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Réflexions sur le concept d'états défaillants en droit international

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par Wenceslas MONZALA
Université de Strasbourg - Master II Droit International Public 2012
  

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Paragraphe 1 : Les fondements substantiels des opérations de consolidation de la

paix

Le lendemain de la guerre froide a permis d'une manière générale une réflexion approfondie sur les pratiques de l'ONU dans la recherche de la paix. Ce besoin de réinterprétation de la conception de la paix se justifiait par le fait que la période de la guerre froide a réduit la paix à son acception la plus classique, à savoir l'absence de guerre. C'est pourquoi l'introduction des pratiques de consolidation de la paix au début des années 1990 visait donc à concilier les objectifs a priori contradictoires entre la conception d'une paix négative - se traduisant par une absence de guerre - et celle d'une paix positive - impliquant le maintien de la paix et la sécurité internationale, le respect des droits de l'homme. Il en résulte que les opérations de consolidation de la paix visent à établir une paix positive et structurelle nécessaire à la reconstruction des Etats défaillants (A). La poursuite de cet objectif doit ensuite reposer, sinon se concrétiser, par des actions structurantes et constructives menées par tous les acteurs impliqués dans la reconstruction des Etats défaillants (B).

A. La reconstruction des Etats à travers une paix structurelle

Bien qu'elle soit d'apparition récente comme pratique onusienne des opérations de paix, l'attention portée à la notion de consolidation de la paix par les Nations Unies ne tient pas d'une préoccupation circonstancielle. Plusieurs documents officiels témoignent de ce que, depuis ses origines, l'Organisation mondiale considère la recherche d'une paix durable, structurelle comme un élément important sinon la finalité ultime ayant présidé à sa création, lors de la conférence de San Francisco en 1945. En effet, une lecture combinée du préambule et de la charte, en particulier celle du chapitre premier relatif aux buts et objectifs de l'ONU, permet de constater que la paix y est envisagée dans une approche positive. A travers ces dispositions, on peut comprendre que la paix désigne à la fois un état mais surtout un processus devant conduire, selon les termes mêmes de la Charte, à « favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une plus grande liberté »183. A cet effet, la mission du maintien de la paix, incombant à l'organisation mondiale en vertu de l'article 1er de la charte, ne se limite pas seulement à la recherche d'une paix « négative » se traduisant par l'absence de conflit entre les Etats mais implique aussi la recherche à plus long terme d'une paix durable afin de favoriser le progrès social et de créer de meilleures conditions de vie.

183 Préambule de la Charte des Nations Unies, 26 juin 1945

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Ainsi, comme le fait remarquer Boris MIRKINE-GUERZEVITCH, « la sauvegarde de la paix et la défense des Droits de l'Homme »184 constituent véritablement les deux idées directrices de l'Organisation internationale. De ce fait, dans l'idée des rédacteurs de la Charte, la recherche de la paix dans sa dimension militariste, et ce avec des moyens spécifiques donnés par cette même charte, doit s'accompagner d'une action plus structurelle d'éradication des causes profondes du conflit afin d'établir une paix durable entre les anciens belligérants. On peut ainsi se rendre compte que l'idée d'une paix positive et structurelle sous-jacente à la notion de consolidation de la paix et en particulier aux opérations de reconstruction des Etats, était déjà ancrée dans la Charte des Nations Unies. La mise en oeuvre des nouvelles pratiques de consolidation de la paix ne seraient ainsi qu'un « retour aux sources de la Charte »185.

Par ailleurs, la formalisation de la consolidation de la paix peut à certains égards être considérée comme une codification au niveau de l'ONU des aspirations philosophiques, longtemps considérées comme idéalistes, du président Woodrow Wilson et, bien avant lui, de plusieurs penseurs du XVIIIème siècle. Les travaux d'Emmanuel KANT sur la paix perpétuelle peuvent être considérés comme les prémisses de cette paix structurelle que veulent établir les Nations Unies au moyen des opérations de consolidation de la paix. En effet, déjà en 1795, KANT publiait Vers la paix perpétuelle186 ouvrage dans lequel il considère que la paix n'a de véritable signification qu'en étant perpétuelle, à telle enseigne que l'expression « paix perpétuelle » s'apparente, selon lui, à un pléonasme. Par conséquent l'état de calme naturel qui existe entre deux guerres ne désigne pas la réalité d'une paix qui, d'après lui, ne peut se construire qu'à travers un projet de long terme. C'est pourquoi dans cet ouvrage ressemblant à un véritable traité de paix, il propose les conditions devant conduire à l'établissement d'une paix durable qui n'équivaudrait pas seulement à une suspension de la guerre. Une paix durable, de son avis, s'appuie d'une part sur un régime politique particulier qui est celui de la démocratie et d'autre part sur le respect d'autrui, le respect du droit, et le respect du droit d'autrui. Pour le professeur Jean-Denis MOUTON, c'est ce droit cosmopolitique, s'entendant à la fois comme le droit ayant pour destinataire la « communauté humaine » et comme le droit des obligations incombant aux Etats, qui a abouti à l'internationalisation des droits de l'homme et a consacré le passage d'une société internationale dominée par l'état de nature à une société respectant le droit187.

