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Le malaise dans l'oeuvre de Ken Bugul: cas de "la folie et la mort " et "de l'autre côté du regard "

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par Kouessi Jacques Richard CODJO
Université d'Abomey- Calavi Bénin - Maà®trise ès- lettres modernes 2004
  

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2- L'enchâssement, la mise en abyme et l'amplification.

a- L'enchâssement.

L'enchâssement est une technique de narration qui consiste, dans un même récit, à commencer une histoire, à ne pas l'achever et à commencer une autre histoire qui s'achève avant la première. Ainsi, la seconde histoire est enchâssée dans la première. Cette technique est un atout pour le récit qui sort du schéma traditionnel et qui apporte une note jouissive supplémentaire à la lecture. Mais l'enchâssement intempestif peut créer quelque malaise chez le lecteur non avisé. Et c'est en ce sens que nous l'étudions ici. L'enchâssement est une technique usuelle chez Ken Bugul. Adrien Huannou l'avait déjà remarqué dans Riwan ou Le chemin de sable : 

«Le texte laisse une impression de récit cyclique, renforcé par de nombreuses digressions ; plusieurs tranches de vies de femmes sont racontées à la fois, avec des récits enchâssés dans d'autres récits »112(*).

Dans La folie et la mort en, plusieurs histoires sont enchâssées les unes dans les autres et laissent une impression d'un mélange hétérogène. C'est ainsi que le roman commence par l'histoire de Mom Dioum qui s'arrête à la page 48 pour laisser place à l'histoire de Fatou Ngouye et Yoro arrivés ensemble en ville. Mais dès la page 61, Fatou Ngouye se détache de Yoro et son histoire à elle seule commence avec cette injonction du chef de poste de police : « -Agent numéro Zéro, revenez ici avec la jeune femme, la jeune femme seule, j'ai dit. Enfermez-moi l'autre »113(*). Son histoire va s'achever à la page 110. Entre-temps, Yoro va réapparaître de la page 103 à la page 105. A partir de la page 111, l'histoire de Mom Dioum se poursuit avec la Tatoueuse et s'interrompt à nouveau à la page 136. Et c'est l'histoire de Yaw qui commence à la page 137 et qui s'interrompt à son tour à la page 166 sur cette phrase : « Pour Yaw, une nouvelle et dernière vie venait de commencer. Quand le rêve de Mom Dioum venait de se terminer »114(*). L'histoire de Mom Dioum reprend à la page 167. Mais elle n'est plus seule, elle est désormais avec Yaw. Leur histoire commune sera brièvement interrompue par une longue pièce de théâtre jouée à la radio. Mais l'histoire de Mom Dioum et de Yaw s'achèvera avec la mort des deux compagnons. C'est alors qu'on revoit Yoro dont l'histoire s'achève dans la mort.

Mais dans De l'autre côté du regard, le terme approprié à la technique qui a été utilisée est l'enchevêtrement qui consiste à commencer dans un même roman, plusieurs histoires et à les achever dans un ordre imprécis ou à même ne pas achever certaines d'entre elles. Dans ce roman, les histoires s'incrustent les unes dans les autres au gré de l'évolution de l'histoire principale qui est celle de Marie. C'est selon la chronologie de son histoire racontée par elle-même que l'héroïne rappelle les autres histoires. C'est ainsi que le roman commence par une lettre que Marie reçoit de son frère Bacar Kobar Ndaw. Avant même de connaître le contenu de la lettre, elle retrace toute la vie de ce frère, du moins tout ce qu'elle en savait, de leur enfance commune à l'âge adulte de Bacar en passant par les différents accidents qu'il a connus. Ainsi, le lecteur, dès les premières pages du roman en sait beaucoup plus sur Bacar Ndaw que sur l'héroïne elle-même. Et c'est après avoir tracé la biographie de son frère qu'elle prend connaissance du contenu de la lettre à la page 27. Mais dès qu'elle ouvre la lettre, un nom attire son attention : Samanar. Elle arrête la lecture de la lettre et fait d'abord le portrait de Samanar. Elle rappelle même entre-temps une histoire de toux qu'elle, Marie, a eue avec une « personne-connaissance ». C'est seulement à la page 41 que Marie poursuit la lecture de la lettre et découvre que sa nièce Samanar est morte. Elle parle alors de la douleur que lui procure cette nouvelle et des rapports tacitement conflictuels qu'elle a entretenus avec sa nièce au moment où elles vivaient ensemble. C'est en réalité à partir de ce moment que le narrateur entre de plain-pied dans l'histoire de Marie. Cette histoire sera entrecoupée par plusieurs autres au nombre desquelles nous pouvons citer celle de l'installation du père de Marie à Hodar, celle de ses soeurs qui ont des rapports plutôt faciles avec les étrangers, celle de son frère Maguèye Ndiare décédé en « Codiware », celle du décès et des obsèques de sa mère et beaucoup d'autres petites histoires qui renforcent le récit principal, celui de l'absence d'affection entre Marie et sa mère. C'est seulement après la mort de sa mère que Marie retrouve son affection qui lui a manqué toute sa vie.

Cette technique de l'enchâssement, utilisée abondamment dans les deux récits est source de malaise parce qu'elle ne rend pas les récits facilement accessibles au grand public qui n'arrive pas à distinguer l'histoire principale des histoires satellites.

* 112 Adrien HUANNOU, Jusqu'au bout du tabou, op. cit.

* 113 La folie et la mort, p.61

* 114 Idem, p.166

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand