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Platon, l'Egypte et la question de l'à¢me

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par Frédéric Mathieu
Université Montpellier III - Paul Valéry - Master I de philosophie 2013
  

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b. Amasis

Amasis règne sur l'Égypte de -571 à -526. Avant-dernier pharaon de la XXVIe dynastie, il contribue à favoriser l'implantation des Grecs qu'il considère comme de précieux alliés. Si l'on en croit le livre II de l'Enquête d'Hérodote qui esquisse du monarque une courte biographie, son hellénophilie l'aurait mené jusqu'à consacrer un mariage dynastique avec une fille issue de la noblesse grecque cyrénaïque122. Amasis multipliait les gages de bienveillance à l'endroit des Hellènes : « ami des Grecs, Amasis donna à quelques-uns d'entre eux des marques de sa sympathie [...] Amasis conclut avec les Cyrénéens amitié et alliance [...] Amasis a aussi consacré des offrandes en pays grec :

"8 A. Chaniotis, War in the Hellenistic World : A Social and Cultural History, Oxford, Blackwell, 2005, p. 149.

19 C. Bonnet, A. Motte (dir.), Les Syncrétismes religieux dans le monde méditerranéen antique, Bruxelles, Brepols, 1999.

120 Platon, Ménéxène, 241e.

121 Platon, Ménéxène, 239e. Pour ce qui concerne cette coquille historique, P. Friedländer admet qu'elle participe d'une série d'approximations préméditées, par ailleurs récurrentes dans le Ménéxène toutes les fois qu'il s'agit de faire l'éloge d'Athènes (P. Friedländer, Platon Band II : Die Platonischen Schriften, Erste Periode, Berlin, W. de Gruyter, 1957). Cette interprétation en termes de procédé littéraire est confirmée par R. Clavaud et E. des Places dans leur article « Le Ménexène de Platon et la rhétorique de son temps », publication en ligne dans Revue belge de philologie et d'histoire, vol. 59, n° 1, 1981, p. 198-199. Voir également, pour reconsidérer cette stratégie dans une problématique plus vaste, l'article de P. Loraux, « L'art platonicien d'avoir l'air d'écrire », dans M. Détienne (éd.), Les savoirs de l'écriture en Grèce ancienne, Lille, Presse universitaires de Lille, 1988, p. 420-455. « Avoir l'air d'écrire », c'est aussi suggérer par l'écriture ce que l'on ne dit pas. De quoi jeter une lumière nouvelle sur bien des paradoxes platoniciens, dont la condamnation de l'écriture du Phèdre, le caractère inexprimable des vérités intelligibles (cf. Lettre VII) ou, plus généralement, l'ésotérisme platonicien (Aristote, en Physique, IV, 2, 209b15, fait clairement référence à des « enseignements non écrits » -- 6cypacpa 86yuaTa -- de Platon).

122 Hérodote, L'Enquête, L. II, 180. Cet événement est également relaté par Pline l'Ancien au L. XIX, chap. 15 de son Histoire Naturelle. Notons que Cyrène (situé dans la Libye actuelle, et qui devait léguer son nom à la région de Cyrénaïque) était alors la plus ancienne et la plus importante des cinq colonies grecques de la région.

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à Cyrènes, à Lindos, à Samos... »123. Munificent, il leur accorde des territoires pour l'érection d'autels et d'édifices cultuels dont le plus majestueux reste sans doute l'Hellénicon. Il confie également la formation des corps d'élite de l'armée égyptienne à des mercenaires et des aventuriers originaires de Carie, d'Ionie, d'Éolie et de Doride. Les Grecs du continent n'étaient pas oubliés ; moins encore les Delphiens, à qui le pharaon adressa mille talents d'alun -- « la saumure de la terre », écrivait Pline l'Ancien -- « comme contributions volontaires [à la] reconstruction d'un temple d'Apollon détruit en 548 »124. Une somme considérable pour l'époque. D'autant plus salutaire que les Grecs, de leur côté, ne consentirent par solidarité qu'à vingt mines d'alun125. A la ville de Cyrène, Amasis fit encore parvenir une statue d'Athéna, à quoi vinrent s'ajouter deux autres cariatides pour son temple à Lindos. Le portail du temple de Neith-Athéna fut, à Saïs, toujours d'après Hérodote, le premier grand projet architectural du pharaon. Cet intérêt tout spécifique porté à la déesse permet d'envisager que lui aussi, à l'image de Platon et d'Hérodote, tenait pour évidente l'identité de la déesse grecque avec la déesse égyptienne de sa province et de sa cité. H apparaîtrait par conséquent que dans sa description de Saïs, de ses croyances et de son athénophilie (amour d'Athènes, des Athéniens et d'Athéna-Neith126), Platon n'a fait que restituer une réalité de la mentalité de l'époque. Les Grecs étaient bel et bien persuadés de leur parenté avec l'Égypte. Platon pousse sans doute plus avant qu'aucun de ses prédécesseurs cette agnation, en précisant dans le Ménéxène 127 que les Grecs descendent des Égyptiens. Propos que la révélation de l'Athènes archaïque par l'officiant de Sais dans le Critias va venir nuancer128.

123 Hérodote, L'Enquête, L. II, 178, 181, 182.

124 Hérodote, L 'Enquête, L. II, 179.

125 Selon J. Delange, qui tient ses sources d'Hérodote. Cf. idem, La pierre d'alun. Un minéral en or, Paris, éditions Chariot d'Or, 2011.

126 « Je n'ai aucune raison de te refuser, Solon, et je vais t'en faire un récit par égard pour toi et pour ta patrie, et surtout pour honorer la déesse qui protège votre cité et la nôtre et qui les a élevées et instruites, la vôtre, qu'elle a formée la première, mille ans avant la nôtre, d'un germe pris à la terre et à Héphaïstos, et la nôtre par la suite » (Platon, Timée, 21e).

127 Platon, Ménéxène, 245d. M. Bernal (op. cit.) fait sienne cette thèse qu'il prend au pied de la lettre dans une optique africanocentriste, et à laquelle il tente avec un succès mitigé d'apporter un fondement historique. Ce qui, chez Hérodote et chez Platon, participait du mythe (cf. J.-F. Mattei, Platon et le Miroir du mythe, Paris, Quadrige, P.U.F., 2002), devient avec Bernal une vérité de fait. Contre la thèse communément admise faisant des Grecs des descendants des Européens et des Aryens, l'auteur avance que sa culture (et plus si affinités) aurait été le fruit d'une ancienne vague de colonisation de la Grèce par les Égyptiens et les Phéniciens qui aurait commencé aux environs de 1500 avant J.-C.

128 « Vous l'ignorez, parce que les survivants, pendant beaucoup de générations, sont morts sans rien laisser par écrit. Oui, Solon, il fut un temps où, avant la plus grande des destructions opérées par les eaux, la cité qui est aujourd'hui Athènes fut la plus vaillante à la guerre et sans comparaison la mieux policée à tous égards. C'est elle qui, dit-on, accomplit les plus belles choses et inventa les plus belles institutions politiques dont nous ayons entendu parler sous le ciel [...] Depuis l'établissement de la nôtre, il s'est écoulé huit mille années: c'est le chiffre que portent nos livres sacrés. C'est donc de tes concitoyens d'il y a neuf mille ans que je vais t'exposer brièvement les institutions et le plus glorieux de leurs exploits. (Platon, Timée, 21e-22a). Nous soulignons.

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On comprendra dans ce contexte que les Grecs aient obtenu sans grande difficulté l'aval du pharaon pour s'établir dans le delta, dans la grande oasis du Fayoum, et dans la vallée du Nil, de Memphis à Éléphantine. En remerciement pour leur participation aux campagnes égyptiennes et afm de bénéficier durablement des ressources venues de toute la Méditerranée ; afm, surtout, de s'assurer de leur soutien en cas de nouvelles invasions, il leur accorde une concession permanente à l'embouchure du canal canopique : la ville de Naucratis, « la reine des mers »129. Cité portuaire idéalement situé dans le delta, elle devint bientôt par ses atouts géographiques un carrefour commercial incontournable, une cité culturelle cosmopolite, ainsi que le point d'ancrage de tout voyageur grec désirant visiter l'Égypte13o Sans doute Platon aurait-il pu rencontrer là certains de ses compatriotes et -- bon propriétaire terrien -- écouler une partie de sa cargaison d'huile pour financer la suite de son voyage131 (ses commentaires sur la cupidité des Égyptiens, durs en négoce, s'éclairent dès alors d'une tout autre lumière). Aux commerçants se mêlaient les guerriers incorporés dans les armées de pharaon. Naucratis était à cette époque la ville hellénisée par excellence. Un lieu d'échange au confluent de cultures millénaires, dont la splendeur ne fut éclipsée qu'avec la fondation d'Alexandrie en 332 avant notre ère. Notons à toutes fins utiles que Naucratis se situait à moins de 70 km de Saïs, à quelques encablures du temple où le mythique Solon -- d'après le Critias -- rencontra les prêtres de Neith. Autre ville égyptienne mentionnée par Platon : Hermopolis, où l'on honorait le dieu Theuth132. Il est à cet égard fort éloquent pour ce qui touche à notre problématique, que Platon use à chaque reprise des prononciations locales de ces divinités poliades. Non qu'il rejette l'identification de ces dieux à ceux du Panthéon des Grecs (si délicates soient, par ailleurs, les conceptions de la divinité dans la pensée de Platon). L'emploi d'une phonétique autochtone n'en est que plus significatif.

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