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L'usufruit des droits incorporels

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par Wyao POUWAKA
Université de Lomé Togo - Diplôme d'études approfondies 2011
  

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B- La consécration jurisprudentielle

La consécration de la propriété des droits incorporels par la jurisprudence n'est pas le fruit d'une situation spontanée. La propriété des droits incorporels a d'abord été reconnue dans le cadre de la jurisprudence sur les nationalisations153(*). L'idée selon laquelle les droits personnels particulièrement constituent de véritables objets de propriété s'impose progressivement dans le droit positif, sous l'influence décisive de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Par sa jurisprudence du 09 décembre 1994154(*), la CEDH consacre la propriété des créances.

L'arrêt a été rendu dans les circonstances qui suivent. L'Etat grec confie à une entreprise la construction d'une raffinerie. Alors que celle-ci avait effectué des investissements pour honorer son marché, l'Etat renonce à l'opération qu'il estime finalement non conforme à l'intérêt national. L'entreprise sollicite et obtient réparation du préjudice que lui cause cette résiliation. L'Etat grec attaque cette sentence et en obtient l'annulation par la Cour de cassation grecque sur le fondement d'une loi entre temps votée par le Parlement grec invalidant les sentences relatives à ce type de contrat. Saisie par l'entreprise, la CEDH condamne l'Etat grec à verser l'indemnité accordée à celle-ci sur le fondement de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant le droit à un procès équitable. Mais la censure est aussi prononcée sur le fondement de l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention155(*) garantissant le droit de propriété en ce que le législateur a rompu, au détriment des requérants, l'équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l'intérêt général. L'atteinte au droit de propriété résulte de ce que les intéressés se trouvent dans l'impossibilité d'obtenir l'exécution d'une sentence arbitrale définitive enjoignant à l'Etat de leur verser certains montants pour les frais qu'ils avaient engagés afin d'honorer leur contrat. La Cour utilise ce principe pour sanctionner les atteintes anormales apportées à la propriété. Quelque respectable que fût l'intérêt de l'économie nationale, il ne justifiait pas qu'un cocontractant fût privé de son droit à indemnité.

C'est ce dernier point qui mérite une attention particulière. La théorie classique présente la propriété comme une prérogative portant exclusivement sur les biens corporels. Or, le droit de créance n'est pas un bien corporel. C'est dire qu'elle correspond de moins en moins aux nécessités de l'époque contemporaine.

Plus récemment, le Conseil constitutionnel français156(*) a consacré à son tour la propriété des créances dans sa décision en date du 16 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Le Conseil constitutionnel français décide que l'EIRL ne peut créer un sous-patrimoine affecté à la garantie des seules créances nées à l'occasion de l'exercice de son activité professionnelle « qu'à la condition que les créanciers (dont les droits sont nés antérieurement au dépôt de la déclaration d'affectation du patrimoine) soient personnellement informés de la déclaration d'affectation et de leur droit de former opposition ». Cette condition se fonde selon le Conseil constitutionnel français sur la subordination de l'absence d' « atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété des créanciers, garanti par les articles 2 et 4157(*) de la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen de 1789 ». La décision réaffirme nettement la qualité de choses appropriées des créances. Sous ce dernier rapport, la CEDH avait déjà consacré la notion de propriété incorporelle en faisant application de l'article 1er du premier protocole aux clientèles158(*).

La jurisprudence a également considéré que les porteurs de droits sociaux sont des propriétaires justiciables des garanties fondamentales protégeant les personnes contre l'expropriation159(*). A travers la jurisprudence contemporaine, le constat révèle que le droit des biens englobe le droit des obligations dans la mesure où les droits personnels sont devenus aujourd'hui des biens. La proposition de réforme du droit des biens affirme de façon sans équivoque l'intégration de l'incorporel dans le champ du droit des biens. Au demeurant, il ressort des analyses antécédentes que le domaine de l'immatériel est de nos jours la principale source de richesse et sa méconnaissance comme telle serait surprenante. La richesse a dépassé le statique droit de la terre pour devenir un droit de plus en plus immatériel, dynamique et mouvant. Le cas des droits sociaux est plus qu'expressif.

La reconnaissance des droits incorporels comme bien a une incidence évidente sur la division principale des droits patrimoniaux. Cette dernière est de plus en plus mise en doute dans la doctrine contemporaine.

* 153 Nous pensons notamment à la jurisprudence du C.C., 16 janvier 1982, D. 1983, 169, note L. Hamon. La nationalisation se définit comme le transfert à la collectivité nationale du contrôle et de la propriété des moyens de production appartenant à une entreprise privée ou de l'exercice de certaines activités. Bien qu'assorties d'une indemnisation préalable, les nationalisations portent atteinte directement au droit de propriété. L'article 27 de la Constitution togolaise du 14 Octobre 1992 ainsi que le Conseil constitutionnel français l'ont admis.

* 154 CEDH, 09 décembre 1944, Raffineries grecques Stran et Stratis andreadis c/ Grèce, RTD civ. 1995, p. 652, obs. F. Zénati-Castaing.

* 155 L'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention dispose que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. La Cour déduit de ce texte la nécessité d'un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.

* 156 C.C., 16 juin 2010, RTD civ. Juillet-septembre 2010, p. 584, obs. T. Revet.

* 157 L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen de 1789 dispose : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.» ; et son article 4 dispose : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.»

* 158 CEDH, 26 juin 1986, Van Marle c/ Pays-Bas, Série A, n° 101.

* 159 CEDH, 9 juillet 1986, JCP E 1987, ll, 14894.

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