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Les conséquences juridiques de l'acquittement devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

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par Jean- Marie TWAGIRAYEZU
Université nationale du Rwanda - Licence en droit 2007
  

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CHAPITRE III. LE DROIT A REPARATION POUR

L'ACQUITTÉ

Dans les poursuites pénales, il est souvent reproché à la justice de recourir aux moyens coercitifs155 nécessaires à l'instruction mais qui, tel qu'argué par les personnes poursuivies, ne manquent pas de leur porter préjudice pour lesquels une juste réparation est accordée dans certains systèmes juridiques, surtout lorsque leur innocence est prouvée par une décision d'acquittement. Cependant, la réparation du préjudice des personnes acquittées devant le TPIR reste problématique (Section 1), d'où la nécessité d'un véritable régime de réparation (Section 2).

Section 1. La problématique de réparation pour l'acquitté devant le

TPIR

Le droit à la réparation de la personne acquittée est presque inexistant dans les textes du TPIR (§.1) mais la pratique semble lui reconnaître une place limitée (§.2).

§.1. Un régime juridique qui fait abstraction du droit à réparation

pour l'acquitté

L'analyse des textes du TPIR fait relever deux situations : d'une part l'absence de l'action en réparation pour acquittement (A) et d'autre part la possibilité de se prévaloir l'application de l'article 5 du Règlement (B).

A. L'absence de l'action en réparation apr~s acquittement

Devant les juridictions répressives internationales, la notion de réparation pour acquittement, s'est depuis longtemps avérée inexistante, car les accusés étaient toujours poursuivis par la justice avec priorité donnée à l'établissement de leur culpabilité et par conséquent à leur condamnation, sans toutefois se soucier du droit à réparation pour l'accusé poursuivi sans succès.

C'est ainsi que pas plus qu'au Tribunal militaire international de Nuremberg, au Tribunal militaire international de Tokyo qu'au Tribunal spécial pour la Sierra Leone156, les rédacteurs des textes du TPIR et du TPIY créé un an avant par le Conseil de sécurité des Nations unies dans les mêmes conditions, n'ont pas autorisé ces tribunaux à statuer sur l'action en réparation de la personnes acquittée. Ni les Statuts ni les Règlements de ces juridictions ne prévoient l'indemnisation suite à un acquittement. Cela est d'ailleurs affirmé par la jurisprudence bien que celle-ci se réfère à d'autres instruments157.

L'absence de place du système permettant aux acquittés d'être indemnisés dans les procédures des juridictions pénales internationales semble résulter de deux considérations. D'une part, les rédacteurs des textes de ces tribunaux semblent s'inspirer de la philosophie procédurale anglo-saxonne (Common law) qui pense que l'action pénale portée devant un tribunal répressif a pour objectif primordial de réprimer un acte attentatoire à l'ordre public et constitutif de crime158 et doit donc écarter les questions de réparation civile du procès pénal.

D'autre part, une certaine corrélation avec l'indemnisation des victimes serait également à l'origine de l'exclusion de réparation des personnes poursuivies. Les groupes des victimes qui ont été privées du droit à l'indemnisation devant le Tribunal auraient du mal à comprendre une telle considération pour les personnes poursuivies159.

Selon C. JORDA, l'exclusion du traitement des dommages civils devant les deux tribunaux pénaux internationaux ad hoc est encore plus claire. Elle a fait l'objet de discussions entre les juges du TPIY lors de l'établissement du premier règlement. La majorité des juges estimaient que les discussions d'indemnisation risquaient de les distraire de leur mission fondamentale qui leur avait été confiée à savoir parvenir à arrêter et juger les auteurs des crimes contre l'humanité160. Rappelons ici que le Règlement du TPIR a été élaboré d'après le modèle de celui du TPIY161.

156 Car les textes de ces tribunaux ne contiennent aucune disposition relative à l'indemnisation en question.

157 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 21.

158 A. MUBIHAME, La question d'indemnisation des victimes du génocide devant le TPIR, mémoire de Licence, Huye, U.N.R., Faculté de Droit, 2006, p. 7, non publié.

159 The Prosecutor v. André RWAMAKUBA, supra note 145, par. 16.

160 C. JORDA, cité par J. F. DUPAQUIER (dir.), La justice internationale face au drame rwandais, Paris, Editions KARTHALA,1996, p. 107.

161 Soulignons que c'est l'art. 14 du Statut du TPIR qui renvoie à une telle élaboration. L'article se lit comme suit : « Les juges du Tribunal international pour le Rwanda adopteront, aux fins de la procédure du Tribunal international pour le Rwanda, le règlement du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie régissant la mise en accusation, les procès en première instance et les recours, la recevabilité des preuves, la protection des

36 B. La portée de l'article 5 du Règlement

L'article 5 du Règlement prévoit que :

« Toute exception d'une partie à l'égard d'un acte d'une autre partie, fondée sur une violation du Règlement ou des règlements internes, doit être soulevée dès que possible; la Chambre de première instance accorde réparation si la preuve de la violation présumée est rapportée et si celle-ci a effectivement fait subir un préjudice substantiel à cette partie. ».

Mais la Chambre a relevé que la version française diffère de la version anglaise162 en ce qu'elle semble limiter la portée de la disposition aux atteintes au Règlement et règlements internes imputables à une partie au procès163. Toutefois, la question a été résolue par l'article 7 du Règlement selon lequel le texte qui reflète le plus fidèlement l'esprit du Statut et du Règlement prévaut. A cet égard, la Chambre de première instance III a considéré que l'esprit du Règlement est d'offrir une protection contre toute violation du Règlement et d'autres règlements internes sans toutefois se limiter aux violations commises par les parties au procès164. Ainsi, la violation peut être également imputable à une autre personne ou autorité qui n'était pas partie au procès165.

Il faut souligner que même si cette disposition ne prévoit pas les cas de violation dans lesquels elle serait applicable ou limitée, elle poursuit quand méme en précisant qu'une réparation utile pourra cependant être ordonnée lorsqu'il sera établi que la partie requérante a subi un préjudice substantiel ici interprété par une autre Chambre de première instance comme étant un préjudice grave et irréparable166. Bien que cette disposition ne fasse aucune référence à une réparation du préjudice de la personne acquittée, rien n'empêche qu'un ancien accusé acquitté puisse se prévaloir de son application.

victimes et des témoins et d'autres questions appropriées, en y apportant les modifications qu'ils jugeront nécessaires. ».

162 La version anglaise de l'art. 5 du Règlement est ainsi libellé : « Where an objection on the ground of noncompliance with the Rules or Regulations is raised by a party at the earliest opportunity, the Trial Chamber shall grant relief, if it finds that the alleged non-compliance is proved and that it has caused material prejudice to that party. ».

163 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 36.

164 Ibid.

165 Voy. le cas du Greffier qui a été condamné pour violation du droit de l'accusé à un conseil de défense lui reconnu par le Règlement alors qu'il n'était pas partie au procès bien que sa condamnation ne tombe pas sous le coup de l'article 5 au seul motif de l'absence de l'élément du préjudice matériel (Id., pars. 38-39, 79).

166 The Prosecutor v. Andre RWAMAKUBA, Case no ICTR-98-44C-1, Trial chamber II, Decision on the Defense motion concerning the illegal arrest and detention of the accused, 12 dec. 2000, par. 43.

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