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La territorialisation des plans climats

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par Yannick MONLOUIS
AgroParisTech Clermont-Ferrand - Mastère spécialisé ACTERRA 2011
  

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III. La territorialisation : institutionnalisation d'une nouvelle forme d'action publique pour lutter contre le changement climatique

La décentralisation avait pour objectif de rendre plus efficace la gestion publique en améliorant son adaptation à la complexité des situations territoriales. Cependant, les entités administratives se sont vite aperçues du manque de flexibilité et de cohérence face à un environnement systémique qui connait des changements aussi brutaux que rapides. Les collectivités territoriales sont les premières concernées par la complexité du réel et elles ont du depuis longtemps trouver des moyens et des procédures leur permettant de répondre de façon efficace et pertinente aux enjeux du terrain, tout en respectant les règles édictées par l'administration. Nous allons voir dans cette partie comment le dogme des blocs de compétences s'est émietté au fil du temps et en quoi la territorialisation, comme processus de construction des politiques publiques, est une alternative propice afin de réconcilier la gestion publique aux enjeux du développement durable des territoires

A. De la décentralisation à la territorialisation des politiques publiques

En transposant des blocs de compétence à d'autres niveaux, la décentralisation n'a pas permis de prendre en compte la diversité des territoires. Au final, les compétences n'étaient considérées qu'en termes de répartition y voyant le seul moyen de parvenir à une clarté des responsabilités, condition de la sanction citoyenne par le vote. Nous comprenons d'autant mieux les critiques vis-à-vis du monde politique : trop de bureaucratie, trop d'enchevêtrement des procédures et pas assez de cohérence, ni de projet collectif. Ce sont ces raisons qui ont donné lieu en mars 2003, à l'instauration du principe de subsidiarité qui remet en cause la logique des blocs de compétences en permettant à toutes les collectivités, de quelques niveaux que ce soit, de prendre directement en charge les affaires qui leur sont propres, même si elles ne correspondent pas à leurs compétences obligatoires, ceci afin de maximiser l'efficacité de l'action.

Historiquement, ce principe a permis aux collectivités de se questionner sur l'échelle la plus
appropriée pour traiter d'une thématique. Cette réflexion a mis en exergue l'absurdité des

limites administratives pour traiter certaines thématiques. Par exemple, la gestion de l'eau n'est cohérente que si elle se gère à l'échelle d'un bassin versant ; idem pour la question des transports et des modes de déplacement, qui pour être pertinente s'aborde à l'échelle d'un bassin de vie. Il fut donc nécessaire pour les collectivités d'innover afin d'inventer des modes de gestion qui favorisent l'articulation des échelles. On constate alors la création de nouveaux territoires. Selon Bernard Pecqueur, « dès lors que dans un espace géographique délimité, même s'il n'est pas strictement borné, il est globalement délimité, des acteurs font immerger une question et ensuite tentent de résoudre le problème commun, ils fabriquent du territoire et dès lors on a de la construction territoriale »11. Ces territoires sont spécifiques car ils n'existent qu'au travers d'un intérét, d'une problématique, d'un projet partagés par les acteurs qui le composent. Ils peuvent correspondre à des découpages politico-administratifs (régions, départements, etc.) mais également se superposer à eux.

La « découverte du territoire » a profondément modifié le cadre d'intervention de l'action publique en questionnant la logique sectorielle qui prévalait. Par tradition, les collectivités territoriales, et particulièrement les régions et les départements, ont défini des politiques verticales, sectorielles, cloisonnées en fonction des différents secteurs d'activité. Cette logique ne permet pas d'aborder la complexité du territoire et elle conduit parfois à une fragmentation excessive des politiques publiques, à une perte de visibilité et au final à une multiplication des coûts cachés. Dès lors la logique de projet est favorisée puisqu'elle permet le passage d'une obligation de moyens à une obligation de résultats. Ce n'est plus le respect de la règle qui prévaut mais le résultat final. Cette logique fondamentalement transversale, modifie les politiques publiques en les ajustant aux spécificités du territoire sur lequel elles s'appliquent. Le débordement du cadre d'intervention sectoriel par les politiques dites « territoriales » apparaît aujourd'hui comme la règle. « La « territorialisation » des politiques publiques devient [...] une sorte d'évidence dans l'action publique sans que l'on sache toujours s'il s'agit de déconcentration, de décentralisation ou de management organisationnel » (A. Faure, 2004).

La territorialisation des politiques publiques implique le passage d'une politique uniforme,
pour laquelle les mémes règles sont applicables sur l'ensemble du territoire de compétence, à

11 B.Pecqueur, Vidéo XLVIème colloque de l'ASRDLF, le 7 juillet 2009, [en ligne] [ http://www.territoriesnet.org/territoryconcept/?p=49&lang=fr]

une politique adaptée aux spécificités des espaces identifiés12. Le territoire est le résultat, alors que la territorialisation est le processus, c'est-à-dire la mobilisation des acteurs endogènes pour la mise en place d'une politique publique. La territorialisation ne correspond pas à une définition juridique stabilisée mais elle semble être devenue la nouvelle norme. On le constate au travers d'un véritable mouvement de territorialisation des politiques publiques.

La territorialisation de la gestion publique locale concerne tout à la fois la définition des

politiques publiques et de façon plus opérationnelle les pratiques administratives. Elle

contraint à repenser les rapports entre administrations sectorielles. Lors de mes entretiens,

hormis le Pays d'Ardèche Verte qui est un territoire de projet13 et a une organisation assez

souple, les chargés de mission PCET des deux collectivités (commune de Voiron et Conseil

Général d'Isère) m'ont parlé d'une évolution du management en interne qui se déroule de

façon concomitante avec la territorialisation de leur plan-climat. Cette transformation

progressive a pour objectif, entre autres, de favoriser l'approche transversale de l'élaboration

des politiques publiques.

« On travaille sur une modernisation de l'Administration, donc il y a un programme au

niveau de « l'entreprise » collectivité Ville de Voiron où l'on trouve des référents par service

et par direction pour se poser les bonnes questions sur le travail que l'on fait [...] Le fait

qu'il y ait des référents, c'est des gens quand même qui sont convaincus. C'est des gens qui

sont porteurs des messages et puis c'est intéressant parce que ça donne du poids en fait. Faut

surtout pas qu'un Plan climat ne soit que de la responsabilité d'une seule personne, le chargé

de mission. Il faut qu'après dans chaque direction, etc., il y ait une déclinaison » (Frédéric

Jacques, Chargé de mission PCET, Ville de Voiron)14

La territorialisation concerne également les relations avec les citoyens et les acteurs du

territoire qui vont être amenés à participer, à co-construire des politiques publiques locales

complètement adaptées aux besoins de chacun des territoires.

12 La territorialisation : menace ou levier de l'action publique ?, Atelier organisé par l'INET, 5 et 6 décembre 2007

13 Un territoire de projet se définit comme « l'espace économique, social et physique sur lequel un projet de territoire s'élabore. Organisé, il est en capacité de contractualiser sur un projet global avec les autorités chargées de l'aménagement et du développement territorial ».

14 Frédéric JACQUES, chargé de mission PCET, entretien réalisée le lundi 1er août 2011, ville de Voiron, [42 min. 30 secondes de l'enregistrement]

Afin de clarifier le processus de territorialisation nous allons dans la partie suivante nous intéresser aux caractéristiques de ce concept.

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