les Ijaws, les Urhobos et les Itsekeris sont les trois groupes qui peuplent la région du Delta du Niger.

3 En décembre 2007, nous avons visité la localité de Ubeji qui est un village Itsekeris dans la périphérie de Warri la capitale de l'Etat du Delta. Nous y avons visité un site de mangrove entièrement carbonisé par un incendie survenu six mois plus tôt après un déversement de pétrole de la raffinerie voisine de Warri. Cette mangrove qui est la mamelle nourricière du village, n'était plus propice à la pêche car selon les villageois, le poisson sentait du pétrole jusque dans ses entrailles. L'on s'est rendu compte de l'impact écologique mais également de l'incidence sur la vie quotidienne des populations de cette localité. Ce cas n'est qu'un exemple illustratif car, de Port Harcourt à Warri, surtout après la traversée du pont qui marque l'entrée dans l'Etat de Bayelsa, l'on est frappé par le degré de pollutions des bras du Delta qui sont ipso facto devenu inutiles pour ces populations de pêcheurs.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 132 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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connaisse une fin, condamnant à une amende de 100 dollars par mètre cube de gaz déversé, toute compagnie qui s'adonnerait davantage à cette pratique polluante1.

L'arrestation de l'ancien gouverneur James Onanefe Ibori2 de l'Etat du Delta au début de l'année 2008, pour corruption est seulement une illustration de collusions d'intérêt entre les politiques et les compagnies. Le concept de petro-politics développé par John Clark3 pour décrire le lien entre les sociétés pétrolières et les pouvoirs politiques mais également son incidence sur le développement économique des Etats, rend bien compte de la complexité de la situation. Les organisations non gouvernementales telles que le Secours Catholique, Oxfam, Open Society ont rendu publiques les collusions entre les classes politiques et les compagnies extractives. Elles ont souvent dénoncé cette situation qui n'est pas spécifique au Nigeria, et qui plombe les efforts de développement de certains pays. Les cas du Congo et du Gabon que rappellent les procès intentés par des ONG4 contre les présidents Obiang Nguema, Omar Bongo et Sassou Nguesso en 2008, sont révélateurs de ce consensus opaque que les ONG combattent bien avant le lancement de l'initiative. Aussi, convient-il de rappeler que l'objectif de cet espace n'est pas de discourir sur les fléaux qui ont conduit à la pensée d'une initiative de transparence dans les industries extractives mais, de dire qu'avant que l'initiative n'existe, il y avait une logique non gouvernementale antérieure de dénonciation des mauvaises pratiques dans le secteur extractif. Ainsi, l'initiative apparaît dès lors comme le continuum historique d'un processus enclenché par les ONG dans une perspective d'entreprenariat des normes.

1 A propos des activités des ONG contre la pollution au Nigeria l'on peut s'intéresser à ce que fait Environmental Right Action (ERA/Nigeria). L'un de ses leaders, Nnimmo Bassey a présenté beaucoup de papiers sur ces questions et bien d'autres lors des conférences internationales. On peut lire entre autre : Nnimmo Bassey «African Challenges with Democracy and Governance - Case Study Nigeria», paper presented at FoEI's IBGM Pre-conference on Democracy for Human Development, Social and Environmental Justice held Sunday

th th

4 to Monday 5 November 2007 at Manzini, Swaziland; Nnimmo Bassey «Environmental Impacts and the Vulnerability of Communities», Nnimmo Bassey «Oil, Environment and Crisis Economics» paper presented at the Niger Delta Roundtable held at Ibom Hall, Uyo, on Thursday, 1 November 2007; Nnimmo Bassey (2007) «The Environment and sustainability in the Niger Delta 2007-2017» working paper. Nnimmo Bassey «Environmental Impacts and the Vulnerability of Communities» paper presented at the ERA/OXFAM Workshop on EIA held in Warri, 9-11 April 2007

2 Accuse d'avoir détourné près de 80 millions de dollars, il s'en défendait le 27 septembre 2009 en arguant qu'il s'agit là d'un règlement de compte de la part du président Oumarou Moussa Yar'Adua qui voudrait l'obliger à le soutenir pour sa réélection en 2011.

3 Clark, John, «Petro-Politics in Congo» Journal of Democracy, vol. 8, n° 3, July 1997, pp. 62-76

4 Il s'agit de Transparency International, Sherpa et Global Witness entre autres, qui ont déposé une plainte au pôle financier du parquet de Paris en mai 2009.

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Le lancement du processus de certification de Kimberley en janvier 2003 est une autre résultante de l'activité des ONG qui à l'instar de Human Rights Watch et Global Witness en Angola et au Libéria, ont oeuvré pour que les « diamants de sang » soient exclus du circuit de vente1. En effet, le processus de Kimberley qui est soutenu par l'Assemblée générale et le Conseil de Sécurité des Nations Unies, et compte en 2007 soixante dix pays adhérents2 permet d'endiguer les effets nocifs des diamants extraits des zones de conflit et qui constituent donc une source et une ressource des conflits. Les diamants de RDC, d'Angola3 et du Libéria4 ont constitué l'élément essentiel dans les conflits recensés dans ces pays.

De même, le rôle des ONG a été notable dans les négociations en vue de la construction du pipeline Tchad-Cameroun. En effet, inquiètes des résultats négatifs de l'exploitation du pétrole dans d'autres pays, les ONG occidentales en connexion avec certaines autres de la sous-région ont dénoncé jusqu'au bout ce projet, arguant que les populations n'en tireront pas profit, que les revenus serviront à l'achat des armes et que le risque des nuisances environnementales potentielles est grand5. La coordination de nombre de ces ONG autour de la nécessité de la transparence en tant que début de solution à ces problématiques variées, a donné naissance à une coalition dont le rôle est central dans le lancement et la réalité de

1 Les ONG ont réussi avant le lancement du processus de Kimberley, d'obtenir un embargo sur les diamants angolais en 1998. Cependant, la contrebande avait rendu ardu le contrôle de la provenance des diamants car il fallait démontrer que les diamants proviennent bien de l'Angola et qu'ils étaient placés sur le marché par l'UNITA.

2 Le processus est rejoint en novembre 2007 par la République démocratique du Congo.

3 Le premier ministre angolais Aguinaldo Jaime, a lancé le 5 mars la campagne en vue de l'organisation à Luanda, en novembre 2008 d'un sommet mondial des diamants sous le thème : « la réputation du diamant ». Le lancement a été effectué depuis le Metro convention center de Toronto, au Canada où une délégation angolaise assistait à la convention des prospecteurs et entrepreneurs du Canada. Le but était de montrer une autre facette du rapport que l'Angola entretient désormais avec le diamant. (Jeune Afrique n° 2409 du 11 au 17 mars 2007 p.64)

4 Le rôle des diamants dans le conflit dans ce pays lui a valu de tomber sous le coup d'un embargo des Nations unies pour ce qui est de l'exportation de ses diamants. Cet embargo fut levé le 27 avril 2007 par le Conseil de sécurité qui a voté à l'unanimité pour la levée de l'embargo sur les exportations de diamants dans sa résolution 1753. Régulièrement reconduite depuis la résolution 1521 de 2003, cette mesure était l'une des priorités de la présidente Ellen Johnson-Sirleaf qui a ainsi exprimé son satisfecit. Soutenue par les Etats-Unis, cette décision dont la prochaine étape sera l'adhésion au processus de Kimberley, est également un signal fort envoyé à la communauté internationale pour qu'elle continue de soutenir la reconstruction de ce pays laminé par 14 ans de guerre (Jeune Afrique n° du 6 au 12 mai 2007 p.80

5 Il faut cependant noter que les points de vue au sein de la coalition des ONG étaient divergents. Pendant que les ONG locales espéraient que le projet apporterait au Tchad les moyens pour son décollage économique, les ONG étrangères, occidentales en générale, fortes de leur expérience dans le suivi des projets de cet ordre dans lesquels le groupe de la Banque mondiale est impliquée, ne se faisaient pas d'illusion et plaidaient pour une annulation pure et simple du projet. L'on peut penser que ces dernières ont eu raison car, l'annonce du retrait de la Banque mondiale du projet en 2008 et les preuves de l'usage des revenus du pétrole pour l'achat des armes malgré la loi 001 relative à la gestion du pétrole tchadien ont fini de convaincre que le pétrole du Tchad est plus un mirage qu'un miracle. C'est ce qui a fait dire à M. Samuel Nguiffo du Centre pour l'Environnement et le Développement (CED) que la Banque mondiale a fabriqué un nouveau tyran milliardaire car à l'entame du projet, Idriss Deby Itno était juste dictateur mais aujourd'hui il a en sa possession des comptes remplis de milliards. Voir l'article sur le nouveau dictateur milliardaire sur www.cedcameroun.org.