Ainsi, on peut en déduire que la création de l'ONU découle de cette vision kantienne, mais aussi de celle, bien avant KANT, de l'abbé de Saint-Pierre et de Jean Jacques Rousseau188, qui prônent la recherche de la paix par le droit.

184 MIRKINE - GUERZEVITCH B., « Quelques problèmes de la mise en oeuvre de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme », RCADI, 1953, t. II, vol. 83, p. 302.

185 DUPUY J. - M., « Sécurité collective et organisation de la paix », RGDIP, 1993, p. 623.

186 KANT E. et DARBELLAY J., Vers la paix perpétuelle : essai philosophique ; traduction précédée d'une introduction historique et critique par Jean Darbellay, Paris, éd. St Augustin, vol. 1, 1958, p. 188.

187 MOUTON J. - D., « L'Union Européenne, modèle original de combinaison de la force et du droit », in ACHOUR B. et LAGHMANI S. (sous la direction de ), Le droit international à la croisée des chemins. Force du droit et droit de la force, Paris, A. Pedone, 2004, pp. 281.

188 Voir BELISSA M., « Les projets de paix perpétuelle : une « utopie » fédéraliste au siècle des Lumières », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, Coloquios, 2008, Puesto en Linea el 10 junio, 2008, disponible sur http://nuevomundo.revues.org/35192 (Consulté le 22 juillet 2012)

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Cette idée d'une paix perpétuelle, qui sous-tend la pratique de la consolidation de la paix a également été développée par le sociologue et chercheur norvégien Johan GALTUNG dans ses travaux sur la distinction entre « paix négative » et « paix positive ». Dans son ouvrage Peace, war and defense : essays in peace research189, il considère que la paix négative se caractérise par une « absence de violence directe entre groupes humains ou nations » tandis que la paix positive se gagne par une coopération à plus long terme entre ces groupes et ces nations et par l'éradication des causes profondes du conflit190.

Ainsi, du concept d'Etats défaillants à celui de la consolidation de la paix, la recherche des solutions à la défaillance étatique, par le biais des actions internationales, aura permis de redonner vie aux différents projets de paix perpétuelle qui ont, d'une manière ou d'une autre, fondé la création de la SDN puis de l'ONU dont les actions poursuivent cette finalité. De ce fait, l'instauration d'une paix structurelle dans les Etats défaillants apparait dans la démarche de la reconstruction des Etats comme un palliatif efficace pouvant empêcher une éventuelle rechute de la défaillance étatique.

Pour sortir des origines conceptuelles de la notion de consolidation de la paix, il faudrait signaler que, pour paraître moins utopiste, l'idée d'une paix structurelle qui sous-tend la pratique de la consolidation de la paix, nécessite une plus forte coopération des acteurs agissant dans ce domaine. De la communauté internationale à l'État défaillant lui-même, le projet de reconstruction étatique requiert une véritable action structurante.

B. La reconstruction des Etats au moyen d'une action structurante

La complexité et le caractère multidimensionnel du projet de la reconstruction étatique justifient qu'un tel projet soit mené au moyen d'une action structurante, fédérant tous les acteurs qui y sont impliqués. L'idée d'une action structurante, au service d'une paix structurelle qui anime la pratique de la reconstruction des Etats, n'est rien d'autre qu'un nouveau « retour aux sources de la charte »191 des Nations Unies. Il s'agit en réalité de recourir à la coopération internationale afin de « résoudre les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire » conformément au troisième alinéa de l'article premier de la charte. Ainsi, en raison du caractère polymorphe de l'entreprise de la reconstruction étatique, on peut distinguer plusieurs catégories d'acteurs impliqués à des degrés divers. On peut dénombrer, à ce propos, les acteurs étatiques (les Etats et les différents gouvernements), les acteurs non étatiques (la société civile, les organisations non gouvernementales, les agents économiques, les institutions financières internationales ainsi que les agences d'aide au développement, etc.) et les acteurs militaires (les organisations militaires, les forces multinationales agissant sous mandat international, etc.). C'est en effet la coordination de cette diversité d'intervenants qui conditionne la réussite de la consolidation

189 GALTUNG J., cité par CHETAIL V., op. cit. p. 29

190 Id.

191 Voir supra, note 207

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de la paix et, partant, de la reconstruction des Etats défaillants. Cette coordination est assurée au niveau de l'ONU, principal acteur de la gouvernance internationale, par la commission de consolidation de la paix qui agit sous la houlette du conseil de sécurité. En effet, dans les efforts de reconstruction des Etats défaillants, le conseil de sécurité demeure investi de la mission du maintien de la paix, au sens policier du terme et son action sera accompagnée dans les domaines social, économique voire politique par celle de la commission de consolidation de la paix.

Toutefois, si l'action internationale se révèle d'une importance capitale dans la reconstruction des Etats, il ne faudrait pas ignorer le rôle que peuvent jouer les acteurs locaux dans le projet de reconstruction de leur État, de leur société. La réussite du projet de reconstruction des Etats défaillants doit nécessairement passer par ce que le sociologue belge François POLET appelle « l'endogenéïsation du state-bulding »192. Le renforcement des capacités des acteurs locaux, en particulier de ceux issus de la société civile, ainsi que l'appropriation par ces derniers des différentes actions menées par la communauté internationale ne pourront que contribuer à la reconstruction effective des Etats défaillants. Il ne s'agit là que de réaliser le but de la pratique de la consolidation de la paix précisé dans l'Agenda pour la paix c'est-à-dire la définition au sein même des Etats défaillants des structures capables de raffermir la paix193. Dans ce contexte, la reconstruction étatique n'entraîne pas la création d'un nouvel État avec de nouvelles structures, elle vise entre autres tâches à « remettre en état l'infrastructure [existante afin de ] de jeter les bases du relèvement et de l'économie et entreprendre des réformes économiques à long termes »194.

S'inspirant directement des origines conceptuelles de la charte, la pratique de la consolidation de la paix, de par son caractère multidimensionnel, s'inscrit toutefois dans une perspective d'évolution des actions menées par les Nations Unies en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Cette évolution, se traduisant sous un certain angle par des efforts de reconstruction des Etats, a remis sur la table le sempiternel dilemme entre la souveraineté nationale des Etats, mêmes défaillants, et la légalité des interventions internationales aux fins de reconstruction de ces Etats. Il serait alors nécessaire de s'intéresser au cadre juridique dans lequel s'inscrivent ces interventions internationales d'une toute autre nature.

192 POLET F., « State Bulbing au Sud : de la doctrine à la réalité », in (Re-)construire les Etats, nouvelle frontière de l'ingérence, Alternatives Sud, 16 mars 2012, disponible sur http://www.cetri.be/spip.php?article2561 (Consulté le 23 juillet 2012)

193 A/57/277 - S/25111 du 1è juin 1992, Agenda pour la paix, Diplomatie préventive, rétablissement de la paix, maintien de la paix, § 21.

194 S/2003/715 du 17 juillet 2003, Rapport de Secrétaire général présenté en application du paragraphe 24 de la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité, § 87.

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Paragraphe 2 : Le cadre juridique de la pratique de la consolidation de la paix

Si d'un point de vue substantiel, la conception polymorphe des pratiques de consolidation de la paix ne constitue pas véritablement une innovation, cette constatation ne trouve pas aisément confirmation dans le cadre de l'analyse des fondements juridiques de ces opérations. La tendance à ce sujet se situe à mi-chemin entre l'idée d'une continuité des assises juridiques ayant toujours sous-tendu les opérations onusiennes, en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationale, et une innovation tenant beaucoup plus à l'heure actuelle de la pratique des Etats. Ainsi, les pratiques de consolidation de la paix peuvent sans aucun doute être fondées sur la base du chapitre VI et du Chapitre VII de la Charte de l'ONU (A). Toutefois, la particularité des Etats défaillants, cadre géo-spatial, d'opérationnalisation de la pratique de la consolidation de la paix a, depuis ces dernières années, constitué une partie de la justification des pratiques de consolidation de la paix. En raison de l'incapacité des Etats défaillants à assurer le bien-être de leur population, et surtout du fait qu'ils sont devenus eux-mêmes des menaces à la paix et à la sécurité internationale, les autres Etats se sont reconnus une responsabilité de protéger les personnes civiles et de reconstruire l'État qui n'en est pas matériellement capable. Cette obligation non encore codifiée, s'apparente ainsi à une obligation d'origine coutumière qui viendrait fonder l'action de reconstruction d'un État défaillant (B).

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