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L'arbitrage dans le système de règlement des différends de l'OMC

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par Diane Horélie PALGO
Université de Bourgogne - Master Juriste d'affaires internationales  2011
  

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§ 2 : La vérification de la compatibilité des mesures prises par la CE afin de se conformer au droit de l'OMC

Dans le but de mettre en application les décisions de l'ORD durant le  délai raisonnable qui lui a été accordé, la CE a adopté un règlement le 20 juillet 1998 modifiant celui qui avait institué l'OCMB176(*). Estimant que cette modification ne respecte toujours pas les Accords de l'OMC, les parties plaignantes ont ouvert des communications avec la CE. Cela va conduire la CE à demander l'établissement d'un groupe spécial pour examiner la conformité des mesures qu'elle a prisent pour se conformer aux décisions et recommandations de l'ORD. Elle l'avait fait de façon préventive. A la suite de la CE, l'Equateur demandera également l'établissement d'un groupe spécial pour examiner cette conformité. Les Etats-Unis ont quant à eux estimé de façon unilatérale que les nouvelles mesures communautaires étaient toujours incompatibles avec les règles de l'OMC177(*).

C'était la première fois que les Etats avaient recours à cette procédure. Ce recours à un groupe spécial de la « mise en conformité » a été très significatif car il a permis de révéler une importante difficulté d'interprétation du Mémorandum d'accord et un chevauchement des articles 21.5 et 22.6. En effet l'article 21.5 donne la possibilité aux parties de saisir le groupe spécial initial afin qu'il vérifie si les mesures prises pour se conformer aux décisions et recommandations de l'ORD par l'Etat mis en cause sont vraiment compatibles avec les Accords de l'OMC. Cette vérification doit se dérouler dans un délai de 90 jours à compter de la saisine. Dans le même temps, il faut remarquer que l'Etat plaignant peut demander en vertu de l'article 22 à l'ORD une autorisation de suspendre des concessions ou des obligations et cela dans un délai de 30 jours à compter de l'expiration du délai raisonnable178(*). Ainsi avant même que le groupe spécial ne décide s'il y a eu effectivement mise en oeuvre ou non, l'Etat plaignant peut obtenir de l'ORD l'autorisation d'appliquer des contre-mesures. Pourtant la décision du groupe spécial au titre de l'article 21.5 est susceptible d'appel. Par conséquent, la décision ultérieure du groupe spécial de la mise en conformité pourra modifier le montant de ces contre-mesures.

En l'espèce, le groupe spécial initial sera mis en place pour vérifier cette mise en conformité. De même il devra siéger en tant qu'arbitre pour déterminer le préjudice subi par les plaignants.

Le problème qui se posait en réalité était de savoir qui était habilité à se prononcer sur la conformité du nouveau régime communautaire ? Le groupe spécial initial ou les arbitres saisis en vertu de l'article 22.6 ? La CE estimait que les arbitres n'avaient pas à se prononcer sur la compatibilité du régime communautaire de la banane, et que ce rôle revenait au groupe spécial initial qui était chargé d'examiner cette compatibilité. Mais selon les arbitres pour pouvoir fixer le niveau de la suspension d'obligations de telle sorte qu'il soit équivalent à celui du préjudice subi, il est nécessaire qu'ils examinent si le régime révisé de la CE est compatible ou non avec les règles de l'OMC179(*). Comme l'a précisé à l'époque le président de l'ORD Renato RUGGIERO, dans la mesure où il s'agit des mêmes personnes qui siègent dans les deux procédures, elles trouveront forcement une solution180(*).

Finalement, comme nous le verrons, c'est lors de la procédure arbitrale de l'article 22.6, que le groupe arbitral va se prononcer sur cette question avant de déterminer l'équivalence entre le niveau de suspension proposé par les plaignants et le préjudice qu'ils ont subi.