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l'initiative de transparence des industries extractives. Les liens communs à ces plaidoyers sont tissés par l'usage des TIC par l' « effet CNN » dont Bernard Kouchner1 est passé maître. En effet, la maîtrise de l'outil Internet et les relations développées par les ONG au sein du monde des médias sont d'un apport central dans la présentation horresco referens des méfaits de l'opacité sur les populations des Etats riches en ressources extractives. En plus des faits qui sont objets de la dénonciation, il se construit un réseau complexe de relations entre les acteurs de la société civile au Sud et ceux du Nord dans une logique mettant en exergue l'interdépendance et la maîtrise de la communication qui sert à deux niveaux. D'une part, la communication met en relation les divers protagonistes de la société civile de par le monde d'autre part, elle sert à renvoyer de façon brutale aux opinions publiques les faits crus de la misère des mondes et des peuples afin de susciter de la pitié. Les détails de la constitution d'une société civile autour de la transparence des industries extractives donnent sens à la trilogie communication-interdépendance-transnationalisation. Eu égard à l'expertise requise, à l'instruction exigée et au caractère fermé des réseaux, il en découle une catégorie que Badie appelle les « nouveaux bourgeois internationaux2 ». Cela, introduit un débat sur la légitimité des acteurs de la société civile et la représentativité des couches dont les problèmes sont au coeur de l'activisme. Les ONG sont la composante la plus visible et la plus active de cette société civile.

B. Considérations sémantique, historique et typologique autour des organisations non gouvernementales

1. Eléments de définition d'un acteur à l'identité vague

Le terme ONG proviendrait du système des Nations Unies3 qui les définit comme des « associations à but non lucratif impliquées dans le développement international à l'aide de programmes vers l'étranger ou d'actions locales liées aux problèmes du développement »4. Cette définition qui rend compte du double caractère interne/externe5 de l'action de l'ONG, ne précise pas qu'il s'agit d'abord d'une structure de droit interne. Bien qu'elle donne

1 Voir dans l'ouvrage de Pierre Péan, Le monde selon K. Paris : Fayard, 2009, comment M. Kouchner utilise les médias pour faire parler les évènements et les images dans un sens qui satisfait ses objectifs.

2 Badie B. La diplomatie des droits de l'homme, op. cit. pp. 270-274.

3 Il aurait été utilisé pour la première fois en 1949 par l'ONU.

4 Maradeix M-S. (1990) Les ONG américaines en Afrique, Paris : Syros. p.23.

5 Yves Beigbeder rappelle les définitions de l'Institut de droit international, du Conseil de l'Europe et de l'ECOSOC qui ne diffèrent des définitions de l'association selon la loi française de 1901 et l'article 60 du code civil suisse que par le rôle international qui s'ajoute aux éléments constitutifs qui sont surtout internes. Il existe en général une différence entre la définition des ONG selon les organisations intergouvernementales et les Etats nationaux chaque catégorie privilégiant le ressort de sa compétence. Beigbeder Yves (1992) Le rôle international des organisations internationales. Bruxelles et Paris : Bruylant &LGDJ p. 8-10.

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l'impression de définir plutôt une ONG internationale, Breton-le-Goff1évoque cet aspect quand elle dit : « Une ONG est une structure privée de droit interne regroupant des personnes privées ou publiques originaires de plusieurs pays et qui oeuvre sans esprit de lucre à la réalisation d'un but d'intérêt général international dans les pays autres que celui de sa fondation ». Quand elle a précisé la nature interne de l'acteur ONG, elle suscite un questionnement sur la destination internationale de son action. En effet, sa définition de l'ONG a la particularité d'ignorer que seul l'Etat a le droit d'avoir une action de portée internationale d'après l'école réaliste. Sa définition a donc un aspect pléonastique2. Samy Cohen définit l'ONG en disant : « Dans son acception originelle, la plus répandue, la notion d'ONG indique une association de solidarité internationale à but non lucratif, apostolique, pétrie de valeurs humanistes et indépendante des Etats ». Ainsi définie, l'ONG « pétrie de valeurs humanistes et indépendante des Etats »3 serait en quelque sorte le porte-fanion d'une système international pacifié et angélique. Il exorcise l'ONG de toute intention de contradiction vis-à-vis de l'Etat en même temps, en fait tout simplement la voix des sans voix. Shamami Ahmed et David Potter quant à eux s'alignent derrière l'affirmation des Nations Unies qui dit : « Any international organisation which is not established by intergovernmental agreement shall be considered as an NGO »4. Cette définition révèle la difficulté à cerner ce concept très vague. La définition des ONG, au-delà des tentatives de la circonscrire au rôle prétendument éthique qui lui serait quintessenciel et qui ressort dans la plupart des définitions précédemment évoquées, est problématique car elle peut renvoyer aux associations à but non lucratif, aux OING, aux organismes populaires, aux organisations partisanes et même aux sociétés secrètes et aux groupes terroristes. Car en effet, tous ces ordres d'organisations sont non gouvernementaux. Et c'est bien cela la société civile dans ses distances par rapport aux institutions politiques étatiques. Ainsi, Lorenzo Fioramonti5 abondant dans le même sens, va considérer que le Ku Klux Klan et Al Qaeda sont des

1 Breton-le-Goff G. (2001) L'influence des ONG dans la négociation de quelques instruments internationaux Bruxelles : Yvon Blais p.14.

2 En fait de pléonasme, Breton-le-Goff se heurte simplement à un écueil très connu par les auteurs qui ont écrit sur les ONG. Il s'agit de la contradiction entre le statut juridique des ONG et la destination internationale de leur action. La convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations non gouvernementales, adoptée le 24 octobre 1985 par le comité des ministres du conseil de l'Europe essaie de pallier à cette contradiction mais, elle reste restreinte. Même si elle entre en vigueur en janvier 1991, elle ne s'applique qu'aux Etats du conseil de l'Union qui l'ont ratifiée (Belgique, Grèce, Royaume-Uni et Suisse).

3 Cohen S. «Les ONG sont-elles altermondialistes? » Humanitaire, n° 9, 2004, p. 104.

4 Shamami A. et Potter D. (2006) NGOs in international politics, Bloomfield: Kummarian Press p. 8.

5 Voir Lorenzo Fioramonti op. cit. Mais également Jude L. Fernando et Alan W. Heston « NGOs between states, markets and civil society » Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol.554, n°8 (1997) p. 10

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 136 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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organisations non gouvernementales au sens où on l'entend d'habitude. Aussi, au cours de cette étude l'on aura l'impression que cette façon de percevoir l'organisation non gouvernementale trouve nos faveurs car, lorsqu'on considère la coalition internationale PWYP, on y trouve des instituts de recherches, des organisations ecclésiales, des organisations non gouvernementales classiques mais toutes ces organisations regroupées au sein de la coalition ont en partage leur caractère non gouvernemental, c'est ce qui fonde leur coalition. Certains auteurs préfèrent d'ailleurs s'exprimer en termes d'Organisation de Solidarité Internationale (OSI) pour faire le distinguo entre les organisations que regroupe le terme générique d'ONG et les associations attelées à l'humanitaire et au développement durable. Dans le cadre de cette étude, nous nous situons dans l'entre-deux de ces nuances. En effet, nous prenons le concept d'organisation non gouvernementale dans le sens que lui confère sa distance vis-à-vis du gouvernement et le caractère non lucratif de son action. Cependant, nous rétrécissons l'éventail aux seules organisations qui oeuvrent pour des buts nobles, éthiques disqualifiant ainsi les organisations terroristes et mafieuses de la course. Quoiqu'il en soit, cette forme de regroupement des associations privées a une histoire qui s'ancre dans la modernité politique en tant qu'elle est caractérisée par l'émergence de l'Etat comme forme d'organisation de la vie sociale, mais également en tant qu'elle est symbolisée par les institutions démocratiques. Elle regroupe des réalités multiples.

2. De la diversité au sein des ONG ou l'humanitaire protéiforme.

Examiner la position de l'acteur ONG dans l'initiative c'est préciser d'emblée deux choses. Premièrement, son action dans EITI s'inscrit dans le cadre de la société civile. Deuxièmement, l'ONG n'est pas une entité uniforme et portant le même sens, tout nominalisme s'avérerait être un apriorisme. Dans cet espace, il s'agit donc de restituer le caractère multiple des ONG et de préciser la catégorie qui est à l'oeuvre dans l'EITI.

Traditionnellement, on distingue les ONG des droits de l'Homme, les ONG de développement et les ONG environnementales. Les premières plongeraient leurs rémiges dans la philosophie des Lumières, avec la création de la ligue des droits de l'Homme en 1898. Elles sont les plus lointaines dans l'histoire. Les ONG de développement ont vu le jour lorsque la problématique du développement des peuples a commencé à attirer l'attention. Comme le dit Rouillé d'Orfeuil : « Les ONG de développement sont elles aussi des héritières des mouvements sociaux ou religieux qui ont accompagné souvent en la critiquant l'action coloniale, les mouvements d'émancipation, voire les guerres de libération, puis les premiers

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pas de ces pays du tiers-monde nouvellement indépendants »1. Enfin, surviennent les ONG dites environnementales qui n'ont pas d'antécédents. Elles sont pionnières et ont oeuvré à sonner l'hallali sur le dépérissement de la planète dès les années 1960 environ. Toutefois, l'on est tenté de s'interroger sur la pertinence de la distinction faite entre ONG de développement et ONG environnementales. La problématique du développement ne saurait être détachée des questions environnementales2. Cette réalité a d'ailleurs été perçue par certaines ONG comme le Centre pour l'Environnement et le Développement (CED), le Réseau de Lutte contre la Faim (RELUFA)3...qui ne dissocient pas le développement de l'environnement.

D'autre part, au-delà de cette typologie fondée sur le critère du surgissement historique, l'on peut aussi catégoriser les ONG suivant les hémisphères. Ainsi, on aura les ONG du nord et celles du sud. Les premières géographiquement situées dans l'hémisphère nord, disposent de moyens colossaux et celles du sud qui sont moins pourvues, travaillent en relais et en réseau avec celles du nord. Dans le cadre de l'initiative, les ONG du nord telles CAFOD, CARE international, Global witness, Save the children, Human rights watch, Open society institute, Transparency international et Oxfam ont instigué une action de plaidoyer au sein de la coalition internationale publish what you pay, ce qui a abouti au lancement de l'EITI. Dans les deux cas, les ONG dans certains pays du sud ont suivi la cadence impulsée par celles du nord. Il s'est formé au Cameroun notamment, une coalition publish what you pay le 06 décembre 2005 en écho à la coalition mondiale. Celle-ci comprend à ce jour 9 ONG dont : le CED, le RELUFA, le RENAC, ERA/Cameroon, le FOCARFE, le service oecuménique pour la paix, le service national Justice et Paix, AGAGES et Transparency international/Cameroon. Des représentants d'ONG du nord sont membres des instances internationales d'EITI. Au niveau national, les ONG parce que membres de la société civile, comptent parmi ses représentants dans les instances de l'initiative. La présence et l'activisme

1 D'Orfeuil op. cit P. 21.

2 La définition du développement par le rapport Bruntdland consolide d'ailleurs l'idée d'une communauté de destins entre les questions environnementales et les questions de développement. Se développer, c'est désormais résoudre les défis de l'instant en utilisant les ressources disponibles mais sans compromettre les chances des générations futures d'assurer leur bien-être. Il s'agit d'une conception altruiste et intergénérationnelle du développement.

3 Le CED et le RELUFA sont deux ONG camerounaises membres de la coalition nationale publish what you pay ; elles oeuvrent pour le développement, la protection des peuples autochtones, la préservation de la biodiversité...Dans leur modus operandi, elles considèrent par exemple que l'exploitation des ressources du sol et du sous sol, en même temps qu'elle doit être un vecteur du développement, doit respecter l'environnement et les droits des peuples dont les terres abritent ces richesses. Telle est leur conviction, telle est leur philosophie et ayant compris le lien entre les problématiques du développement et de l'environnement, elles se trouvent à l'avant-garde de cette lutte.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 138 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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de cet acteur aux côtés de l'Etat et des compagnies extractives sont assez intéressants pour que puisse en sourdre une étude. En effet, les ONG, une et multiple, en réseau ou seules, font office de porte-faix du chagrin des victimes du paradoxe d'abondance. A cet effet, à côté d'autres acteurs, elles veillent à la transparence des industries extractives dans le cadre de l'EITI.

Paragraphe II : Les ONG dans la mise en oeuvre de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives : la dénonciation légitimante ou le fondement éthique d'une catégorie d'acteurs en quête de scène

L'examen de la praxis des organisations non gouvernementales dans l'initiative impose une attention à l'activité qui a précédé le lancement officiel de celle-ci, tant ce moment est révélateur des logiques à l'oeuvre et des causalités de l'action. Aussi, s'agit-il de scruter la préhistoire de l'initiative (A) avant d'y examiner proprement dit le rôle des ONG.

A. «Publish What You Pay» ou la création d'une scène pour la promotion de la transparence dans les industries extractives.

L'action dispersée des ONG contre les fléaux liés aux industries extractives va entrer dans un tournant organisationnel avec la création d'une plate-forme institutionnelle en juin 2002. Kathryn Sikkink et Martha Finnemore dressent dans leur cycle de vie d'une norme, des étapes qu'elle doit forcément parcourir. Ainsi, à la genèse d'une norme se trouve un entrepreneur de norme qui se sert d'une plate-forme institutionnelle déjà existante ou alors qu'il crée afin de favoriser la promotion de la norme dont il est entrepreneur1. La transparence des industries extractives semble obéir à ce schéma. Les activités isolées des ONG telles que Global Witness et Human Rights Watch qui dénonçaient les usages déviés des revenus du pétrole et du diamant en Angola, en RDC et au Libéria ont fini par trouver un récif de corail pour s'agripper, et constituer une action efficace. En 1999, Global Witness publia un rapport intitulé « A crude Awakening » dans lequel il exposait les liens entre les milieux bancaires et pétroliers dans le pillage des richesses angolaises pendant les quarante années de guerre civile qui ont ravagé ce pays. Au nombre des recommandations conclusives, le rapport mentionna l'impératif pour les compagnies extractives, de publier ce qu'elles paient à l'Angola. « Publiez ce que vous payez » vit ainsi le jour en tant que recommandation faite aux firmes.

1 Sikkink K et Finnemore M. art. cit. pp. 896-900

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Eu égard au caractère endémique de ce mal qui n'était pas l'apanage de l'Angola, quelques ONG au nombre desquelles Global Witness, CAFOD, Open Society Institute (OSI), Oxfam GB, Save the Children UK et Transparency International UK décidèrent de lancer une initiative internationale demandant aux compagnies de publier ce qu'elles paient aux pays où elles opèrent. Le lancement d'une plate-forme organisationnelle ou l'arrimage de la promotion d'une norme à une plate-forme se fait en général autour d'une figure principale. A l'instar des figures telles que Henri Dunant qui fut transformé lors de la bataille de Solferino, Susan B. Anthony et Elisabeth Cady Stanton, Georges Soros le fondateur de Open Society Institute a joué un rôle important dans le lancement de Publish what you pay en tant que plateforme du plaidoyer en faveur de la transparence dans les industries extractives. En juin 2002 il lance la Campagne « Publish What You Pay ». La petite coalition des ONG fondatrices a été bientôt rejointe par d'autres telles que Catholic Relief Services, Human Rights Watch, Partnership Africa/Canada, Pax Christi/Pays Bas et le Secours Catholique / Caritas-France ainsi que par un nombre croissant de groupes de pays en développement1. La coalition a beaucoup grandi depuis le lancement de la campagne et continue de croître au point d'être constituée de 300 ONG dans plusieurs pays.

La coalition PCQVP/PWYP demande aux compagnies multinationales pétrolières, minières et gazières de révéler les mêmes informations de base concernant les paiements nets effectués à un Etat du monde en développement, qu'ils révèlent couramment dans les pays du monde industrialisé. Les entreprises d`Etat doivent également être rendues responsables financièrement des paiements faits à leurs gouvernements et des revenus qu'elles génèrent. Dans leur ensemble, ces renseignements aideront les citoyens des pays pauvres mais riches en ressources naturelles à demander à leurs gouvernements des comptes sur la gestion des revenus et de ce fait à générer un débat démocratique sur leur emploi et leur distribution. Les sociétés peuvent souvent être perçues comme complices de la corruption et de la détérioration des conditions sociales dans les pays où elles opèrent, même quand elles fournissent une source importante d'investissement qui, lorsqu'il est géré de façon transparente et responsable, devrait être une source de croissance et de développement bénéfique à tous les citoyens de ces pays pauvres. L'action de la coalition s'inscrit donc dans le continuum d'un engagement moral antérieur des ONG et constitue une plate-forme à partir de laquelle les ONG ont lancé l'opération de contagion normative en direction des Etats que Sikkink et

1 Voir le site de la coalition www.publishwhatyoupay.org

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Finnemore appellent norms leaders, il s'agit pour le cas qui nous intéresse de la Grande Bretagne et dans une certaine mesure du G8.

B. Les organisations non gouvernementales et le suivi de la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives: des gardiennes du jardin de la transparence ?

D'emblée, il convient de préciser un fait qui ne saurait passer inaperçu. Le livre source qui est le document de base de l'EITI cite au nombre des parties prenantes impliquées dans la transparence des industries extractives : les institutions publiques, le secteur privé, la société civile, les exécutants de l'EITI et les partenaires internationaux. Il s'agit d'une mise en scène de trois secteurs à savoir, le secteur public, le marché et la société civile en tant que « troisième secteur ». Or, le paragraphe qui va suivre parle des organisations non gouvernementales. Aussi, cela mérite-t-il quelque explication. Comme il est apparu dans l'espace définitionnel, le concept ONG renferme deux éléments substantiels à savoir le fondement non lucratif de son action et sa distance vis-à-vis des institutions gouvernementales. Ceci implique qu'en principe toute organisation de la société civile est non gouvernementale si l'on s'en tient à la généralité de ce niveau de définition. De plus, s'en tenir à la considération de l'ONG comme composante de la société civile uniquement serait rendre compte partiellement de son action dans le transparence des industries extractives. Car, les ONG dans le cadre des coalitions nationales et internationales PWYP oeuvrent pour la transparence des industries extractives et même dans le cadre des comités de mise en oeuvre, leur action sort du lot en raison des moyens et connexions extérieures dont elles disposent. Aussi, qu'il nous soit permis d'utiliser de façon confuse les concepts de société civile et d'ONG pour rendre raison de la participation d'un troisième secteur dans l'initiative. Ce paragraphe va s'articuler autour de la participation actorielle des ONG à l'initiative dans le cadre des comités de mise en oeuvre et au niveau international (1), ensuite un examen de la participation matérielle sera fait (2) pour enfin analyser les difficultés liées au dur apprentissage de la cohabitation de l'Etat avec la société civile dans certains contextes (3).

1. La participation de la société civile dans la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives : un acteur en quête de scène

La jeunesse de l'initiative et son essence performative interdisent toute évaluation sous forme de bilan cependant, l'on peut sans être exhaustif rendre compte de certains aspects de la

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participation des ONG dans la mise en oeuvre de la transparence des industries extractives, pour restituer l'actorité des organisations non gouvernementales dans la politique mondiale. Le locus standi formalisé dont elles jouissent en vertu du cinquième critère EITI qui dit que « la société civile participe activement à la conception, au suivi et à l'évaluation de ce processus et apporte sa contribution au débat public », leur accorde tout droit d'agir dans le cadre de l'initiative. Le premier signe de leur participation est d'être un acteur incontournable pour que soit prise au sérieux l'adhésion d'un pays aux principes de l'initiative. Car, faut-il le rappeler, parmi les quatre conditions à remplir pour acquérir le statut de candidat, figure en bonne place la formation d'une équipe de suivi de la mise en oeuvre qui intègre la société civile. Et selon le Livre Source, celle-ci comprend : les organisations de base communautaire, les organisations non gouvernementales nationales, les organisations non gouvernementales internationales et affiliées locaux, les medias, les syndicats, les instituts universitaires et de recherche et les organisations confessionnelles.

Au niveau supranational, c'est-à-dire au sein du Conseil international EITI, les organisations de la société civile sont représentées par : Revenue Watch Institute (Karin Lissakers), Oxfam America (Bennett Freeman), PWYP/Congo (Christian Mounzeo), Revenue Watch Kazakhstan (Anton Artemyev), Global Witness (Gavin Hayman) et Transparency International/Nigeria (Humphrey Assisi Asobie). En plus de cette présence au conseil d'administration, nombre d'organisations soutiennent l'initiative au plan international. Il s'agit notamment de : Catholic Agency for Overseas Development (CAFOD), Global Witness, Oxfam, Open Society Institute, Publiez ce que vous payez, Revenue Watch Institute, Secours Catholique (Caritas France) et Transparency International.

L'architecture institutionnelle du conseil d'administration se reflète au niveau national où l'exigence de la prise en compte des acteurs de la société civile impose la présence des représentants des organisations non gouvernementales au sein des comités de pilotage de la mise en oeuvre. Au Cameroun, le décret n°2005/2176/PM du 16 juin 2005 portant création, organisation et fonctionnement du comité de mise en oeuvre de l'EITI assigne dix sièges à la société civile tel que, deux députés dont l'un de l'opposition et l'autre de la majorité au pouvoir, un siège pour le coordonnateur national de Transparency International, trois représentants des collectivités locales décentralisées, un siège pour le président de l'Union des Journalistes du Cameroun (UJC) et trois ONG nationales.

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L'article 8 du décret n°2006-626 du 11 octobre 2006 portant création, attribution et composition du comité exécutif de mise en oeuvre de l'EITI au Congo dispose que la société civile a cinq représentants au sein dudit comité1 avec un membre de la société civile comme vice-président du comité exécutif2. Tandis que le République démocratique du Congo a établi un comité de pilotage qui compte huit (08) représentants de la société civile et un conseil consultatif auquel siège également huit (08) membres de la société civile3. Tous les pays dont la candidature a été validée ont certainement un comité de mise en oeuvre qui intègre des membres issus des organisations de la société civile4.

2. Les organisations de la société civile dans la matérialisation de la transparence dans les industries extractives : contribution à la construction d'un « marché de valeurs »

La participation des organisations de la société civile ne se limite cependant pas à une simple présence au sein des instances de mise en oeuvre tant nationales qu'internationales. Celles-ci jouent un rôle effectif qui se décline en plusieurs actions allant de l'information du public au financement, en passant par le contre-pouvoir face à la complicité entre l'Etat et les industries extractives et la formation des membres des comités aux rouages du suivi budgétaire.

Les organisations de la société civile étant les gardiennes de l'intérêt général au sein des comités de mise en oeuvre, elles ont la tâche de participer à la vulgarisation de l'information

1 (01) membre du comité de liaison des ONG, (1) membre du groupe thématique pétrole DSRP, (01) membre de la coalition PWYP, (01) membre de la fédération nationale des jeunesses et individualités du Congo et (01) membre du centre d'échange et d'appui et de renforcement des capacités.

2 Il s'agit de M. Christian Mounzeo de l'ONG Rencontre pour la Paix et les Droits de l'Homme (RPDH). Il est par ailleurs le coordonnateur de la coalition PWYP au Congo et c'est à ce titre qu'il siège au conseil d'administration international de l'ITIE.

3 Respectivement selon le décret n° 05/160 du 18 novembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement du comité de pilotage du comité national ITIE et l'arrêté n°026/CAB/ MIN. PL/2007 portant nomination des membres du conseil consultatif du comité national de mise en oeuvre de l'ITIE.

4 Quelques exemples : au Niger, l'article 8 de l'arrêté n°000073/PM du 04 juillet 2005 portant création, attributions, composition et fonctionnement du dispositif institutionnel de préparation et de suivi de la mise en oeuvre de l'ITIE au Niger réserve des sièges à des membres dont on soupçonne qu'ils sont de la société civile. Il s'agit de deux représentants des medias public et privé, un représentant du collectif d'ONG nationales, un représentant des ONG internationales, un représentant du SYNTRAMIN et un représentant du collectif des organisations de base. La Mauritanie a accorde neuf (09) sièges aux organisations de la société civile au sein du comité national de mise en oeuvre de l'ITIE selon le décret n° 29-2006 modifiant certaines dispositions du décret n° 2006-001 du 13 janvier 2006 portant création, organisation et fonctionnement de l'ITIE en Mauritanie. Le NEITI Act au Nigeria stipule dans sa section 6 paragraphe (a) que: «In making the appointment into the NSWG, the president shall include ... representatives from civil society».

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relative aux industries extractives car, il s'agit d'un secteur inconnu pour la plupart des citoyens ordinaires. Au Niger, le Réseau des Organisations pour la Transparence et l'Analyse Budgétaire (ROTAB-PCQVP/Niger) a lancé un bulletin d'information destiné au grand public au sujet des industries extractives qu'il veut transparentes. Il a lancé un site Internet1 comme nombre de coalitions nationales PWYP dans le but de rendre les informations locales disponibles pour tous et de constituer des fora de discussion. Les ateliers et autres journées d'information permettent aux ONG de rendre publiques les informations relatives aux industries extractives. La coalition camerounaise PWYP a ainsi organisé le 10 mai 2007 à Douala, le 08 et le 15 novembre 2007 à Limbé et Bertoua des journées d'information publiques sur l'initiative de transparence des industries extractives et la campagne « Publish What You Pay ». Le but de ces journées était de maximiser l'efficacité de la coalition et de toucher un large public tout en partageant les connaissances avec ce dernier.

La formation est également l'un des domaines d'action des organisations de la société civile. Eu égard à la complexité des rouages du suivi budgétaire des industries extractives, les membres des comités issus de la société civile nécessitent souvent une formation appropriée que leur offrent les institutions gouvernementales mais également les organisations de la société civile. C'est ainsi que le ROTAB -PWYP/Niger a initié du 30 au 31 août 2007 un atelier sur l'EITI. Il s'est agi d'un atelier de formation destiné à la société civile et animé par Mamane Sa Adamou de l'ONG Alternative Espace Citoyen et de Bagna Aissata Fall. Un autre atelier du même type fut organisé les 21 et 22 août à l'ambassade du Canada à Niamey sur la problématique des industries extractives au Niger. Ce dernier faisait suite à un atelier antérieur organisé du 12 au 13 juillet 2006 par la même organisation à savoir le Groupe de Réflexion et d'Action. Au Cameroun, la coalition a organisé les 22 et 23 janvier 2008 un atelier de formation des membres de la coalition sur la gestion financière et administrative d'un projet qui s'inscrivait dans une série à la suite de l'atelier du 7 au 9 août 2007 destiné à la formation des membres de la coalition sur le suivi du budget de l'Etat et la fiscalité pétrolière.

Le bon déroulement de ces ateliers requiert souvent des moyens financiers dont ne disposent pas les organisations et les coalitions qui se tournent donc vers leurs partenaires du monde développé. L'atelier du ROTAB a ainsi bénéficié du financement de Revenue Watch

1 www.tamtaminfo.org

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 144 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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Institute, tandis que celui du GREN a été sponsorisé par SWISSAID. Les organisations non gouvernementales prennent ainsi part à la transparence des industries extractives par un apport des financements. Voici quelques chiffres des financements reçus par la coalition camerounaise PWYP pour l'année 2007.

Tableau 3 : les financements reçus par la coalition PWYP/Cameroun en 2007

ONG donatrice

Montant du financement

%

Revenue Watch Institute

23.701.1751

53'2

Open Society Institute West Africa (OSIWA)

19. 232. 893

43'2

MISEREOR

1.632.498

03'6

TOTAL

44.566.566

100

 

Source : Rapport annuel 2007 de la coalition camerounaise PWYP p. 20.

D'autre part, parce que gardiennes des opérations de transparence, les organisations de la société civile veillent à l'effectivité de la transparence dans les industries extractives. Elles ont ainsi la charge de s'assurer que les rapports que publient les Etats et qui sont censés rendre compte des paiements et recettes issus des industries extractives sont fiables. Même s'il est encore difficile de témoigner de la réalité des chiffres livrés dans ces rapports, tant les Etats et les firmes disposent de plusieurs outils pour tromper la vigilance des organisations de la société civile, ces dernières ont souvent dénoncé les irrégularités, prenant le peuple à témoin. La publication des rapports de conciliation est souvent l'occasion d'une inflation de condamnations d'un processus jugé unfair, alors même que lesdites organisations qui se plaisent à la stigmatisation a posteriori n'ont pas osé bloquer la publication du rapport. En fait, l'adoption des textes et autres mesures qui relèvent de la compétence du comité ne se fait pas par un vote secret, du moins dans nombre de pays. Même si l'on peut avoir des réserves quant aux agitations ex post des organisations de la société civile, il demeure que dans l'optique de la description de leur participation dans la mise en oeuvre, la publication des rapports dits « d'évaluation indépendante » relève du contre-pouvoir que sont censées représenter les ONG dans l'initiative.

1 En FCFA la monnaie locale

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 145 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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Ainsi, les sociétés civiles ont coutume de dénoncer le mode adopté par la plupart des pays candidats pour la publication des chiffres. A la différence de certains pays comme le Nigeria la plupart des pays ont opté pour la publication des données agrégées et ce, malgré l'insistance des sociétés civiles qui jugent plus transparentes les données désagrégées. Lorsqu'en avril 2007 le Gabon publie son second rapport, la société civile juge que l'écart de 64.990.000 dollars est énorme. Elle condamne par ailleurs le fait que Total Gabon, Total Participation et Shell Gabon n'ont pas certifié leurs déclarations. De plus, le Gabon ayant perçu son profit oil en nature et l'ayant commercialisé sur le marché international par le truchement de Petrolin, le fruit de la vente n'a pas été indiqué dans les données et, ces anomalies ont entraîné une vague de dénonciation de la part des organisations de la société civile. La publication du troisième rapport gabonais a révélé un écart de 63,4 millions de dollars pour les produits pétroliers mais, ces écarts représentant moins de 5%, sont jugés acceptables par le conciliateur indépendant1.

La coalition camerounaise PWYP a publié une déclaration sur le rapport de conciliation des chiffres et des volumes dans le cadre de l'EITI au Cameroun2. En effet, le 26 décembre 2006 le gouvernement camerounais a rendu public son premier rapport de la mise en oeuvre de l'EITI. La coalition a exprimé son rejet du mode de publication des données, en estimant que la « publication agrégée des chiffres biaise la transparence et maintient l'opacité dans le processus, car ne permet pas entre autre, d'identifier les flux entre les compagnies prises individuellement, et l'Etat et ses démembrements. De la même manière, elle ne permet pas d'identifier les compagnies défaillantes, ni de situer la période des défaillances d'une année à l'autre pendant la période considérée ». Tout se passe comme si les membres de la coalition découvrent en même temps que le public le rapport car, ils marquent leur surprise devant les écarts et autres absences de déclarations de la part de l'Etat. Tout en restituant certains des aspects de la dénonciation des sociétés civiles dans le cadre de leur rôle de contrôle au sein des comités de mise en oeuvre, il se dégage comme un laxisme de la part de ces organisations devant la responsabilité lourde qui est la leur, dans ces processus de transparence. Mais, en plus de ces éléments qui relèveraient du laxisme, il existe des preuves du malaise de certains Etats devant cette nouvelle donne qui suppose la cohabitation avec des organisations de la

1 M. Anton Mélard de Feuerdant du cabinet Ernst & Young qui s'occupe de la conciliation au Gabon disait d'ailleurs à la suite des contestations consécutives à la publication du premier rapport EITI Gabon que l'écart de 5% est acceptable car c'est l'écart 0 qui serait plutôt suspect. M. Marc Ona Essangui de Brainforest Gabon nous a tenu le même propos lors de son passage au Cameroun en mars 2008.

2 Voir le site du Réseau de Lutte contre la Faim www.relufa.org.

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 146 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

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société civile dans la gestion des affaires délicates telles que les revenus des industries extractives.

3. Obstacles à l'émulation de la société civile sur les sentiers de la transparence Les écluses sur le chemin de la participation effective de la société civile sont de plusieurs natures. Il peut s'agir de l'organisation insuffisante des réunions, de l'inaccessibilité des documents à débattre lors des réunions ou des problèmes lié au choix des membres de la société civile.

Au Cameroun, un membre de la coalition nous a confié que l'organisation des réunions à la hâte ne permettait pas aux membres de la société civile domiciliés dans d'autres villes que la capitale Yaoundé de s'y rendre à temps. Ce d'autant plus que les documents soumis à l'ordre du jour ne sont jamais transmis deux semaines avant la tenue des réunions comme l'ont souhaité les organisations de la société civile. Un autre a avoué aux enquêteurs de Revenue Watch Institute en charge de recueillir les données pour l'évaluation de la mise en oeuvre de l'EITI en 2006 que : « Les représentants de la société civile n'ont pas eu la possibilité de contribuer au plan de travail. Les représentants du gouvernement sont arrivés à la réunion avec les documents et les ont analysés pendant cette même réunion...Les représentants de la société civile n'avaient pas eu le temps de se préparer puisque les documents n'avaient pas été distribués avant la réunion ». Cela peut en partie expliquer l'impression de laxisme que dégagent les critiques acerbes à l'endroit des textes que les détracteurs ont eux-mêmes adoptés. Cette ruse de l'improviste qui consiste à remettre les documents le jour de la réunion est un stratagème apparemment répandu puisqu'un membre de la coalition mauritanienne nous a confié la même inquitétude. Le rapport Eye on EITI1 évoque les cas de la République Kirghize où le comité s'est réuni seulement deux fois en deux ans au lieu de quatre fois par an. Tandis qu'au Nigeria, le NSWG fait aussi figure de mauvais élève en terme des réunions annuelles.

Le souci de contrôler le processus de transparence a conduit certains gouvernements à nommer les représentants de la société civile au lieu que celle-ci désigne ses membres au sein du comité. Au Cameroun, deux membres du parlement sont considérés comme faisant partie de la société civile. Si le ressortissant de l'opposition peut se targuer de jouir d'une liberté

1 Un regard sur l'EITI : perspective de las société civile et recommandations concernant l'EITI, Publish What You Pay et Revenue Watch Institute, octobre 2006.

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d'esprit, peut-il en être de même de celui qui est issu de la majorité au pouvoir ? Le Gabon dans la première version de la composition de son groupe d'intérêt a assigné les deux places réservées à la société civile à deux membres du conseil économique et social qui est un corps constitué de l'Etat et dont on ne peut douter de l'inféodation à la politique gouvernementale. Il a fallu de vives protestations de la société civile réelle pour qu'en 2006, M. Marc Ona Essangui président de l'ONG Brainforest et Mgr Mike S. Jocktane du Rassemblement des Eglises et ministères pentecôtistes et charismatiques du Gabon remplacent les précédents pseudo-représentants de la société civile. En Mauritanie, le décret n° 2006-001 portant création, organisation et fonctionnement du Comité National de l'Initiative sur la Transparence des Industries Extractives indique au nombre des représentants de la société civile quatre représentants des partis politiques. Les mêmes constatations ont été faites pour ce qui concerne les comités de mise en oeuvre de la Mongolie où le gouvernement a désigné comme membres de la société civile des personnes qui représentaient des intérêts privés des entreprises et au Nigeria, avec le rôle prépondérant joué par l'ancien président Olusegun Obasanjo dans la désignation des membres de la société civile siégeant au sein du comité des 28 personnes chargées de piloter la mise en oeuvre de l'EITI.

A ces actions ou inactions qui illustrent le désir des gouvernements de contrôler la totalité du processus de mise en oeuvre de la transparence des industries extractives, il faut ajouter l'intimidation et l'arrestation des membres de la société civile. En plus des soucis de Marc Ona Essangui du Gabon et des sieurs Brice Mackosso et Christian Mounzeo au Congo-Brazzaville déjà évoqués dans cette étude, le cas de M. Golden Misabiko en RDC vient enrichir la liste des victimes collatérales de l'activisme non gouvernemental. Ce président de l'Association Africaine de Défense des Droits de l'Homme (AADDH)/section du Katanga a publié le 13 juillet 2009, un rapport intitulé « Mine uranifère de Shinkolobwe : de l'exploitation illicite artisanale à l'accord entre la RDC et le groupe nucléaire français AREVA ». En corollaire, il a été appréhendé le 25 juillet par les services de renseignements du pays pour « atteinte à la sûreté de l'Etat ». Devant l'inquiétude suscitée par cette unième interpellation la coalition internationale PWYP a adressé le vendredi 7 août 2009, une lettre ouverte à madame Hillary Clinton pour requérir un soutien plus affirmé du gouvernement américain pour la transparence des industries extractives. Il faut y ajouter les interpellations de MM. Wada Maman et Marou Amadou du ROTAB/PCQVP/Niger en août 2009 par les autorités nigériennes. Ces entraves sur la route de la transparence illustrent la difficulté à se

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départir d'un habitus de total contrôle des institutions de l'Etat et traduit le bouleversement des habitudes qu'induit la complexification de la politique internationale qui donne naissance à des initiative telles que EITI, Global Compact etc. dans lesquelles les gouvernements sont invités à tabler sur des questions relevant de leur souveraineté avec des acteurs privés, même quand ils sont fortement liés à l'extérieur ou sont tout simplement étrangers.

Les ONG plus globalement ou bien les organisations de la société civile si l'on veut s'entourer de la prudence définitionnelle qu'exige le maniement d'un concept aussi ouvert, ne constituent cependant pas le seul acteur dont l'irruption dans la politique internationale est le signe de la complexité. Dans la démonstration de ce premier niveau de la relativité de la souveraineté, le foisonnement des acteurs qui ont acquis un locus standi au sein des espaces de résolution des problèmes tout aussi complexes, révèle que les ONG sont autant déterminantes que les industries extractives en tant que sociétés et donc, acteurs des « relations transnationales ». Les firmes transnationales en général et les firmes du secteur des industries extractives vont constituer la quintessence de la section suivante.

Section 2 : Les firmes multinationales du secteur des industries extractives dans l'économie politique internationale : affirmation de la qualité d'acteur et oppression de la souveraineté

Cette section s'articule autour de l'idée que les sociétés multinationales en général et les multinationales des industries extractives en particulier, sont des acteurs à part entière et confirmés de la politique internationale et que cette affirmation de l'actorité comporte des éléments de subversion de la souveraineté. Engagé dans la démonstration de la relativité de la souveraineté par la profusion des acteurs impliqués dans la politique internationale et eu égard aux transactions complexes qui les lient, la pertinence de l'idée d'une excroissance des acteurs a semblé constituer le passage obligé pour que rendre raison de la relativité de la souveraineté au travers des interactions complexes entre ceux-ci possède un sens. Cette étude s'inscrit donc dans le sillage des auteurs de la sociologie des relations internationales1 qui rendent compte de la complexité de la scène internationale en raison de l'irruption des acteurs privés à l'instar des multinationales, des ONG, des organisations intergouvernementales et des

1 Notamment : Guillaume Devin (2002) Sociologie des relations internationales. Paris : La découverte et Syros ; Marcel Merle (1974), Sociologie des relations internationales, Paris : Dalloz

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mouvements transfrontaliers1. Elle confirme la thèse de la complexité qui peut faire penser à une obsolescence de la souveraineté devant le flux de border spanners qui transgressent la territorialité, propriété première de l'Etat. Cet espace qui se veut l'occasion de la démonstration de l'actorness des multinationales comme acteurs privés, impose quelques précisions sémantiques sur la notion d'industries extractives.

La notion d'industries extractives renvoie à la fois à un secteur d'activité et à une catégorie d'acteur. C'est d'abord un secteur d'activité qui au sens du rapport de la CNUCED 2007 sur les investissements dans le monde, assigne à la notion la connotation figée et non la mobilité d'un acteur. Il y est dit : « Dans le présent rapport, les industries extractives sont définies comme les activités primaires concernant l'extraction de ressources non renouvelables. Elles ne couvrent donc pas des branches d'activité telles que l'agriculture, la sylviculture et la pêche2 ». Ce sens ne contient pas la charge sémantique que cette étude veut attribuer aux industries extractives. En effet, selon la logique suivie, les industries extractives ne sont pas ce secteur impersonnel et inerte mais, une version écourtée de l'appellation sociétés des industries extractives. Ce qui rend bien compte qu'il s'agit d'un acteur mouvant et animé. De plus, l'importance des industries extractives en tant qu'acteur de la politique mondiale sera croquée dans son caractère dynamique. Jam dies, elles ont servi à la poursuite de l'intérêt, animées par le seul désir de faire du profit et ont ainsi été de acteurs centraux de la mondialisation de l'économie libérale3avec les risques et incidences que cela a induit. Leur importance contemporaine sera nécessaire dans la résolution de certains des fléaux de la mondialisation et à ce titre, leur place dans la transparence du secteur est centrale. Dans les deux cas, il s'agit de dire que les multinationales des industries extractives sont des acteurs pertinents dans la politique mondiale.

Les sociétés multinationales du secteur des industries extractives s'insèrent dans une composante plus large à savoir les multinationales tout simplement. Aussi, un propos sur les sociétés des industries extractives doit restituer le cadre général de leur appartenance ce, dans un élan d'affirmation de l'acteur (paragraphe I) pour ensuite examiner le cas particulier de

1 D'où l'allégorie de la « toile d'araignée » utilisée par John Burton pour traduire l'enchevêtrement des acteurs qui ne peuvent plus être appréhendés simplement par l'opposition Etats-acteurs privés qui peuvent de temps en temps entrer en contact dans le cadre d'un système à l'image des « boules de billards » que critique d'ailleurs Arnold Wolfers.

2 CNUCED (2008) Rapport sur les investissements dans le monde 2007 : Sociétés transnationales, industries extractives et développement. Nations Unies : Genève, p.33.

3 Lire à ce propos Wladimir Andreff (2003) Les multinationales globales. Paris : La découverte.

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leur implication dans l'initiative de transparence des industries extractives dans leur rapport à la transparence, parce que subversives de la souveraineté étatique (paragraphe II).

Paragraphe I : Considérations générales sur les multinationales du secteur des industries extractives dans la politique internationale

La prononciation sur les industries extractives en tant qu'acteurs pertinents de la politique internationale, par le fait de leur implication dans l'Initiative de Transparence des Industries Extractives exige de dire l'insertion dans un cadre plus large de cette catégorie d'acteurs. En effet, va-t-on parler des industries extractives sans sacrifier au devoir de les enchâsser dans les sociétés multinationales ? Non pas cependant que toutes les firmes qui opèrent dans ce domaine sont multinationales ou transnationales mais, c'est une expression de la marginalisation expresse des sociétés extractives confinées dans les frontières territoriales d'un seul Etat car, de façon arbitraire, il nous a semblé pertinent lorsqu'on veut démontrer les transformation de la souveraineté du fait de l'action des acteurs privés, d'invoquer les sociétés dont le champ d'action est multinational. Ainsi, ce paragraphe obéit-il à cette gradation qui rend compte de la généralité des multinationales (A) qui abritent en leur sein des multinationales des industries extractives (B).

A. Les sociétés multinationales : le renouveau d'un objet d'analyse ancien. 1. Eléments de définition et d'histoire des sociétés multinationales

L'émergence des sociétés transnationales ou multinationales peut être liée à l'essor du

capitalisme. Tel semble être l'avis de Karl Max et Engels qui dans le Manifeste du Particommuniste1, liaient intimement le phénomène de transnationalisation des sociétés nationales

au capitalisme. Ainsi, le fabuleux destin des sociétés multinationales ne s'explique que par l'expansion du capitalisme qui est un système bâti sur la quête du profit à partir d'un capital. La définition de la société multinationale comporte à la fois une simplicité et une dose de complexité. En effet, si l'on s'en tient à son caractère multinational c'est-à-dire le fait pour elle d'échapper à l'emprise territoriale d'un seul Etat pour implanter des filiales à l'étranger, il se dégage quelque facilité à la définir car, il faudra tout simplement dans ce cas, restituer l'importance d'un centre unique de décision et la saillie de représentations outre-frontières.. Le tout premier auteur à s'intéresser aux sociétés multinationales est Maurice Byé de

1 Max et Engels cité par Jacques Huntzinger (1987) Introduction aux relations internationales. Paris : Le Seuil, p.53-54

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l'Université de Paris. En 1953, il mena une étude sur les « Grandes unités de production interterritoriales ». Pour lui, ces grandes unités de production inter-territoriales qui sont l'équivalent des multinationales, sont un « ensemble intégré d'organisations de production contrôlées en divers territoires par un centre unique de décision1 ». Cette tendance à la spécification de l'essence des multinationales sur la base de leur multi-présence dans moult espaces territoriaux nationaux est fort répandue car, Mucchielli se penchant à son tour sur cette catégorie d'acteurs, la présente comme « toute entreprise possédant au moins une unité de production à l'étranger2». Cette unité de production implantée à l'étranger doit être autre chose qu'une succursale commerciale. Elle doit produire tout ou partie de ses produits à l'extérieure de son territoire d'origine pour être considérée comme une entreprise multinationale. C'est pourquoi Wladimir Andreff3 estime que dès lors qu'une entreprise possède ou contrôle des filiales de production ou des actifs physiques et financiers dans au moins deux pays de l'économie mondiale, elle peut être considérée comme multinationale. Et John Dunning conforte cette vue en mettant une emphase particulière sur le rôle de l'investissement direct étranger dans l'appréhension du phénomène des sociétés transnationales. Il parle de Multinational Producing Enterprise pour designer la société qu'il considère transnationale et la définit comme « an enterprise which owns or controls producing facilities (i.e factories, mines, oil refineries or distribution outlets, offices etc.) in more than one country4 ». Pareille entreprise est distincte de ce qu'il appelle Multinational Trade Enterprise (MTE) qui écoule tout simplement dans d'autres pays les produits fabriqués dans le pays de son implantation. Mais, elle diffère également de l'entreprise qui n'est transnationale que par la provenance multinationale de ses capitaux (Multinational Owned Enterprise, MOE). Johan Galtung ne souscrit pas à cette caractérisation et pense que, la qualification multinationale d'une société sur la base de son déploiement sur deux Etats seulement en fait une société non pas multinationale, mais transnationale. De plus pense-t-il, le principe de déséquilibre entre les Etats interdit de parler de société multinationale car, l'asymétrie que masque l'appellation « multinationale » est le signe d'une relation de

1 Maurice Byé est cité par Jean Louis Mucchielli (1998) Multinationales et mondialisation. Paris : Le Seuil, p. 16

2 Mucchielli, op. cit. p. 18

3 Andreff W. op. cit. p.6

4 Dunning John H. «The multinational enterprise: the background» in Dunning John H. (ed.) The multinational enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. p. 16-17.

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domination à partir d'un Etat développé. Il propose donc de parler d'OINGC (Organisation Inter Non Gouvernementale Commerciale)1.

Même si quelques fois le terme multinational au sens entendu dans cette étude peut échoir aux trois catégories, nous faisons le choix sémantique de la catégorie MPE. Cette structure définitionnelle exclut de notre champ d'analyse certaines compagnies nationales qui comme la Société Nationale des Hydrocarbures du Cameroun (SNH), la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) et bien d'autres de la même catégorie, n'ont pas d'actifs physiques à l'extérieur en terme de capacité de production. D'ailleurs, elles ont un simple rôle de protection des intérêts de leurs Etats respectifs dans les opérations d'extraction. De plus, elles ont en général la charge de gérer la part du profit oil qui à la suite des opérations d'extraction, revient à leurs gouvernements pour l'écouler sur le marché international.

Le parti pris transnationaliste dans la définition des sociétés multinationales rend compte de la pertinence de l'attribut qui accompagne ces entreprises. Cependant, il existe quelques éléments de complexité et qui relèvent des techniques économétriques particulières, et qui sont porteurs d'une essence explicative des multinationales et des critères de l'internationalisation d'une société. Déclarer qu'une société est multinationale peut reposer sur des éléments tels que son chiffre d'affaires, le chiffre de ses ventes mondiales et la valeur des actifs possédés à l'étranger2. On peut considérer que si une firme possède au moins 10% du capital d'une entreprise étrangère, cette dernière peut être sa filiale et donc, faire de la première une firme multinationale. La mondialisation qui a favorisé les fusions et rachats des sociétés les unes par les autres, rend très complexe la définition sur le plan technique de la société multinationale. Mucchielli dit à cet effet : « le statut de multinationale est en fait une question de degré. Il n'y a pas deux situations extrêmes : être multinationale ou ne pas être

1 Johan Galtung, « Un continent invisible : les acteurs non territoriaux, vers une typologie des organisations internationales », Georges Abi-Saab, op. cit. p. 69.

2 La catégorisation de Perlmutter distingue trois types, les firmes ethnocentriques tournées vers leurs pays d'origine, avec un faible degré de multinationalisation qui n'est que le prolongement de certaines activités nationales. Ensuite, le type polycentrique : ici, l'entreprise est implantée dans plusieurs pays et traite chacun comme un marché particulier. Enfin le type géocentrique pour qui la firme est orientée vers le marché mondial. Pour toutes ces catégories cependant, il existe un degré de multinationalisation qui est certes relative mais l'on peut penser que la catégorie ethnocentrique est une espèce en voie de disparition car, les sites de matières premières de plus en plus lointains, la variation du coût de la main d'oeuvre et les facilités des marchés captifs exigent de la part des sociétés un effort de multinationalisation, il y va même de leur survie. Il considère cependant que seules les sociétés qui couvrent la globalité du marché dans le cadre du type géocentrique sont réellement multinationales. Perlmutter H.V « The tortuous evolution of the multinational company » Columbia Journal of World Business, January/February 1969 cité par Dunning John H. (1971) op. cit. p. 18

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multinationale1 ». Dans le cadre de cette analyse, sera considérée comme société transnationale toute firme qui possède des unités de production dans au moins un pays autre que celui d'origine et, les filiales commerciales seront exclues du champ d'analyse.

Les sociétés multinationales actuelles trouveraient leur origine dans les dernières décennies du XIXème siècle2. Comme le dit Dunning : « During the last half century, and particularly in the last twenty years, a new and separately identifiable vehicle of international economic activity has emerged as a result of the internationalization of the productive activities of many activities3 ». Leur éclosion a été rendue possible par le développement fulgurant des moyens de communication et de transport à la fin du dix neuvième siècle. Les câbles, les bateaux à vapeur et autres chemins de fer et télégraphe ont crée un monde dans lequel la multinationalisation des sociétés a trouvé un terrain favorable. Robert Z. Aliber situe la croissance de ce phénomène dans l'ère qui a vu naître les compagnies East Indies et Hudson's Bay4. Quoiqu'il en soit, le phénomène a gagné en importance au fur et à mesure de l'interconnexion des Etats car, en 1914, 41 entreprises américaines ont déjà au moins deux filiales à l'étranger. Il s'agit notamment de Ford, Singer Sewing Machine, Westing House, General Electric, International Harvester etc. Et, avant cette année quarante firmes européennes ont des filiales à l'étranger (notamment : Siemens, Bayer, AEG) et Michelin établit sa première usine aux Etats-Unis en 19075. Toutefois la timidité de la transnationalisation et le caractère vertical6de leurs actions qui par le fait de l'économie coloniale mais aussi de la prépondérance des firmes américaines, allaient s'implanter vers les débouchés ou vers les réservoirs de matières premières, a permis que le processus fut ignoré pendant longtemps par les chercheurs. Il fallut attendre la fin de l'organisation économique d'après guerre7 pour que la complexification croissante de l'architecture économique

1 Mucchielli op. cit. p.26

2 Wladmir Andreff rapporte que dès 1852, Colt a implanté une usine à Londres, Bayer s'est installé aux EtatsUnis en 1865 et Singer a ouvert une usine à Glasgow en 1867. Andreff op. cit. p.8

3 Dunning John H. «The multinational enterprise: the background» in Dunning John H. (ed.) The multinational enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. p. 16

4 Aliber Z. Robert «The multinational enterprise in a multiple currency world» in Dunning John H. (ed.) The multinational enterprise. London: George Allen & Unwin Ltd, 1971. pp. 49-56.

5 Mucchielli op. cit. p18

6 Aliber op. cit. p. 49

7 Robert Gilpin parle d'une économie fondée sur la triade USA-Japon- Europe occidentale et sous la coupole des premiers. Des bouleversements survenus dans le courant des années 1970 tels que l'annonce d'une nouvelle politique économique par le président Nixon le 15 août 1971 en réaction à un déficit commercial des USA, la dévaluation du dollar en décembre 1971 et février 1973. Mais ces événements internes aux USA sont à conjuguer avec le rapprochement du pays avec la Chine, et la marche vers la détente avec l'URSS. Toutes choses qui ont rendu complexe un système jadis piloté par les Etats-Unis. Robert Gilpin (1975) op. cit p. 38

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mondiale autorise une excroissance des multinationalisations et ipso facto, un intérêt pour la recherche. Cet intérêt va révéler un acteur incontournable de la politique internationale.

2. De la pertinence des sociétés multinationales dans l'économie politique internationale

En 1960, Stephen Hymer un jeune canadien du MIT a produit une thèse de doctorat sur les sociétés multinationales1. Cette étude scientifique des firmes multinationales qui constitue avec celle de Byé les premières analyses du phénomène de transnationalisation des entreprises et leur impact sur les pays, l'explique par la volonté d'assurer la sécurité de son investissement et de contrôler l'ensemble du rendement des capitaux investis d'une part et d'autre part, de modifier les structures de compétition entre les firmes et organiser une sorte de collusion avec ses filiales étrangères. Mais au-delà de l'explication du phénomène, c'est un acteur sous-évalué ou ignoré qui est révélé à la communauté scientifique internationale. Son importance est illustrée par le rôle qu'il joue dans l'investissement direct étranger et donc dans la mondialisation de l'économie internationale.

Si l'on peut blâmer l'action de certaines firmes multinationales qui ont mené une politique étrangère belliciste et quelques fois contre-productive pour les Etats2, au point que dans les années 1960 le syndicaliste Charles Robinson accusait les multinationales d'être responsables de l'inflation, force est de noter que celles-ci sont responsables de l'augmentation des investissements directs en direction de l'étranger, avec une nouvelle vague de multinationales et donc d'IDE en provenance des Etats du tiers-monde dès les années 1980.

Le paradigme du développement par l'investissement est très centré sur le rôle et l'apport des investissements directs étrangers dans les processus de développement des Etats3. Il s'agit

1 Publié 16 ans plus tard : Hymer Stephen (1976) The International operations of national firms : A study of foreign direct investment. Cambridge: Massachusetts, MIT Press.

2 On rappellera les politiques de Elf au Gabon et au Congo dans la guerre civile de 1997, l'affaire Elf avec Loïc le Floch-Prigent, le soutien de United Fruit aux mercenaires encadrés par la CIA pour le renversement du colonel Arbenz au Guatemala en 1954, la collusion entre la CIA et International Telephone and Telegraph dans la chute de Salvator Allende au Chili en 1973. Mais on peut également évoquer les actions de Total et Pepsico en Birmanie dans les années 1990 et même 2000.

3 Sur le paradigme du développement par l'investissement appelé Investment Development Path, on peut lire les travaux de John H. Dunning notamment: Dunning John H. (1993) « The prospect of foreign direct investment in Central and Eastern Europe » in Dunning John H. ed., The globalization of business. The challenge of the 1990s, London & New York : Routledge, pp. 220-241 ; Dunning John H. (1993) Multinational enterprises and the global economy, Wokingham and Reading: Addison-Wesley.

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d'une approche paradigmatique qui considère que les changements structurels de l'économie conjugués avec la nature des investissements directs étrangers sont les moteurs de la croissance économique d'un Etat. En lieu et place de l'aide public au développement, cette forme d'assistance au développement semble séduire Fabienne Boudier-Bensebaa1 qui à la lumière du cas des Etats de l'Europe centrale et de l'Est, tente d'évaluer l'incidence de l'IDE sur les sentiers de développement à la recherche des éléments d'homogénéité. Mais, même si l'aspect comparatif de son analyse n'est pas le centre de notre intérêt, elle démontre l'impact de l'IDE dans le développement des Etats. Car, son flux a le mérite de créer des emplois qui encouragent la mobilité des travailleurs hautement éduqués c'est-à-dire un transfert des technologies et de l'expertise2.

Il ne suffit cependant pas qu'il existe un transfert de fonds d'un pays à un autre pour que l'on parle d'investissement direct étranger. Pour qu'un flux de capitaux prenne la coloration d'investissement direct étranger, il faut qu'il existe une capacité de contrôle ou un pouvoir d'influence sur la gestion d'une entreprise étrangère, qu'il y ait un transfert de compétences complexes et une logique de production. C'est dire que le simple mouvement de capitaux ne suffit pas à conférer le caractère d'investissement direct étranger à un financement. L'on peut y voir la différence et même la cause principale de l'échec d'une certaine politique d'aide au développement qui transférait uniquement des fonds aux pays sous-développés sans une logique et un arsenal de production des richesses. Et, qui a conduit au recyclage de l'aide publique au développement en produit de la corruption entre les élites des pays en développement et les planners comme William Easterly3 appelle les planificateurs du développement des Etats depuis les institutions de Bretton Woods.

L'IDE est aussi différent d'un investissement de portefeuille qui n'est qu'une prise de participation sous forme d'achat d'actions ou autres modes qui ne sont perçus que comme un placement financier. La banque de France par exemple définit l'IDE à partir de certains critères tels que : la détention à l'étranger d'une unité ayant une autonomie juridique ou une

1 Boudier-Bensebaa « FDI-assisted development in the light of the investment development path paradigm: Evidence from Central and Eastern European countries »Transnational Corporations, vol. 17, n° 1 (avril 2007) pp. 37-63.

2 Comme le démontrent Steven Globerman et Daniel Shapiro pour le cas de la mobilité des travailleurs hautement qualifiés dans l'espace OCDE. Globerman Steven & Shapiro Daniel « The international mobility of highly educated workers among OECD countries » International Corporations, vol. 17, n°1 (avril 2007) pp.1- 35.

3 A propos de l'échec des politiques d'aide au développement planifiées depuis Washington et des effets pervers desdites politiques, lire Easterly William (2006) The White man's burden. London : Penguin Books Ltd

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succursale, la détention d'une proportion significative du capital donnant à l'investisseur résidant un droit de regard dans la gestion de l'entreprise étrangère investie ; pareille participation peut être supérieure ou égale à 10%. Avec plus de 44.508 multinationales en 1957 possédant plus de 276.660 filiales en 1957 déjà, il y en avait plus de 7.000 à la fin des années 1960 et 40.000 en 1997 d'après les Nations Unies. Le flux d'IDE que drainent ces sociétés leur a conféré une importance indubitable dans l'économie politique internationale au point que certains auteurs tels que Raymond Vernon1 ont proclamé l'anachronisme de l'Etatnation pour souligner l'importance des multinationales dans la distribution du pouvoir dans la politique internationale. A ce sujet, Bergsten, Keohane et Nye disent: «With regard to multinational enterprises, some incautious or enthusiastic observers have gone too far in proclaiming the death of the nation state in a world of interdependence2» (à propos des entreprisess multinationales, certains observateurs non avertis et enthousiastes sont allés trop loin en proclamant la mort de l'Etat-nation dans un monde interdépendant). D'après le rapport des Nations Unies sur les investissements dans le monde publié en 2007, les IDE ont atteint par exemple en 2006, 1.306 milliards de dollars soit une augmentation de 38% par rapport à 2005. Le record de 2000 (1.411 milliards de dollars) n'a pas pu être battu mais, l'on a toutefois noté des chiffres exceptionnels avec des entrées des IDE dans les pays développés qui ont connu une croissance de plus de 45%, des entrées dans les pays en développement qui ont atteint le record de 379 milliards de dollars ce, du fait notamment du boom des industries extractives observé entre 2004 et 2008. Ce qui représente pour l'entrée des IDE dans les pays en développement, une augmentation de 21% par rapport à 2005 tandis que, les entrées de IDE dans les pays en transition ont été évaluées à 69 milliards de dollars soit 68% d'augmentation. Tous les secteurs d'activité ont connu une embellie depuis 1990 et les tableaux ci-dessous donnent un aperçu des tendances en considérant les sorties et les entrées des IDE en 1990 et en 2005.

1 Vernon Raymond (1971) Sovereignty at bay. New York: Basic Books. On peut également lire pour cette école, les auteurs tels que Kindleberger Charles et les travaux de Susan Strange sur les firmes multinationales.

2 Bergsten Fred C., Keohane Robert O., Nye Joseph S. «International economics and international relations: A framework for analysis» in Bergsten Fred C and Krause B. Lawrence (Eds). (1975) World Politics and International Economics. Washington DC: The Brookings Institution, p. 11

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Tableau 4 : Stock estimé de l'IDE entrant par secteur en 1990 et 2005 (en millions de dollars)

Secteurs

1990

2005

 

PVD

Monde

Pays
développés

PVD

Monde

Primaire

139.013

27.847

166.860

551.2002

201.559

790.478

Manifacture

584.069

144.996

729.065

2.196.988

716.624

2.975.519

Services

713.721

155.123

868.844

4.683.574

1.339.703

6.110.761

Activités
non
spécialisées

9.662

4.767

14.429

108.101

48.668

164.998

 

Source : conçu à partir des données du WIR 2007 de la CNUCED

Tableau 5 : Stock mondial estimé d'IDE sortant par secteur, 1990 et 2005 (en millions de dollars)

Secteurs

1990

2005

 

PVD

Monde

Pays
développés

PVD

Monde

Primaire

161.564

2.219

163.783

584.093

35.365

618.569

Manifacture

793.573

6.452

850.025

2.655.294

117.426

2.774.283

Services

834.927

834.927

846.550

6.264.620

870.740

7.095.563

Activités
non
spécialisées

4.139

716

4.855

66.959

21.538

88.676

 

Source : conçu à partir des données du WIR 2007 de la CNUCED

Par delà la finesse que peut requérir l'interprétation des chiffres, le constat de l'importance des flux des IDE par le fait des multinationales valide la thèse de leur importance sans cesse grandissante dans le sérail des acteurs de la politique internationale, telle fut dès le départ toutefois la présomption de cette étude et, qui contribue à la démonstration de la relativité de la souveraineté dans un contexte où la multiplication des acteurs a semblé signifier la fin du principe structurant de leurs relations.

Cette émulation excroissante des multinationales, grande composante qui comporte des micro-classes, a été prise au sérieux par la communauté internationale dès la fin de l'ordre

Sous la direction de M. Luc SINDJOUN Agrégé de Science Politique, Professeur des Universités à l'Université de 158 Yaoundé II, Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

Paul Elvic Jérôme BATCHOM. Les Etats, les organisations non gouvernementales et la transparence des
industries extractives : la dialectique de la souveraineté et de la responsabilité. (Thèse de Doctorat en Science
Politique présentée à l'Université de Yaoundé II/Cameroun)

économique post-guerre dont Robert Gilpin1 pense qu'il était le fait des Etats-Unis d'Amérique en tant qu'hégémon économique qui greffait autour de lui une triade. Aussi, les changements dans l'environnement économique perçus entre autre par la démultiplication des multinationales et leur poids progressif va pousser les Nations Unies à encadrer leur activité internationale2. L'adoption par l'ECOSOC de l'expression « sociétés transnationales » traduit la prise au sérieux de la menace de cette catégorie qui échappe aux seules législations nationales puisque, s'inscrivant dans l'espace transnational et comportant des risques réels au double plan social et environnemental. A la faveur d'une résolution de l'ECOSOC de 1972, un groupe constitué commit en 1974 un rapport intitulé « Effets des sociétés multinationales sur le développement et sur les relations internationales ». Le désir de réguler et d'encadrer les activités de ces acteurs conduisit le Conseil dans la foulée des recommandations dudit rapport, à créer la même année la commission des STN et le centre des STN. Les deux deviendront respectivement en 1993 et 1994 une commission de la CNUCED et la division de l'investissement international3. L'éventail de éléments porteurs de sens dans la démonstration de l'importance, de la pertinence et de l'affirmation actorielle des multinationales ne saurait être épuisé dans un espace aussi réduit qui ne porte pas exclusivement sur leur étude. Mais une catégorie dans ce vaste ensemble, requiert notre attention de façon soutenue dans le cadre de l'argumentaire relatif à la transformation de la souveraineté dans la triangulaire complexe autour de la transparence des industries extractives. Les multinationales des industries extractives sont la composante précise qui constitue le substrat de notre réflexion.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore