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Double juridiction de la forêt gabonaise : cas de la forêt de Mondah

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par Mnuela MINTSA
Unibersité Omar Bongo - DEA (Master Recherche) 2010
  

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Section 2. Les règles de gestion traditionnelle

2.1. Les interdis liés à la forêt

On peut classer les interdits par patrimoine. La notion de patrimoine est importante parce qu'elle permet de situer l'homme dans des relations étroites avec la forêt: le patrimoine c'est ce qui est transmis de génération en génération et qui a de la valeur. Une institution humaine est toujours rationnelle si l'on cherche à connaître le postulat d'ou elle tire son origine, c'est-à-dire la conception que se font les membres d'une société donnée du problème qu'elle cherche à résoudre. Les interdits de la forêt, comme les autres interdits qui organisent la société, obéissent à ce principe. C'est pourquoi, les interdits existent dans différents contextes: la femme enceinte, les adeptes d'un culte, les membres d'un clan ou d'un lignage; ils peuvent être temporaires ou définitifs. Une personne peut aussi, dans sa singularité, et en rapport avec un événement douloureux, s'interdire de consommer telle plante ou tel animal.

Ces interdits s'accompagnent fréquemment de mythes d'origine expliquant à la fois, la source de l'interdit et ses fonctions. Pour l'interdit lignager, on se réfèrera par exemple l'interdit alimentaire : le fait d'avoir été secouru par l'animal dont on s'interdira par la suite toute consommation tel que chez les Benga il est interdit de manger l'antilope car celui-ci leur a aidé lors de la traversée de la rivière , d'après le mythe. On ne peut envisager la gestion de l'environnement sans aborder le statut de l'homme et la place qu'il s'est attribué dans son environnement, forêt ou savane. Il n'est pas lieu ici de s'arrêter sur l'observation stricte ou non des interdits, sur leur efficacité sociale, encore moins de juger des fondements de leur respect. Mais pour ceux qui concernent la forêt, ils permettent de mieux appréhender les modes de gestion des écosystèmes traditionnels, car on peut retrouver dans l'énoncé, les sanctions et les obtentions sociales avouées, les domaines auxquels ils sont lies: humains, botanique, anima], ha1ieutique, cynégétique.

Au total, s'il y a un tel système d'interdits, c'est que la forêt est essentiellement conçue comme vivante, et non comme morte. Chaque interdit rappelle la fonctionnalité de la forêt. Chaque interdit rappelle les différentes fonctions inscrites dans la forêt. Chaque interdit rappelle les fonctions multiples de la forêt. Plus il y a d'interdits, plus la forêt est riche.

L'exploitation industrielle de la forêt vit sur une notion de forêt quantifiée en termes économiques, alors que l'usage traditionnel en faisait une forêt totale, visible et invisible, qualifiée en termes écologiques, dans le sens d'un habitat humain exploité économiquement, socialement et spirituellement. Face à la conception traditionnelle de la forêt, il nous faut à présent prendre en compte l'arrivée de nouveaux acteurs dans la forêt gabonaise et expliciter leur conception spécifique de la forêt.

De plus, la littérature orale apprend à connaitre l'environnement et définit les rapports de l'homme avec son milieu naturel, elle apparait aussi comme un outil de gestion de l'environnement. Nombreux sont les récits qui parlent des forets interdites aux hommes et gardées par un ogre, un génie ou un être aux pouvoirs surnaturels. C'est le cas du mythe fang de l'evus (maux, sorcellerie) ou du conte mahongwè de l'enfant enlevé par l'ogre (élolongo). Ces forêts sont le plus souvent présentées à travers le regard du personnage qui s'y aventure comme des lieux d'abondance. On serait tenté de comprendre ici que cette abondance est une conséquence du respect de l'interdit qui vise la préservation de la forêt de toutes actions socioculturelles de l'homme. Dans le conte mahongwè cité plus haut, la femme qui pêche seule dans la forêt interdite attrape beaucoup de poissons mais elle se fait enlever son enfant par l'ogre. L'accomplissement de se méfait conduit à la sanction sociale de la mère : elle n'a plus d'enfant ; elle est délaissée par son époux ; son entourage la méprise, la traite de mère indigne et de femme gourmande.

2.2. La jachère forestière

La grande majorité des cultivateurs d'Afrique et du Gabon en particulier, pratiquent la jachère des terres qui ont été cultivées pendant une ou plusieurs années. Ce procédé semble être le plus économique. En apparence simple, ce procédé soulève plutôt des avantages tant sur le plan agronomique que sur le plan foncier et donc humain. La jachère est liée à la pratique de la culture itinérante dont elle n'est qu'une étape. Cette technique permet le maintien d'une fertilité certaine de la terre en favorisant sa reconstitution.

En plus de cela, il faut tenir compte des plantes cultivées, des rotations des cultures, de l'outillage, de techniques de débroussage, etc. Ceci pour dire que la reconstitution de la terre n'est jamais totale ce qui amène les populations à procéder à des ajustements. Sur -le plan foncier par exemple, tous les droits sur les jachères ont fondement leur caractère religieux, variable selon la position sociale du détenteur, l'impérieuse nécessité de confirmer perpétuellement ce droit par les travaux qui y sont accomplis: entretien, nouvelle plantation, etc. Mais en générale, il faut noter que ce droit est limite dans le temps.

Ce droit est ébranlé par l'incursion et l'intrusion opérées par la colonisation. Ainsi des faits tels que l'extension des surfaces mises en valeur, l'introduction des cultures pérennes: café, cacao, hévéa pour ne citer que celles-là modifient en profondeur l'organisation sociale. Peu à peu l'idée de propriété foncière au sens occidental voie le jour.

Mais en parlant de la forêt classée de la Mondah, l'intérêt ici est fonction de ce qu'elle nourrit les hommes et constitue une réserve d'exploitation future des politiques gouvernementales du pays. Ce qui fait dire que l'Etat étant le contrôleur des terres (Art 13 du code forestier gabonais), il contrôle également les hommes. Ce qui implique que le contrôle de la terre ou foncier constituent en même temps un, ressort important politiquement. La conséquence ici est que la forêt classée de la Mondah, étant mise en jachère et que l'occupation des terres se manifeste à travers des techniques d'occupations des terres des membres du gouvernement, ils sont les premiers à violer leur loi et s'y installer en la déclassant de partie en partie. La problématique ici, n'est pas par rapport à l'agriculture et à l'exploitation des essences de bois seulement, ou à l'occupation des terres. Mais, aux populations de disposer de leurs terres telles que le faisaient leurs ancêtres.

2.3. Les codes sociaux de la forêt

La littérature orale des sociétés gabonaises est très riche et variée en genre selon les attributs, il ya les contes, les récits épiques, les mythes, les récits historico-légendaires, les joutes oratoires liées à la palabre, les proverbes, les généalogies, les devises, les devinettes, les comptines, les prières, les formules rituelles, les champs associés à des activités telles que la pêche, la chasse, l'agriculture, ou qui accompagnent des cérémonies telles que le mariage, la circoncision, la naissance de jumeaux, les funérailles etc.

Ces nombreux genres assurent de multiples fonctions qui concourent au maintient de l'équilibre social. Ils perpétuent les valeurs culturelles du groupe et transmettent des enseignements portant non seulement sur la langue, la morale sociale en vigueur, les pratiques sociales, les coutumes, les croyances mais aussi sur le milieu naturel dans lequel évoluent les individus.

En effet, c'est le plus souvent au moyen des devinettes que les jeunes apprennent à connaître les caractéristiques des plantes et des animaux. La méthode consiste à présenter la plante ou l'animal à découvrir à partir de traits facilement observables, comme par exemple :

- « Une personne qui vagabonde avec sa maison ? »-La tortue

- « Veux-tu me désigner l'arbre dont le tronc est tout perforé ? »-L'épervier.

- « Connais-tu un enfant qui est né barbu ? »-le maïs

- « Un tronc d'arbre lisse comme un assiette ? »-Le silure

Chez les Myènè, tanga-tanga (compter, compter) est un jeu verbal pratiqué par les enfants qui consiste à citer en comptant rapidement les noms d'animaux vivant sur terre, dans les airs ou dans l'eau. A travers cet exercice l'enfant apprend non seulement à compter mais aussi à connaitre et à distinguer les animaux selon leurs écosystèmes. Le jeu s'ouvre par la question, go ntyé ? Go mbene ? gigono ? (sur terre ? sous l'eau ? dans les airs ?), et il peut se poursuivre par la réponse : gigono (dans les airs). Ainsi l'enfant va énumérer les espèces qu'il connait tout en comptant. Comme par exemple :

- Ogulungu,mori (touraco,un)

- Ibembe,mbani (pigeon,deux) etc .

Ainsi, l'enfant va continuer à citer et à compter jusqu'au nombre qu'il connait. Le même jeu se poursuit, mais cette fois-ci l'enfant ne compte plus à la fin, mais va se rassurer qu'il ne se répète pas les noms des animaux déjà citer. Alors à la réponse go ntyé (sur terre), on aura par exemple :

-Nkambi gnama tanga (l'antilope est un animal, compté)

-Embongo gnama tanga (le lion est un animal, compté) etc.

Aussi, par le canal des cotes qui donnent l'origine d'une espèce végétale et expliquent le comportement ou la les particularités morphologiques des animaux s'exerce également une pédagogie sur le milieu naturel. Ainsi le conte fang sur la création du palmier présente les variétés de palmiers et met en évidence les bienfaits que cette arbre apporte à l'homme : pour faire le feu (l'enveloppe de noix de palme séchée) ; pour se nourrir (le choux palmiste) ; pour les soins corporelles quotidiens et pour l'usage rituel (l'huile d'amande) ; pour la toiture des cases (la paille), etc. Devinette recueillies par Zame Avezo'o Léa au village Etsiela(Mékambo) en 1990.

Troisième partie

Juridiction étatique de la forêt

Chapitre V.

L'Etat et le bouleversement territorial

Avec l'avènement de l'Etat, les pays colonisés ont connu des multiples changements dans des secteurs différents. Ainsi, Nous verrons dans ce chapitre : la naissance de l'Etat en premier, puis son rapport avec la forêt

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus