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De la réticence des sources officielles d'information face au droit du public à  l'information: cas de la ville de Bukavu en RDC

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par Trésor Makunya Muhindo
Université catholique de Bukavu - Graduat en droit 2011
  

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Section III : Résultats et analyse de l'enquête effectuée au près des journalistes de Bukavu

Nous avons distribué un questionnaire d'enquête (en annexe de ce travail) au près de 20 journalistes de la ville de Bukavu. Nous avons également mené deux entretiens avec les autorités de la place. Nombreuses ne nous ont pas reçu faute de temps, disaient-ils.

De 20 journalistes de la ville, tous (100 %) indiquent qu'avant d'obtenir une information au près d'une source officielle d'information, ils doivent quelques jours ou quelques heures avant, entrer en contact avec lui. Ceci pour respecter une procédure et de ne pas surprendre l'autorité qui trouverait des échappatoires à ce niveau. La plupart d'entre eux, utilisent le téléphone mobile pour les contacter et parviennent le plus souvent, à décrocher un rendez-vous qu'ils respectent à leur tour. Si c'est la première fois de solliciter une audience au près de l'autorité, celle-ci prend tout de même le soin de demander au journaliste l'organe de presse pour le quel le journaliste travaille. Ce que nous trouvons fondé comme préoccupation car il est également de l'obligation du journaliste de se présenter.

Mais trois de ces journalistes indiquent qu'il y a certaines autorités qui accordent des rendez-vous qu'elles ne respectent pas, des mois durant, renvoyant toujours à demain. D'autres renvoient carrément le journaliste au près de leurs collaborateurs. Ces derniers à leur tour les retournent au chef et inversement.

Nous constatons tout de même un esprit de respect des règles au près de la plupart des journalistes. Certains ont d'ailleurs des carnets d'adresses et des coordonnées téléphoniques des autorités administratives, policières, judiciaires, militaires, ... ceci devrait en principe créer un climat de confiance entre ces deux parties. Bien souvent, certaines autorités aussi appellent des journalistes pour couvrir des événements organisés par leurs services (arrivée d'un supérieur hiérarchique en provenance de la capitale Kinshasa, atelier de formation des cadres du service, ...)

Seul un journaliste sur les 20 enquêtés affirme que les autorités délivrent facilement les nouvelles. "Ce qu'ils ont à dire, ils le disent aisément. Et ce qu'ils veulent taire, ils le taisent" dit-il. Ce que nous trouvons contradictoire. S'il affirme que les autorités donnent tout, pourquoi dire également qu'elles donnent ce qu'elles veulent et taisent d'autres informations ? Pour les autres journalistes: les sources officielles ne délivrent pas facilement toutes les informations. Et cela pour diverses raisons :

- 11 disent que les autorités, surtout militaires, ramènent beaucoup d'information dans le secret de la défense nationale. Leur divulgation, nous l'avons dit, pousserait et à l'autorité et au journaliste de commettre une infraction ;

- 10 disent qu'en province, elles ne sont pas habilitées à délivrer cette information. Il faut une autorisation de la direction générale (dans la capitale Kinshasa) ;

- 8 trouvent que d'autres autorités disent que l'information recherchée est stratégique parmi ce genre d'informations figurent également les nouvelles relatives à la gestion d'un tel service public ;

Quinze sont d'accord que les autorités ne savent pas ce que recherchent les journalistes. Mais il faut signaler que l'autorité s'enquérait également du bien fondé de la demande du journaliste avant d'accorder un rendez-vous.

Comme nous l'avions dit, ces motifs sont utilisés à tort de fois par l'autorité pour échapper à des questions que poseraient les journalistes. Nous pensons que c'est quand même aberrant pour une autorité de créer des boucs émissaires, bien que légaux, pour retenir une information ne lui appartenant pourtant pas, elle n'en est que la gardienne.

18 enquêtés connaissent que le journaliste a droit d'accéder aux sources d'informations. Un avoue qu'il a droit d'accéder aux sources d'informations mais pas toutes et l'autre ne connait pas. Notre avis est également partagé quant aux points de vue des enquêtés. En ce tenant aux prescrits de l'article 11 de la loi de 1996 "le journaliste est libre d'accéder à toutes les sources d'information sauf dans les cas prévus par la loi", nous sommes d'accord qu'il ne doit pas accéder à toutes. Mais cette formulation laisse planer des doutes ? Les quelles des sources l'accès est libre ? Les quelles il est interdit ? La réponse à ces questions oblige à ce que l'on se réfère à toutes les lois et que l'on y déniche toutes les réserves formulées par le législateur quant à l'accès à l'information de tel ou de tel autre secteur. Il est souhaitable que le législateur, en révisant la loi de 1996, précise également explicitement les sources interdit d'accès par le journaliste.

Les journalistes ont droit de connaitre la vérité sur certains faits afin d'en informer le public, répondent tous, à la question de savoir si la démarche des autorités, celle de retenir l'information, est vraiment fondée. Mais l'un d'entre eux, bien qu'il accepte, émet tout de même de réserve s'agissant des informations ayant trait directement à l'administration, à l'instruction pré juridictionnelle. Que dire alors de l'adage toute verité n'est pas bon à dire ? Certains journalistes répondent qu'il existe chez eux, une clause de conscience en vertu de la quelle, le journaliste ne peut être contraint d'accomplir un acte professionnel ou d'exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction, à son honneur, à sa réputation ou à ses intérêts moraux.

Et quand l'autorité s'abstient de livrer l'information, que faire ? Les avis des journalistes au près de qui nous avons enquêté sont partagés. Pour certains, 17, il faut prendre le soin de préciser dans un article de presse ou une dépêche que l'autorité s'est réservée de tout commentaire quant à cette question.

Le journaliste se contente alors des dires des sources non officielles en utilisant surtout le conditionnel faute de précision, car, ils estiment que le fait de refuser à se prononcer présage quelque chose. S'il s'agit d'une institution, le journaliste cherche une autre autorité qui partage les mêmes compétences afin qu'elle donne sont point de vue. Pour les autres, il faut carrément enterrer la diffusion de cette information en disant à l'autorité qu'elle fait triompher la rumeur.

Nous sommes du même avis que ceux qui estiment que l'autorité fait triompher la rumeur. Parce qu'en refusant de se prononcer, l'information peut en être déduite. C'est le cas notamment pour les nouvelles relatives à des malversations financières, avec peut être l'adage du silence qui vaut consentement. Si tel n'était pas le cas, elle se prononcerait. Doit-on diffuser ou non l'information ?

Nos points de vue divergent également selon qu'il s'agit de la nature de l'information et des personnes habilitées. Pour une information dont la source administrative ne constitue qu'une source secondaire, il faudra préciser qu'elle a refusé de se prononcer. C'est par exemple une catastrophe naturelle qui frappe 1000 ménages dans une cité. Doit-on refuser de s'abstenir à diffuser cette information parce que le chef de cité n'a pas répondu à la question de savoir ce que prévoit l'administration pour venir en aide à ses sinistrés ?

Non. Mais on signale qu'il y a eu des affrontements entre armée loyaliste et des rebelles à Kavumu. N'ayant pas des précisions, le journaliste questionne un commandant de bataillon basé à cet endroit qui infirme la nouvelle. Il faudra justement se plier à son point de vue.

Une situation qui ne permet alors pas aux journalistes de Bukavu d'exercer correctement leurs fonctions. Les enquêtés indiquent qu'ils exercent alors dans la peur d'être traduit en justice. Le public cible de l'information reste à sa soif ou croit que le journaliste n'a pas su faire son travail pendant qu'il s'est buté à d'énormes difficultés. Et l'opinion publique crée alors la rumeur.

L'avenir réside dans la capacité des medias à contribuer sensiblement à la construction de la démocratie, de la paix et du développement dans les pays. Pour y arriver, les journalistes doivent être compétents et doivent travailler ensemble56(*)

· Grandes propositions des enquêtés

Aux termes de cette enquête, les journalistes ciblés proposent des solutions à ce problème qu'ils jugent crucial :

- Puisque la constitution est claire en matière de liberté d'information et du droit du public d'être informé et parce que ces autorités travaillent pour le public, qu'elles se plient au bon usage du droit ;

- Que les élus du peuple proposent des lois qui citent les fautifs à comparaitre devant les juridictions du pays ;

- La plupart des autorités n'ont pas des chargés de communication. Qu'elles en créent afin que les journalistes s'y référent toutes les fois en cas de besoin ;

- Que les autorités soient formées à livrer l'information ;

- Il faudrait une véritable campagne de sensibilisation des autorités à la liberté de presse, aux droits du journaliste d'accéder aux sources et celui du public d'être informé ;

- Qu'il y ait organisation des journées d'échange entre la presse et les différentes autorités car beaucoup d'entre elles ne connaissent qu'à peine le rôle des journalistes ;

Nous partageons toutes ces recommandations des journalistes. Mais une trouille reste quand même perceptible au milieu d'eux. Moins des journalistes se rendent au gouvernorat de province, à l'assemblée provinciale, au palais de justice. Certains estiment simplement que la rétention des nouvelles à ce niveau ne leur permet pas de bien travailler et il serait inutile d'y aller. Il n'existe aucune liberté de la presse au Sud-Kivu et particulièrement à Bukavu. Bien plus, les journalistes eux mêmes tuent leur métier et l'étouffent dans l'oeuf. N'a-t-on pas vu des journalistes refusés d'accès dans l'une ou l'autre conférence de presse pour avoir posé des questions qui énervent le conférencier, simplement parce que cette autorité, acculée et incapable de répondre, ne donne pas le " coupage ", à savoir le petit pécule dédaigneusement distribué à la fin de la séance ? Et gare à l'imprudent qui ne transmettra pas fidèlement le message pour lequel il a été payé57(*).

* 56 Baudouin Hamuli Kabarhuza, "la contribution de la société civile à la construction" in Pamphile Mabiala Mantuba-Ngoma, Theodor Hanf et Beatrice Schlee, La République Démocratique du Congo : une démocratisation au bout du fusil, MEDIASPAUL, Kinshasa, 2006, p. 231

* 57 Cyprien Biringingwa, op. cit, p. 1

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo