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Aspects juridiques de la contractualisation agile

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par Camille Planat
Université de Nice Sophia Antipolis - Master 2 droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies 2012
  

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2. Responsabilité et contentieux

La question du contentieux de la responsabilité a vocation à être étudiée sous deux aspects : il convient d'abord de l'étudier au stade de la formation du contrat (2.1) ; puis, une fois le contrat formé, au stade de son exécution (2.2).

2.1 La formation du contrat

La formation du contrat résulte de la rencontre de l'offre et de la demande, tel est l'esprit originel de la liberté contractuelle qui inspira la rédaction du code civil, et dont découle le principe du consensualisme. Cependant tous les contrats ne se forment pas instantanément, à plus forte raison lorsqu'ils sont complexes. La formulation de l'offre peut mettre un certain temps à se construire. C'est ainsi que la doctrine a consacré la théorie des pourparlers. La jurisprudence encadre les pourparlers à travers les principes de liberté contractuelle et de bonne foi. Nombre de contentieux trouvent leur source dans une conduite inadéquate des pourparlers par les parties.

Dans les contrats informatiques, la phase pré-contractuelle est très importante dans la mesure où durant cette phase, le client va définir ses besoins et tenter de trouver le prestataire qui répondra au mieux à ses attentes et à ses contraintes techniques ou économiques. Chacun peut conduire les discussions au mieux de ses intérêts, quitte à négocier en parallèle avec un autre candidat. Cependant les parties qui négocient doivent le faire de manière loyale. Cela implique qu'elles échangent l'information nécessaire,

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qu'elles ne prolongent pas la discussion lorsque la décision de rompre a déjà été prise ou encore qu'elles ne formulent pas de proposition inacceptable.

Pendant cette phase les parties peuvent être amenées à échanger des informations confidentielles, c'est pourquoi la signature d'un accord sur ce point s'avère souvent indispensable, surtout en matière de nouvelles technologies. Il est en effet fréquent que le client soit amené à communiquer des informations qu'il ne souhaite pas voir divulguées à des tiers pour faire connaître ses besoins et ses objectifs. De même, le candidat prestataire peut être amené à décrire en détail certaines des technologies qu'il maîtrise afin d'argumenter son offre et faire valoir ses avantages. La rédaction d'un tel accord implique une certaine précision afin de pouvoir déterminer quelles sont les informations concernées ainsi que la portée et la durée de l'engagement pris.

De plus les parties vont certainement exposer des frais à la conduite des négociations, que ce soit pour le transport, des études préalables, voire l'embauche de personnel, ce qui est souvent le cas pour les projets les plus ambitieux. Elles peuvent donc également s'engager à partager les frais ainsi générés.

Le recours à une méthode agile n'est pas sans influence sur cette phase pré-contractuelle. Le terrain des négociations risque en effet de glisser des spécifications vers l'organisation. Ceci s'explique par la méthode empirique de construction du cahier des charges ou « product backlog ». Il est alors prévisible que les parties préfèrent raccourcir la durée des négociations pré-contractuelles pour rapidement entrer dans un cadre défini par écrit. Cela est d'autant plus facile pour elles puisque les principes agiles impliquent le changement, qui peut consister en une rupture de la relation. La possibilité de rupture étant envisagée dès le départ, les parties engageront beaucoup moins leur responsabilité lors du recours à cette option, si tant est qu'elles aient été loyales dans leur démarche.

Si les parties sont bien imprégnées de l'esprit des principes agiles pendant les négociations - principes qui impliquent le changement donc une acceptation implicite ou non d'un certain flou dans l'objet de l'engagement - cela va avoir pour effet, d'une part de

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faire perdre en précision la détermination du moment où leurs volontés se rencontrent, et d'autre part de précipiter le moment de la formation du contrat. En effet, en vertu de l'article 1134 du code civil, seules les conventions légalement formées obligent les parties. Entre professionnels l'écrit n'est pas obligatoire, le contrat sera donc formé dès l'échange des consentements. Ceci n'est pas sans conséquence, en cas de contentieux, sur le travail du praticien. En effet ce dernier aura plus de mal à déterminer le moment exact où le contrat s'est formé, donc à distinguer entre phase pré-contractuelle et phase contractuelle. De plus la phase pré-contractuelle aura tendance a être plus courte puisque les parties sont d'accord sur une part d'indétermination dans leur engagement, indétermination qui résulte de l'adoption d'une méthode agile, ce qui par conséquent accélère l'échange des consentements. Autrement dit il sera plus difficile de savoir ce qui relève de la responsabilité délictuelle ou contractuelle, ce qui relève du droit commun des contrats ou du droit d'un contrat spécial.

La première distinction a toute son importance en matière de stratégie judiciaire : soit on plaide que le contrat s'est formé et on agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, soit on reconnaît qu'aucun contrat ne s'est formé et on demande réparation de la rupture des pourparlers sur le terrain de la responsabilité délictuelle. Effectivement, la faute dans la rupture des pourparlers est purement délictuelle25. En droit allemand la solution est différente puisque l'on considère que l'entrée en pourparlers constitue une sorte d'accord implicite, autrement dit elle créé un rapport d'obligation dans le cadre duquel on applique la responsabilité contractuelle.

Si les parties ont conclu un accord de principe, cela a pour effet de mettre à leur charge une obligation contractuelle de négocier accompagnée d'un devoir de bonne foi.26 La rupture d'un tel accord ne peut être réparée que par des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, l'exécution forcée est exclue dans ce cas puisqu'elle aurait pour seul effet de recommencer des négociations.

25 Paris, 5 avr 2002, RTD civ. 2002.802, obs J. MESTRE et B. FAGES confirmé par Cass. 2e civ., 4 mars 2004, n°02-14022, inédit (demandes en première instance fondées sur la R délictuelle, en appel sur la RCC :1978 irrecevables)

26 CA Paris, 7 nov. 2002, Europe Finance et Industrie (EFI) c/ Viel et Compagnie, Expertises 2003, no 269, p. 153

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Une alternative à ce type d'accord est le pacte de préférence, par lequel l'une des parties reconnaît à l'autre un droit de priorité à conclure le contrat définitif, c'est-à-dire une sorte de droit de préemption d'origine conventionnelle. Dès lors, si le promettant conclut le contrat projeté avec un tiers sans le proposer au préalable au bénéficiaire du pacte, il engage sa responsabilité contractuelle. Ce type d'engagement peut se rencontrer dans les contrats informatiques, généralement en faveur du prestataire, en contrepartie d'une étude préalable.

Mais ce contrat préalable peut aussi comporter des engagements supplémentaires. Ainsi en est-il de la clause d'exclusivité, par laquelle chaque partie s'engage à s'abstenir de toute autre discussion du même objet avec un tiers.

Il faut noter que le contentieux pré-contractuel échappe aux stipulations habituellement existantes entre les parties si elles sont déjà en relations d'affaires par ailleurs. Elles ont pu par exemple s'engager sur des clauses attributives de compétence, lesquelles ne seront pas applicables. En matière de contrats internationaux c'est l'art 12.1 de la convention de Rome II du 11 juillet 2007 qui règle la question de la loi applicable aux obligations non contractuelles : on applique la loi qui aurait été applicable si le contrat avait été conclu. En outre, la mise en oeuvre de la responsabilité suppose une faute et un dommage reliés par un lien de causalité, la réparation ne pouvant consister qu'en des dommages et intérêts.

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