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Le regard porté sur les femmes par le franciscain Jean Benedicti à  travers son manuel de confession "la somme des pechez et le remede d'icevx" (1595, réédition )

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par Lucie HUMEAU
Lyon  - Master 1 2013
  

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Éduquer son enfant.

Jusqu'à l'âge de sept ans, les enfants, garçons comme filles, restent aux mains des femmes, qui initient leur éducation. De nombreuses femmes peuvent entourer l'enfant : les gouvernantes, servantes, soeurs, nourrices voire parfois les grands-mères apportent leur aide. Néanmoins, la mère a un rôle prépondérant et l'Église cherche, à partir du XVIe siècle, à la responsabiliser, notamment dans le domaine de l'éducation religieuse. Si Benedicti emploie les termes de « pères et mères », il faut souligner que la grande majorité des exemples donnés se focalisent sur la relation entre la mère et ses enfants ou la mère et sa fille. En effet, après sept ans, âge de raison, les garçons passent aux mains des hommes mais les filles terminent leur apprentissage auprès de leur mère qui doit être pour elles un exemple à suivre mais surtout, dans bien des milieux, une habile professeure capable de lui enseigner les bases élémentaires de la survie. Nous allons voir quels sont les deux modèles que Benedicti met en concurrence dans son oeuvre : celui de la mauvaise mère, haïssable en bien des points, et celui de la bonne mère, qui recevra la sanctification grâce à son dévouement.

La première faute que Benedicti attribue aux mères est l'incontinence qui fait, selon les croyances de l'époque, que « les enfans sont souuent maladifs ou contre faicts »682. L'incontinence est supposée entraîner des troubles physiques et psychiques qui mettent en péril toute tentative de bonne éducation. La femme doit veiller elle-même à ne pas mettre son enfant en danger en rappelant à son mari ses obligations : ce dernier ne doit pas tenter d'avoir des rapports sexuels avec elle tant qu'elle est enceinte ou qu'elle allaite. Deux autres grandes fautes sont aussi attribuées plus spécifiquement à la mère : maudire ses enfant et blasphémer devant eux. Marcel Bernos souligne que les « pédagogues et moralistes s'accordent habituellement sur ce que la bonne éducation

682Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], « Table », « Le Mercredy du quatrieme Dimanche ».

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Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

commence par le bon exemple ». Les mères devraient donc « surtout témoigner par leur propre vie »683. Ainsi, la mère qui donne à sa fille un mauvais exemple « co[m]met vne espece d'homicide : car tout cela est homicide spirituel »684. Si inculquer les bonnes valeurs morales et les bonnes lignes de conduite est de la responsabilité des deux parents, « progressivement, les théologiens et moralistes se persuadèrent que la moralité, féminine du moins, était un héritage maternel. Une fille était ce que sa mère en avait fait »685. Benedicti rappelle donc que la « Mere [...] qui blaspheme, qui paillarde, qui tue, qui yurongne, qui desrobe, qui detracte, & en somme qui fait mal deuant ses [...] enfans [...] offens[e] plus griefueme[n]t qu'vn autre »686. Elle devrait au contraire lui apporter les rudiments du catéchisme ce qui aurait été facilité « par la présence en toutes les maisons, même les plus modestes, d'un crucifix, avec son buis béni le jour des Rameaux, de quelques images pieuses représentant le Christ, la Vierge ou un saint, d'un récipient avec un peu d'eau bénite »687. Benedicti s'élève aussi contre « les meres transportees d'impatience, lesquelles fulminent contre le fruit de leur ventre ces beaux mots, le cancre688 te vienne, la bosse689, le tac690, la peste t'estrangle, le diable, la male rage te puisse emporter, &c »691. Ces mots sont plus sûrement le fait des classes populaires pour qui « l'emploi de la crainte et de l'ironie, doublé parfois de châtiments corporels, a pour but d'inculquer aux enfants un minimum d'habitudes de disciplines assez élémentaires sans lesquelles la vie en commun au sein de la famille serait vite insupportable »692. Dans les plus hautes strates de la société en effet, l'apprentissage de la « discipline y est beaucoup plus poussé et aboutit à un véritable conditionnement du corps et de l'esprit »693, qui rendent plus improbable peut-être le type de comportement évoqué ci-dessus.

Benedicti développe son propos et argumente ainsi : « Si telles maudissons694 se disent de coeur & de bouche, c'est peché mortel : si elles lés [sic] proferent seulement de bouche & par le premier mouuement de cholere, per inaduertance, par moquerie, pour passé temps ou pour faire rire, c'est peché veniel. Si est ce qu'elles deuroient penser que souue[n]t leur imprecation arriue à leurs enfans, comme elles le leurs requiere[n]t, ainsi

683Marcel BERNOS, Femmes et gens d'Église..., op. cit. [note n°3], p.165.

684Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.113.

685Natalie ZEMON DAVIS (dir.), Arlette FARGE (dir.), op.cit. [note n°79], p.57.

686Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.579.

687François LEBRUN, Marc VENARD, Jean QUENIART, Histoire de l'enseignement..., op. cit. [note n°598], p.97.

688Nous n'avons pas trouvé de définition pour le mot « cancre », peut-être s'agit-il d'une faute de l'imprimeur et le mot original

aurait été « chancre » c'est-à-dire une ulcération qui a tendance à s'étendre.

689La « bosse » peut être à la fois la bosse du bossu mais aussi une tumeur, un abcès ou encore le bouton de la peste.

690Le « tac » est le nom d'une maladie proche de la coqueluche.

691Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.62.

692François LEBRUN, Marc VENARD, Jean QUENIART, Histoire de l'enseignement..., op. cit. [note n°598], p.95.

693Ibid., p.95.

694Malédiction.

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qu'il se lit en l'histoire de Laon, où il est dit, que Beelzebub [sic] estoit entré dedans le corps de Nicole Obry, à raison que sa mere l'auoit donnee au diable, despitee dequoy elle auoit perdu vn chappellet. Et pour autant, dit l'escriture, que la malediction de la mere fait esbranler & renuerser sens dessus-dessous les fondemens de la maison des enfans »695. L'histoire de Nicole Aubry est bien connue à l'époque car elle a fait beaucoup de bruit et a été racontée dans de nombreux ouvrages. En 1565 ou 1566, une jeune fille de seize ans, fille d'un boucher de Vervins et mariée à un tailleur, se recueillant sur la tombe de son grand-père mort sans confession, crut le voir sortir de son tombeau. L'âme du grand-père Vieilliot « lui demanda des messes, des prières et des bonnes oeuvres pour la tirer du purgatoire, où elle souffrait depuis le jour de son décès »696. La jeune femme exécute les ordres du spectre qui se manifeste plusieurs fois à elle. Elle est de plus en plus malade et plusieurs clercs essaient de l'exorciser sans succès. Vingt-six démons seraient sortis d'elle sous la forme de chats aussi gros que des moutons mais les plus virulents dirent qu'ils ne partiraient que par l'action de l'évêque de Laon. Ce dernier intervient, d'autant que l'affaire donnerait raison aux thèses catholiques contre des thèses protestantes, que le diable possédant Nicole Aubry propose de dénoncer. Celle-ci est donc libérée des trois derniers démons qui la tourmentaient : Astaroth, qui prit la forme d'un porc, Cerberus, celle d'un chien et Belzébut en taureau. Nicole Aubry rencontra par la suite le roi Charles IX et Catherine de Médicis, qui avaient été mis au courant de l'affaire. Le fait que la jeune femme ait été possédée à cause d'une malédiction de sa mère n'est pas précisé dans les récits dont nous avons pris connaissance mais il est probable que de nombreuses rumeurs aient circulé autour de cette histoire à l'époque. Une autre histoire est connue qui raconte comment la malédiction d'une mère entraîne de graves conséquences pour ses enfants. Cette mère veuve aurait eu dix enfants, sept garçons et trois filles. Les mauvais traitements que lui font subir les garçons, l'injuriant et la frappant, et l'absence de réaction de la part de ses filles leur attirent une malédiction « de coeur & de bouche »697 : « & tout incontine[n]t ils furent saisis d'vn tremblement de tous leurs membres à leur grande confusion, laquelle ne pouuans plus supporter deuant le peuple furent contraints de quitter le pays & vagabonder par le monde »698. Ici, selon l'injonction du quatrième commandement (« Tes pères et mères honoreras »), les enfants sont appelés à respecter leurs parents, et

695Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.62.

696Joseph BIZOUARD, Des rapports de l'homme avec le démon ; essai historique et philosophique, Paris, Gaume frères et Joseph Duprey, 1863 [disponible sur < http://www02.us.archive.org/stream/desrapportsdelho02jose/desrapportsdelho02jose_djvu.txt>] (consulté le 21 mars 2013).

697Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.545.

698Ibid., p.94.

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Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

notamment leur mère mais cette dernière est aussi invitée à la clémence et à une certaine retenue envers ses enfants.

Benedicti aborde plus en détail l'éducation que doit donner une mère à sa fille. Jusqu'à l'époque de ses règles, qui annonce la possibilité de son mariage, la jeune fille reste très proche de sa mère, qui doit lui enseigner son futur rôle d'épouse. Marcel Bernos indique que la mère « ne peut que répéter ce qu'elle sait elle-même : de la piété, des pratiques, quelques recettes, l'habitude de la soumission. La fillette apprend par ouï-dire et voir-faire, dans un apprentissage précoce, parce que très tôt, dès l'âge de sept ou huit ans, elle doit aider sa mère »699. Ces savoirs sont vitaux pour la jeune fille qui pouvait alors trouver un travail nécessaire à sa survie si elle savait bien cuisiner ou si sa mère l'avait formée aux travaux d'aiguille. L'association mères filles est très visible dans le monde rural où elles effectuent ensemble toutes les activités dédiées aux femmes : s'occuper de la basse-cour, nourrir les bêtes, chercher des baies ou des champignons pour agrémenter les plats, cuisiner et s'occuper des enfants en bas âge. L'apprentissage de ces activités devrait suffire selon Benedicti qui déplore qu'il « y en à auiourd'huy des meres, par le mo[n]de, qui font comme Herodias, qui apprennent à leurs filles à danser, rhetoriquer, hanter les compagnies, farder, peindre, plastrer700 leur visage, à se charger de bagues & ioyaux, co[m]me si elles estoient mercieres à esleuer vn [sic] boutique »701. Plus loin, il affirme aussi que la « mere qui apprend sa fille à se farder, baller702, danser aux dimanches & piaffer, porter habillemens dissolus pour complaire au monde par mauuaise intention, en luy donnant mauuaise exemple, elle est homicide de l'ame de son fruit, faisant non comme vne vraye mere, ains comme vne Herodias ou marastre »703. Hérodias, ou Hérodiade, princesse juive, est ici vivement critiquée en tant que mauvaise mère. Cette femme est la mère de Salomé, à qui elle aurait demandé d'obtenir la tête du prophète Jean-Baptiste. Salomé va alors charmer par sa danse le second mari de sa mère, Hérode Antipas. Ce dernier lui promet de lui accorder ce qu'elle souhaite et Salomé réclame alors la tête de Jean-Baptiste sur un plateau. Hérode Antipas s'incline704. Les « traités d'éducation écrits par des hommes, religieux ou non, [...] stigmatisent la futilité de l'éducation donnée aux filles [...]. [Ils] critiquent l'importance trop grande attachée à l'apparence physique des filles, bien qu'ils admettent que c'est essentiellement d'après ce

699Marcel BERNOS, Femmes et gens d'Église..., op. cit. [note n°3], p.160.

