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Le BIR et la GP dans la politique de défense et de sécurité du Cameroun. Socioanalyse du rôle présidentiel, des concepts stratégiques et d'emploi des forces

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par Hans de Marie HEUNGOUP
Université catholique d'Afrique centrale - Master en gouvernance et politiques publiques 2011
  

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I.B- L'étiolement du lien armée-nation : tensions sociopolitiques

Le lien armée-nation fait partie inhérente de la stratégie de défense de tous les pays au monde. Lorsqu'on lit la politique de défense des États européens, américains, asiatiques ou africains, partout, la référence au lien armée-nation est permanente. Au Cameroun, le lienarmée-nation est le coeur de la politique de défense, vu que le concept stratégique actuellement en vigueur est celui de défense populaire. Et comme l'ont souligné les discours des deux présidents adressés aux forces armées, le concept de défense populaire est adossé sur la symbiose entre l'armée et la population. Toutefois, ce lien n'a vraiment jamais pu se tisser à cause de l'utilisation des forces armées à des fins répressives. Ce postulat est renforcé aujourd'hui par la multiplication des cas d'indiscipline et d'incivisme dans l'armée.

De fait, le pouvoir au Cameroun s'est construit à partir du « traumatisme d'État ». Pour se maintenir au pouvoir, il a fallu susciter la peur au sein des populations. L'Étattraumatisme se perpétue en formatant les consciences. Pour ce faire, il s'est toujours appuyé sur l'armée. Ce qui fait que le lien entre l'armée et la population est comparable au rapport du subordonné à l'« homme en tenue »163. Le rapport de l'armée et de la police à la population est encore vécu comme sous la période coloniale. Dans les faits, l'abus de pouvoir de la part des hommes en tenue est monnaie courante. Les cas de bastonnade, de détention arbitraire, de fouille corporelle non règlementaire sont relayés régulièrement par les journaux camerounais. Vu sous un prisme axiologique, ces pratiques sont pathologiques. Vu sous un prisme sociohistorique, ces pratiques ne sont que le prolongement de l'ordre politique camerounais. Les FAC sont en partie le prolongement des forces armées coloniales. Le même snobisme, le même dédain pour les populations s'est reproduit. L'ordre politique postcolonial au Cameroun est la continuité de l'ordre politique colonial. De même, il y a une continuité entre les forces armées coloniales et les forces armées postcoloniales camerounaises.

163 Il s'agit ici des hommes en tenu par rapport aux civils. Dans plusieurs langues nationales camerounaises, l'homme en tenu est traduit par Gô tu ; c'est-à-dire celui qui tient le fusil. Ceci s'explique par ce qu'aux yeux de ses populations, et c'est le cas dans la pratique, les forces de l'ordre n'ont jamais cessé d'être des forces coloniales.

II- La fragilité sociostratégique du Cameroun

La fragilité sociostratégique fait référence à l'ensemble des faiblesses de la stratégie de défense camerounaise qui ont leurs sources dans la société. L'étude sociostratégique du Cameroun nous conduira à interroger la culture stratégique de ce pays. Ceci permettra de scénariser et de projeter des situations polémologiques.

II.A- Culture stratégique camerounaise

La culture stratégique est « l'ensemble des pratiques traditionnelles et des habitudes de pensée qui, dans une société géographiquement définie, gouverne l'organisation et l'emploi de la force militaire au service d'objectifs politiques ».164 Elle témoigne de la difficulté qui existe à dissocier la stratégie de la société et de la culture où elle est élaborée. La culture stratégique comme toute culture est acquise. Le processus de socialisation à une culture stratégique se fait à travers une double dimension immatérielle et matérielle. Ainsi dans une société donnée, un ensemble de valeurs, d'attitudes, de pratiques traditionnelles formatent l`individu, et s'érigent pour lui en principes et postulats fondamentaux dictés par la politique. Aussi, l'étude d'une culture stratégique dans une société donnée, doit-elle tenir compte des expériences spécifiques de cette dernière. Il n'existe pas, en dehors de la doctrine d'emploi des forces camerounaises éditée en 1980 et classée « secret défense »165, des documents qui définissent le système de défense camerounais et la doctrine d'opérationnalisation de ce système. Toutefois, L'analyse de six facteurs permet de déterminer non seulement la culture stratégique dans un pays, mais aussi de cerner les spécificités nationales. Ces facteurs sont : l'assise géopolitique; le réseau international; l'idéologie et la culture politique; la culture militaire.

