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Le malaise dans l'oeuvre de Ken Bugul: cas de "la folie et la mort " et "de l'autre côté du regard "

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par Kouessi Jacques Richard CODJO
Université d'Abomey- Calavi Bénin - Maà®trise ès- lettres modernes 2004
  

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C- Une pratique singulière de la langue.

Ken Bugul, nous l'avons compris plus haut, est un auteur qui s'efforce de se donner ses propres repères vis à vis de l'art d'écrire. C'est dans cette logique qu'elle s'accorde certaines libertés avec le support linguistique qu'elle manipule dans ses romans. Ces libertés créent quelques malaises parce que le support linguistique, qui est le premier fondement de toute énonciation, se trouve quelque peu ébranlé. Pour étudier les rapports de Ken Bugul avec la langue, nous nous intéresserons au langage cru et à ce que Georges Ngal appelle «les tropicalités».

1- Un langage cru.

La crudité du langage n'est pas un procédé courant chez les écrivains africains qui s'efforcent souvent d'employer une langue classique, correcte, littéraire ou conventionnelle. Ken Bugul utilise également la langue littéraire, d'ailleurs, dans la plus grande partie de ses oeuvres, mais elle se relâche parfois en utilisant un langage cru, certainement pour produire un effet sur le lecteur. C'est cet effet qui est souvent perçu comme un malaise. Le langage cru se traduit ici à la fois par la description en des termes non-métaphoriques de certaines situations et par l'introduction du style oral au coeur du récit.

Pour rendre compte du sacrifice humain dans La folie et la mort, le narrateur choisit d'en faire une description sanglante et insoutenable : «Ils prirent les enfants un par un et les égorgèrent. Le sang giclait avec furie. Un sang chaud, bouillant, bouillonnant. Un sang rouge »143(*).

Dans un autre passage du même roman, le narrateur livre au lecteur une scène brute d'amour dans un endroit insolite, la morgue d'un hôpital, associant ainsi le caractère lubrique de la scène à celui macabre de l'environnement :

« - Avant de me raconter ton histoire je voudrais que nous fassions l'amour, lui dit Yaw.

- L'amour ?dit-elle.

- Ah oui, l'amour ! répéta-t-elle. (...)

- Oui je veux, tout de suite, souffla-t-elle. (...)

Mom Dioum étala sur le sol glacé de la morgue, son pagne auquel elle tenait le plus au monde depuis cette fameuse nuit noire.

Là, ils firent l'amour pour la première fois et comme pour la dernière fois »144(*).

 

Dans De l'autre côté du regard, le caractère cru du langage s'illustre beaucoup plus dans le domaine de la luxure ou par ce qui est perçu, dans la culture négro-africaine traditionnelle, comme une déviation sexuelle. C'est ainsi qu'allant à l'encontre des tabous traditionnels africains, le narrateur n'hésite pas à décrire, dans les moindres détails, comment se passaient les séances d'homosexualité entre Marie et la fille au teint jaune, montrant les différentes étapes que l'héroïne suit avant de finir par accepter et adopter cette forme de relations sexuelles : 

«La nuit cette petite fille au teint jaune me montait dessus par la force.

Elle relevait mon pagne, arrachait mon slip, avec violence.

Et elle frottait son sexe volumineux sur le mien jusqu'à la jouissance. (...)

Cette fille me violentait pour avoir du plaisir.

Peu à peu je commençais à aimer cette violence.

Mais la répugnance était toujours là.

Et je passais du dégoût à la jouissance »145(*).

En plus de cette façon peu courante d'écrire, Ken Bugul utilise des expressions et des schémas de construction étrangers à la langue française.

* 143 La folie et la mort, p.141

* 144 Idem, p.207

* 145 De l'autre côté du regard, pp.56-57

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