700« Plâtrer » est un synonyme de « farder ».

701Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.97. 702« Baller » signifie « danser, sauter, s'agiter ».

703Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.97. 704Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Marc, 6, 14-29.

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critère qu'une femme est appréciée ou non »705. Benedicti fait de toute femme enseignant des gestes futiles une pécheresse coupable d'emmener sa fille en Enfer à sa suite.

Les modèles présentés aux mères sont multiples mais deux particulièrement devraient l'aider à investir leur mission : l'éducation de Jésus par la Vierge Marie et l'attitude de Dieu envers les croyants. Si l'Église est dite « mère »706 des catholiques, les représentations de Dieu sous un visage humain permettent de donner aux femmes l'exemple de ce que devrait être leur pitié envers leurs enfants. Dieu, « qui plus nous ayme que la tendre mere n'aime son enfant »707 ne laisse pas les innocents « dans la fornaise [sic] ardante »708. Il est empli de miséricorde envers les croyants. La bonne mère doit s'appuyer sur cet exemple et avoir de la compassion pour ses enfants. Elle « ne se courrouce pas contre son enfant qu'elle voit estre agité de fureur, & rompre, briser, getter, & re[n]uerser tout, imputa[n]t plustost cela à la violence du mal, que non pas à l'enfant ». Benedicti présente un exemple de cette miséricorde féminine qui fait que la « pitoyable709 mere, laquelle voyant le pere animé co[n]tre l'enfant s'interpose entre les deux, pour apaiser le courroux paternel, & receuoir en soy la peine destinee pour son fils ». Pitié n'est pas laxisme puisque « la mere voyant sa fille faire chose desorbitante » doit la reprendre et la châtier « quand elle a la puissance »710. Il semble en effet que « tout laxisme compromettrait la formation morale, donc humaine et chrétienne, de leurs enfants et serait une faiblesse coupable, préparant un triste avenir à leur descendance. [...] La sévérité, quand elle ne s'exerce pas injustement, passe pour l'expression normale d'un amour authentique »711. Afin de se faire obéir, les petits serments non tenus sont autorisés. Ainsi, les « meres & nourrices, qui iurent de bailler des verges à leurs enfans, ou de leur donner vne pomme s'ils ne crient point, ne sont pas coulpables de peché mortel, si elles ne tiennent leur serment, car la chose est de petite consequence »712.

La Vierge, « mere de Dieu »713, est louée pour son dévouement envers son fils, Jésus. Benedicti s'adresse à elle en ces termes : « vous retournastes en vostre ville de Nazareth, là où vous traitastes cherement vostre petit nourrisson, iusques à l'aage de douze ans, lors que l'aya[n]t perdu, vous le cherchastes auec sainct Ioseph trois iours & trois nuicts auec pleurs, regrets & douleurs inenarrables. Ce fut bien alors que vous

705KNIBIEHLER, Yvonne, FOUQUET, Catherine, L'histoire des mères..., op. cit. [note n°576], p.106-107.

706 Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170],p.49.

707Ibid., p.28.

708Ibid., p.27.

709Est « pitoyable » la personne portée à la pitié.

710Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.97.

711Marcel BERNOS, Femmes et gens d'Église..., op. cit. [note n°3], p.159.

712Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.56.

713Ibid., p.38.

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Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

experimentastes vn des glaiues de douleur que vous auoit predit S. Simeon. L'ayant retrouué vous le gardastes bien chereme[n]t (comme le vray holocauste du monde) iusques à ce que vous l'accompagnastes au mont de Caluaire, là où il fut mis en croix pour nous, lors qu'en mourant il vous recommanda à S. Iean qui vous prist pour sa mere »714. Marie est donc une bonne mère qui prend soin de son bébé puis de son jeune garçon. Elle est inquiète de le savoir absent et le réprimande quand elle le retrouve au milieu des docteurs du Temple de Jérusalem715. Elle l'accompagne ensuite patiemment dans tous ses déplacements et reste auprès de lui alors qu'il est mis en croix.

Benedicti encourage l'enfant à rendre à sa mère ce qu'elle lui a apporté. Il cite à ce propos saint Ambroise : « Regarde, dit il, mon enfant que si tu suruiens à ta mere, tu ne luy a pas rendu les douleurs qu'elle a enduré pour toy, le laict qu'elle t'a donné, non la faim qu'elle a pour toy enduré. Elle a ieusné pour toy, elle a veillé pour toy, elle a pleuré pour toy, elle a beaucoup enduré pour toy. Tu lui dois tout ce que tu as, & tu te dois toy-mesme à elle. Et tu lairras endurer & auoir disette ? »716. Les enfants sont poussés à aider leur mère quand elle est dans le besoin. Benedicti rapporte l'histoire racontée par Pline l'Ancien selon laquelle une « ieune fille [...] n'ayant aucun moyen de porter à manger à sa mere, condamnee de mourir de faim en prison, sous couleur de la visiter, luy bailloit la mammelle, la nourrissant de son propre laict »717. Benedicti peut ici à la fois s'adresser aux enfants, en les encourageant à rendre à leurs parents, dans les limites du possible, ce qu'ils leur ont donnés, mais aussi aux bonnes mères, qui peuvent attendre du secours des enfants qu'elles ont élevés correctement. Benedicti pense que « les peres & meres sont dieux visibles, lesquels nous voyons deuant nos yeux, ausquels nous sommes grandement obligez, comme tenans d'eux trois choses apres Dieu, c'est à dire, l'estre, la nourriture & l'instruction »718. Les enfants qui ne respecteraient pas leur mère sont appelés à se remémorer les histoires d'Oreste et de Néron719. Oreste est assez jeune lorsque son père est assassiné par l'amant de sa mère. Il est alors éloigné d'elle pendant de longues années mais il revient afin de venger son père en tuant sa mère Clytemnestre et son amant Egisthe. Malgré l'aspect de juste vengeance que revêt ce crime, Oreste, devenu matricide, est assailli par les Érinyes, divinités grecques de la vengeance qui poursuivent les grands criminels et notamment les enfants ingrats.

714Ibid., « Epistre dedicatoire ».

715Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Luc, 2, 48.

716Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.95.

717Ibid., p.95.

718Ibid., p.94.

719Ibid., p.92.

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L'empereur Néron aurait quant à lui fait assassiner sa mère, Agrippine, qui cherchait à renverser son fils pour garder une influence prépondérante dans les affaires de la cité. Il aurait envoyé des centurions de sa garde la passer au fil de l'épée. Malgré la personnalité contestée d'Agrippine, avoir commandé son meurtre entache irrémédiablement la réputation de l'empereur. Benedicti attribue le suicide de Néron au poids du matricide exécuté sous ses ordres. En effet, il aurait été poussé à cet acte par la menace de subir le supplice destiné aux parricides : être jeté dans le Tibre cagoulé après qu'un animal vivant ait été introduit dans la cagoule. Les mères semblent donc pouvoir espérer vengeance des entreprises que leurs enfants pourraient entreprendre contre elles.

En conclusion, les mères ont un grand rôle à jouer dans le devenir de leurs enfants. C'est pourquoi Benedicti s'attache à leur montrer la voie qui lui semble être la bonne tant dans le domaine de l'allaitement que dans celui de l'éducation. Par les multiples exemples qu'il prend, il tente d'encourager les mères à élever leur progéniture dans une optique chrétienne. Loin de ces préoccupations et du modèle de la bonne mère, nous allons voir à présent comment Benedicti pense la place de la femme en société.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry