WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'efficacité du contrôle des commissaires aux comptes des sociétés anonymes (OHADA )

( Télécharger le fichier original )
par Didier Andy TAKAFO KENFACK
Université de Dschang - Diplome d'études approfondies (DEA ) 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§II : Le principe de non immixtion dans la gestion, un principe difficilement applicable

Inconnu dans la loi de 1867, consacré par la loi du 24 juillet 1966231(*), le principe de non immixtion est repris par le législateur OHADA dans l'acte uniforme sur les sociétés commerciales en son article 712 qui dispose que « le commissaire aux comptes a pour mission à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la société et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur. »

Il signifie en premier lieu que le commissaire aux comptes ne doit être investi d'aucune prérogative dans la conduite des affaires externes (représentation de la société) et internes (prises de décision) de la société. Ensuite, il ne saurait être un conseiller de la gestion. Ce faisant, il remplirait une mission qui appartient aux dirigeants et serait amené à donner des conseils qui constitueraient une immixtion. Enfin, qu'il doit se garder de toute « interférence »232(*) dans la conduite des affaires sociales.

Bien qu'il soit facile à définir, le respect scrupuleux du principe de non immixtion ne va pas sans soulever des difficultés majeures dans l'exécution des missions du commissaire aux comptes.

La première difficulté vient du fait que la loi dispose que le commissaire aux comptes ne doit pas s'immiscer dans la gestion des dirigeants alors que l'exercice de plusieurs de ses missions est indétachable d'une immixtion dans la gestion. En effet, il ne peut pas se désintéresser de la gestion de l'entreprise qui vit, au jour le jour et sur une longue durée, sous la forme juridique de la société dont il est l'organe du contrôle légal233(*), que l'on soit en présence de ses missions traditionnelles ou de ses missions nouvelles.

Dans l'accomplissement de ses missions traditionnelles, il doit certifier que les états financiers de synthèse de la société contrôlée sont réguliers et sincères, donnent une image fidèle de la situation des opérations de l'exercice écoulé, de la situation financière et comptable de la société à la fin de l'exercice. Très souvent, il sera obligé de procéder à des sondages ainsi qu'à des inspections sur le terrain, il pourra même recueillir toutes les informations utiles auprès des tiers ayant accompli des opérations pour le compte de la société pour être sûr, et certifier en professionnel lesdits états financiers. Dans un cas comme dans l'autre, il apprécie la gestion.

La difficulté s'accroît avec les rapports qu'il est appelé à établir sur les conventions réglementées, les fusions et les opérations sur le capital. D'après l'article 441AUSCGIE, le commissaire aux comptes veille sous sa responsabilité à l'observation des dispositions relatives aux conventions réglementées et dénonce toute violation dans son rapport à l'assemblée générale. Cette prescription qui lui permet d'étendre son contrôle au delà des seuls comptes l'autorise indirectement à apprécier la gestion des dirigeants sociaux. Les rapports sur les modifications du capital ou des opérations de fusion sont aussi autant de signes d'immixtion dans la gestion des dirigeants, « car on ne peut s'acquitter sans apprécier plus ou moins, la gestion de la société »234(*).

Telles sont quelques hypothèses d'immixtion dans le cadre des missions traditionnelles du commissaire aux comptes. Il en existe d'autres qui sont spécifiques à l'exercice des missions nouvelles et dont le cadre par excellence est la mission de l'alerte.

La procédure d'alerte telle qu'organisée par le législateur donne des grandes possibilités au commissaire aux comptes d'intervenir dans la gestion en l'appréciant. Déjà même en invitant les dirigeants ou le conseil d'administration à se prononcer sur les faits dont il a requis des explications, le commissaire aux comptes porte inévitablement une appréciation sur un ou plusieurs actes de gestion des dirigeants sociaux. L'établissement du rapport spécial à présenter à l'assemblée générale suppose qu'il ait également apprécié la gestion. Plus caractéristique, est enfin sa décision de convoquer l'assemblée générale. Cette convocation suppose en effet l'existence d'un motif déterminant et justifiant la crainte que la continuité de la société ne soit compromise. Or, ce motif ne peut résulter que d'un exercice au cours duquel il fait irruption et apprécie la gestion235(*).

Le principe de non immixtion dans la gestion se présente vraisemblablement comme l'une des questions les plus controversées à propos du commissariat aux comptes, le législateur est contredit et pour ne prendre que deux exemples, enseigne aussi bien que le commissaire aux comptes « a le contrôle de la régularité et de la sincérité de la gestion » ou à l'inverse que « le commissaire aux comptes commettrait une faute en portant une appréciation sur la manière dont la société est gérée », deux positions parfaitement incompatibles, puisque la même attitude du commissaire aux comptes est perçue tantôt comme une obligation, tantôt comme une faute. Cette situation alambique ne peut que contribuer à nuire au contrôle des commissaires aux comptes.

Sous le couvert du principe à respecter, les commissaires aux comptes ne peuvent plus bien exercer leur contrôle qui devient de ce fait illusoire. A l'occasion, ils seront tentés de se limiter à un contrôle superficiel, évitant d'aller plus loin au risque de s'immiscer dans une gestion susceptible d'engager leur responsabilité. Or, en se limitant en surface, leur responsabilité pourra aussi être engagée pour n'avoir pas dénoncé les fautes de gestion des dirigeants236(*).

Face à ce paradoxe, le commissaire aux comptes peut ne plus savoir à quel sein se vouer, respecter le principe ou ne pas le respecter donnera toujours lieu à sa responsabilité.

Finalement, que devient ici le principe de non immixtion?237(*) Il devient purement et simplement une entrave à l'efficacité du contrôle légal des comptes puisque, non seulement, il risque de paralyser l'exercice normal de toutes les missions du commissaire aux comptes, mais pourra aussi consacrer la passivité légale de ce dernier238(*).

Pour une meilleure efficacité du contrôle, il serait souhaitable que le législateur procède à une révision du principe allant dans le sens d'une délimitation du domaine dans lequel l'immixtion peut être tolérée ou sanctionnée. En réalité, il ne s'agit pas seulement de distinguer ce qui relève de l'immixtion ou ce qui est exclu ; il s'agit à maintes occasions du contrôle légal de déterminer ce que le commissaire aux comptes n'est pas autorisé à faire, ce qu'il peut faire et enfin ce qu'il doit faire.

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

L'examen de cette partie montre que les limites à l'efficacité du contrôle opéré par les commissaires aux comptes dans les SA tiennent à deux grandes raisons :

D'une part, elles proviennent du statut, matérialisé par leur indépendance factice et les limites à leurs prérogatives.

D'autre part, elles proviennent des missions même des commissaires aux comptes très souvent mal définies avec de nombreuses difficultés d'exécution. Ce faisant, parce qu'on ne peut dénoncer qu'en proposant, la pratique a formulé plusieurs souhaits allant dans le sens des stratégies de renforcement de l'indépendance et des prérogatives des commissaires aux comptes, et d'une précision nette de ses misions. Il appartient au législateur de les mettre en oeuvre s'il veut que le contrôle des sociétés anonymes garde un sens à l'avenir.

* 231 Art 228 de la loi française du 24 juillet 1966.

* 232 Interférence : en physique est un phénomène résultant de deux superposition de deux mouvements vibratoires. Par extension, interférer signifie se mêler, se superposer en créant des renforcements ou des oppositions. Critiquer ouvertement l'administration et la direction, tout en restant étranger aux prises de décisions, c'est s'immiscer dans la conduite des affaires sociales par interférence.

* 233 VIDAL (D.), « L'intervention du commissaire aux comptes dans la gestion de l'entreprise sociale qu'il contrôle », les Mélanges en l'honneur de ADRIENNE (H.), 2000, p.328.

* 234 VIDAL (D.), le commissaire aux comptes dans la société anonyme...op.cit, n°192, p.165.

* 235 NJOYA KAMGA (B.). Les interventions des tiers dans la gestion des sociétés commerciales. Mémoire de DEA, Université de Dschang, 2000, p.9.

* 236 Il s'agit là des fautes dont seule des investigations profondes permettraient de détecter. C'est notamment le cas des délits de présentation de faux bilans, les informations mensongères et les détournements de fonds ou l'abus des biens sociaux

* 237 VIDAL (D.), Le commissaire aux comptes dans la société anonyme...op.cit, n°204, p.171.

* 238 VIDAL (D.), Le commissaire aux comptes dans la société anonyme...op.cit, n° 170, p.152.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry