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L'arbitrage dans le système de règlement des différends de l'OMC

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par Diane Horélie PALGO
Université de Bourgogne - Master Juriste d'affaires internationales  2011
  

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B-Le non respect des délais stricts

Le Mémorandum prévoit que l'arbitrage devra intervenir 60 jours après l'expiration du délai raisonnable. Ce délai n'est pas toujours respecté. Pour les arbitres, cela s'explique par la nécessité de prendre une décision soignée dans la mesure où elle est insusceptible d'appel. Comme l'ont précisé les arbitres de l'affaire de la banane, le concept d'arbitrage  comporte un élément contradictoire. Il faut donc que les parties aient la possibilité et le temps de discuter leurs arguments et éléments de preuve respectifs148(*). Les arbitres n'ont pas hésité à préciser que le « .... délai de 60 jours spécifié à l'article 22.6 ne limite pas ni ne définit le domaine de compétence des arbitres ratione temporis149(*), il impose aux arbitres une obligation procédurale en ce qui concerne le déroulement de leurs travaux, pas une obligation fondamentale en ce qui concerne la validité de ces travaux.... »150(*). En effet ce délai paraît vraiment très court pour mener à bien une telle procédure d'arbitrage. Si l'on remarque, il est prévu qu'à l'expiration du délai raisonnable de l'article 21, les parties puissent négocier d'abord des compensations durant 20 jours maximum. En cas d'échec, si les parties recourent à l'arbitrage pour la contestation du montant de la suspension, il restera 40 jours aux arbitres pour mener à bien leur mission au lieu de 60. Sachant pourtant que les parties auront besoin encore de temps pour préparer leur défense. Il faut pourtant remarquer que leurs arguments dans cette procédure impliquent de fournir des preuves, qui à notre avis sont à la disposition des entreprises concernées par la mesure incompatible aux règles de l'OMC.

Les arbitres déterminent le montant des contre-mesures à suspendre généralement après l'expiration du délai de 60 jours. Cette décision prise hors délai sera-t-elle respectée par les Etats ?

§ 2 : La mise en oeuvre de la décision arbitrale

L'article 22.7 dispose que « Les parties accepteront comme définitive la décision de l'arbitre et les parties concernées ne demanderont pas un second arbitrage » et l'article 22.8 de rappeler que « la suspension de concession ou d'autres obligations sera temporaire et ne durera que jusqu'à ce que la mesure jugée incompatible avec un accord visé ait été éliminée »151(*).

Lorsque les arbitres fixent le niveau des contre-mesures qui peuvent être suspendues, cette décision s'impose aux parties, elle a l'autorité de la chose jugée. Mais il ne faut pas perdre de vue, que le Mémorandum d'accord n'a pas prévu une procédure de contrôle de l'application de ces contre-mesures. Comme l'a affirmé le professeur H. RUIZ FABRI, « il n'était pas possible de multiplier à l'infini les mécanismes de contrôle et de garanties »152(*). En principe les contre-mesures ont un caractère provisoire. Les arbitres le rappellent à chaque procédure. Par exemple les arbitres qui avaient déterminé le niveau des contre-mesures dans l'affaire des Hormones, n'ont pas hésité à le préciser153(*). Le Mémorandum d'accord ne prévoit pourtant pas une procédure organisant le retrait des contre-mesures prises par un Etat à l'encontre d'un autre Etat. L'existence d'un tel vide juridique, ne pourrait-il pas remettre en cause le caractère provisoire des contre-mesures ?

Dans la pratique, la suspension de concessions ou d'obligations peut durer plusieurs années, et nous pouvons imaginer les inconvénients que cela peut avoir sur l'Etat concerné par la mise en oeuvre et par là même sur ses opérateurs économiques. A titre d'exemple dans l'affaire Etats-Unis-Loi de 2000 sur la compensation pour continuation du dumping et maintien de la subvention154(*), la CE et le Canada ayant obtenu l'autorisation de suspendre des concessions à l'égard des Etats-Unis, ont informé que cette suspension prendrait effet à compter du 1er mai 2005 et concernera les importations de certains produits originaires des Etats-Unis. Quant au Japon il avait prévu l'entrée en vigueur de ses suspensions à compter du 1er septembre 2005. Il a fallu attendre 5 mois après l'entrée en vigueur des suspensions du Japon, autrement dit le 17 février 2006, pour que les Etats-Unis indiquent qu'ils avaient adopté des mesures mettant en conformité leurs obligations dans le cadre de l'OMC. Mais les parties plaignantes ont estimé que les Etats-Unis n'avaient pas mis leur mesure en pleine conformité avec les recommandations et décisions de l'ORD. Ainsi la CE continu de suspendre ces obligations chaque année (la dernière notification date du 8 avril 2011) contre certains produits en provenance des Etats-Unis, et le Japon également (la dernière notification de suspension date du 26 août 2011). Cela fait donc 6 ans que la CE et le Japon appliquent des suspensions à l'égard des Etats-Unis dans le cadre de cette affaire.

De même dans l'affaire des Hormones, le Canada et les Etats-Unis ont appliqué des contre-mesures à la CE de 1999-2004. Pourtant la CE avait notifié auparavant à l'ORD s'être mise en conformité, mais les parties plaignantes n'ont jamais accepté cet argument. C'est ainsi que la CE a dû demander la constitution d'un groupe spécial pour sortir de ces contre-mesures155(*).

Il faut remarquer que lorsque les contre-mesures sont prises sous forme d'obstacles commerciaux, elles sont coûteuses car presque toujours économiquement préjudiciables non seulement pour le membre condamné mais aussi pour l'Etat plaignant qui les impose. Par exemple, les consommateurs de l'Etat qui impose les contre-mesures vont devoir subir une hausse des prix des produits importés du fait des surtaxes imposés156(*).

Force est de constater qu'à toutes les étapes, il est mentionné que l'ORD doit veiller à la mise en oeuvre des décisions qu'il a prises. Mais il n'est nulle part mentionné que ce dernier devra vérifier si en pratique l'Etat plaignant respecte ou non le montant fixé par l'arbitre pour la suspension. En réalité l'Etat initiateur des contre-mesures respectera t-il ce montant  dans sa suspension ? Est-ce que l'Etat qui subit cette suspension ne va-t-il pas réagir sur d'autres domaines ?

En réalité malgré l'existence d'un contrôle de la mise en oeuvre, de la possibilité de suspendre des concessions ou obligations, le caractère politique de l'organisation domine. Le respect de certaines règles repose en réalité sur la bonne volonté des Etats. Pour aller plus loin, prenons l'exemple des compensations. En effet, un Etat membre n'est pas obligé de mettre sa mesure en conformité ; il peut maintenir une mesure reconnue contraire au droit de l'OMC à condition d'accepter d'en payer le prix157(*) .

On a pu constater que dans l'arbitrage de l'article 22.6 les arbitres font preuve de rigueur. Face à l'imprécision de la rédaction même de l'article 22.6 et 7, ils mettent en place leurs propres procédures et développent des stratégies afin d'adopter une décision soignée et efficace. Mais il est nécessaire, voir indispensable pour les rédacteurs du Mémorandum d'apporter quelques précisions sur la procédure des arbitres comme ce qui est prévu pour les groupes spéciaux158(*).

Après avoir analysé le mécanisme des arbitrages obligatoires, il est nécessaire d'illustrer nos propos par l'étude complète d'un différend qui a été résolu sous l'égide de l'OMC. Pour cela, nous avons choisi d'étudier l'affaire CE-Régime applicable à l'importation à la vente et à la distribution des bananes159(*). En effet l'affaire de la banane constitue le différend le plus ancien de l'histoire de l'OMC160(*). C'est l'accès des bananes sur le territoire communautaire qui est au centre du conflit opposant plusieurs pays d'Amérique centrale ainsi que les Etats-Unis à la CE161(*).La complexité de cette affaire, s'explique par le grand nombre de pays qui y étaient impliqués (5 pays plus la CE-(qui comptait en son temps 15 pays)-directement impliqués, et 25 autres pays impliqués indirectement en tant que tierces parties)162(*). Cela montre les nombreux enjeux juridiques, économiques, voire politiques de ce différend. Comme l'avait précisé le Directeur Général P. LAMY « il s'agissait en effet d'un des différends, les plus complexes d'un point de vue technique, les plus sensibles d'un point de vue politique et les plus importants d'un point de vue commercial qui ait été porté à la connaissance de l'OMC »163(*). Cette affaire a permis aux négociateurs du Mémorandum de constater des chevauchements entre certains articles du Mémorandum. Les arbitres ont également été amenés à trancher certaines questions de procédure. L'attention sera portée certes sur les procédures d'arbitrage de cette affaire, mais aussi sur les conséquences de ce différend du siècle sur le système de règlement des différends de l'OMC, qui en porte toujours les séquelles.

* 148 Décision des arbitres Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes. WT/DS27

* 149 La compétence dans le temps

* 150 Les arbitres estiment que dans la mesure ou le Mémorandum d'accord n'a pas expressément prévu en cas d'allongement du délai de 60 jours que la décision arbitrale sera caduque, cela ne les empêchent donc pas de rendre une décision hors délai si cela a pour but d'aboutir à une décision efficace et soignée. Le délai de 60 jours est donc malléable. In BOISSON DE CHAZOURNES Laurence, « L'arbitrage à l'OMC », Revue de l'arbitrage, 2003 n°3 juillet-septembre, Editions Litec, pp.949-992, p.974

* 151 Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends Disponible sur : http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/dsu_f.htm

* 152 RUIZ FABRI Hélène,  « Le contentieux de l'exécution dans le règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce », Journal du droit international, 2000, pp. 605-645, p.642

* 153 « La suspension de concession ..... n'était qu'une mesure temporaire de dernier recours ne devant durer que jusqu'à ce que la mise en oeuvre intégrale soit réalisée ou qu'une solution mutuellement convenue soit trouvée » in LESAFFRE Hubert, le règlement des différends au sein de l'OMC et le droit de la responsabilité internationale, Paris, LGDJ, 2007, p. 613

* 154 Etats-Unis-Loi de 2000 sur la compensation pour continuation du dumping et maintien de la subvention, WT/DS234/R, WT/DS217/R

* 155 BLIN Olivier, « Les sanctions dans l'Organisation mondiale du commerce », Journal du droit international, Jurisclasseur, 2008 (Janvier-Mars N°1), pp. 442-466, p. 456

* 156 Op.cit, note 155, p. 451

* 157 VINCENT Philippe, Institutions économiques internationales, Bruxelles, Editions Larcier, 2009, 347 p.

* 158 Appendice 3 : procédures de travail des groupes spéciaux. Voir annexe 3

* 159 Affaire DS27 disponible sur : http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds27_f.htm

* 160 http://ictsd.org/i/news/passerellessynthese/8333/

* 161 TIOZZO Carine, BARBARA Morey, « La résolution du conflit de la banane opposant les Etats-Unis à la communauté européenne par l'OMC, la guerre des bananes : suite et fin ? », RMCUE, n°429, juin 1999, pp. 394-400, p.394

* 162 TIOZZO Carine, BARBARA Morey, « La résolution du conflit de la banane opposant les Etats-Unis à la communauté européenne par l'OMC, la guerre des bananes : suite et fin ? », RMCUE, n°429, juin 1999, pp. 394-400, p.396

* 163 GHERARI Habib, CHEMAIN Régis, « Chronique OMC 2009 : l'Union européenne et l'organisation mondiale du commerce-Règlement des différends », RMCUE, n°543 décembre 2010, pp. : 677-687, p.683

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand