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Le BIR et la GP dans la politique de défense et de sécurité du Cameroun. Socioanalyse du rôle présidentiel, des concepts stratégiques et d'emploi des forces

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par Hans de Marie HEUNGOUP
Université catholique d'Afrique centrale - Master en gouvernance et politiques publiques 2011
  

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C- Approches de l'État

La catégorie « État en Afrique» constitue un méta-concept et un métadiscours, qui renvoient aux problématiques instituées de l'État-épithète. L'aporie épistémique résulte de l'incapacité d'aseptiser et d'exorciser les pré-schèmes et les « pré-constructions savantes » de l'État.34 Dans le cadre de ce travail, nous allons ressortir deux approches : l'approche de l'historicité de Jean-François BAYART et les approches écologiques-sociogénétiques.

> L'État en Afrique vu d'ailleurs : les biais essentialistes et éthiques

L'État en Afrique ou au Cameroun, vu d'ailleurs, c'est-à-dire de l'occident, est calfeutré par les biais essentialistes et éthiques. En effet, l'étude de l'État en Afrique est dominée par un certain nombre de paradigmes et d'auteurs. Parmi eux, le plus cité au Cameroun est Jean-François BAYART.

Les travaux de Jean-François BAYART sont dominés par les questions d'historicité et de greffe de l'État en Afrique. Dans ses ouvrages « L'État au Cameroun » et « L'État en Afrique : la politique du ventre », les mérites de l'auteur sont d'avoir su rompre avec le développementalisme et le dépendantisme ambiants de l'heure pour mettre le curseur sur la période précoloniale, et montrer finalement comment la construction de l'État en Afrique ressort d'une « alliance hégémonique entre les dominants d'hier et ceux d'aujourd'hui; les dominés d'hier restant encore dominés aujourd'hui ».35 Ce travail monographique restitue l'historicité des trajectoires étatiques africaines. L'État au Cameroun de BAYART est incontestablement un chef-d'oeuvre académique; dix années de recherches pour cerner un

34 SINDJOUN Luc, Op. cit., 1994.

35 BAYART Jean-François, Op. cit., 1985.

objet, c'est rare aujourd'hui. Cela dit, comme le reconnait Bayart lui-même, l'État-nation, comme cadre d'étude du Cameroun, est en soi déjà « contestable ».36 Comme le souligne Janvier ONANA, BAYART amplifie plantureusement l'impact de la période précoloniale dans la construction de l'État du Cameroun; au détriment de la période coloniale, moment privilégié de la naissance du « Kamerun ».37 De fait, c'est le congrès de 1884 et la pénétration allemande qui donne sa longueur et largeur au Cameroun actuel. La période coloniale et les premières années de l'indépendance sont celles du travail sur l'inconscient collectif camerounais. La colonisation est paradoxalement l'espace-temps de la socialisation étatique et de l'« émergence d'un champ politique professionnalisé ».38 Certes il y a eu Vasco de GAMMA avec son rio dos Camaroes, mais comme l'affirme Jean-Pierre FOGUI, « L'intégration politique au Cameroun » ne commence véritablement que sous la période coloniale.39 Il y a donc un biais essentialiste dans la thèse de BAYART.

Cependant, l'oeuvre de BAYART sur la réinvention indigène de l'État dans la « La greffe de l'État »40 nous semble être la moins contestable de ses oeuvres. BAYART n'a pas tord de voir en l'État en Afrique une réinvention locale. Son approche historiciste lui a permis de restituer l'État en Afrique en tant que « soi », et non par rapport à l'occident. Comme le souligne Luc SINDJOUN à la 4ème page de l'introduction de « L'État ailleurs. Entre noyau dur et case vide », l'État ailleurs n'est pas qu'un État importé. Il est surtout un « État exporté »41 qui a été et qui est réinventé. Il est aux interstices du path dependence et du path contingence.42 Parmi les approches de l'État en Afrique et surtout de l'État au Cameroun, les approches écologiques et sociogénétiques sont également à considérer.

> Approches écologiques et sociogénétiques

Le champ des études étatistes camerounaises est de plus en plus marqué par la génération 1960-1975. Ces auteurs ont tous en commun d'essayer de rompre avec les analyses-clichées et caricaturales de l'État en Afrique et au Cameroun. Parmi eux, on distingue Luc SINDJOUN et son approche écologique, d'une part; Mathias Éric OWONA NGUINI, Chantal Pélagie BELOMO ESSONO et leurs approches sociogénétiques de l'État, d'autre part.

36 Ibid., p. 4.

37 ONANA Janvier, « Professionnalisation politique et constitution d'un champ politique », Thèse de doctorat en science politique, Université de Paris X-Nanterre, 2001.

38 Ibid., p. 15.

39 FOGUI Jean Pierre, L'intégration politique au Cameroun : une analyse centre-périphérie, Paris, LGDJ, 1990.

40 BAYART Jean-François, La greffe de l'État, Paris, 1997.

41 SINDJOUN Luc, Op. cit., 2002, p. 4.

42 Ibid., p.15.

La « statogénèse » de l'État du Cameroun se doit d'être lue dans la « bijection » entre le centre et la périphérie. Dépassant les thèses de l'«injection », Luc SINDJOUN montre que la pénétration périphérique de l'État central s'accompagne d'une absorption et d'une colonisation locale de l'État. Le continuum « monopole-oligopole »43, dont parle l'auteur, contrevient à l'unilatéralité du centre et au mythe de l'État transcendant. Toutefois, cette approche est elle-même discutable, tant du point de vue de la sociogenèse éliasienne dont s'inspire SINDJOUN que du point de vue de l'approche de l'historicité de BAYART. En effet, si pour SINDJOUN la pénétration politique au Cameroun démystifie l'État qui devient un État en négociation; pour BAYART, la pénétration politique se caractérise par la violence exacerbée : d'où l'État-traumatisme. Ces deux approches sont incompatibles. A la vérité, il nous paraît que l'approche écologique de SINDJOUN est tout juste complémentaire à celle de BAYART, car le récit de l'histoire montre que la violence a présidé à la pénétration politique au Cameroun. Sans doute, y a-t-il eu colonisation locale de l'État, mais ce qui est premier c'est la violence. De ce fait, on ne peut nier la pertinence de la thèse de SINDJOUN sur l'État mis à nu dans l'arrière pays. Toutefois, le monopole-oligopole qu'il évoque n'est pas compatible avec l'État-traumatisme, encore moins avec l'État-président.

L'ordre et la sécurité publics constituent l'ontogenèse de l'État du Cameroun comme le démontre Chantal BELOMO. Mais l'ordre et la sécurité publics s'avèrent plus difficiles à garantir en périphérie qu'au centre. Dans un contexte de « la parcellarisation sécuritaire et de sécurisation à géométrie variable »44, de catégorisation des « régions rebelles », la thèse d'OWONA NGUINI sur « le monopole hégémonique d'un centre sur la périphérie et d'un jacobinisme venu de l'extérieur »45 s'avère pertinente. Cette thèse contredit celle de SINDJOUN sur le « monopole-oligopole ». Néanmoins, cette thèse est elle-même contestable en ce qu'elle estime que ce monopole est venu de l'extérieur; ce qui n'est pas unanimement vrai du point de vue culturel au Cameroun. S'il est vrai que les peuples « Béti », par exemple, ont toujours été gouvernés suivant un modèle diffus, les peuples de l'Ouest et du Nord au Cameroun connaissent un système d'autorité plus pyramidal, caractérisé par le monopole du roi sur tout son espace territorial. De surcroit, lorsqu'on observe le Cameroun sous le premier régime comme sous le second, la vigueur avec laquelle les deux présidents se sont échinés à défendre l'unité nationale de façon jacobine assure le contraire.

43 SINDJOUN Luc, Op. cit., 1994.

44 BELOMO ESSONO, Op. cit., février 2007.

45 OWONA NGUINI Mathias Éric, «« La sociogenèse de l'ordre politique au Cameroun, entre autoritarisme et
démocratie (1978-1996) les régimes politiques et économiques au gré des conjonctures et des configurations
socio-historiques », Thèse de doctorat en science politique, IEP de Bordeaux - Université de Bordeaux IV, 1997.

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