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Les fondements pour une éthique universelle. A priori fondamentaux, idéologies, représentations sociales. Etude de leurs rapports structurels

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par Robert Michit
Laboratoire européen de psychologie sociale appliquée Grenoble -  1999
  

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L'école de la régulation

L'école de la régulation est constituée d'un groupe d'économistes français d'inspirations initiales marxiste et keynésienne qui s'est attaché à l'étude de la crise contemporaine à partir d'une analyse historique comparative permettant de distinguer les changements significatifs des modalités de production, d'échange, de consommation et d'accumulation du capital dans les sociétés capitalistes.

L'originalité de leur analyse repose à la fois sur une revue critique des fondements dogmatiques obsolètes des trois écoles précédentes et sur une tentative de relecture systématique des changements survenus au cours des trois "grandes crises" du développement capitaliste contemporain (1866, 1929, 1975).

Aussi, de plus en plus articulés à l'identification des limites des théories précédentes confrontées aux différentes réalités socio-économiques, les écrits régulationnistes laissent peu de place à l'expression franche de postulats idéologiques énoncés sous forme d'évidence.

Les indices ténus que nous avons perçu relèvent plus de la lecture des prises de positions de certains auteurs de cette Ecole (Lipietz, Boyer, Aglietta) concernant des événements sociaux proches (notamment "le magnifique mouvement de décembre 1995" A. LIPIETZ, 1996), que d'une reprise directe des écrits théoriques.

Concernant le premier postulat, les régulationnistes rejoignent la position des keynésiens tout en empruntant une démarche d'allure marxiste : il existe des règles du développement économique qui s'appliquent à tous et forment un tout cohérent (organisation de la production, partage de la valeur ajoutée, composition de la demande de consommation) pour chaque régime successif d'accumulation. Mais en même temps, les économistes de la régulation reconnaissent que les changements de régime d'accumulation sont les produits à la fois d'innovations techniques décidées par des groupes d'acteurs entrepreneurs, et par des contestations des modes d'organisation du travail et de l'autorité en entreprise par les salariés. Ne reprenant pas à leur compte la phraséologie marxiste signifiant ces décisions comme le produit d'une nécessité historique dont ils seraient les simples exécutants, on peut légitimement considérer que l'école de la régulation mobilise un a priori du sujet à la fois agi et acteur, acteur en agissant en fonction de la connaissance et de l'articulation des lois ainsi énoncées.

Fondamentalement, les régulationnistes mettent particulièrement en avant la remise en cause des formes institutionnelles du régime d'accumulation de type fordiste dans ses trois dimensions structurantes : organisation du travail, normes de consommation et coûts collectifs de la croissance.

La crise sociale du travail est reliée dans leur propos à la négation des subjectivités créatrices (Gorz) du capitalisme industriel et marchand. Ce n'est plus tant le sujet collectif prolétaire qui est défendu, que la personne dans sa quête d'épanouissement et d'émancipation des groupes ou classes. L'individu est donc premier par rapport au groupe. C'est le premier point central de clivage avec les fondements marxistes, même si quelques auteurs en appellent dans leurs conclusions à la "volonté du peuple décidé". + problème d'attachement à la solidarité sociale (indice d'une dissonance cognitive relative aux appartenances idéologiques premières...).

Les postulats idéologiques du rapport à la mort ne peuvent pas être distingués dans la démarche régulationniste : les trois positions sont compatibles.

Par contre, il y a une rupture évidente concernant le rapport à la nature. Les auteurs de l'école de la régulation insistent avec force sur le bilan écologiquement insoutenable de l'accélération systématique de la productivité apparente du travail. Aussi, renvoient-ils au respect nécessaire de l'équilibre des écosystèmes. La nature est une ressource tranformable.

Pour ce qui concerne le dernier a priori fondamental, il semble que les auteurs sont ici plus attachés à la volonté de "recoudre la déchirure sociale" qu'à la volonté de convaincre de la puissance supérieure de leur modèle de présentation de la situation économique. C'est la volonté d'ouverture à l'autre et la main tendu aux plus faibles, à l'intérieur d'une démarche réformiste de négociation avec les acteurs des pouvoirs, qui semble structurer le fondement du rapport à l'autre au coeur de cette démarche. L'autre est donc ipséité.

En résumé, ce modèle d'analyse des cinq a priori fondamentaux trouve donc une application heuristique des plus claires pour identifier les soubassements idéologiques structurels des pensées économiques contemporaines.

Le travail présenté n'est que l'ébauche d'un programme d'étude plus ambitieux : ce programme visera non seulement à fiabiliser ces premiers résultats à partir d'une interrogation des auteurs de chacune de ces Ecoles mais aussi à identifier les dynamiques possibles d'évolution, de modulation, de ces systèmes de pensée notamment en clarifiant d'une part les hiérarchisations portées sur ces différents a priori et d'autre part les articulations construites avec les importants pragmatiques lors de décisions concrètes relatives au champ économique et social.

Par ailleurs, constatant qu'au fur et à mesure des développements théoriques, les écoles marchent par accumulation successive de savoirs qu'elles passent au crible du réel, il devient de plus en plus difficile d'accéder aux évidences premières. Il est alors nécessaire d'aller au contact des littératures et des littérateurs pour identifier les importants pratiques confrontés au réel.

Pronostics d'évolution des positionnements politiques

à partir de l'identification des Postulats Idéologiques de base

Groupes

Partisans

A Priori

Fondamentaux

MDC

PC

PS

Verts

Droite Tendance

Sociale Démocrate Chrétienne

Bayrou

Droite Tendance

Libérale

Madelin

Droite

Tendance

Traditionaliste

Pasqua - Villiers

FN

Agi

Acteur

Agi /Acteur

Agi

Agi

Agi /Acteur

Agi

/Acteur

Acteur

Acteur

Acteur

Acteur

Individu

Groupe

Individu/Groupe

Groupe

Groupe

Individu /

Groupe

Individu

Individu /

Groupe

Individu

Groupe

Groupe

Nature objectivée

Nature subjectivée

Ecosystème

Objet

Objet

Ecosystème

Ecosystème

Objet

Objet

Objet

Ressource

Alterité

Réité

Vacuité

Vacuité?

Réité?

Ipséité

Ipséité

Ipséité

Réité

Vacuité

Réité

Immanence

Transcendance

Immance/Transcdce

?

Imance

?

?

Transcdce

?

Trnscdce

Trscndce

Démarche d'étude :

Discours de vérité mêlant faits, valeurs et croyances, les systèmes idéologiques politiques déploient des représentations indiquant leurs préférences du point de vue de l'ensemble des a priori fondamentaux relatifs aux composantes essentielles de l'existence humaine. Nous nous sommes donc efforcés de les identifier en partant des programmes, discours et autres interviews des représentants les plus connus appartenant aux partis significatifs du paysage politique français.

Le traitement de tels corpus reprend en fait une des démarches de l'entretien d'explicitation, mais ici de manière évidemment spécifique : il s'agit de se centrer notamment sur les termes de coordination (lieux de glissement de sens), de s'arrêter aux métaphores, slogans, illustrations générales pouvant avoir même fonction et de poser alors au texte la question du "c'est à dire?", tout en allant soi-même à la rencontre soit d'une réponse explicite sous forme d'énoncé d'évidence, soit d'une non réponse nous obligeant à tirer de l'énoncé précédent l'indice d'une préférence dans l'attribution de tel ou tel a priori.

Nous avons distingué huit mouvements politiques qui dominent aujourd'hui le champ de la prétention à participer au gouvernement de notre pays. Et nous nous sommes ainsi efforcés de repérer leur a priori existentiels à partir du modèle d'analyse ci-dessus.

Commentaires du tableau :

A propos du clivage Gauche / Droite : Vitalité et Usures.

Il est frappant de constater que, contrairement aux discours les plus convenus en matière d'étude des mouvements politiques, la différence idéologique entre la gauche et la droite trouve en France un fondement des plus clairs.

Les mouvements de Droite insistent quant à la causalité individuelle des événements : ils sont du côté de la norme dite d'internalité. La détermination par la situation (on pense notamment à l'origine sociale) n'est donc jamais première.

Les mouvements de gauche déploient, quant à eux, une préférence pour une causalité de type situationnelle : ce sont les déterminants environnementaux qui agissent sur les personnes. On peut considérer que du côté du Parti Socialiste, le postulat est plus précis : il existe des déterminations notamment sociales, mais elles ne soulagent pas l'individu de sa responsabilité personnelle et de sa capacité à agir de manière autonome c'est à dire en prenant en compte ses Nomos9(*). Cette interprétation trouve sa confirmation dans l'observation des préoccupations premières partisanes : le souci à Droite d'une liberté à laisser notamment dans les actes microéconomiques (Consommation / Production / Utilisation du Revenu), le souci à Gauche d'une équité sociale à promouvoir (la prise en compte des plus démunis).

En même temps, il est frappant de constater à quel point, sur tous les autres postulats, le clivage Droite/ Gauche n'est plus en effet d'actualité. Ils ont néanmoins une grande vertu heuristique à la fois pour confirmer cette obsolescence et pour identifier clairement les différences internes.

A Gauche :

Nos résultats d'analyse démontrent la proximité des fondements idéologiques du PS et des Verts. Rien de fondamental ne les distingue : l'insistance sur les préoccupations relatives à la nature ne constitue qu'une différence apparente10(*). Le seul point de distance relèverait du rapport Individu / Groupe : du côté du mouvement socialiste, il n'existe pas de priorité structurelle a priori mais un balancier de droit et de devoir de l'un vis à vis de l'autre. Chez les Verts, si certaines positions de principe stipulent une recherche d'équilibre entre les deux positions, les prises de décisions dans les situations sociales ou politiques critiques accordent une prédominance au sujet individuel. Le groupe n'est pas premier.

On retrouve là une forme de tradition libertaire qui vise le soutien à la personne dans sa quête d'épanouissement et d'émancipation des groupes ou classes notamment en matière de moeurs. L'individu semble donc être premier par rapport au groupe.

On peut faire l'hypothèse qu'au fur et à mesure de la prise de responsabilités politiques de ce mouvement, des a priori de type pragmatique conduiront les dirigeants à faire évoluer le postulat de primauté du sujet individuel : l'architecture sociale comme espace de construction de la citoyenneté sera alors plus prise en compte11(*).

Cette contiguïté des positions entre Verts et PS est d'ailleurs fort bien perçu par Daniel COHN BENDIT12(*) : "Le grand débat qui nous divise porte sur la définition de l'urgence". Il n'y a donc pas, au sens propre du terme, de désaccord de fond. Pourtant, notamment au niveau local, il est frappant de constater la force d'expression des conflits entre ces deux mouvements : la lutte de "la petite différence" se traduit en lutte de pouvoir, de concurrence pour un même marché, où l'autre (partenaire de fond perçu comme rival) est vécu soit comme un traître, soir comme un "pilleur-copieur"13(*)?.

Si la proximité idéologique PS / Verts paraît confirmée, qu'en est-il du lien entre les deux partenaires traditionnels de la Gauche PS et PCF? Il est frappant de constater que les a priori existentiels sont en fait assez éloignés. Car là où le PS ne s'engage pas sur une priorité structurelle dans ses positions idéologiques, le PCF déploie, lui, des positions de principe structurelles. C'est d'ailleurs la stabilité de ce positionnement dogmatique qui explique à la fois la faiblesse relative du PCF aujourd'hui en France et l'échec cuisant de la liste Bouge l'Europe! aux élections européennes dernières : la composition de cette liste produisait un grand flou quant à la permanence des fondements idéologiques de ce mouvement en cohérence avec le PCF. Troublant ainsi les représentations encore attachées à la direction de ce parti, les électeurs traditionnels du Parti Communiste ne pouvaient pas s'y reconnaître.

La reproduction de cette fragilisation identitaire (cette apparence de métamorphose libertaire) ainsi produite pourrait conduire à deux scénarios non exclusifs : la fin du PCF, l'intégration des représentants réformistes du PCF au PS sans pour autant que l'électorat communiste suive.

C'est pour cette raison qu'en effet, stratégiquement, le PS n'a pas trop intérêt à court terme à favoriser un changement radical des représentations idéologiques attachées au PCF : le face à face idéologique PS-PCF permet plus facilement de gagner les élections en cas d'union qu'en cas de fusion; car dans ce dernier cas, un noyau idéologique -certes faible mais électoralement significatif- ne serait plus représenté.

Le cas MDC : Comparaison PC et Opposition aux Verts.

Il n'est pas évident de distinguer les a priori distinguant la tradition du mouvement MDC du PCF : autant en effet, dans les fondements de l'idéologie communiste, la mort constitue strictement l'arrêt de toute existence, autant ne trouve-t-on pas de position tranchée au MDC. Mais en fait comme nous le verrons, cet a priori est peu structurant de l'action et de l'opinion manifestée dans le champ politique.

En fait, pour ce qui concerne ces deux partis, la distinction entre l'a priori théorique existentiel et l'a priori pragmatique paraît des plus heuristiques notamment ici pour ce qui concerne le rapport à l'Altérité. Autant dans les fondements théoriques marxistes, les appels à la Révolution, à la Dictature du Prolétariat laissent plutôt à penser que l'Autre doit être détruit comme objet de l'aliénation, autant dans les fondements pragmatiques les dirigeants communistes sont mus par une plus grande ouverture à l'autre et exprime clairement l'abandon des fondements d'une idéologie exclusive.

Par contre, nous faisons l'hypothèse qu'issu des courants réformistes, le MDC se réfère certes à une ouverture théorique à la différence de l'autre mais déploie d'un point de vue pratique des démarches où l'Autre est considéré comme une réité.

Par ailleurs au MDC le culte de la mystique républicaine, l'identification forte à des héros politiques, à des figures transcendantes s'opposent à la situation de sécularisation avancée du PCF.

Ces clefs de lecture démontrent par ailleurs que les deux mouvements les plus en proximité du PS (MDC historiquement, les Verts idéologiquement) déploient des A priori assez opposés; notamment sur la place laissé à l'individu acteur. Et c'est en effet la pierre d'achoppement entre ces deux mouvements : MDC traitant la pensée Verte "d'Idéologie Libérale Fin de Siècle", les Verts reprochant à MDC "son incapacité à décrypter la réalité".

A Droite :

On peut constater à la lecture du tableau que nous n'avons pas distingué de liste RPR. Les dernières élections européennes ont en fait démontré l'existence de trois Droites : Démocrate Sociale Chrétienne, Libérale et Traditionaliste, dont seule cette dernière peut se revendiquer d'une tradition Gaulliste.

Retour sur la distinction Gauche / Droite :

On identifie clairement qu'il n'y a qu'un seul A Priori fondamental (l'A priori du Sujet Acteur ou Agi-, mais on a perçu qu'il était de taille14(*)), qui distingue PS et Démocratie Sociale Chrétienne : il n'est donc pas impossible que des accords puissent se réaliser y compris sur des questions de société (abstraction faite du problème de la laïcité) lorsque l'indice pragmatique pour l'un comme pour l'autre primera sur l'attachement à ce postulat.

Le rapport à la nature constitue aussi un point de postulat commun entre certains partis de la Gauche et certains partis de la Droite : la Droite (sauf sa partie Traditionaliste) partage avec le PCF et MDC le souci premier du développement de la civilisation industrielle. On verra donc que le souci de la nature comme écosystème, auquel se réfèrent Socialistes et Ecologistes, constitue aussi une préoccupation fondamentale dans l'idéologie Traditionaliste de Droite voire, mais d'une façon il est vrai très spécifique, d'extrême droite.

Maintenant quelles sont les distinctions idéologiques fondamentales entre ces trois traditions politiques de Droite?

Entre la tendance chrétienne (ne pourrait-on pas dire ici, plus précisément, catholique) et la tendance libérale, la divergence forte porte sur au moins un point aussi fondamental que le précédent. Ce point est précisément illustré par Dominique PERBEN15(*) : "Nous avons toujours été pour une gestion libérale d'économie, mais c'est pour nous une technique de gestion, pas un principe de société". Et il rajoute "Le tandem Sarkozy-Madelin a tenu un discours trop proche de celui de Démocratie Libérale".

Les clivages politiques fondamentaux à Droite sont rendus peu lisibles du fait de la force des rivalités entre hommes de même tendance. Mais entre ces deux tendances de la Droite, il existe évidemment des points communs : l'individu acteur premier, la primauté de l'action industrielle sur la nature.

Manifestement la Droite incarnée par François BAYROU se soucie plus du lien social (la loi du marché n'est pas un principe de souveraineté) et ne fait pas strictement référence à la raison individuelle pour trouver la mesure des choses : la morale chrétienne notamment catholique (Sujet Acteur/Agi, Groupe premier et vie après la mort) a des effets notamment du côté d'une certaine forme d'appel à la miséricorde et à la justice sociale. Enfin l'Altérité, comme chez les socialistes et les Verts, est ipséité et la vie transcendance.

Chez les libéraux actuels, au delà du franc attachement au postulat de l'individu acteur, l'arbitrage envers le collectif ne fait pas partie de son lot idéologique : à l'instar de Margaret Thatcher, ils pourraient confirmer que «la société n'existe pas» (Cité par Anthony Giddens).

Le rapport à la mort n'est pas constituée par une position de principe structurelle; aucune des trois positions possibles n'étant par ailleurs contradictoire avec l'ensemble des autres postulats.

Par contre, et là la distinction est forte avec la tendance sociale chrétienne, l'individu Autre est considéré au mieux comme facteur de production, voire (Cf. Jean-Baptiste SAY) comme élément surnuméraire provisoire car «lorsque la demande de travaux grossiers diminue, les salaires tombent au dessous du taux nécessaire pour que la classe manoeuvrière se perpétue» [une fois éliminés les plus faibles, le problème est résolu : le plein-emploi est assuré pour les survivants]. L'autre est donc réité.

Pour la tendance dite traditionaliste, la distinction avec la tendance dite sociale chrétienne paraît relever de deux postulats : le groupe est premier, on doit rester fidèle à une certaine forme d'organisation sociale, aujourd'hui de communauté nationale; et, allié à l'attachement à la ruralité, à la terre-patrie ces postions constituent les points d'appui premiers de dénonciation des méfaits du capitalisme sauvage. On a là des ingrédients pouvant susciter des alliances avec des mouvements de gauche attaché à ces deux dimensions sans nécessairement partager un des fondements religieux du mouvement.

Quant à l'extrême droite, si elle reprend globalement les postulats communs de la Droite, elle s'en distingue sur un point : l'altérité qui, constituant de toute façon un être inférieur, doit être exclue. On identifie alors assez clairement que les stratégies de démarquage vis à vis du Fondateur du Front National relèvent d'effort pour masquer l'expression de ce postulat (en ouvrant sa liste à des noms juifs, arabes ou à des gens de couleur...).

Conclusion :

Si l'on conçoit les positionnements partisans en fonction de cette grille de lecture, on perçoit aisément que de nombreuses autres articulations d'a priori peuvent exister. Il suffit d'ailleurs d'analyser, par exemple, les productions de mots d'ordre des représentants du mouvement dits des «chasseurs» pour distinguer une nouvelle forme d'articulation des pensées de droite :

-l'idéologie de l'individu acteur, alliée à

-une préférence pour l'alternative communautaire, l'appartenance au terroir

-une pensée fondamentale de croyance en une vie après la mort

-un a priori de l'autre comme réité

est ici spécifiquement articulée autour d'un ordre de pensée écosystèmique : le devoir d'un chasseur est aussi d'entretenir et de soigner le gibier afin que naisse et se préserve une situation saine, forte et diversifiée quant aux espèces.

Cette position la distingue des pensées de la droite classique (homme maître et dominateur de la nature pour ses besoins économiques) , de la pensée d'un mouvement plus fondamentaliste du style La Loi Naturelle (la nature est un sujet de Droit), et la rapproche étonnamment de l'idéologie écologiste Verts. En fait, il n'y a aucun autre point commun entre ces deux mouvements et malgré les apparences et ce n'est donc pas fondamentalement sur ce terrain là que la dispute a lieu.

De nombreuses articulations d'a priori fondamentaux n'ont pas été ici distinguées et pour cause : théoriquement, il existe 243 combinaisons possibles de ces cinq a priori fondamentaux (3). Les treize autres listes candidates aux élections européennes seraient susceptibles d'un traitement équivalent pour identifier leurs fondements de représentation. Une telle démarche vaudrait surtout pour identifier les liens possibles et les évolutions envisageables, notamment au coeur de la construction européenne, au gré des frottements entre environnements partisans de fondement apparemment commun mais d'univers culturels et nationaux différents.

Notons enfin que, si non seulement il faut étudier dans l'action concrète la capacité des acteurs partisans à associer leurs actions plus à des a priori pragmatiques qu'à leurs a priori existentiels, il convient aussi d'identifier la hiérarchisation des éléments à l'intérieur d'un système de position commune quant aux a priori fondamentaux : non seulement, les partis se distinguent en effet par leur différence de position sur chacun des a priori, mais aussi -lorsqu'il y a identité de positionnement idéal- par l'attachement tel ou tel élément a priori avant tel autre. C'est aussi ce phénomène qui explique les phénomènes dits de «courants» à l'intérieur de même parti.

Appliqué à l'étude des opinions politiques, ce système d'analyse des arrière-fonds idéologiques est tout aussi adapté pour identifier non seulement aussi les fondements des systèmes de croyance religieuse ou de position philosophique mais de surcroît toutes théories à prétention d'explication des phénomènes psychosociaux (notamment, comme nous l'avons vu, les théories économiques). On notera simplement qu'il est frappant de constater que l'on peut associer à chacun de ces trois domaines fondamentaux de pensée (religion ou philosophie, politique, théorie socioéconomique) une catégorie d'a priori première spécifique :

Pour les théories socio-économiques, c'est le rapport à la nature qui sera premier (les distinctions viendront des positionnements sur les autres a priori).

Pour les positionnements philosophiques ou religieux, il s'agit du rapport à la transcendance ou à l'immanence.

Quant aux positionnements politiques, on identifie assez clairement la primauté de la catégorie du sujet : acteur, agi ou combinant les deux positions.

Il existe donc une dynamique du modèle qui rend compte des diverses positions idéologiques. Le premier principe de cette dynamique correspond donc aux mécanismes de prise de position d'évidence relative aux éléments essentiels de l'existence humaine en société.

Le deuxième principe de la dynamique du modèle est donc constitué par un principe de hiérarchisation de l'importance des a priori les uns par rapport aux autres.

Si des individus considèrent comme le plus important de s'intéresser à la survie de l'espèce et donc de s'intéresser à ce qui conditionne son existence dans son rapport à sa subsistance dans le milieu naturel, il mettra en premier dans la liste des a priori le rapport de l'homme et la société à la nature. Ces individus seront donc plus des économistes et développeront des théories et des pratiques économiques.

Si des sujets posent comme le plus important dans l'existence le rapport du sujet avec le groupe social, on aura des personnes qui seront plus des politologues qui développant des théories sur la coexistence entre les individus en fonction des quatre autres prises de positions relatives aux a priori moins importants à leurs yeux. C'est ainsi notamment que les philosophes grecs Platon et Aristote développeront leur position sur la République.

Enfin, si les individus s'intéressent principalement au devenir des sujets après la mort, ils formuleront alors soit des théologies et systèmes philosophiques dans le cadre de croyance en une vie après la mort (idéalisme transcendantal), soit des croyances concevant la vie limitée à notre existence, développant ainsi des théories philosophiques matérialistes ou immanentistes.

Selon ces deux principes de dynamique interne du modèle, il est possible de comprendre les différences des systèmes idéologiques et de prévoir les évolutions possibles en fonction de la variation de la hiérarchie des importants qui va apparaître dans les années prochaines.

L'importance d'un a priori relativement aux quatre autres survient à la suite des interactions entre la pensée sociale et les actions qui transforment les réalités d'existence.

* 9 C'est notamment en partant de ce niveau là que l'on peut éclairer la divergence profonde Troisième voie Blairiste/Schröderienne et les Socialistes français : pour la tendance protestante, pourrait-on dire, l'individu est acteur et le groupe ne serait être fondamentalement premier; "nous voulons une société qui célèbrent ses entrepreneurs" dit Blair. Mais c'est fondamentalement la mise exergue du postulat de l'individu acteur qui crée rupture et produit de l'intérêt pour cette Troisième Voie dans les mouvements de Droite en France.

* 10 On verra en conclusion que les différences peuvent à l'intérieur d'un groupe idéologique aux fondements équivalents être reliées à une différence de hiérarchisation d'importance des a priori : il y a accord sur les positions structurelles relatives à chaque a priori, mais l'un déploie une préoccupation première à l'individu victime (a priori d'Acteur Agi) l'autre, d'accord avec cette a priori, considérera d'abord la préoccupation de la sécurité pour le groupe...

* 11 A cet égard, la scission en cours chez les Verts Allemands entre une tradition fondamentaliste et une position plus pragmatique relève de cette évolution : les premiers rejettent l'intervention au Kosovo, car rien ne justifie selon eux que "nous soyons complices de la mort d'un être humain y compris pour en sauver d'autres". Pour les autres, si un groupe, une ethnie est mis en péril, il convient d'éliminer le ou les sujets coupables, au risque de tuer des "innocents", mais pour sauver le groupe en danger.

* 12 In Cohn-Bendit : la troisième gauche c'est ça!, Le Nouvel Observateur, 24-30 juin 1999, Interviewé par Martine Gilson et Daniel Schneider, p.58.

* 13 Conflits liés aux urgences pratiques.

* 14 C.f. Note 1

* 15 In "La droite républicaine avait deux listes" Dominique Perben, Le Monde du Dimanche-Lundi 20, 21 juin, p.9, Propos recueillis par Jean-Louis SAUX.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld