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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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III/ La place prise par les nouvelles technologies : un prolongement des sources sonores

Une fois le panorama dressé des différentes innovations, il apparaît nécessaire de comprendre en quoi elles ont pris une place nouvelle au sein de l'interprétation instrumentale, au point de bouleverser les façons de faire de la musique. Microsillon et bande magnétique furent deux innovations de taille à partir desquelles on recueillit des sons captés par le microphone, eux-mêmes parfois transformés par l'amplification de certains instruments, puis travaillés à l'aide des techniques de studio (v. partie consacrée). Toutes ces musiques et expériences furent englobées sous l'appellation de musique électroacoustique, le terme renvoyant à la pratique de réception des auditeurs la plus usuelle : par l'intermédiaire de haut-parleurs192. Dans cette partie, j'ai choisi précisément de m'attarder un moment sur la façon dont le disque et la bande se sont constitués comme de véritables médias électroacoustiques investis par les firmes, prolongeant la performance vocale/instrumentale, même si les répercussions sur l'industrie musicale se mesurent sur le long terme. À ce sujet, j'ai choisi volontairement de donner ici les clés nécessaires pour comprendre la suite logique de mon argumentation ; l'éloignement de mon sujet initial et du cadre géographique anglais ne doit pas laisser croire un quelconque égarement car cet aspect me paraît à mes yeux nécessaire si l'on souhaite mesurer jusqu'à quel point l'innovation technique, et de façon nette avec l'arrivée du 33-tours, a pu être mise à profit dans la façon de concevoir la musique193. Ce n'est réellement qu'ici qu'on peut parler d'« artification des dispositifs techniques ».

191 FARCHY, Joëlle, La fin de l'exception culturelle?, Paris, CNRS Éditions, coll. « CNRS Communication », p. 41.

192 Attention cependant aux nuances : il existe en réalité deux formes distincte de musique électroacoustique, l'une « instrumentale », pour laquelle l'appareillage est un prolongement ou un partenaire de l'instrument ou de la voix, l'autre élaborée entièrement en studio, sur support. DELALANDE, François, Le son des musiques : entre technologie et esthétique, Paris, Buchet/Chastel, INA, coll. « Bibliothèque de Recherche Musicale », 2001, p. 37.

193 N'oublions pas qui plus est l'aspect globalisant de l'étude que j'évoque dans l'introduction.

A/ L'interaction entre contenu musical et support technique

Alors qu'il n'existait, jusqu'en 1948, que deux grandes modalités de création et de transmission, la tradition orale194 et l'écriture, l'électroacoustique constitue cette troisième modalité. Ainsi, c'est avec le venue du LP, qui connaîtra son apogée esthétique dans les années soixante, qu'est naît la musique dite « concrète » (fondée en 1948195), mais aussi les musiques électroacoustiques et électroniques. De plus, la musique savante (mais également la musique populaire dont nous reparlerons un peu après) fut transformée sous l'impact des technologies, permettant par exemple le réenregistrement d'oeuvres classiques. Une symphonie qui tenait auparavant sur quatre ou cinq 78-tours pouvait désormais entrer dans un seul disque. Tout un pan de la musique baroque et ancienne fut par conséquent réinvesti, dans la suite directe des oeuvres enregistrées par Wanda Landowska pour la Bach Society. Des compositeurs comme Purcell, Vivaldi ou Haendel se sont parfois aussi bien vendus que des artistes de variété, tandis que des formations orchestrales britanniques réputées mondialement ont pu s'épanouir : on peut citer The Academy of Saint-Martin-in-the-Field de Neville Marriner, The English Concert de Trevor Pinnock, The Academy of Ancient Music de Christopher Hogwood, The New London Consort196. Car si le cylindre et le 78-tours n'ont certes pas empêché à la musique classique d'être commercialisée, le microsillon est une rupture fondamentale : la bande passante augmente brutalement d'une octave et demie, la dynamique de 15dB, la distorsion est divisée par 3,5, sans compter l'augmentation de la durée des faces197. On permet dès lors un niveau d'exigence supérieur, ce dont parle l'ouvrage d'Elisabeth Schwarzkopf, La Voix de mon maître, Walter Legge. Le producteur de disque anglais dont nous reparlerons, qui deviendra par ailleurs son mari, demande la perfection de l'interprétation, en même temps qu'il fournit les moyens techniques de s'en approcher. Le même Legge produit également en 1949 le premier disque du contre-ténor Alfred Deller198.

194 Comme nous l'avons vu à la fin de notre premier chapitre de la première partie, la « musique de tradition orale » désigne un système de production de conservation et de transmission comparable et opposable. Tradition orale signifie souvent anonymat des auteurs, expansion relativement lente du répertoire, transmission par l'exemple souvent sous une forme simplifiée que les musiciens s'approprient ensuite en l'ornant à leur manière, avec une part plus ou moins grande d'improvisation, etc.

195 Musique créée directement sur support de fixation. Elle e été créée et conceptualisée comme telle sous ce nom par Pierre Schaeffer.

196 LEMONNIER, Bertrand, op. cit., p. 195.

197 DELALANDE, François, op. cit., p. 57.

198 On pourrait encore citer le Concentus Musicus, fondé par Nikolaus Harnoncourt en 1953, dont les enregistrements témoignent de la nouvelle dynamique du microsillon, qui donne un nouvel intérêt aux harmoniques, aux résonances, à l'espace, etc.

Le LP permet donc d'écouter de longues oeuvres sans interruptions, avantage considérable pour la musique classique, mais aussi pour le jazz199 : désormais, les musiciens vont pouvoir lors des séances de studio improviser au-delà des quatre minutes réglementaires qui bridaient leur inspiration. En fixant sur le disque l'improvisation qui caractérisait le plus la musique jazz, l'improvisation devenait création. Le disque (avec le magnétophone) aura donc permis la singularité du jeu, fortement valorisée par le jazz, et donné à la « performance » le statut d'une création ; « il aura contribué à la définition des éléments de forme et à l'éclosion du jazz en tant que genre »200. Cependant, les machines de studio n'ont pas (ou peu) été utilisées comme artifice de composition. Même si le multipiste et le re-recording (un seul musicien enregistrant successivement plusieurs parties) sont quelquefois utilisés, la spontanéité reste une valeur centrale au jazz.

Si on prend le cas de la musique populaire, ces dernières sont en plus grande majorité concernées par la technologie puisque des genres musicaux tels que le rock ou la pop utilisent des dispositifs techniques vecteurs de l'interprétation 201 comme : la guitare et autres instruments amplifiés, qui constituent de nouvelles sources sonores, les réverbérations, les boîtes à rythme, filtres et delays, etc. dans le rock. Quant à la pop, elle est, comme on le verra après, un pur produit de studio. Or, ce sont véritablement ces techniques qui donnent aux musiques électriques leurs caractéristiques. Le terme de « musique électroacoustique » se définit dans ce cas précis d'une façon très large puisqu'il englobe au minimum toutes les musiques réalisées en studio ou avec des ordinateurs, des synthétiseurs, des échantillonneurs, etc., à condition bien sûr qu'elles soient diffusées exclusivement par haut-parleurs202.

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