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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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C/ L'échantillonnage des genres

Si la musique classique est en priorité évoquée, c'est avant tout parce que l'aura liée à ces noms célèbres apporte prestige, crédibilité et singularité à l'ensemble de la production des maisons de disques. Victor n'hésita pas à ce propos à miser un budget publicitaire colossal

135 Pour la marque HMV, les données sont issues des index des compositeurs publiés régulièrement en tête des catalogues. Quant à Pathé, la chute du nombre de compositeurs au sein de ce catalogue au lendemain de la Seconde guerre mondiale s'explique par l'essoufflement économique de la compagnie dans le domaine phonographique.

pour l'exploitation de noms labellisés 136 . Par conséquent, les firmes anglaises se préoccupèrent rapidement que leurs sorties de musique dite « populaire » puissent compromettre la « qualité » musicale. Une série d'étiquettes colorées fut mise en place, chacune d'elles représentant un genre particulier. L'étiquette « Red Seal » est utilisée pour la première fois en 1901 par la succursale russe de la Gramophone Company pour désigner des disques onéreux, le plus souvent de musique classique, tandis que l'étiquette noire correspondait à la gamme inférieure, tant artistiquement qu'économiquement. Au milieu, on pouvait trouver par exemple des disques mis en vente par Victor à étiquette bleue ou violette, cette dernière catégorisant de 1910 à 1920 les enregistrements effectués par des stars de Broadway, mais aussi par des artistes classiques moins connus137. D'après Peter Copeland, au bas de l'échelle de la Gramophone Company, il y avait l'étiquette de disque vert foncé, à laquelle on avait donné un nom commercial différent, à savoir Zonophone138. N'oublions pas cependant que Zonophone, avec les autres labels bon marchés déjà évoqués dans le chapitre 2 (Regal, Twin Records, Cinch, etc.), contribuèrent largement à la santé budgétaire de la Gramophone Company (v. infra), même si les grands artistes de l'époque se retrouvaient exclusivement au sein des grandes majors. Quant aux disques Decca, bien qu'ayant signés des artistes classiques de haute tenue, ils étaient vendus à un coût moindre que l'étiquette Red Seal.

Les conséquences d'un tel échantillonnage ont pu être perçues à la fois au niveau des consommateurs puisque les amateurs de musique classique et populaire furent scindés en deux groupes, mais elles jouèrent aussi plus ou moins positivement sur le catalogue des firmes. Par exemple, la compagnie Parlophone (fondée en 1896), après avoir été absorbée par la British Columbia, devint le principal label de jazz en Angleterre, grâce à ses liens avec l'américaine OKeh Records139. Si Colin Symes affirme à juste titre que « l'avancée du phonographe [...] a commencé à consolider le grand schisme musical »140, rien de doit faire

136 Cf. READ, Oliver, WELCH, Walter Leslie, From tin foil to stereo : evolution of the phonograph, 1959, p. 182.

137 OSBORNE, Richard, op. cit., p. 78.

138 Cf. COPELAND, Peter, Sound recordings, Londres, British library, 1991, p. 36.

139 Avec le lancement en 1923 des « race records » américains destinés à un public majoritairement noir, ainsi que « les mélodies populaires d'antan » en 1925 désignant sous un euphémisme le folk et la hillbilly/country music, un véritable apartheid musical était né aux États-Unis. Columbia bénéficia d'une croissance importante de ses ventes en profitant de ces genres musicaux, délaissés par Victor. C'est le responsable de l'enregistrement pour OKeh, Ralph Peer, qui fut à l'origine de l'appellation de « race records ». OKeh se spécialisa avec succès dans le blues et le jazz : une des premières artistes à enregistrer un disque de blues fut Mamie Smith en février 1920 (« That Thing Called Love » et « You Can't Keep a Good Man Down »).

140 SYMES, Colin, Setting the record straight : a material history of classical recording, Middleton, Wesleyan University Press, 2004, p. 247.

oublier que les firmes et le public ont été réceptifs à ce genre de musique : le premier disque de jazz, interprété par l'Original Dixieland Jazz Band, fait son apparition en 1919. Les roaring twenties en Angleterre, phase d'optimisme qui suit l'après-guerre, s'ouvraient alors à l'Amérique jusqu'à la fin des années 1920, soutenues par la facilité progressive des moyens de communication, et ont permis, grâce à l'importation de disques de danse (tango, foxtrot, charleston, black bottom, ou encore le ragtime, illustré par Irving Berlin), au jazz de se diffuser. Le trompettiste Sylvester Ahola enregistra dans le courant de l'année 1929 plus de 1000 enregistrements141 ! De même, lorsque Jack Hylton signa un contrat exclusif chez Decca, il ne se doute pas que son « Rhymes » allait se vendre à 300 000 exemplaires142. De plus, le premier disque à atteindre le million de ventes, Whispering/The Japanese Sandman de Paul Whiteman, est lui aussi un disque de jazz143.

Figure 11

Évolution comparée des ventes par type de musique pour les marques HMV et

Zonophone, 1922-1936

Tiré de : MAISONNEUVE, Sophie, L'invention du disque 1877-1949 : genèse de l'usage des médias

musicaux contemporains, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2009, p. 246.

141 PEKKA, Gronow, ILPO, Saunio, An international history of the recording industry, Londres/New York, Cassell, 1998, p. 41.

142 HOFFMANN, Frank (Dir.), Encyclopedia of recorded sound, New York, Routledge, 2005 [1ère éd. : 1993], Volume 1 A-L, p. 277.

143 DEARLING, Robert et Celia, RUST, Brian, op. cit., p. 137-138.

La crise vient freiner cet épanouissement du marché : la plupart des contrats passés par la Gramophone Company avec les artistes ne sont pas renouvelés. Si on reprend le seuil de rentabilité donné auparavant, situé à 90 (par ventes unitaires mensuelles), alors ça peut expliquer qu'en 1931, le Wiener Philharmoniker passe à la trappe, tandis que le chef John Barbirolli connaît un sort plus heureux avec un taux de 195144.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand