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Mourir au Burundi: gestion de la mort et pratiques d'enterrement (de la période pré- coloniale à  nos jours )

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par Emmanuel NIBIZI
Université du Burundi - Licence en histoire 2005
  

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I.5.4.3. Les pratiques de deuil

Concernant les pratiques de deuil au Burundi, on célébrait des cérémonies de deux types : la purification des traces de la mort et le réveil à la vie.81

La veille, au coucher du soleil, les notables du clan familial se réunissent pour préparer les cérémonies. Ils déterminent l'essence du bois qui servira à alimenter un

80. E. Ndigiriye, op.cit., p.261

81. E. Ndigiriye, «Le lever de deuil chez les Barundi», Au coeur de l'Afrique, Bujumbura, 1972, p.25

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feu qu'on allumera à l'entrée du kraal (le braisier des ancêtres: gicaniro c'abasokuru). Cette essence doit être rare et peu utilisée comme bois de chauffage ou de construction. En effet, un tison de ce bois sera déposé sur la tombe ou jeté à une croisée de chemins. A partir de ce moment, ce bois sera tabou (igiti kizira) et les sentiers ne seront plus empruntés par les membres de la famille du défunt. Les notables détermineront encore chez quelle famille on ira chercher les bananes douces et le sel qui composeront, avec de la viande ou du sang de boeuf, le repas spécial qu'on appelle "umurinzi"(repas protecteur). Ce sel et ces bananes doivent être fournis par une famille chez qui le clan n'ira plus jamais chercher ces denrées. Le bois pour le feu et les victuailles doivent être sur place dès la veille du lever de deuil.

Le conseil des anciens désignera aussi la personne qui devra procéder aux purifications, le cérémoniaire, et il choisira enfin le ruisseau des purifications et le chemin d'aller et de retour qu'on empruntera.

La pratique de purification mérite d'être explicitée. Elle concernait les personnes, les objets et les lieux de tous les vestiges de la mort dont le défunt était le porteur inconscient.

La purification suivait en outre cinq étapes. Vient en premier lieu le rasage des cheveux : "kwiharangura" (se raser complètement la tête) ou "kwikura uruhara rw'uwapfuye" (prendre part au dépouillement du défunt). La personne qui a été désignée la veille pour être le servant des esprits des ancêtres (ikimazi c'abasokuru), aligne devant elle tous ceux qui doivent être rasés. Elle prend un rasoir et coupe à chacun une petite touffe de cheveux, jusqu'au dernier auquel, il rase la tête complètement. Tous se font ensuite raser complètement par un autre ; mais l'acte est attribué à celui qui a commencé l'opération.

En deuxième lieu, le servant-kimazi monte sur le toit de la case du défunt et y arrache la huppe (touffe d'herbes), "isunzu ry'inzu", emblème de la virilité de l'homme qui l'habitait, et le jette. Il fait sortir ensuite de la case le beurre, le sel et la viande séchée qui s'y trouvaient au moment du décès; on doit les jeter ou mieux, les donner en échange de main - d'oeuvre.

En troisième lieu, viennent les ablutions: "kwisukako ibirohe" (verser sur soi une eau trouble) ou s'éclabousser, ou passer par l'eau (guca ku mazi). Ces expressions ne signifient rien d'autre que faire sa toilette. Mais comme la mort a terni la beauté de la nature aux yeux des personnes en deuil, et comme l'acte de se laver rend de nouveau beau pour plaire, alors que la personne à plaire n'est plus, on emploi ces paraphrases.

Ainsi, à l'aube, les enfants mâles du défunt se rassemblent. L'héritier principal reçoit la lance du père, signe d'autorité courageuse, son frère l'arc, les autres fils les

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Ce rite se passe très tôt le matin avant le lever du soleil. La même personne qui a rasé les membres de la famille endeuillée, précède tous les hommes et garçons et elle les amène à un ruisseau éloigné, à l'écart, en avant du gué, à un endroit non fréquenté. Là, on se lave tout le corps. Les femmes et les filles se lavent à la maison avec de l'eau puisée la veille. Quelques personnes restées à la maison font des travaux de nettoyage; elles font un grand feu avec les herbes qui ont servi de couchettes durant le deuil; ce feu réchauffera ceux qui viennent de se laver.

La quatrième étape consiste à sortir de la case les pierres du foyer : "ishiga ry'umugabo". En cas de décès d'une femme mariée, on éloigne aussi le bois du lit qu'elle occupait habituellement. On jette tout, loin des lieux fréquentés par la famille, dans une croisée de chemins. Si le conjoint reste en vie et envisage se remarier, le lit sera complètement démoli. Un homme veuf qui reçoit dans sa maison une nouvelle épouse, ou une veuve qui accueille un nouvel époux dans la maison du défunt, ne pourraient coucher dans le lit familial du défunt sans crainte de représailles du mort : "uburiri burahinda" (le lit du mort répudie).

Enfin vient le moment de « se blanchir », (Kweza) : cette cérémonie se passe dans le secret le plus absolu et elle n'est réservée qu'aux veufs et veuves encore jeunes qui peuvent envisager de secondes noces. Si le conjoint mort était un homme, le cousin du défunt (umuvyara) ou son frère ou son familier fait l'acte conjugal avec la veuve. Si au contraire, c'était la femme qui est morte, la cousine ou la soeur de la défunte se donne au mari. Le but de ce coït rituel est d'effacer toutes les traces de la mort dans le conjoint survivant. C'est la fin de la première partie des cérémonies. Elle est séparable, en temps illimité, des parties suivantes, dont le rite de "gutanga amasuka" (« procurer des houes ») qui symbolise la reprise des activités agricoles. On retardera en effet les cérémonies suivantes comme le réveil à la vie pour permettre d'aller cultiver les champs.

Cette renaissance est réalisée symboliquement dans l'action de traverser un cours d'eau jusqu'à l'autre rive avec les biens qu'on a arrachés à la mort. Cette cérémonie est suivie d'une série d'actes juridiques et d'autres rites signifiant le retour à la vie et à la prospérité. On retient entre autres la marche vers l'abreuvoir et « le passage par l'eau » des hommes et du bétail.

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flèches. Notons que les filles sont exclues de cette cérémonie. L'oncle paternel, ou à défaut le familier du défunt, va au devant d'eux vers un abreuvoir d'un ruisseau. Chacun des fils conduit sa part du troupeau, ou tous conduisent l'unique vache représentant le cheptel. S'ils n'ont pas de bétail, ils font rouler devant eux le fruit de l'olivier sauvage (intobo). Ils portent avec eux des pagnes en écorce de ficus, tous neufs et non teints.

Souvent, tout le bétail que le défunt possédait en propriété doit être mené au ruisseau. On en exclut donc les vaches reçues en gage (imbitso) et les vaches provenant de la dot, du moins si on n'a pas encore rendu au gendre la première génisse née de ces vaches (indongoranwa). Le cortège traverse le ruisseau et arrivé sur l'autre rive et les descendant mâles du défunt revêtent de nouveaux pagnes, ramassent des branchages et des herbes sèches pour le feu des vaches. Ils coupent ainsi une brassée de joncs (mivimu ou mihororo) et en tressent une corde qui servira à lier les pattes arrière de la vache (injishi) pour qu'elle se laisse traire plus facilement. On revient à la maison sans refranchir le ruisseau par un chemin qui le contourne. Cela débouche sur un deuxième acte qui est celui de la réunion et mise des nouveaux pagnes (kuganira n'ukwambara imarirano). Le cortège des gens venant du ruisseau trouve, à sa rentrée à la maison, les deux tiers du « rugo » (cour intérieure depuis la porte de la case) jonchés d'herbes de marais (uruhororo).

On fait d'abord entrer les vaches, suivent les hommes. Le « feu des vaches » est allumé et on l'entoure pour causer et manifester la joie de se rencontrer. On déplie les étoffes nouvelles (ibimazi) appelées à protéger les survivants des malveillances des esprits des défunts. L'étoffe des enfants est procurée par l'oncle paternel ou maternel, ou le familier (mugabire) du père défunt. Si c'était la mère qui était décédée, c'est le père qui les procure. L'étoffe de la veuve et des autres femmes est en revanche procurée par la parenté qui a perçu la dot au moment de son mariage. Les enfants et les femmes qui en ont le droit, revêtent alors ces pagnes. Actuellement, l'étoffe d'écorce de ficus battue est dans la plupart des cas remplacée par une cotonnade blanche (« americani »).

On pourrait prolonger le descriptif des pratiques de deuil qui nous replongent dans un univers de croyances populaires de notre société. Evoquons par exemple, le barattage du beurre dont la contribution au retour à la vie paraît fondamentale. Tout le monde étant assis, le dos tourné vers la porte de la maison et face à l'entrée du kraal,

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les femmes mettent du lait dans une baratte; elles se la passent après avoir fait semblant de baratter. C'est l'annonce de la prospérité, une étape suivie par la cérémonie du lait.

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