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L'usufruit des droits incorporels

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par Wyao POUWAKA
Université de Lomé Togo - Diplôme d'études approfondies 2011
  

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B- L'admission du critère finaliste de la substance

Le terme « substance » mérite d'être analysé dans son histoire. La substance, c'est ce qui individualise une chose, qui la définit. C'est l'essence de la chose. Dans la philosophie d'Aristote, « substantia » est ce qui fait qu'une chose est ce qu'elle est. La chose est toujours soumise au changement, mais elle demeure ce qu'elle est. Conséquemment, même si la matière qui la compose subit des altérations ou des dégradations, cette dernière est sauvegardée à partir du moment où sa finalité est respectée. Baudry-Lacantinerie190(*) avait parfaitement perçu, en matière d'usufruit, le sens originel du mot « substance » lorsqu'il soutenait que « le législateur entend ici par substance l'ensemble des qualités constitutives de la chose c'est-à-dire des qualités qui la distinguent des autres, et en l'absence desquelles elle ne mériterait plus de porter le nom substantif qui la désigne. »

Au demeurant, tout usage altère d'une manière ou d'une autre la substance de la chose. Il paraît évident que le Code civil ne puisse commettre l'erreur de la consécration du critère matérialiste. Sinon, on s'aperçoit qu'à chaque fois que la consistance concrète du bien est altérée, conformément à sa destination, à son affectation, la qualification de fruit est retenue pourvu que les autres éléments de définition existent. Le cas de l'usufruit des arbres de haute futaie en est une illustration parfaite. Ces arbres sont qualifiés de fruits par l'article 588 C.civ. alors qu'ils ne peuvent être coupés sans que la consistance concrète du bien grevé soit affectée parce que l'usufruitier respecte justement la destination de la forêt grevée. L'usufruitier est donc contraint à gérer la chose conformément à sa finalité naturelle ou conventionnelle. Il ne peut changer la destination c'est-à-dire la manière d'être, mais doit se référer dans la gestion aux habitudes du propriétaire, qui sont censées révéler la finalité de la chose. La Cour de cassation191(*) française admet traditionnellement que le changement de destination constitue une atteinte justifiant une action fondée sur l'abus de jouissance.

La destination comme critère de la substance trouve également son fondement dans le Code civil. En effet, l'article 589 du Code civil192(*) admet même expressément que l'usage peut détériorer progressivement le bien grevé et que seul importe, le respect de sa destination. En réalité, ce critère mérite davantage d'être généralisé car tout usage a toujours un impact sur le bien.

La jurisprudence fait également très souvent application de ce critère finaliste. C'est dans cette perspective, s'agissant des valeurs mobilières, que la Cour de cassation française193(*) a estimé qu'elles « ne sont pas consomptibles par le premier usage ». En matière de titre, la consomptibilité est civile et s'entend de l'aliénation. Il ressort donc que les considérer ainsi, reviendrait à dire qu'elles n'ont d'autres finalités que d'être vendues. Ce serait aller vite en besogne que de réduire à la négociation, les valeurs mobilières. Bien avant, elle affirmait qu'un usufruitier ne peut permettre au locataire de transformer des locaux d'habitation en locaux commerciaux, car un tel changement de « destination » serait « une altération de la substance » du bien grevé194(*).

La substance entendue comme destination, telle est la position défendue par E. Dockès. De la sorte, l'article 578 C.civ. doit être compris comme le droit de jouir de l'ensemble des utilités du bien, à charge pour l'usufruitier d'en conserver la destination. L'usufruit retrouve ainsi son unité perdue et l'usufruitier apparaît comme le bénéficiaire des utilités du bien, le nu-propriétaire restant le gardien dudit bien.

L'on s'aperçoit finalement qu'autour d'une définition de la substance comme pure destination, comme simple affectation du bien, se dessine une notion d'usufruit unitaire réintégrant en son sein l'usufruit des créances, des droits sociaux, des brevets, et même jusqu'au quasi-usufruit des biens consomptibles. Ainsi défini, l'usufruit pourra avoir pour assiette n'importe quel bien. Mais le problème est loin d'être résolu. Cette définition ne fait pas perdre à l'usufruit tous ses mystères. Sinon, quelle est en définitive sa nature juridique ? Conserve-t-elle la même nature quel que soit le bien sur lequel il porte, corporel ou incorporel, réel ou personnel ? C'est là toute la complexité de la question qui réapparaît. Cette construction s'écroule si la summa divisio droit réel-droit personnel est maintenue. Aussi, la transposition du critère finaliste de la « substance » aux droits incorporels comme les droits sociaux n'est pas évidente195(*). Faudra-t-il trouver le salut dans la rénovation de la théorie de la propriété ?

* 190 Baudry-Lacantinerie, Précis de droit civil, 11e éd., t.1, n°1415 cité par J-P. Chazal, op. cit., n° 13.

* 191 Civ. 3ème , 4 juin 1975, Bull. civ. lll, n° 194 ; Civ. 3ème , 5 décembre 1968, D. 1969, 274 ; Soc. 10 février 1955, D. 1955, 379.

* 192 L'article 589 du C.civ. dispose: « Si l'usufruit comprend des choses qui, sans se consommer de suite, se détériorent peu à peu par l'usage, comme le linge des meubles meublants, l'usufruitier a le droit de s'en servir pour l'usage auquel elles sont destinées, et n'est obligé de les rendre, à la fin de l'usufruit, que dans l'état où elles se trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute. »

* 193 Civ. 1ère, 12 novembre 1998, ibid.

* 194 Civ. 3ème , 5 décembre 1968, D. 1969, p. 274 ; Voir aussi, Soc., 10 février 1955, D. 1955, Juris., p. 379 ; RTD Civ.  1955, p. 525, obs. H. Solus. D'après ce dernier arrêt, changer l'affectation d'un local « serait modifier la manière d'être particulière de la chose soumise à usufruit » et ces termes sont ceux-là mêmes par lesquels Aubry et Rau définissent la substance.

* 195 L. Godon, op. cit., n° 34. ll observe que « pour la doctrine, la substance que l'usufruitier doit conserver est définie comme la « destination » de la chose. Or, si l'on voit bien ce que peut être la destination d'un taillis, d'une carrière ou d'un local, la destination des droits sociaux peut varier selon la motivation propre à chaque associé. Schématiquement, la substance de droits sociaux peut alors être appréhendée tantôt sous l'angle de leur utilité financière et de leur propension à augmenter de valeur ou à dégager des bénéfices, tantôt sous l'angle du droit d'intervention dans les affaires de la société et du pouvoir exercé au sein du groupement. La distinction purement terminologique entre titres de placement et titres de participation reflète cette réalité subjective ».

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore