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L'application du "jus ad bellum" et du "jus in bello" dans les conflits internes africains : etude du cas lybien


par FREDDY AMANI CHISHIBANJI
Université de Bukavu - Licence en droit 2011
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Relations Internationales
   

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SECTION I. LE `' JUS AD BELLUM» OU DROIT DE FAIRE LA GUERRE

Le Droit de faire la guerre est une notion délicate du Droit International Public (DIP). Le DIP est l'ensemble des règles et principes qui régissent les relations entre Etats et d'autres sujets du droit international comme les organisations internationales ; et qui les engagent de manière réciproque. C'est la loi de la communauté internationale12. Actuellement le DIP régit les Etats, les organisations internationales et les personnes privées, physiques ou morales ; car les sujets de droit, dans un système juridique ne sont pas nécessairement identiques quant a leur nature ou a l'étendue de leurs droits et leur nature dépend des besoins de la communauté13.

Dans les relations des nations, la nécessité de déterminer un « code de bonne conduite » excluant le recours à la violence apparaissait déjà opportune, dés lors que les Etats nouaient des relations mutuelles. Le tout premier traité connu, consistant dans une inscription sur un monument en pierre (environ 3100 Av. JC), fut signé entre les cités sumériennes. D'autres empires du Proche-Orient vont aussi signer des traités de ce genre au cours du IIe millénaire avant JC.

11 H. GROTUIS, cité par N. QUOC D., A PELLET, Droit International Public, LGDJ, Paris, 2002, p. 83

12 B. M. MBUYI, Introduction a l'étude des sources modernes du Droit International Public, Bruylant, Québec, 1999, p. 57

13 CIJ, « Réparation des dommages subis aux services des Nations Unies », Avis consultatifs du 11 Avril 1949, Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances, 1949, p. 178

Plus tard Juifs, Grecs et Romains fixèrent certains principes qui prescrivaient l'usage de la force. Parmi ces principes nous avons celui qui obligeait que toute déclaration de la guerre devrait être précédée d'un ultimatum avec délai permettant d'éloigner les vulnérables (femmes, vieillards et enfants) de la zone de combat.

Mais avec la notion de la « guerre juste », les Romains furent les premiers à apporter une contribution déterminante au droit international ; en affirmant le devoir pour une nation a s'abstenir de faire la guerre sans motif légitime. Pour eux, une guerre était juste lorsqu'elle était déclarée par l'autorité souveraine dans le but de maintenir l'ordre et la justice, et non motivée par le profit ou une volonté dominante14.

Au cours du Moyen-âge, le droit de faire la guerre sera aussi codifié. Mais c'est le père du DIP, GROTUIS avec le droit naturel, qui viendra interdire aux nations modernes de s'abstenir a l'usage de la force et a causer du tort a autrui, tenir parole, réparer les dommages, etc. ces exigences tiennent dit-il, à la nature humaine, elles sont permanentes et DIEU lui-même ne peut les changer15.

Poursuivant ce mouvement de codification du droit de faire la guerre, les nations tentèrent immédiatement après la première guerre mondiale, d'organiser la paix d'une manière totale ; mais l'arbitrage international confié a la Société des Nations (SDN), n'avait pas permis de régler les différends entre pays de manière pacifique. Par après viendra le pacte de Paris appelé pacte BRIAND-KELLOGG, qui n'a pas aussi empêché les hostilités malgré qu'il ait été signé par l'Allemagne et le Japon.

Dès nos jours, depuis 1945, les Nations Unies, s'inscrivant dans la postérité de la SDN, ont consacré dans leur Charte constitutive l'illégalité de la guerre. Ainsi la guerre a été interdite dans les relations internationales des Etats (§1), mais ce principe de non recours à la force connaît quelques limites (§2).

§1. DE L'INTERDICTION DU RECOURS A LA FORCE ARMEE

Longtemps, l'emploi de la force tout détestable qu'il fut, demeura le procédé le plus rependu de règlement des différends internationaux. L'avènement de l'ONU qui a instauré

14 C. KARLVON, De la guerre, Minuit, Paris, 1955, p. 25

15 H. GROTUIS, le droit de la guerre et de la paix, traduit par J. BARBEYRAC, centre de philosophie politique et juridique, Caen, 1984, p. 78

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dans sa Charte constitutive le principe de non recours à la force, et qui a imposé plus que jamais d'autres moyens pacifiques de solution aux litiges survenant entre les membres de la communauté internationale, dans le but de garantir la paix et la sécurité internationales ; rendra moins fréquent l'usage de la force dans le règlement des différends opposant les Etats.

Parlant du principe de non recours a la force, bien avant la Charte de l'ONU, plusieurs tentatives avaient été entreprises par les nations pour mettre la guerre hors la loi, notamment la convention `'Drago-Porter» dite de la Haye de 1907 qui fut la première, le pacte de la SDN de 1919 et le pacte de BRIAND-KELLOGG du 26 Août 1928. Toutes ces tentatives se sont heurtées a des obstacles, au point qu'elles n'avaient pas empêché le recours à la force sous toutes ses formes.

Pour la première, elle n'interdisait l'usage de la force que lors du recouvrement de dettes contractuelles, ce qui marqua sa portée très limitée. Pour la deuxième qui provenait de la SDN, elle va laisser l'humanité dans une perplexité par ce que tout en reconnaissant d'une part l'illicéité de la guerre, elle reconnaissait d'autre part sa licéité lors que certaines règles de procédure sont respectées (l'article 12 de son pacte)16. Et la troisième tentative, elle était constituée de deux actes adoptés la même année, et les deux documents ne coïncidaient pas dans leur champ d'application ratione personae, car les Etats parties a l'un d'entre eux ne l'étaient pas toujours pour l'autre17.

Elaborée au moment oü l'épreuve de la seconde guerre mondiale, la plus meurtrière encore que la première, la Charte de l'ONU va corriger les imperfections du pacte de la SDN, et va prohiber la guerre. Cette prohibition posée par l'article 2 §4 de la Charte vise tout recours a la force, dont la guerre n'est qu'une forme extrême : « les membres de l'organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir a la menace ou a l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts de Nations Unies »18.

Dans le même angle d'idée, l'Assemblée Générale de l'ONU dans sa résolution (A/RES/42/22) du 18 Novembre 1987 portant déclaration sur le renforcement de l'efficacité

16 P. DAILLER, M. Forteau, A. Pellet, N. QUOCDIN, Droit International Public, 8e éd, LGDJ, Paris, 2009, p. 1034

17 Idem, p. 1035

18 ONU, Charte des Nations Unies, Nations Unies, New-York, 1965, N°176, p. 4

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du principe de l'abstention du recours a la menace ou a l'emploi de la force dans les relations internationales, adoptée à sa 73ème séance, réaffirme que tout Etat qui fait usage de la menace ou emploi la force pour régler un différend qui lui oppose à un autre Etat, viole le droit international et la Charte des Nations Unies, et engage ainsi sa responsabilité internationale ; dès lors qu'il met en danger la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice19.

Depuis lors, la condamnation de la guerre était mainte fois répétée dans tous les pactes régionaux de sécurité et de défense mutuelle, car chaque peuple a droit à la paix. La résolution de l'Assemblée Générale 39/11 du 12 Novembre 1984 portant déclaration sur le droit des peuples à la paix fut prise dans ce sens.

Le recours à la force étant ainsi prohibé, les Etats sont désormais obligés de régler leurs différends par des moyens pacifiques, entre autres les modes non juridictionnels de règlement des différends : les négociations directes, les bons offices, les médiations, l'enquête et la conciliation ; et les modes juridictionnels de règlement des différends : l'arbitrage et le règlement judiciaire par la Cour Internationale de Justice (CIJ).

Bref, la guerre étant interdite par le principe de non recours à la force, les nations se sont imposé les méthodes pacifiques de règlement de différends. Mais ce principe de non recours à la force connaît des exceptions.

§2. LES LIMITES AU PRINCIPE DE NON RECOURS A LA FORCE

Pour radicale que soit la condamnation du recours à la force, elle n'exclut pas que certaines exceptions puissent lui être apportées.

A la différence du pacte de la SDN qui procédait par énumération des hypothèses des guerres illégales, l'article 2 §4 de la Charte prohibe, rappelons-le, la menace ou l'emploi de la force.

Mais, il existe toute fois des situations où le recours à la force armée est admis par les Nations Unies : c'est le cas du droit de légitime défense (A), c'est aussi le cas lors que le

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conseil de sécurité de l'ONU, se fondant sur le chapitre VII de la Charte décide de l'emploi collectif de la force (B). C'est en fin, le cas reconnu dans la résolution 2105 (XX) adoptée en 1965 dans le cadre du droit des peuples a disposer d'eux-mêmes (C).

A. RECONNAISSANCE DU DROIT DE LEGITIME DEFENSE

Aucune disposition de la Charte, dit son article 51, ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense. Cet article distingue la légitime défense individuelle(1) et collective (2).

1. La légitime défense individuelle

Il convient de la définir (a), et d'en examiner les conditions d'exercice (b).

a. Notion

La légitime défense individuelle est le droit d'un Etat attaqué d'avoir recours a la force armée, pour se protéger contre l'agression dont il est victime. Pour qu'un Etat puisse recourir a la guerre dans l'exercice de son droit de légitime défense individuelle, il faut qu'il soit (réellement et actuellement) victime d'une agression armée, que le recours a la force soit le seul moyen nécessaire et proportionnel pour se mettre a l'abri de l'agression ; et en fin qu'il informe le conseil de sécurité des mesures prises au titre de légitime défense et soit prêt à les abandonner lorsque le conseil de sécurité y aura substitué des mesures proprement collectives.

b. Conditions d'exercice de la légitime défense individuelle 1°. L'agression

« Dans le cas de la légitime défense individuelle, ce droit ne peut être exercé que si l'Etat intéressé a été victime d'une agression armée »20. Selon la résolution 3314 (XXIX), « l'agression est l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies, ainsi qu'il ressort de la présente définition ». La CIJ n'a jamais contesté cette définition.

20 CIJ, 27 Juin 1986, Nicaragua contre Etats-Unis, Rec., 1986, p. 103 §195

Mais l'énumération fournie par la résolution n'est cependant pas limitative, car d'autres actes pouvant être qualifiés d'actes d'agression par le conseil de sécurité ou par la CIJ.

2°. Nécessité et proportionnalité

Dans la logique d'un système qui cherche a réduire au maximum l'emploi unilatéral de la force armée, elle ne peut être utilisée que dans la mesure du stricte nécessaire pour se protéger de l'agression. Ce qui condamne les mesures disproportionnées qui seraient utilisées à cette fin.

3°. Information au conseil de sécurité de l'ONU

Selon l'article 51 de la Charte, « les mesures prises dans l'exercice ... du droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le conseil de sécurité, en vertu de la présente Charte, d'agir a tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».

La précision se conçoit, en son principe aisément. L'Etat qui se prévaut de la légitime défense doit informer le conseil de sécurité des mesures qu'il adopte a cette fin, pour que leur licéité puisse être vérifiée, et que des dispositions collectives puissent y être substituées le plus rapidement possible.

La légitime défense paraît indissociable d'un système de sécurité collective qui demeure présentement, malgré ses imperfections21.

2. La légitime défense collective

Avant d'en examiner les conditions d'exercice (b), il convient d'abord de la définir (a). a. Notion

La légitime défense collective est le droit d'un Etat d'utiliser la force pour venir en aide a un autre Etat victime d'une agression. Malgré les vives critiques dont elle a parfois fait l'objet, elle est expressément admise par l'article 51 de la Charte.

21 M. CIFENDE K., Droit International Public, UCB, G3 Droit, 2010-2011, inédit

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b. Conditions d'exercice

La légitime défense collective ne peut être exercée que si les conditions de la légitime défense individuelle sont remplies. Il faut notamment qu'une agression armée ait été commise contre l'Etat qui bénéficie de la légitime défense collective, même si l'auteur de celle-ci ne doit pas avoir été lui-même victime d'une telle agression.

Aucune règle ne permet la mise en jeu de la légitime défense collective sans la demande de l'Etat victime. L'exigence de cette demande s'ajout a celle d'une déclaration par laquelle cet Etat se proclame agressé.

Très légitimement, les auteurs de la Charte ont estimé que l'action des Etats devait être harmonisée et coordonnée avec les responsabilités de l'ONU22.

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