La stratégie au Cameroun est définie par le politique, tandis que le militaire se charge de mener à bien les missions définies par le politique. En effet, la hiérarchie stratégique compte trois grands axes principaux que sont : le premier niveau qui est le niveau stratégique où le politique élabore la politique de défense ; le deuxième niveau qui est le niveau opérationnel où les États-majors opérationnalisent la politique de défense ; le troisième

164 CARNES L., « American strategic culture». In comparative strategy. Vol 3, 1985.

165 Cette doctrine d'emploi des forces, énonce des idées directrices qui doivent permettre la conduite de l'action militaire en cas de conflit opposant le Cameroun à un autre pays. En matière de défense les informations sont classifiées selon leur nature et leur accès est limité aux personnes ayant fait l'objet d'une habilitation particulière. On distingue quatre niveaux de protection des informations en matière de défense classée par ordre croissant : diffusion restreinte(il s'agit des informations qui peuvent être connue de tous les militaires mais en respect des règles de discrétion professionnelle) ; confidentiel défense ( il s'agit des informations qui, exploitées peuvent conduire à divulguer un secret défense) ; secret défense ( ce sont les informations dont la divulgation peut nuire à la défense) ; très secret ( ce sont les informations qui concernent les priorités gouvernementales de défense).

niveau, qui est le niveau tactique où les forces armées sont mises en scène. Au niveau de l'État-major, le militaire joue le rôle de conseil et donne si le politique le sollicite, un avis pour la prise des décisions stratégiques. La formation diversifiée des officiers camerounais entraîne dans l'armée nationale une multitude de perceptions du métier des armes. Les fondamentaux de l'art militaire se transmettent au cours de la formation initiale. 85 % des officiers reçoivent leur formation initiale au Cameroun. Cette réalité laisse penser que l'essentiel des officiers camerounais ont un fond culturel militaire en commun. En effet, selon le directeur des études et des programmes de la formation Initiale de l'EMIAC, le Capitaine de frégate Georges NJOFANG, dès la création de cette école militaire, le programme de formation était fondamentalement militaire car le pays avait besoin de militaires pour lutter contre la guérilla.166

La culture stratégique du Cameroun n'existe à ce jour dans aucun document publié. Mais la culture militaire, décrite comme la « base de l'efficacité militaire », peut contribuer à expliquer les « motivations, aspirations, normes et règles de conduite », ce que l'on pourrait appeler l'essence d'une armée dans une société donnée.167 Dans cette perspective, la culture militaire, l'un des éléments déterminant de la culture stratégique, prédispose dans le contexte camerounais, à la formation d'une culture stratégique. La culture militaire au Cameroun est poreuse, dans la mesure où elle ne représente pas un monolithe fermé au monde extérieur. Elle est un système vivant, dynamique, ouverte au monde. Cet état de chose prédispose la culture stratégique au Cameroun à être une culture stratégique hybride. Ces caractères de la culture militaire au Cameroun sont non seulement le produit de ses spécificités nationales mais aussi de l'évolution de l'environnement international auquel elle s'adapte. C'est ainsi qu'au lendemain de l'indépendance, le Cameroun va signer avec la France au départ, mais aussi avec d'autres pays étrangers par la suite, des accords de coopération dans tous les domaines et dans le domaine militaire en particulier. Le constat que l'on peut faire est que, les officiers camerounais, tout au long de leur formation dans différents pays, se retrouvent socialisés à des cultures militaires distinctes. Cette réalité n'est possible que parce que la culture militaire camerounaise est poreuse. La culture militaire se transmet par l'enseignement, voire par l'habitus professionnel. Elle s'acquiert dans les écoles de formation militaire lors des stages. En se formant dans les écoles étrangères dans le cadre des différents accords de coopération, les officiers camerounais sont dépositaires de cultures militaires

166 Honneur et fidélité, n° spécial du 20 mai 2005, p. 12.

167 PEMBOURA Aïcha, « Le processus de formation de la culture stratégique au Cameroun : l'exemple des écoles militaires », Mémoire de DEA en science politique, Université de Yaoundé II, 2009, p. 45.

diverses. Le Cameroun étant dans ce contexte le terrain de multiples cultures militaires, la culture militaire proprement camerounaise se présente comme étant poreuse, prédisposant de ce fait à la formation d'une culture stratégique hybride au Cameroun.

Le Cameroun mène une diplomatie qui s'articule autour de quelques notions phares, à savoir la présence active, la participation effective, le rayonnement et la solidarité mondiale. Parmi les principes directeurs de ces notions, l'on compte en troisième position la coopération internationale, après l'indépendance nationale et le non-alignement.168 La coopération est dans cette perspective un volet essentiel des forces de défense camerounaises. Elle caractérise la capacité de l'institution militaire à échanger avec l'extérieure.169 Dès lors, la coopération ayant comme objectif l'instauration d'un climat d'échange réciproquement bénéfique entre les différentes parties, l'on peut se demander quels sont les enjeux de la coopération entre le Cameroun et ses pays amis en matière militaire, particulièrement en ce qui concerne la formation des officiers camerounais. Cette coopération peut être perçue comme un partenariat au service non seulement de l'amélioration de la présence française, de son influence au Cameroun, mais aussi de l'amélioration de la formation de l'élite militaire camerounaise. Aussi, la coopération militaire entre le Cameroun et ses partenaires marocain, grec et chinois se présente-t-elle comme des partenariats bénéfiques pour une diversification de la coopération camerounaise en matière militaire.170 La promotion de la paix par le Cameroun cadre avec cette ligne éditoriale et est caractérisée par le triptyque suivant : la sécurité à l'intérieur des frontières camerounaises en se préservant des guerres civiles et d'éventuelles agressions ; l'intangibilité des frontières africaines. Le Cameroun fait du non recours à la force un précepte fondamental de sa diplomatie. Ce pays n'a jamais été en guerre contre une puissance étrangère ; tout au plus a-t-il connu quelques différends avec ses voisins Équatoguinéens, Gabonais et Nigérian.

En somme, la stratégie de défense du Cameroun qui se veut « populaire » est « défensive » et « dissuasive »171.

168 Le non-alignement dont il est question est nécessairement un non-alignement de façade, puisque sur l'essentiel des questions internationales, le Cameroun adopte la position française. Si elle ne le présente pas n'nécessairement publiquement, cela se fait sentir lors des votes aux nations unies.

169 Honneur et fidélité, n° spécial du 20 mai 2006, p. 32.

170 PEMBOURA Aïcha, op. cit., 2008, p. 56.

171 Commandant ELA ELA, op. cit., 2001, p. 62.

II.B- Simulations et analyses polémologiques

La simulation est une activité essentielle de la prospective. Elle est pourtant l'enfant pauvre de la défense camerounaise. Au MINDEF, il y a en tout une personne chargée des études générales de prospective pour l'Afrique ; et une autre chargée des études générales de prospective pour le reste du monde. Et parmi leurs études, les simulations sont marginales. L'étude des profils et background des officiers nommés à ces fonctions explique en partie la quasi inexistence de war's game analyze au Cameroun. Dans le cadre de ce livre, nous ne pouvons prétendre avoir pris en compte l'ensemble des variables et contraintes mathématiques qu'une simulation polémologique impose. Il s'agit simplement de proposer un éclairage prospectif en fonction du matériau dont nous avons disposé. Nous allons simuler, suivant la répartition du bureau des Études générales au MINDEF, deux conflits entre le Cameroun et deux pays de la CEEAC. Ce choix s'est effectué en fonction du degré de tensions qui persistent entre le Cameroun et ces pays.

Probabilités de tensions sous-régionales en Afrique centrale

Ce volet concerne la probabilité pour le Cameroun de se trouver en conflit avec les pays africains. L'espace de pertinence de cette projection est limité en raison de la vastitude d'une projection sur les 54 États africains, mais surtout parce les pays africains, mêmes les plus développés ne disposent pas de capacités de projection de leurs forces suffisantes pour aller faire la guerre au sein d'une autre région ; de surcroit à un pays qui militairement n'est pas un nain en Afrique. C'est pourquoi nous avons limité cette prospective à l'Afrique centrale CEEAC. Et dans cette Afrique centrale, il s'agit précisément de deux pays avec lesquels le Cameroun a été le plus en tension : le Nigéria et la Guinée Équatoriale.

NIGERIA

La probabilité d'une tension militaire entre le Cameroun et le Nigéria est dépendante de deux facteurs que nous pouvons étudier.

Scénario1 : Putsch militaire au Nigéria

Le Cameroun peut-il se retrouver en conflit militaire avec le Nigéria si jamais un militaire arrivait au pouvoir au Nigéria par putsch ? C'est l'hypothèse d'une non-reconnaissance des accords de Greentree par l'autorité militaire putschiste. Cette hypothèse est elle-même inhérente à la probabilité d'un coup d'état militaire au Nigéria. Sur ce sujet, il sied de dire que la démocratie nigériane, qui commence à se mettre en place, du moins du

point de vue du suffrage universel, est très loin d'être irréversible. Des poches de tension et des clivages ethno-religieux existent encore dans ce pays. La probabilité qu'un putsch militaire ait lieu au Nigéria n'est pas à écarter. De même, si cela devait se produire, il n'est pas à écarter également que les nouvelles autorités se montrent plus entreprenantes en ce qui concerne le contrôle de l'espace géostratégique que constitue BAKASSI. Autrefois, ce fut un militaire, le Général SANI ABACHA qui avait lancé l'offensive en 1993. Et la hiérarchie militaire nigériane n'a pas jusqu'à présent toléré la riposte camerounaise de 1996, encore moins la démarche judicaire de l'ex président OLESEGUN OBASANDJO. De ce fait, il est plutôt probable que si les militaires arrivaient au pouvoir au Nigéria par putsch, ils remettraient les accords entre OBANSANDJO et Paul BIYA en cause.

Scénario2 : Altercation entre les FAC et les FAN

Si jamais il survenait une altercation faisant des morts côté Nigérians entre les FAC et les FAN, du fait par exemple d'un tir de missile perdu camerounais sur le sol Nigérian, cela suffirait-il à déclencher un conflit militaire entre les deux pays ? Il faut déjà se souvenir qu'en 1986, c'est une situation de même nature qui a déclenché le différend entre le Nigéria et le Cameroun. Dans une telle situation, il est fort probable que les autorités camerounaises présenteront leurs excuses aux autorités nigérianes. La réaction Nigériane dépendra de celui qui sera au pouvoir et quels seront ses buts inavoués. Si c'est un GOODLUCK JONATHAN qui est à la tête du Nigéria, il est fort probable qu'il demandera d'importants dommages et intérêts au Cameroun et, sans doute une sanction des militaires camerounais à l'origine de cette bavure. Si en revanche à la tête du Nigéria se trouve à ce moment un SANI ABACHA bis, alors il est fort probable qu'ABUJA saisisse l'opportunité qui s'offre à lui pour reconquérir la péninsule de BAKASSI. Compte tenu des arguments énoncés, il est plutôt improbable actuellement qu'une tension militaire ait lieu entre le Cameroun et le Nigéria.

GUINEE EQUATORIALE

Un conflit Malabo-Yaoundé peut-il avoir lieu ? Il n'y a pas à scénariser dans ce cas, la réponse est actuellement non, mais à long terme oui. Actuellement, cela est impossible, parce que le Cameroun et la Guinée équatoriale ne sont pas, comme le Nigéria et le Cameroun au sujet de Bakassi ou le Cameroun et le Gabon au sujet de l'île MBAMIE à la frontière D du Cameroun, en situation de tension frontalière. Pour autant, le ressentiment de Malabo à l'encontre de Yaoundé est grand. Le snobisme du gouvernement AHIDJO et des camerounais vis-à-vis des Équato-guinéens dans les années 60 à 90 est encore vécu négativement dans ce

pays d'Afrique Centrale. A l'époque du tout puissant Cameroun et de la toute petite Guinée équatoriale, le Cameroun a même décliné des propositions de rattachement de ce pays. Aujourd'hui, la Guinée équatoriale retrouve quelques prospérités, et elle entend le faire savoir. Les autorités guinéennes saisissent toutes les occasions pour le faire comprendre au Cameroun. Mais la principale source de tension qui pourrait éventuellement dégénérer en conflit est la question de l'expulsion des camerounais résidant en Guinée équatoriale.

Tableau7 : Probabilité de tensions sous-régionales impliquant le Cameroun

 

TRÈS IMPROBABLE

IMPROBABLE

PLuTerT IMPROBABLE

PLrrerr PROBABLE

PROBABLE

TRÈS PROBABLE

NIGERIA

ScENARIO'I

 
 
 

X

 
 

ScENARI O2

 
 

X

 
 
 

GUINEE EQUATORIALE

ScENARIO'I

X

 
 
 
 
 

ScENARI O2

 
 
 

X

 
 

TOTAL

X

 

X

XX

 
 

Source : Hans De Marie HEUNGOUP NGANGTCHO

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon