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L'arbitrage dans le système de règlement des différends de l'OMC

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par Diane Horélie PALGO
Université de Bourgogne - Master Juriste d'affaires internationales  2011
  

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A-La mission particulière des arbitres

Les arbitres à ce stade ont un rôle décisif, voir primordial. En effet, la sanction prise par la partie plaignante contre l'Etat qui n'a pas exécuté ses obligations, peut avoir des conséquences importantes sur le commerce international. En particulier ce sont les entreprises, les opérateurs économiques du pays récalcitrant et même de l'initiateur des contre-mesures qui vont subir ces sanctions et non l'Etat lui-même124(*). Le groupe arbitral dans l'affaire Communauté Européenne-Mesures concernant les viandes et les produits carnés125(*), n'hésite pas à préciser la nature de sa mission « il y a toutefois une différence entre la tâche que nous avons en l'espèce et la tâche qui est confiée à un groupe spécial. Au cas où nous déciderions que la proposition des Etats-Unis n'est pas compatible avec les règles de l'OMC, c'est-à dire que le montant suggéré est trop élevé, nous ne devrions pas clore notre examen de la même façon que les groupes spéciaux ....... Nous devrons aller plus loin. Pour atteindre les objectifs fondamentaux du Mémorandum d'accord visant à arriver rapidement à une solution positive des différends, nous devrions estimer le niveau de la suspension que nous jugeons équivalent à la réduction subie. C'est là la tâche et la responsabilité essentielles confiées aux arbitres pour régler le différend »126(*).

Cette détermination du niveau des contre-mesures est également importante car elle a un effet neutralisant. C'est le montant des contre-mesures qui pourra peut être contraindre l'Etat récalcitrant à s'exécuter. Si le montant autorisé est faible il n'aura pas un effet dissuasif127(*).

Il faut remarquer que l'article 22.7 interdit formellement aux arbitres d'examiner la nature des concessions ou des autres obligations à suspendre. Cela confirme bien que l'examen opéré par les arbitres ici est seulement quantitatif. Cependant, ils doivent avant ce chiffrage s'assurer que la partie plaignante a respecté les prescriptions de l'article 22.3.

1-La vérification du respect des exigences procédurales de l'article 22.3

Avant même de déterminer le niveau de la suspension des obligations, l'arbitre devra s'assurer que les prescriptions de l'article 22.3 sont respectées. Le texte exige que la suspension d'obligations intervienne d'abord dans le ou les secteurs où la violation a été constatée. Par exemple une réponse à une violation dans le domaine des brevets devrait viser également les brevets128(*). Maintenant, si cela est impossible ou inefficace, les rétorsions peuvent être prises dans d'autres secteurs, en priorité au titre du même accord. La dernière possibilité est de prendre des rétorsions croisées qui consiste à prendre des mesures qui sont visées dans d'autres accords que celui concerné par la violation129(*).

L'article recommande une simple vérification du respect des prescriptions qu'il prévoit. Dans la mesure où il ne donne pas plus de précision aux arbitres sur la manière dont ils doivent procéder, ces derniers dans le souci de rendre une décision efficace vont avoir un contrôle plus poussé dans le choix opéré par les Etats pour la suspension130(*). En effet, il est indispensable qu'ils puissent examiner de façon correcte le respect de ces règles, car l'Etat plaignant peut tenter de contourner ces prescriptions. C'est ce que l'Equateur a essayé de faire dans le deuxième arbitrage de l'affaire banane131(*). Lorsque les arbitres vont constater une violation de ces règles, ils doivent demander à la partie plaignante de présenter une nouvelle demande à l'ORD dans laquelle elle devra tenir compte des prescriptions de l'article 22.3.

C'est à l'issue de cette vérification qu'ils pourront maintenant déterminer si le montant de la suspension proposé par le plaignant correspond ou pas au préjudice qu'il a subi.

2-La détermination de l'équivalence ou de la proportionnalité du niveau de la suspension avec le préjudice subi

Le Mémorandum d'accord a prévu différentes possibilités auxquelles les arbitres doivent se référer pour exercer leur mission. Dans le droit commun de l'OMC, il s'agira pour eux, de déterminer l'équivalence du montant des obligations à suspendre avec le préjudice subi. Mais une règle spéciale existe lorsque la demande de suspension vise l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SMC)132(*). Cette dernière déroge à la procédure prévue dans l'article 22.6.

a- Le montant de la suspension de concessions doit être équivalent à la perte des avantages

Le groupe arbitral de l'affaire CE -Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes133(*), a précisé que le sens du mot « équivalent » indique une correspondance, une identité ou un équilibre entre deux niveaux liés (le niveau des concessions à suspendre et le niveau de l'annulation ou de la réduction d'avantages). En pratique les arbitres procèdent d'abord à un examen de la preuve apportée par chaque partie. Comme l'ont affirmé les arbitres qui ont examiné l'affaire CE - Hormones134(*), « la charge de la preuve dans une procédure d'arbitrage incombe à la partie qui conteste la conformité de la demande de rétorsion avec l'article 22 ». Il appartient donc à l'Etat qui conteste le montant des contre-mesures de prouver qu'il ne correspond pas au préjudice subi. L'auteur des contre-mesures devra aussi expliquer la méthode qu'il a utilisée pour fixer le montant et pourquoi il estime que ce montant équivaut aux pertes qu'il a subies ? Cette exigence n'est pas mentionnée dans le Mémorandum d'accord. Ce sont les arbitres qui ont développé cette procédure afin de parvenir à une solution irréprochable135(*). Ils précisent néanmoins que la charge de la preuve incombe aux deux parties136(*). Ainsi ils ne vont pas hésiter à demander des renseignements additionnels aux parties jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de prendre une décision définitive137(*). L'idée est d'arriver à prendre une décision soignée mais surtout de se conformer au but du Mémorandum, qui est d'arriver à un règlement rapide et efficace des différends.

Dans cette procédure les arbitres doivent comparer le niveau des obligations à suspendre envisagé par la partie plaignante avec le niveau du préjudice qu'elle a subi. Ils sont donc obligés de déterminer d'abord le préjudice subi par l'Etat plaignant. Celui-ci concernera des pertes subies en termes d'exportations de marchandises ou des pertes encourues par des fournisseurs de services. C'est le préjudice futur qui sera estimé et non le préjudice déjà subi138(*). C'est la raison pour laquelle, le groupe arbitral prend en compte d'éventuelles mises en conformité effectuées à l'avance par l'Etat mis en cause. Le but est de fixer le montant de la suspension à compter de cette mise en oeuvre. Pour déterminer l'équivalence entre le montant des contre-mesures et le préjudice subi, les arbitres examinent les effets de la mesure sur le commerce mais lorsqu'il est difficile de quantifier ces effets, les arbitres prennent aussi en compte l'effet économique de la mesure. Dans l'affaire Etats-Unis-Loi de 2000139(*) les arbitres ont en effet indiqué que si « la plupart des arbitrages se sont appuyés sur la notion étroite d'effet sur le commerce, c'est parce que  les pertes en termes de commerce sont généralement plus directement identifiables et quantifiables et que, dans un tel contexte, les arbitres ont préféré s'appuyer sur des chiffres vérifiables »140(*). Mais lorsque le préjudice n'est pas quantifiable car potentiel, les arbitres préconisent une méthode141(*) pour le calculer sans toutefois fixer un chiffre142(*).

b-La proportionnalité des contre-mesures dans l'accord SMC

Dans l'Accord SMC, les contre-mesures doivent être non pas équivalentes, mais proportionnées au préjudice subi143(*). Comme l'a affirmé l'arbitre dans l'affaire Etats-Unis-Traitement fiscal des sociétés de ventes à l'étranger 144(*), « selon son interprétation de l'article 4.10 de l'Accord SMC, un Membre a le droit d'agir en prenant des contre-mesures qui tiennent dûment compte de la gravité de l'infraction et de la nature de la perturbation de l'équilibre des droits et des obligations en question »145(*). Le préjudice subi par le plaignant n'est donc pas le seul argument pris en compte par les arbitres. Les arbitres vont donc se livrer à une appréciation des effets de la gravité de la violation. Dans ces circonstances, la valeur de la contre-mesure peut donc être supérieure à la valeur du préjudice subi par la partie plaignante146(*). Ils considèrent en général que l'effet perturbateur d'une subvention est plus large que le déséquilibre causé aux seuls intérêts des parties au différend. Cela nécessite de prendre en compte l'effet sur le commerce mondial. Mais l'effet sur le commerce n'est pas le seul élément déterminant.

Par exemple dans le différend Etats-Unis-Traitement fiscal des sociétés de ventes à l'étranger147(*), le groupe arbitral a autorisé la CE à imposer des contre-mesures à l'encontre des Etats-Unis pour un niveau équivalent au montant total de la subvention. Il estime que cela correspond au niveau de tout le commerce mondial qui a été affecté par la subvention.

* 124 BLIN Olivier, « Les sanctions dans l'organisation mondiale du commerce », Journal du droit international, LexisNexis, 2008, pp. : 441-466, p. 448 et 449

* 125 Décision des arbitres Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones), plainte initiale du Canada - Recours des Communautés européennes à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS48/ARB, 12 juillet 1999

* 126Ibid., note 125, paragraphe 12

* 127 A l'époque du GATT, il n'y avait pas cette possibilité de contrôle du niveau. Le niveau était donc librement défini par l'Etat plaignant.

* 128 http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/disp_settlement_cbt_f/c6s10p1_f.htm

* 129 CANAL-FORGUES Eric, Le règlement des différends à l'OMC, Bruxelles, Editions Bruylant, 2008, pp. 209, p. 106

* 130 LESAFFRE Hubert, le règlement des différends au sein de l'OMC et le droit de la responsabilité internationale, Paris, LGDJ, 2007, p. 613, p.451

* 131 Cela sera étudié dans la section 3 de ce chapitre.

* 132 L'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires («Accord SMC») traite de deux questions distinctes mais étroitement liées: les disciplines multilatérales qui régissent l'octroi de subventions, et le recours à des mesures compensatoires en vue de neutraliser le dommage causé par des importations subventionnées.

* 133 Décision des arbitres Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes - Recours des Communautés européennes à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS27/ARB/ECU et Corr.1, 24 mars 2000

* 134Décision des arbitres Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones), plainte initiale des États-Unis - Recours des Communautés européennes à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS26/ARB,
12 juillet 199

* 135 Décision des arbitres Brésil - Programme de financement des exportations pour les aéronefs WT/DS46 ; Décision des arbitres Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones) WT/DS26 ; Décision des arbitres Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes WT/DS27

* 136 RUIZ FABRI Hélène, « Le contentieux de l'exécution dans le règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce »,  Journal du droit international, 2000, pp.605-645, p.637

* 137 Tel a été le cas dans l'affaire bananes, recours de la CE à l'arbitrage de l'article » 22.6 pour contester le niveau de suspension proposé par l'Equateur

* 138 LESAFFRE Hubert, Le règlement des différends au sein de l'OMC et le droit de la responsabilité internationale, Paris, LGDJ, 2007, 613 p., p.465

* 139 Décision de l'arbitre États-Unis - Loi de 2000 sur la compensation pour continuation du dumping et maintien de la subvention, plainte initiale du Mexique - Recours des États-Unis à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS234/ARB/MEX, 31 août 2004

* 140Op.cit., note 138, p.465

* 141 C'est le cas par exemple, lorsqu'une mesure prise par l'Etat condamné n'a pas fait l'objet d'une application concrète. L'arbitre pourra alors déterminer approximativement les paramètres permettant de déterminer le niveau du préjudice. Tel a été le cas dans l'affaire États-Unis - Loi antidumping de 1916, plainte initiale des Communautés européennes - Recours des États-Unis à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS136/ARB, 24 février 2004

* 142 Op.cit., note 138, p.466

* 143 CANAL-FORGUES Eric, Le règlement des différends à l'OMC, Bruxelles, Editions Bruylant, 2008, 209 p., p.108

* 144 Décision de l'arbitre Etats-Unis - Traitement fiscal des "sociétés de ventes à l'étranger - Recours des Etats-Unis à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends et de l'article 4.11 de l'Accord SMC, WT/DS108/ARB, 30 août 2002

* 145 Op.cit., note 138, p. 468

* 146 http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/disp_settlement_cbt_f/c6s10p2_f.htm

* 147 Décision de l'arbitre Etats-Unis - Traitement fiscal des "sociétés de ventes à l'étranger - Recours des Etats-Unis à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends et de l'article 4.11 de l'Accord SMC, WT/DS108/ARB, 30 août 2002

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe