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L'usufruit des droits incorporels

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par Wyao POUWAKA
Université de Lomé Togo - Diplôme d'études approfondies 2011
  

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Chapitre ll : L'INADAPTATION DE L'INCORPOREL AU MECANISME CLASSIQUE DE L'USUFRUIT

L'usufruit classique est un droit réel qui porte directement sur la chose corporelle d'autrui. La notion de bien, objet d'usufruit classique, s'est diversifié de sorte qu'aujourd'hui, les biens recouvrent outre les choses corporelles, les choses immatérielles ; ces dernières sont devenues une importante source de richesse. Cette situation entraîne la mise en échec de l'adage « res mobilis res vilis ».

Cette diversification des droits incorporels a eu des conséquences sur l'usufruit, notamment l'usufruit qui porte sur de tels biens. Des problèmes ont été soulevés à propos de l'existence même d'un tel usufruit que le Code civil de 1804 n'avait pas envisagé. Ces biens ne se retrouvent pas dans le schéma classique de l'usufruit. Droit réel, l'usufruit ne peut porter que sur des biens tangibles79(*), tandis que les droits incorporels eux sont intangibles et ne sont pas susceptibles d'appréhension matérielle.

Droit de jouissance, l'usufruit impose à son titulaire l'obligation80(*) de conservation de la chose. Or, la jouissance des droits incorporels est particulière et il ressort de la jurisprudence récente qu'elle confère les prérogatives de propriétaire à leurs titulaires. De la sorte, le professeur P. Le Cannu a pu parler de « la nudité du nu-propriétaire »81(*). L'inadaptation de l'incorporel au mécanisme classique de l'usufruit se justifie à deux niveaux essentiellement : d'abord au niveau de l'immatérialité des droits incorporels (Section l) et ensuite au niveau du particularisme du droit de jouissance de ces droits (Section ll).

Section l : L'IMMATERIALITE DES DROITS INCORPORLS

Poser que l'usufruit est un droit réel revient à dire qu'il n'est pas concevable qu'il ait pour assiette un droit incorporel82(*). Or, il ressort des termes généraux de l'article 581 du Code civil que l'usufruit peut porter sur toute espèce de biens, autrement dit aussi bien sur les biens matériels que sur les biens immatériels. L'usufruit étant un droit réel qui porte sur une chose corporelle83(*), l'article 581 C.civ. va poser problème (Paragraphe ll).

Les droits incorporels sont divers et leur expansion est effrénée parce qu'ils constituent le mouvant domaine de nouveaux biens. En conséquence, leur classification s'avère difficile, ce qui justifie qu'ils ne se retrouvent pas dans les classifications du droit civil des biens (Paragraphe l).

Paragraphe l - La difficile classification des droits incorporels

« La diversité a toujours suscité chez les juristes la réaction de classification »84(*). Et comme le remarque si bien D. R. Martin85(*), les qualifications juridiques sont affectées par une marge de relativité lorsqu'elles sont confrontées aux confins des figures qu'elles nomment. Ceci étant, il revient à dire que la diversité des droits incorporels mérite qu'on les classe afin de déterminer le régime applicable. Toutefois, en matière de droits incorporels, la classification n'est pas aisée, car ils ne se retrouvent pas dans le schéma classique de la distinction entre les droits réels et les droits personnels. Si certains peuvent s'analyser en droits personnels (A), d'autres en réalité sont mixtes. Il convient de les considérer comme des droits sui generis86(*) (B).

A- Les droits incorporels personnels

Les droits incorporels sont ceux dont l'objet est immatériel87(*).

La première distinction des droits incorporels révèle que certains sont personnels. C'est le cas des créances de sommes d'argent en général. La jurisprudence a également relevé les cas de l'usufruit d'un droit au bail, d'un bail à ferme et surtout d'une sous-location88(*). Le Code civil a connoté l'usufruit de rentes viagères en son article 588. La rente est un revenu périodique versé au crédirentier par le débirentier en échange d'un capital reçu. Elle est viagère lorsque l'obligation de verser les arrérages cesse à la mort du crédirentier ou d'une tierce personne. Comme déjà soulevé, un tel usufruit renferme « une énigme »89(*). C'est ce qui justifie qu'un tel usufruit ait soulevé de vives controverses en doctrine90(*) et les critiques sont restées acerbes à propos de son existence même. L'usufruit du droit au bail, celui des rentes, l'usufruit des obligations sont là autant de circonstances dans lesquelles la pratique laisse apparaître un usufruit des créances.

Le droit civil classe les droits patrimoniaux en droits réels et droits personnels. Cette distinction forme l'arête du droit patrimonial et même est à l'origine de la distinction droit des biens-droit des obligations.

Le droit personnel est le rapport de droit qu'une personne a, à l'encontre d'une autre, d'exiger de celle-ci, l'exécution d'une prestation. C'est le contrat qui l'exprime bien et est défini à l'article 1101 C.civ. Il est relatif, autrement dit, il n'a d'effet qu'entre les parties au contrat. Dans le cas d'une rente viagère, ce rapport met aux prises le crédirentier et le débirentier. C'est à ce dernier que le crédirentier s'adresse pour toucher les intérêts et il ne peut les réclamer qu'à lui. Selon les professeurs R. Beudant et P. Lerebours-Pigeonnière91(*), le droit est relatif sous cet aspect, parce qu'il s'agit de l'exercice d'une créance, laquelle est l'objet de l'usufruit. Or, l'usufruit est un droit réel.

En pratique, l'usufruit de cette partie des droits incorporels pose beaucoup plus de problèmes aussi bien en ce qui concerne la nature juridique à la constitution que dans l'exécution. Elle est de loin la moins difficile à classer. La difficulté est encore patente lorsqu'il s'agit de la classification des droits incorporels sui generis.

* 79 B. Starck, H. Roland, L. Boyer, op. cit., p. 247.

* 80 Ici, le terme «obligation » doit être compris dans son sens littéral comme un devoir et non dans son sens juridique où il est le rapport de droit entre deux personnes en vertu duquel l'une doit quelque chose à l'autre.

* 81 P. Le Cannu, « La nudité du nu-propriétaire », Rev. Sociétés 2009, p.83.

* 82 A. Françon, « L'usufruit des créances », RTD civ. 1957, n° 5. ll soutient que l'appréhension matérielle ne peut plus porter s'agissant d'une créance, sur la chose même objet de l'usufruit, mais tout au plus sur le titre qui la représente et qui permet d'obtenir certaines prestations du débiteur.

* 83 Cette conception est admise par la majorité de la doctrine notamment Ph. Malaurie et L. Aynès, op. cit., p. 247; G. Marty, P. Raynaud, op. cit., p. 106, n° 65-1; D. R. Martin, op. cit., n° 2; B. Starck, op. cit, p. 459, n° 1138.

* 84 F. Hage-Chahine, « Essai d'une nouvelle classification des droits privés », RTD Civ. 1982, p. 706.

* 85 D.R. Martin, op. cit., n°1.

* 86 Le terme « sui generis » signifie littéralement «de son propre genre ». D'après le lexique des termes juridiques, il est la qualification d'une situation juridique dont la nature singulière empêche de la classer dans une catégorie déjà existante. Nous utilisons ce terme pour rendre compte du fait que ces droits ne rentrent pas dans l'une des classifications connues.

* 87 G. Cornu, ibid.

* 88 Cass. com., 25 avril 1974. La Cour de cassation française estime que « le jugement (du tribunal de grande instance de Nice) n'a méconnu ni qu'un usufruit puisse porter sur un droit personnel, ni que le régime fiscal applicable à la transmission d'un usufruit ne diffère pas suivant que celui-ci est établi sur un droit réel ou sur un droit personnel ».

* 89 B. Starck, H. Roland, L. Boyer, op. cit., p. 467.

* 90 L'usufruit des créances a fait l'objet de vives controverses comme en témoigne le nombre d'écrit qui lui a été consacré. Citons entre autres A. Françon, « L'usufruit des créances », RTD Civ. 1957, pp 1 et s ; R. Libchaber, « L'usufruit des créances existe-t-il ?» RTD civ.1997, pp. 615-629 ; D. Fauquet, « L'héritier réservataire dépouillé au profit du conjoint par une libéralité portant sur une rente viagère », JCP éd. N, 1990, l, 414.

* 91 R. Beudant et P. Lerebours-Pigeonnière, op. cit. , p. 462.

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