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La nationalité et les droits de l'homme dans l'espace francophone: le cas du Sénégal

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par Kantome SECK
Université Cheikh Anta Diop/ Institut des Droits de l'Homme et de la Paix - Master II Recherche Droits de l'Homme et de la Paix 2010
  

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SECTION II : Un régime juridique différent en conséquence.

Le statut juridique des sénégalais n'étant pas identique, nous avons aussi constaté que les indigènes ou sujets français étaient régis par le code de l'indigénat (A) tandis que les natifs des quatre communes, étaient régis par les lois applicables aux français (B).

Paragraphe I : Des indigQnes soumis au code de l'indigénat.

Le code de l'indigénat fut adopté le 28 Juin 18819. Puis c'est en 1887 que le gouvernement français l'imposa à l'ensemble de ses colonies notamment le Sénégal. Le code de l'indigénat renvoie à un ensemble législatif et réglementaire répressif, élaboré dans les colonies françaises à l'encontre des seuls indigènes. Pour ceux qui n'ont pas connu la période coloniale, l'indigénat est un mot lourd de sens qui souvent incarne l'esprit et les pratiques d'une époque marquée par l'injustice, les violences, l'arbitraire. Ce code assujettissait les autochtones et les travailleurs immigrés aux travaux forcés, à l'interdiction de circuler la nuit, aux réquisitions, aux impôts de capitation (taxes) sur les réserves et à un ensemble d'autres mesures tout aussi dégradantes . Il s'agissait d'un recueil de mesures discrétionnaires destiné à faire régner le «bon ordre colonial», celui-ci étant basé sur l'institutionnalisation de l'inégalité et de la justice. Ce code fut sans cesse «amélioré» de façon à adapter les intérêts des colons aux «réalités du pays».

Le code de l'indigénat était assorti de toutes sortes d'interdictions dont les délits étaient passibles d'emprisonnement ou de déportations. Avec l'ordonnance du 7- 9-1840, ils sont soumis à un régime spécial de sanctions administratives sans intervention judiciaire. Les chefs de circonscription et de subdivision peuvent infliger des peines de simple police (15 F d'amende et 5 jours de prison). Le gouverneur général peut prononcer des internements et assignations à résidence avec les décrets du 31-05-1910 et du 15-11-1924. Les indigènes sont jugés au civil et au pénal (jusqu'au décret du 30-4-1946) par des tribunaux indigènes appliquant les coutumes locales (sauf celles " contraires

9 Le code de l'indigénat fut d'abord appliqué en Algérie.

aux principes de la civilisation française "). L'administrateur du lieu préside le tribunal, assisté de 2 assesseurs indigènes. Toutefois, on peut noter que certains sujets français jugés évolués par rapport aux autres, ont échappé aux peines de l'indigénat avec le décret de Charles DEGAULLE du 29-07-1942 qui fixait le statut des notables évolués. Ce système d'inégalité sociale et juridique perdura jusqu'en 1946 avec la loi du 07 Avril 1946 abolissant le code de l'indigénat, soit plusieurs années après que les accords de Genève (le 23 avril 1938) eurent interdit toute forme de travaux forcés.

Pendant ce temps, les natifs des quatre communes étaient régis par les lois applicables aux français.

Paragraphe II : Des citoyens français ou des originaires des quatre communes régis par les lois françaises.

Les originaires des communes de plein exercice de Dakar, Gorée, Rufisque et Saint-Louis étaient régis par un « statut local ». Mais, à l'égard de ceux-ci, le domaine d'application du « statut local » était limité à certaines matières : l'état des personnes, le mariage, les successions, donations et testaments. Ces matières faisaient l'objet de leur « statut civil réservé », d'abord défini, sous le Premier Empire, par un décret du 20 mai 1857, puis, sous la IIIème République, par un décret du 20 novembre 1932. Dans les autres matières, notamment dans celle des obligations, les originaires des communes de plein exercice étaient soumis au « statut civil français ». Ainsi, les règles posées par le code civil, par la loi du 26 juin 1889 et par celle du 10 Août 1927 leurs furent appliquées respectivement en vertu des divers décrets de promulgation du code civil, du décret du 07 Février 1897 et du décret du 05 Novembre 1928. Il s'agissait d'une situation exceptionnelle qui ne s'expliquait que par l'ancienneté des Établissements français du Sénégal, auxquels le territoire des quatre communes de plein exercice était réputé correspondre.

Il en résultait que les originaires des communes de plein exercice relevaient, en principe, des juridictions dites « de droit français ». Ils avaient la possibilité d'avoir un avocat pour être défendus en cas de conflits. Ce n'est que pour juger les affaires intéressant leur « statut civil réservé » que des juridictions dites « de droit local » avaient été créées.

Pour les musulmans, il s'agissait de juridictions dites de droit musulman, tenues par des « cadis ». Pour les non-musulmans, la juridiction spéciale était constituée par la juridiction de droit français, complétée par l'adjonction d'un assesseur appartenant à leur coutume. L'appel était porté devant la cour d'appel

de Dakar, assistée, pour les musulmans, d'un « cadi » ou, pour les nonmusulmans, d'un « notable » en matière de « statut civil réservé ». Les citoyens des quatre communes étaient soumis au régime répressif français. Il en résultait qu'ils n'étaient pas soumis au régime dit de l'indigénat, lequel permettait à l'autorité administrative certaines peines de police.

Il semble que le législateur français ait craint d'étendre aux habitants de statut traditionnel des textes fondés sur des institutions trop européennes pour pouvoir être transposées en Afrique. Seule l'ordonnance du 19 Octobre 1945 portant code de la nationalité française fut étendue, par un décret du 24 Février 1953, à tous les habitants des territoires français d'outre-mer, qu'ils fussent de statut traditionnel ou de statut moderne.

Sept ans plus tard, le Sénégal accède à l'indépendance précisément le 20 Juin 1960. La conséquence nécessaire de l'indépendance était dans l'esprit des sénégalais, une nationalité nouvelle. Mais dans les rapports entre la France et le Sénégal, les sénégalais ne devaient perdre leur nationalité française que le jour où une autre nationalité leur serait conférée par disposition générale, conformément à l'article 152 du code de la nationalité française dans la rédaction de la loi N°60-752 du 28 Juillet 1960. Cette loi du 28 Juillet 1960 avait également disposée que ceux qui ont acquis une autre nationalité conférée par disposition générale alors qu'ils bénéficiaient déjà de la nationalité française, devront pour maintenir cette dernière, faire une déclaration de reconnaissance de la nationalité française. Ces dispositions sont actuellement régies par le chapitre VII du titre Ier bis du livre Ier du code civil. Ont été saisies par ces dispositions toutes les personnes domiciliées sur ces territoires lors de l'accession à l'indépendance. La loi du 28 juillet 1960 a établi une distinction entre les personnes originaires du territoire de la République française tel qu'il restait constitué le 28 juillet 1960, auxquelles la nationalité française devait être maintenue de plein droit, et les autres dont la nationalité française ne pouvait être conservée que selon la procédure de déclaration dite de reconnaissance de la nationalité française, soumise à certaines conditions dont la plus importante était le transfert du domicile en France.

Ainsi, reprenant la règle déjà posée par l'ancien article 152 puis l'article 155-1 du code de la nationalité française, l'article 32-3 du code civil dispose expressément que " tout Français domicilié à la date de son indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait antérieurement le statut de département ou de territoire d'outre-mer de la République conserve de plein droit sa nationalité dès lors qu'aucune autre nationalité ne lui a été conférée par la loi de cet Etat. Certaines personnes, faute de moyens ou de connaissance, n'ont pu faire reconnaître la nationalité française par déclaration dite " de reconnaissance ".

Par conséquent, les enfants des ressortissants des communes de plein exercice ne peuvent pas aujourd'hui réclamer la nationalité française.

La France a compris dés le départ qu'il fallait créer une disposition relative à la déclaration de nationalité française ou d'option pour la nationalité française, puisque sa puissance sur « ses peuples colonisés » venait d'être réduite par l'accession à l'indépendance de ces derniers dont les populations pouvaient tous sans l'avènement de la loi du 28 Juillet 1960, réclamer la nationalité française. La procédure de reconnaissance de la nationalité française était limitée dans le temps puisqu'il s'agissait de permettre aux personnes qui voulaient conserver la nationalité française de se faire confirmer cette nationalité. L'absence d'option pour la reconnaissance de la nationalité française dans le délai imparti par la loi était interprétée comme un refus de la nationalité française. La loi du 9 janvier 1973 pour l'Afrique noire et Madagascar ont mis fin à la procédure de reconnaissance en prévoyant pour les ressortissants des anciens TOM, une procédure de réintégration spéciale dans la nationalité française. Cette dernière est finalement abrogée par la loi du 22 juillet 1993 dite loi Méhaignerie.

Les sénégalais n'ayant pas répondu à cette déclaration d'option pour la nationalité française pourront se rabattre de la N° 61-10 du 07 Mars 1961 déterminant la nationalité sénégalaise.

Chapitre II: Conception postcoloniale de la nationalité : Une atteinte à l'égalité des droits des enfants.

Lorsque la fédération du mali proclama son indépendance le 20 juin 1960, les sénégalais voulaient exprimer leur autonomie entière par une conception nouvelle de la nationalité. Mais ce n'est qu'avec la loi n°61-10 du 07 Mars 196, après l'éclatement de la fédération, que le Sénégal a pu déterminer sa propre nationalité. Ainsi, cette nouvelle loi attribuait la nationalité sénégalaise en vertu du jus soli (section I) ou /et en vertu du jus sanguinis (section II).

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