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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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B/ Le producteur de musique classique

Le premier, Fred Gaisberg (1873-1951), reste l'archétype du directeur artistique qui, grâce à la naissance de l'enregistrement électrique, est devenu un personnage clé voué à la réalisation de la musique en studio. Quand le premier International Artists Department (IAD) est créé par la Gramophone Company en 1918, Gaisberg,

242 Idem, p. 95.

243 Ibid., p. 95.

244 HAINS, Jacques, « Du rouleau de cire au disque compact » in NATTIEZ, Jean-Jacques (Dir.), op. cit., pp. 923-924.

au côté du manager Sydney Dixon, est nommé impresario de la firme245. À partir des années vingt, où l'enregistrement sur disque est devenu le facteur de plus en plus important d'une carrière musicale réussie (à côté de la performance scénique) sa carrière est lancée et Gaisberg devient le prototype du responsable de la branche A&R. C'est grâce à lui, mais aussi grâce à son assistant, James David Bicknell, que sont conservées aujourd'hui quelques grandes voix du début de l'enregistrement : Fedor Chaliapine, Adelina Patti, Nellie Melba, Emma Calvé, Pol Plançon, Francesco Tamagno, Mattia Battistini, etc. même si les artistes étaient plus recherchés pour leurs voix phonogéniques que pour un réel travail de précision technique et musicale, restrictions techniques oblige.

En revanche, Walter Legge (1906-1979), réalisateur chez EMI depuis 1945, se définissait lui-même comme une sage-femme de la musique : on lui doit 3500 enregistrements d'une grande qualité artistique, notamment le coffret de la Hugo Wolf Society avec en particulier le lied Die Bekehrte chanté par Alexandra Trianti, ou encore l'enregistrement du festival de Bayreuth en 1951. En 1931, il fit adopter le principe de la souscription pour éditer des oeuvres jusque là négligées. Perfectionniste, il voyait dans l'enregistrement le moyen d'obtenir de l'artiste une performance idéale ; il le faisait inlassablement répéter, enregistrait de nombreuses versions et ne retenait que la meilleure. La critique l'accusa de tromperie à cause de cela, sous prétexte que le public était déçu, en entendant ensuite l'artiste en concert, de ne pas retrouver la même qualité d'interprétation que sur la « version disque »246. À ce stade de l'étude, on ne peut considérer cette remarque comme étant purement anecdotique. En effet, alors que des noms comme Toscanini, Furtwängler, Stokowski et Walker connotaient un certain culte de la star même avant la guerre, le phénomène était néanmoins dérivé du phénomène des concerts. À l'inverse, avec l'arrivée du LP, le disque était apte à promouvoir les stars du classique. Ainsi, si Maria Callas était déjà connue pour ses performances, sa percée en 1951 résulte largement de son engagement pour EMI et Legge, ce dernier l'ayant fait enregistrer à la Scala de Milan ses airs les plus célèbres : « Tosca », « Norma », « Madame Butterfly », « Rigoletto », « I Puritani », « Manon Lescaut »,

245 http://www.emiclassics.com/about/29

246 Idem, pp. 914-915.

etc.247 Mais l'engagement de Legge ne s'arrête pas ici puisqu'il travailla avec d'autres artistes majeurs de l'après-guerre comme Elizabeth Schwarzkopf, Victor de Sabata, Wolfgang Sawallisch, la soprano Victoria de Los Angeles et fonda l'Orchestre philharmonique de Londres dont les chefs furent Otto Klemperer, Rudolf Kempe, Sir Malcolm Sargent, Guido Cantelli, Herbert von Karajan, etc. L'ascension de Karajan dans le secteur musical est encore une fois largement due au disque et grâce à l'implication de Legge qui s'attacha à trouver une véritable identité sonore à son orchestre, se voyant lui-même comme le possesseur d'un ensemble dont il exploitait toutes les ressources musicales. Après le départ de Karajan d'EMI pour la Deutsche Grammophon, c'est Klemperer qui travailla auprès du célèbre producteur, avec le même souci d'appropriation à tel point qu'à son départ de la firme en 1964, il prend la décision de dissoudre lui-même l'orchestre, sans pour autant consulter les musiciens248 !

Dans la foulée de Gaisberg et Legge, John Culshaw (1924-1980) représente une troisième génération de producteurs. Il accomplit chez Decca un travail remarquable dans l'enregistrement d'opéras. Son chef d'oeuvre est la Tétralogie de Richard Wagner (avec Georg Solti et le Philharmonique de Vienne), un projet colossal terminé en 1966 dont le premier coffret, en 1959, consacra la stéréophonie nouvellement née. Il travaillait en collaboration étroite avec les musiciens et utilisait dans ses derniers

retranchements, mais toujours avec goût, justesse et sobriété, les

innovations techniques pour satisfaire aux exigences de la

partition (écho, déplacements, effets spéciaux, ambiances

particulières obtenues par filtrage, etc.)249. L'oeuvre connut un

succès mondial, commercial et artistique. Culshaw a raconté cette

aventure dans Ring Resounding (1967) et le reste de sa carrière dans son autobiographie Putting the Record Straight (1982), deux livres qui comportent une riche réflexion esthétique sur l'enregistrement et la musique, et dans lequel on entrevoit les querelles qui ont pu intervenir dans ce domaine entre les progressistes, comme Culshaw (ou encore le célèbre pianiste Glenn Gould) qui considéraient le studio d'enregistrement comme un instrument à part entière permettant de corriger les fausses notes et les erreurs esthétiques inacceptables sur un disque voué à de multiples écoutes, et ceux qui pensaient à l'inverse que rien ne pouvait surpasser la force d'une interprétation « en direct ».

247 PEKKA, Gronow, ILPO, Saunio, An international history of the recording industry, Londres/New York, Cassell, 1998, p. 125.

248 TSCHMUCK, Peter, op. cit., p. 113.

249 HAINS, Jacques, op. cit., pp. 925-926.

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