§  3 : Contestation du niveau de la suspension d'obligations proposé par les Etats-Unis et l'Equateur

Avant même la fin de la procédure de vérification de la conformité des mesures prises par la CE pour se conformer aux règles de l'OMC, les Etats-Unis ont demandé à l'ORD l'autorisation de suspendre l'application de concessions ou d'autres obligations. Ils ont estimé cette suspension d'obligations à hauteur de 520 millions de dollars US. A la suite des Etats-Unis, l'Equateur demanda également à l'ORD l'autorisation de suspendre des concessions ou obligations à l'égard de la CE. Le niveau de la suspension était fixé à hauteur de 450 millions de dollars. Estimant que les montants fixés par les parties plaignantes pour la suspension n'étaient pas équivalents au niveau de l'annulation ou de la réduction des avantages qu'elle avait subi, la CE soumettra la question à la procédure d'arbitrage de l'article 22.6. L'arbitrage a été assuré par le groupe spécial initial. Les arguments pris en compte pour déterminer le niveau de la suspension seront différents dans chaque cas.

Dans l'arbitrage concernant le montant fixé par les Etats-Unis, ces derniers vont recommander aux arbitres de fixer une procédure particulière pour les renseignements commerciaux confidentiels181(*). Mais la CE sera opposée à cette idée. Finalement les arbitres vont établir une procédure spéciale pour ces renseignements tout en signalant que ces renseignements ne seront pas à la base de leur décision finale.

Aussi la question de la participation des parties tierces à cette procédure va également se poser. En effet, l'Equateur voulant avoir le statut de tierce partie dans cette procédure, verra sa demande rejetée. Les arbitres font remarquer que le Mémorandum d'accord ne donne aucune précision quant à la participation des parties tierces à cette procédure, ils estiment alors avoir le pouvoir de se prononcer sur la question. Pourtant dans l'affaire CE- Hormones182(*), le groupe arbitral de cette affaire a admis que les tierces parties (Canada, Etats-Unis) participent à cette procédure. Face à l'imprécision des textes, les arbitres n'ont pas la même vision quant à cette participation des tierces parties.

De même l'articulation des articles 21.5 et 22 va resurgir. En effet, la CE réclamait que les arbitres suspendent leurs travaux en attendant une décision du groupe spécial initial sur la question de la conformité. Mais les arbitres dans le souci de respecter le délai de 60 jours fixé par le Mémorandum d'accord pour rendre leur décision ne vont pas adhérer à la requête de la CE. Et pourtant il s'agit des mêmes personnes qui siègent en tant que membres du groupe spécial de la mise en conformité et arbitres dans le cadre de l'article 22.6.

Le niveau de la suspension était connu 520 millions de dollars, il fallait maintenant déterminer le préjudice subi par les Etats-Unis afin de pouvoir faire la comparaison. Mais pour établir ce préjudice, il est nécessaire, voir indispensable de savoir d'abord si le régime communautaire révisé est ou non conforme aux règles de l'OMC. Les arbitres, malgré la ferme opposition de la CE, vont examiner la compatibilité du régime communautaire révisé avec les règles de l'OMC avant de déterminer le préjudice subi par les Etats-Unis. Ils ont ainsi constaté que le régime communautaire révisé était toujours incompatible avec les règles de l'organisation. La première question à laquelle ils ont tenté de répondre est celle de savoir si le régime communautaire révisé applicable à l'importation des bananes a pour effet d'annuler ou de réduire les avantages revenant aux Etats-Unis ? Ils ont ainsi calculé les effets de la mesure sur tous les fournisseurs de services, de commerce des Etats-Unis pour les bananes vendues en gros dans la CE. Ils se lancent dans des explications complexes, et peu juridiques avant de prendre une décision. Finalement les arbitres ont fixé le niveau de la suspension de concessions et d'obligations des Etats-Unis envers la CE à hauteur de 191, 4 millions de dollars par année au lieu de 520 millions de dollars comme le réclamait les Etats-Unis. La décision des arbitres a produit un effet important et louable, en ce qu'elle a fait réduire le niveau de la mesure de rétorsion américaine. Cela s'inscrit dans l'objectif d'une justice effective que poursuivent les arbitres183(*). Les Américains ont donc décidé de surtaxer les fromages de Roquefort, le foie gras, les sacs à mains ou encore le linge de maison. Leur but était d'exercer une pression maximale en ciblant des produits sensibles économiquement et symboliques du modèle de société proposé par l'Europe184(*). Ces produits ont pourtant peu de rapports avec les bananes, ce qui veut dire que des opérateurs économiques intervenant dans d'autres secteurs que celui de la banane vont subir aussi ces sanctions.

C'est le même groupe arbitral qui va se prononcer aussi sur l'équivalence ou non du montant de la suspension proposé par l'Equateur. Les arbitres vont s'attarder en l'espèce sur la demande de suspension présentée par l'Equateur. En principe, la suspension de concessions doit concerner uniquement les secteurs ou les accords qui sont mentionnés dans la demande. Le constat préalable qui a été fait, c'est que l'Equateur n'a pas respecté les principes et procédures énoncés à l'article 22.3. Il avait cru pouvoir suspendre des concessions dans le cadre d'un accord non visé dans sa demande initiale185(*). Cela n'est pourtant pas possible.

Les arbitres ont eu l'occasion de se prononcer aussi sur les conditions dans lesquelles le recours à des rétorsions croisées était possible. En effet, pour pouvoir adopter des contre-mesures dans un autre accord que celui concerné par la mesure illicite, il faut justifier qu'il n'est pas possible ou efficace de suspendre des obligations au titre du même accord mais aussi que les circonstances sont suffisamment graves186(*). C'est en tenant compte de tout ceci, qu'ils ont permis à l'Equateur d'adopter des rétorsions croisées dans le cadre de l'ADPIC (Aspect de Droits de Propriété Intellectuelle touchant au Commerce), alors que les violations avaient été constatées dans le cadre du GATT et du GATS.

Le niveau de suspension proposé par l'Equateur était très excessif, c'est la raison pour laquelle les arbitres après examen des preuves et arguments des parties, vont fixer le préjudice subi par l'Equateur à hauteur de 201, 6 millions de dollars au lieu de 450 millions.

Toutefois les mesures de rétorsions étant exceptionnelles et temporaires, la CE devait tout de même modifier sa législation pour l'adapter aux règles multilatérales187(*).

ü L'issue de l'affaire banane et ses conséquences sur l'OMC

A l'issue de ces procédures arbitrales, la CE, les Etats-Unis et l'Equateur vont signer un accord concernant une solution mutuellement convenue en avril 2001. En vertu de cet accord, la CE devrait mettre sa législation en conformité au plus tard le 1er janvier 2006188(*). Avant cette date, elle devait présenter des rapports sur l'évolution de cette mise en conformité aux parties plaignantes. Mais au 1er janvier 2006, elle n'avait toujours pas mis son régime en conformité avec les règles multilatérales. C'est ainsi que l'Equateur en novembre 2006, les Etats-Unis en juin 2007, vont demander à nouveau au groupe spécial initial d'examiner cette mise en conformité189(*). La CE dans cette perspective de mise en oeuvre va adopter plusieurs mesures. Aucune d'entre elles ne donnera satisfaction aux plaignants. Le groupe spécial de la mise en conformité aussi bien que l'OA, vont constater que les mesures prises par la CE sont toujours incompatibles à certaines règles multilatérales.

Finalement c'est le 15 décembre 2009 à Genève que les parties parviendront à signer un accord mettant ainsi fin à quinze longues années d'opposition et de tensions sur le commerce mondial de la banane. Dans le cadre de cet accord la CE s'engageait à réduire ses tarifs d'importations sur les bananes en plusieurs étapes, allant de 176 euros au départ à 114 euros par tonne au plus tard en 2017. Les tarifs seront réduits de 28 euros la tonne et atteindront 148 euros de réduction lorsque toutes les parties auront signé l'accord. Les pays d'Amérique Latine ont accepté ces réductions et se sont engagés à abandonner toute poursuite contre la CE190(*). Le problème se pose avec les pays ACP qui avaient toujours bénéficié d'un traitement préférentiel en ce qui concerne leurs bananes. Pour eux, il est aménagé un temps pour qu'ils puissent s'adapter à une concurrence accrue en provenance d'Amérique Latine. Pour cela la CE a mobilisé près de 200 millions d'euros191(*).

Le fonctionnement du système de règlement des différends s'est révélé lors de cette affaire plus compliqué à la fois techniquement et politiquement qu'il n'était prévu lors de la création de l'organisation. Cette affaire a permis de mettre en lumière le fait que même une organisation du commerce fondée sur le droit n'était pas au-dessus des considérations politiques internes192(*). Selon le professeur P. CLEGG, l'OMC a fonctionné durant cette affaire comme « un outil aux mains des grandes puissances soutenues par le pouvoir des grandes firmes »193(*). Les pays ACP (en grande majorité de petits pays) ont été marginalisés. Directement concernés par cette affaire, ils n'ont pourtant été admis qu'en tant que tierces parties.

En somme comme l'ont précisé les professeurs, H. GHERARI et R. CHEMAIN, ce qu'il faut regretter c'est que ce soit les négociations politiques menées dans le contexte particulier des négociations propres au cycle de Doha qui semblent en fin de compte avoir permis de mettre fin au différend194(*), et non le système de résolution des différends de l'organisation en lui-même.

Après avoir analysé les arbitrages prévus par le Mémorandum d'accord durant la phase de mise en oeuvre des décisions et recommandations, il convient maintenant de se pencher sur le mécanisme de la procédure d'arbitrage principale, celui de l'article 25.

* 176 Règlement (CE) n°16371 du Conseil du 20 juillet 1998 modifiant le règlement (CEE) n°404/93 portant organisation commune des marchés du secteur de la banane, JOCE n° L 210 du 28/07/1998.

* 177 PAOLO Mengozzi, « Structure et principes de l'OMC à la lumière de la mise en oeuvre des recommandations de l'ORD dans l'affaire Bananes III », RMUE, Editions juridiques et économiques, 4/1999, pp. 11-24, p.16

* 178 Article 21.5 et 22 du Mémorandum d'accord

* 179 Décision des arbitres Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes - Recours des Communautés européennes à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS27/ARB,
9 avril 1999

* 180 Ibid.

* 181 Il y a deux niveaux de renseignements confidentiels: les renseignements confidentiels normaux et les renseignements superconfidentiels. Les renseignements commerciaux confidentiels normaux s'entendaient des renseignements propres aux sociétés qui n'étaient pas rendus publics et qui étaient sensibles, mais qui pouvaient être extrapolés d'autres renseignements, rendus publics ou non, à la disposition des gouvernements et des concurrents des sociétés visées. Les renseignements commerciaux superconfidentiels s'entendaient des renseignements propres aux sociétés, qui étaient sensibles et n'étaient pas rendus publics et qui ne pouvaient pas être ainsi extrapolés, in Décision des arbitres Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes - Recours des Communautés européennes à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum WT/DS27/ARB, 9 avril 1999

* 182 Décision des arbitres Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones), plainte initiale du Canada - Recours des Communautés européennes à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS48/ARB, 12 juillet 1999

* 183 MENGOZZI Paolo, « Structure et principes de l'OMC à la lumière de la mise en oeuvre des recommandations de l'ORD dans l'affaire Bananes III », R.M.U.E, 4/1999, pp. : 11-24, p. 22

* 184 BLIN Olivier « Les sanctions dans l'organisation mondiale du commerce », Journal du droit international, 2008 (janvier-mars n°1), pp. : 441-466, p. 448

* 185 RUIZ FABRI Hélène, « Le contentieux de l'exécution dans le règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce », Journal du droit international, 2000, pp.605-645, p. 636

* 186 CANAL-FORGUES Eric, Le règlement des différends à l'OMC, Bruxelles, Editions Bruylant, 2008, 209 p., p.106

* 187 MOINARD Valérie, La communauté européenne et le règlement des différends de l'OMC, Droit de l'économie, Université de Bourgogne, Décembre 2000, p. 58

* 188 CE-Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution de bananes, WT/DS27/58/2 juillet 2001-Notification de la solution convenue d'un commun accord

* 189 http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds27_f.htm

* 190 Site Europa : Issue du plus long différend commercial de l'histoire : l'UE paraphe l'accord sur les bananes avec les pays d'Amériques Latines

* 191 TROUBNIKOFF Alexandra, « Banane : l'UE et les pays d'Amérique latine ont enterré la hache de guerre », Agence France presse, 2009

* 192 CLEGG Peter, « Conflit de la banane, comment l'OMC marginalise les petits Etats », l'Economie politique n°014, avril 2002

* 193 Ibid., note 192

* 194 GHERARI Habib, CHEMAIN Régis, Chronique OMC 2009 : l'Union européenne et l'organisation mondiale du commerce-Règlement des différends, RMCUE, n°543 décembre 2010, pp. : 677-687, p. 683

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore