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Redevance incitative et gestion des déchets en habitat social

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par Victor Bailly
Université de Franche-Comté - Master 2 Analyse et gestion des politiques sociales 2012
  

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V. L'interaction directe pour lutter contre l'information en vase clos

La méconnaissance de la problématique de la gestion des déchets ménagers affichée par la plupart des usagers en habitat social collectif questionne directement la portée des dispositifs de communication mis en place par les collectivités. Or, Dominique Lhuilier et Yann Cochin précisent à juste titre que « la méconnaissance n'est pas absence ou défaut de connaissance qu'une information bien conçue suffirait à combler. Elle manifeste plutôt une intention active de n'en rien savoir, un refus de connaissance. »175. D'où ce constat paradoxal : la plupart du temps, ce sont surtout les citoyens les plus impliqués et les mieux informés qui prêtent attention aux informations distillées par les pouvoirs publics. La typologie des usagers que nous avons établie confirme cette assertion : seuls les trieurs assidus se montrent sensibles aux différents supports de communication écrite créés par la CAGB alors que les perplexes ne prêtent aucune attention aux affichages dans les parties communes et aux courriers qu'ils reçoivent.

« Est-ce que les gens lisent déjà ? Ca j'en suis même pas sûr, parce que c'est plus facile de jeter un papier à la poubelle que de... Enfin, on... Je veux dire qu'on va plus facilement ouvrir la porte quand ça sonne, que lire tout un papier, un prospectus qu'on met à la poubelle. Et franchement on en reçoit des quarantaines. » (Locataire de l'immeuble n°1, 26 ans, au chômage, a toujours vécu à la cité Brulard, partage l'appartement de sa mère)

N'étant pas engagés dans la gestion de leurs déchets, les perplexes considèrent que les messages reçus de la part de la collectivité sur ce sujet n'intéressent et ne concernent que les

174 ETIcs/Université François-Rabelais et Etéicos, op. cit., p. 60.

175 LHUILIER Dominique, COCHIN Yann, op. cit., p. 90.

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trieurs assidus. Nous pouvons ainsi présupposer que la communication institutionnelle écrite dessine un système d'information en vase clos et n'est pas en mesure de faire naître l'intérêt de l'usager pour le tri.

A cet écueil s'ajoute la distance accentuée entre le « monde » des techniciens et celui des usagers. La richesse de la terminologie employée par le technicien et sa culture générale débordante sur les déchets contrastent fortement avec la pauvreté du vocabulaire de l'usager et sa méconnaissance du sujet176. Les erreurs de tri involontaires des usagers s'expliquent d'ailleurs par cette « rencontre entre un monde ordinaire, où les modes de qualification utilisés peuvent rester souples et personnalisés, et l'alignement de type professionnel requis par la collecte sélective. »177. Ainsi, « la catégorisation proposée, produit d'une rationalité technique en adéquation avec les enjeux industriels du recyclage, est alors confrontée à la rationalité domestique et ses principes de hiérarchisation des déchets. »178. Les erreurs récurrentes au niveau du tri des plastiques (pot de yaourt, film ou barquette alimentaire, etc.) révèlent que la taxinomie des usagers est très englobante alors que celle des industriels est très précise et technique (PEHD, PET clair ou foncé, etc.). Aussi, certains usagers, ignorant totalement comment fonctionne la chaîne du tri après la collecte de leurs déchets, ont même tendance à adopter une acception plus large des consignes de tri déposent certains matériaux réutilisables, tels que le bois ou le textile, dans le bac jaune.

Au sein des immeubles n°1 et 2, l'interaction directe avec les conseillers en habitat collectif est la seule forme de communication susceptible d'atteindre la majorité de perplexes que comprend la population de locataires. Dans les milieux populaires une certaine culture de l'oralité est encore prégnante et le contact direct vaut toujours mieux qu'une communication écrite. Certes, les conseillers en habitat collectif essuient ce qu'ils appellent « des refus » et qui signifie que l'usager à refuser d'ouvrir sa porte ou l'a refermée promptement. Mais, dès lors que le locataire accepte l'interaction avec le conseiller, il est possible de lui transmettre des informations qu'il ignorait ou plutôt méconnaissait jusqu'alors, d'infléchir certaines représentations erronées sur lesquels il s'appuyait pour justifier son retrait vis-à-vis des politiques de tri. De plus, en délivrant des messages adaptés à leurs interlocuteurs, les conseillers en habitat collectif assurent une médiation indispensable entre le monde des

176 Lors de notre enquête de terrain nous avons relevé de nombreuses terminologies profanes employées par les usagers, par exemple « le machin jaune » pour désigner le bac à déchets recyclables ou « la boîte en bois » pour évoquer le composteur. Pour Dominique Lhuilier et Yann Cochin, « ces processus de requalification, de technicisation et de privatisation du vocabulaire ordinaire sont aussi des procès d'exclusion : en s'arrogeant le droit de redéfinir les mots et donc de se les approprier, les spécialistes du déchet excluent « la masse » de leur pouvoir technocratique et exercent une domination langagière et sociale. »

177 BARBIER Rémi, op. cit., p. 39.

178 ETIcs/Université François-Rabelais et Etéicos, op. cit., p. 44.

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techniciens et celui des usagers. Ce dialogue qu'ils instaurent permet non seulement à certains perplexes de trouver des arguments pour s'investir dans une pratique qu'ils avaient toujours jugée comme inutile mais, aussi, aux trieurs assidus de disposer d'une information plus claire et digne de confiance que celle qu'ils trouvent dans des formes de communication impersonnelles.

« J'ai deux trois infos par la télé ou, comme je vous ai dit, au travail, machin, nanani. Mais vous la dernière fois quand vous êtes venus, enfin vraiment, - peut être que j'avais mal compris les choses avant ou quoi - ça a été beaucoup, beaucoup plus clair et le fait, comme je vous ai dit, qu'il y ait un contact direct et qu'on puisse reposer des questions et tout, machin, forcément ça clarifie le truc. » (Locataire de l'immeuble n°1, 26 ans, au chômage, a toujours vécu à la cité Brulard, partage l'appartement de sa mère)

L'information écrite n'acquiert son entière pertinence que lorsqu'elle a été précédée d'une interaction orale permettant à l'usager de s'approprier le support de communication grâce au travail de « traduction » opéré par le conseiller. Elle constitue alors la trace, la mémoire de l'échange.

« Quand tu reçois un mémotri [dans ta boîte aux lettres] et que tu sais pas que c'est important de trier, j'ai envie de dire, limite tu t'en fous et tu jettes le truc à la poubelle. » (Locataire de l'immeuble n°1, 26 ans, au chômage, a toujours vécu à la cité Brulard, partage l'appartement de sa mère)

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984