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L'imposition des gains du poker

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par Jerome Maniongui
Université Paris 13 Villetaneuse - Master 2 droit fiscal international et européen 2013
  

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Listes des abréviations

AAI

Autorité administrative indépendante

AJDA

Actualités juridiques de droit administratif de droit administratif

al.

Alinéa

ARJEL

Autorité de régulation des jeux en ligne

BIC

Bénéfices industriels et commerciaux

BNC

Bénéfices non commerciaux

Bull.civ

Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation

Bull.crim

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation

c/

Contre

CA

Cour d'appel

CAA

Cour administrative d'appel

Cass.civ

Arrêt des chambres civiles de la Cour de cassation

Cass.com

Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation

Cass.crim

Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation

CAA

Cour administrative d'appel

CE

Conseil d'Etat

CEDH

Arrêt de la Cour Européenne des droits de l'Homme

CGI

Code général des impôts

CJCE

Arrêts de la Cour de justice des communautés européennes

CJUE

Cour de justice de l'Union européenne

Comm.

Commentaires

DDHC

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen

DF

Droit fiscal

éd.

Editions

Fasc.

Fascicule

FDJ

La Française des jeux

GAJA

Les grands arrêts de la jurisprudence administrative

Gaz.pal

La gazette du palais

In

Dans

IR

Impôt sur le revenu

IS

Impôt sur les sociétés

JCP

Jurisclasseur périodique

JO

Journal officiel

LGDJ

Librairie générale de droit et de la jurisprudence

LPF

Livre des procédures fiscales

Numéro

OCDE

Office de coopération et de développement économique

OMC

Organisation mondiale du commerce

Obs.

observations

Req.

Requêtes

RJDA

Revue de jurisprudence de droit administratif

RJF

Revue de jurisprudences fiscales

TFUE

Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

7

INTRODUCTION

« Le jeu n'intéresse le droit qu'en tant qu'il est susceptible d'affecter le patrimoine des joueurs, qu'il est source d'obligations, bref le jeu ne devient jeu que lorsqu'il est en même temps un contrat. »1 Il en est le cas pour le jeu du poker lorsque le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a considéré que les revenus des joueurs de poker étaient des revenus imposables alors que les revenus tirés de jeux ont toujours été considérés comme non imposables.2

Le dictionnaire Larousse 2013 définit le Poker comme un : « Jeu de cartes d'origine américaine où le vainqueur est celui qui possède la combinaison la plus forte ou qui réussit à le faire croire à ses adversaires. (Les combinaisons sont : une paire, deux paires, un brelan, une séquence ou quinte, une couleur ou flush, un full ou main pleine, un poker ou carré et une quinte royale ou straight flush.)» Le poker est donc un jeu de cartes.

Le jeu de poker peut être un jeu gratuit mais aussi un jeu payant3. S'il est un jeu payant, il est réglementé par la loi. En effet, le poker entre dans la catégorie des jeux de cercle4 et donc soumis à agrément. L'article 14-2 de la relative aux jeux en ligne dispose : « Pour l'application du I, seuls peuvent être proposés en ligne les jeux de cercle constituant des jeux de répartition reposant sur le hasard et sur le savoir-faire dans lesquels le joueur, postérieurement à l'intervention du hasard, décide, en tenant compte de la conduite des autres joueurs, d'une stratégie susceptible de modifier son espérance de gains.»

Les jeux de cercle sont des jeux qui se jouent entre joueurs et les jeux de contrepartie sont ceux « dans lesquels les joueurs jouent contre l'opérateur.»5 S'agissant des jeux en ligne, seuls les jeux de cercle sont autorisés, les jeux de contrepartie sont autorisés dans les casinos et les sommes perdues par les joueurs sont conservées par l'organisateur du jeu.6

Le poker peut se jouer sous plusieurs formes : vidéo-poker7, sous forme de casino mais aussi en ligne.8

1 J-B, DARRACQ, « L'État et le jeu », Thèse de doctorat en droit public, Lyon , Université de Lyon 2, 2005, 667 p.

2 Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand, 1re ch., 21 oct. 2010, n° 090640, M. et Mme Petit, RJF 6/2011, n° 702.

3 A. De GUILLENDSCHMID- GUIGNOT, « Les contrats de jeux et de hasard en ligne », JurisClasseur Contrats - Distribution, Fascicule 3330, p.50

4 Idem

5 Ibidem

6 F. TRUCY, Rapport d'information n° 223, "L'État croupier, le Parlement croupion ?", [2001-2002] au nom de la Commission des Finances ; Rapp. Sénat, 19 janv. 2010, n° 209, p. 119

7 L'article 68-20-1 alinéa 5 de l'Arrêté du 29 juillet 2009 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos dispose : « Dans ce cas, le casino doit affecter immédiatement la totalité de l'incrément du jackpot progressif arrêté à un jackpot progressif existant ou à créer sur une ou plusieurs machines ayant une mise maximum égale ou inférieure et sur des machines à sous de même type (rouleaux et vidéo-rouleaux ou vidéo-poker). Cet incrément est ajouté à la valeur de départ du nouveau jackpot progressif ou au montant d'un jackpot progressif existant. »

8 L'article 10 de la loi de 2010 dispose : « Au sens de la présente loi :1° Le jeu et le pari en ligne s'entendent d'un jeu et d'un pari dont l'engagement passe exclusivement par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne. Ne constitue pas un jeu ou un pari en ligne le jeu ou le pari enregistré au moyen de terminaux servant exclusivement ou essentiellement à l'offre de jeux ou à la prise de paris et mis à la disposition des joueurs dans des lieux publics ou des lieux privés ouverts au public ; »

8

Il existe plusieurs formes de jeu de poker : Baccara9, Texas Hold'em poker10, Omaha poker qui se joue comme le précédent mais avec quatre cartes privatives fermées11, seuls les deux dernières sont autorisées pour les jeux en ligne.12

L'origine du jeu de poker remonte à la fin de l'année 1820, avec un jeu constitué de 20 cartes et la version actuelle du poker c'est-à-dire avec 52 cartes avec plusieurs variantes a été adoptée en 1857 et a été popularisé par les casinos de Las Vegas.13

En France, le poker a commencé à être pratiqué dans les années 1850 avec 32 cartes fermées mais avec plusieurs variantes.14

La pratique du poker va se développer au fil des années avec des tournois tels que les World Series of Poker « WSOP » mais aussi popularisé par les films tels que James BOND : « Casino Royale ».

Dans les années 90, nous assistons à un tournant avec l'apparition des jeux en ligne.15 Le poker en ligne a pris de l'ampleur à partir de 2002 avec le succès de la variante « Texas Hold'em poker».16

Parmi les jeux de hasard, on distingue ceux dans lesquels la personnalité du joueur ne joue aucune influence, c'est le cas notamment du jeu des dés, des jeux dans lesquels le joueur use de son habilité, ses compétences, pour réduire la part du hasard, c'est le cas du bridge notamment.17

En France, la législation des jeux de hasard et d'argent est très prohibitive18 car plusieurs dispositions réglementent ces jeux.

Cette méfiance envers fait en sorte que les jeux sont strictement réglementés : le principe est l'interdiction mais il y a des exceptions avec des autorisations, le Sénateur François Trucy parle de « triptyque prohibition-exception-monopole19 En effet, les jeux de hasard sont interdits en France mais l'État français a prévu des exceptions en accordant l'exploitation des jeux à deux sociétés : la Française des jeux et le Pari mutuel urbain dont il est actionnaire majoritaire.20

9 L'article 58 de l'Arrêté du 14 mai 2007 relatif aux jeux de casino dispose : « Au baccara chemin de fer, il est fait usage de six jeux de cinquante-deux cartes, trois d'une couleur et trois de l'autre. Les jeux peuvent servir plusieurs fois, mais ils doivent être remplacés par des jeux neufs dès qu'ils ne sont plus en parfait état. »

10 L'article 57 de l'Arrêté du 14 mai 2007 relatif aux jeux de casino dispose : « Le jeu du Texas hold'em poker se joue avec un jeu de cinquante-deux cartes à teinte unie. Le jeu doit être en parfait état et peut servir plusieurs fois. Les dispositions des articles 39 et 40 relatives au dépôt, à la conservation et à l'usage des cartes sont applicables au jeu du Texas hold'em poker. Après leur comptée et leur vérification, le croupier mélange ostensiblement les cartes devant les joueurs. »

11 A. De GUILLENDSCHMID- GUIGNOT, op.cit, p. 50

12 Idem.

13 S. VARRAULT, « Étude des distorsions cognitives, des troubles anxiodépressifs et de la personnalité chez les joueurs pathologiques en ligne et hors ligne », Thèse de doctorat en Psychologie, Université Paris 5 Descartes, Paris, 2012, pp. 45-47.

14 Idem.

15 F. DANINOS, « Histoire du poker : Le dernier avatar du rêve américain », Paris, Tallandie, 2010, p. 213.

16 C. BLANCHARD-DIGNAC, « La révolution numérique des jeux de hasard », In les jeux d'argent, Revue française d'études constitutionnelles et politiques, novembre 2011, n° 139, p.31.

17 E. BOREL, J. VILLE, « Applications de la théorie des probabilités aux jeux de hasard », ed. Jacques Gabay, Paris, 2009, p.13

18 C. RIBEYRE, « Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne », Revue de Science criminelle 2011, p. 906.

19 F. TRUCY, rapp. Sénat, n° 223, 2001-2002, op.cit.

20 A. HAMDAN, « La réglementation des jeux de hasard et paris sur Internet », in : Jusletter 5 mai 2008, pp. 9-10.

9

S'agissant de la réglementation des jeux, il y avait tout d'abord la Loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries qui disposait en son article 1er : « Les loteries de toute espèce sont prohibées.»

Ensuite il y avait la Loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard qui disposait en son article 1er : « Le fait d'établir ou de tenir sur la voie publique et ses dépendances ainsi que dans les lieux publics ou ouverts au public et dans les dépendances, même privées, de ceux-ci tous jeux de hasard non autorisés par la loi dont l'enjeu est en argent est puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende.»

Enfin, il y avait la Loi du 2 juin 1891 relative aux courses qui prohibe les jeux de course sans autorisation du Ministre de l'Agriculture.21

Toutes ces lois ont été abrogées par l'ordonnance 2012-351 du 12 mars 2012 et ont été codifiées par dans le Code de sécurité intérieure.22

L'article L. 324-1 du Code de la sécurité intérieure, qui reprend les dispositions de la loi de 1983 relative aux jeux de hasard dispose : « Le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d'un affilié, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 200 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.»

L'article 324-2 du même code dispose : « L'importation ou la fabrication de tout appareil dont le fonctionnement repose sur le hasard et qui permet, éventuellement par l'apparition de signes, de procurer moyennant enjeu un avantage direct ou indirect de quelque nature que ce soit, même sous forme de parties gratuites, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. »

Le principe est donc celui de l'interdiction mais il existe une dérogation prévue par la loi n° 190706-15 du 15 juin 2007 qui accorde des droits à certains établissements touristiques pour exercer ces activités avec autorisation.

Des dérogations permettent l'organisation des jeux d'argent et de hasard dans un cadre réglementé. C'est le cas de certaines communes qui peuvent ouvrir des casinos mais aussi des cercles de jeu et les jeux de course avec l'autorisation préalable du Ministère de l'intérieur23.

Les Lois du 31 mai 1933 portant fixation du budget général, et du 29 décembre 1984 sur les paris sportifs accordent, respectivement à la Française des jeux et à la société PMU (Paris Mutuel Urbain) le monopole d'organiser les jeux.

21 L'article 1er de la loi dispose : « Aucun champ de courses ne peut être ouvert sans l'autorisation préalable du ministre de l'agriculture. »

22 L'article L.320-1 du Code de la sécurité intérieure dispose : « Les jeux d'argent et de hasard sont régis par les dispositions du présent titre et par celles du chapitre Ier de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.»

23 Arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos, Loi du 15 juin 2007 relative aux casinos.

10

Cette situation de monopole qui avait conduit le Sénateur Trucy de qualifier l'État français d' « État Croupier»24 car l'État français est actionnaire à plus de 72% de la Française des Jeux.

Ce monopole pouvait être contraire aux règles européennes, ce qui a conduit l'État français à adopter la Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

Pour pouvoir réguler les jeux en ligne, la Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne a créé une autorité administrative dénommée Autorité de Régulation des jeux en ligne en sigle ARJEL.25

L'Autorité de régulation des jeux en ligne est une autorité administrative indépendante.

L'article 34 de l Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 dispose : « L'Autorité de régulation des jeux en ligne est une autorité administrative indépendante. » L'ARJEL est donc une autorité administrative au sens de la loi. Cette indépendance implique que «l'autorité implique d'abord l'absence de toute tutelle ou pouvoir hiérarchique à son égard de la part du pouvoir exécutif

Une autorité administrative indépendante, en sigle AAI, « ne reçoit ni ordre, ni instruction du Gouvernement.»26 L'Arjel étant indépendante, elle ne reçoit d'ordre ni d'instruction du Gouvernement.

Comme la plupart des autorités administratives indépendantes, elle ne dispose pas de la personnalité morale. En effet, la loi n'accorde la personnalité juridique qu'à quatre autorités administratives : l'Autorité des marchés financiers, l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, la Haute autorité de santé, l'Agence française de lutte contre le dopage.27

Cette absence de la personnalité morale a pour conséquence que l'Arjel n'a pas de budget autonome28 et ne peut pas agir en justice en son nom propre.

Toutefois, la loi accorde au Président de l'Arjel, la possibilité d'agir en justice. En effet, l'article 37 de la loi l Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 dispose : « Pour l'accomplissement des missions qui sont confiées à l'Autorité de régulation des jeux en ligne, le président de l'Autorité a qualité pour agir en justice devant toute juridiction.»

En Europe, c'est le cas notamment du Luxembourg, l'autorité administrative relative aux jeux de hasard : « L'OEuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte », bien que placée sous la tutelle d'un ministère, a la personnalité juridique.29

24 F. TRUCY, « Rapport d'information fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la mission sur les jeux de hasard et d'argent en France.» JO, Documents-Sénat,session ordinaire 2001-2002, n° 223, 336 p.

25 L'article 34 de la loi dispose : « L'Autorité de régulation des jeux en ligne est une autorité administrative indépendante. »

26 P. GÉLARD, « Office parlementaire d'évaluation de la législation : rapport sur les autorités administratives indépendantes », Rapport du Sénat n° 404, Session ordinaire 2005-2006, p. 32.

27 Ibidem, p. 68

28 ARJEL, « Les jeux en ligne gagnent en transparence », Rapport d'activités, mai- décembre 2010, p. 63 disponible à: http://www.arjel.fr/IMG/pdf/rapport-activité-2010.pdf.

29 L'article 1er de la loi du 22 mai 2009 relative à l' OEuvre Nationale de secours Grande Duchesse charlotte et à la loterie nationale dispose : « L'OEuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte, ci-après désignée

11

Par contre, en Belgique, l'autorité des jeux n'est pas une autorité administrative, n'est pas rattachée à un ministère et a un « statut hybride».30

Plusieurs rapports parlementaires préconisent, pour plus d'efficacité, de doter l'Arjel de la personnalité morale.31

En droit de l'Union européenne, s'agissant des jeux de hasard, le Procureur Général de la Cour de Justice de l'Union Européenne précisait : « Le droit communautaire n'a pas pour objet de soumettre les jeux de hasard et d'argent au marché communautaire. »32

En effet, le droit de l'Union européenne ne comprend aucune disposition relative aux jeux d'argent et de hasard : aucune directive ne régit les jeux d'argent de hasard, une tentative d'harmonisation avait échoué en 1992.33

Les directives 2000/31/CE Parlement et du Conseil du 8 juin 2000 relatif au commerce électronique et 2006/123/CE excluent les activités de jeux de leurs champ d'application.34

Avec une croissance annuelle au taux de 15% et un chiffre d'affaire de 15 milliard prévu en 2015, les jeux d'argent et de hasard en ligne font partie des secteurs d'activités présentant une forte expansion.35 Étant donné qu'il n'y a pas d'harmonisation au niveau européen, il revient aux États membres, en vertu du principe de subsidiarité, de réglementer les activités des jeux sur leurs territoires.36

«l'OEuvre», est un établissement public possédant la personnalité juridique et jouissant de l'autonomie financière.L'OEuvre est placée sous la tutelle du Premier Ministre, Ministre d'État »

30 Les documents de travail du Sénat, « Les instances de contrôle du secteur des jeux», Étude de législation comparée n° 180, 1er décembre 2007, p. 15

31 F. TRUCY, « Faut-il revoir la loi sur les jeux en ligne ? » Rapport d'information n° 17 (2011-2012) , fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 octobre 2011, p. 227.

A. FILIPETTI, J-F. LAMOUR, « La mise en application de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne », Rapport d'information n° 3463, 25 mai 2011, p. 7

32 Y. BOT, (Point 45 conclusion du 14 décembre 2008, Sur CJCE 8 septembre 2009 , n° C-42/07, Liga Portugesa de Futebol, BWIN international Ltc C/ Departementos de Jogos de Santa Casa Da Misericordia de Lisboa), AJDA 2009, p. 1584.

33 Communiqué du Conseil européen d'Édimbourg des 11 et 12 janvier 1992, Bull. CE 1992, n° 12.

34 D. ALLAND, « Droit de l'Union européenne et droit français des jeux de hasard et d'argent en ligne : Histoire d'une instrumentalisation », AJDA 2010, p. 1970.

35 C. DEMUNCK, « Plan d'action européen de jeux en ligne, État des lieux du marché des jeux e, ligne au 3e trimestre 2012, ARJEL », Dalloz Actualités 09 novembre 2012.

36 L'article 4 du Traité de l'Union Européenne dispose : « Conformément à l'article 5, toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres. » et l'article 5 du même traité dispose : « En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union.»

12

L'Union Européenne a constaté que les réglementations se classaient en deux grands modèles37 : l'un fonctionnant sous forme de licence strictement encadré, l'autre fonctionnant sous forme de monopole strictement réglementé. C'est le cas, notamment et respectivement du Royaume-Uni et de la France.38

Les jeux d'argents et de hasard, bien que n'étant pas harmonisés, constituent depuis longtemps une activité économique donc susceptible d'être encadrée par les règles européennes notamment celles relatives au marché intérieur.

En effet, dès l'arrêt « Schindler »39, la Cour de Justice de l'Union Européenne ( anciennement Cour de Justice des Communautés Européennes) avait estimé que les jeux constituaient des activités économiques et non des activités illicites : « Les activités de loterie ne sont donc pas des activités relatives à des « marchandises relevant, comme telles, de l'article 30 du traité. Ces activités doivent, en revanche, être regardées comme des activités de « services», au sens du traité. Aux termes de l'article 60, premier alinéa, du traité:« ... sont considérées comme services les prestations normalement fournies contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.»

Les réglementations des jeux n'étant pas appréhendées par le droit communautaire dérivé, elles ont été appréhendées par le droit primaire (les Traités). Or le monopole des États peu être contraire aux règles européennes notamment celles relatives à la libre circulation des services prévue à l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne40 mais aussi celle relative à la liberté d'établissement prévue à l'article 49 du même traité.41

La question qui se pose est celle de savoir si les réglementations des États en matière des jeux d'argent et de hasard sont compatibles avec le marché intérieur de l'Union Européenne ?

En dehors de la procédure d'infraction ouverte par la Commission contre les États en 2005, aucune sanction n'a été prise par la Commission Européenne contre les États sur le fondement de la violation des règles communautaires. C'est la jurisprudence, sur le fondement des questions

37 Commission Européenne, « Livre vert sur les jeux d'argent et de hasard en ligne dans le marché intérieur », Com (2011), 321 Final, Bruxelles, 2011. Disponible à l'adresse suivante : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0128:FIN:fr:PDF.

38 E. THOMAS, op. cit, p. 2.

39 CJCE, 24 mars 1994, aff. C-275/92, REC. CJCE I-1039. D. 1994 100

40 L'article 56 du TFUE dispose : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.»

41 L'article 49 du TFUE dispose : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. »

13

préjudicielles qui a rendu des décisions en matière de jeux car la « Cour n'est pas vierge de jurisprudences » selon Philippe Icard.42

La question des jeux dans l'Union Européenne est délicate dans la mesure où, tout d'abord, la diversité des réglementations des jeux dans chaque État crée des tensions au niveau du marché intérieur car les États veulent conserver leurs monopoles et ont rejeté les propositions d'harmonisation des jeux de hasard de la Commission Européenne.43

Dans les années 9044, la Cour de Justice avait déjà admis que les Etats membres puissent restreindre les libertés relatives au jeu sur le fondement de l'intérêt général.45

En effet, la Cour de justice a été saisie, et ce à plusieurs reprises, d'une question préjudicielle sur la conformité des législations nationales prohibant les jeux, elle a estimé que les législations nationales n'étaient pas contraires aux règles européennes et des restrictions pouvaient être apportées aux libertés d'établissement et des services.46

Claire Lesne, avocat au Barreau de Paris a estimé qu'il y avait une cassure entre la Commission européenne et la Cour de justice47. En effet, la Commission estime que les monopoles des États sont contraires au marché intérieur et avait ouvert une procédure d'infraction contre les États alors que la Cour de Justice conforte les monopoles48. La Cour a précisé, dans l'arrêt Liga de Futebol du 8 septembre 2008 que : « l'article 49 du Traité instituant la Communauté Européenne (devenue article 56 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne) ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre qui interdit à des opérateurs établis dans les autres États membres où ils fournissent légalement de services analogues, de proposer des jeux de hasard sur le territoire dudit État membre. »49 Cette solution a été confirmée par les jurisprudences ultérieures.50

Ensuite, les jeux en ligne constituent une activité économique au sens des traités européens selon l'arrêt Schindler (CJCE, 24 mars 1994, Aff. C-275/92). A ce titre, les jeux devaient normalement

42 P. ICARD, « Le régime jurisprudentiel des paris sportifs dans l'Union européenne », Recueil Dalloz 2010, p.2816.

43 E. THOMAS, « Les Jeux et paris en ligne : Approches nationales et communautaires », Mémoire de Master 2 Juriste Européen, sous la direction de Monsieur Ludovic Bernardeau, Nancy, Université Nancy 2, 2007, 59 p.

44 Affaire Schindler : CJCE, 24 mars 1994, aff. C-275/92, REC. CJCE I-1039. D. 1994 100 et Affaire Laara : CJCE 21 septembre 1999 aff. c-124-97, Affaire Zenatti : CJCE 21 octobre 1999, aff. C-.67/98

45 C. LESNE « Aspects européens de la libération du marché des jeux d'argent : le récent rapport d'initiative SCHALMEDOSE préconise la le principe de subsidiarité et se prononce contre un marché unique d'argent », In : Droit des Jeux, La revue de l'avocat conseil d'entreprises, juin 2009, n° 108, p. 26

46 P. FOMBEUR, M. GUYOMAR « La française des jeux n'est pas investie d'une mission de service public », AJDA 1999, p. 1008.

47 C. LESNE, op.cit.

48 E. THOMAS, op. cit, p. 2.

49 CJCE 8 septembre 2009 , n° C-42/07, Liga Portugesa de Futebol, BWIN international Ltc C/ Departementos de Jogos de Santa Casa Da Misericordia de Lisboa

50 CJUE 3 juin 2010, Sporting Exchange, aff. c-203/08 et CJUE 3 juin 2010 Ladbrokes Betting, aff. C-258/08

14

être soumis à la TVA. Or la directive TVA (2006/112/CE) exclut les jeux de son champ d'application pour des raisons pratiques. La Cour de justice a confirmé cette solution dans plusieurs arrêts.51 Elle estime que : « S'agissant plus particulièrement des paris, loteries et autres jeux de hasard, il convient de relever que l'exonération dont ils bénéficient est motivée par des considérations d'ordre pratique, les jeux de hasard se prêtant mal à l'application de la TVA.»52

En matière fiscale, la Commission européenne avait ouvert une procédure d'infraction contre le Royaume d'Espagne car elle considérait que la législation espagnole qui prévoyait une exonération des gains de loterie d'une certaine catégorie d'organisations nationales de loteries et imposait d'autres catégories, y compris les organisations nationales et européennes, était contraire aux règles du marché intérieur prévues aux articles 49 et 36 EEE.53 Valérie Michel, en reprenant le raisonnement de la Cour estime que la Cour de justice de l'Union européenne « observe tout d'abord que la nature fiscale de la réglementation litigieuse n'écarte nullement l'application du droit communautaire, car, s'il est incontestable que la fiscalité relève de ma compétence des États, il l'est tout autant qu'ils sont tenus d'exercer cette compétence dans le respect du droit communautaire. »54

En France, la Cour de Cassation et la Conseil d'État ont toujours validé le monopole de l'État malgré les tentatives de plusieurs requérants qui estimaient que le monopole français était contraire aux règles du marché intérieur. Le Conseil d'État avait saisi la Cour de Justice sur le fondement de la question préjudicielle55 en 2008 concernant le monopole de la PMU que la société ZETURF contestait, la Cour a estimé que le monopole était justifié par l'intérêt général.56

Ce monopole des États est encadré par des conditions.

L'article 26 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne dispose : « 1. L'Union adopte les mesures destinées à établir ou assurer le fonctionnement du marché intérieur, conformément aux dispositions pertinentes des traités. 2. Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités. 3. Le Conseil, sur proposition de la Commission, définit les orientations et conditions nécessaires pour assurer un progrès équilibré

51 CJCE, 13 juillet 2006, United Utilities plc c/ commissionners of Customer and Excise, aff C-89/05, Rec. I-6813, pt 23, CJCE, 29 mai 2001, Freemans, aff. C-86/89, Rec. CJCE I-4167, pt. 301.

52 CJCE, 13 juillet 2006, United Utilities plc c/ commissionners of Customer and Excise, aff C-89/05, Rec. I-6813, pt 23.

53 CJCE, 6 octobre 2009, aff. C-153/08, Commission contre Espagne

54 V. MICHEL, « Fiscalité des gains de loterie », Actualités du droit de l'Union européenne n°12, décembre 2009, comm. 454

55 L'article 267 du TFUE dispose : « La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel: a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. »

56 CJCE 30 juin 2011, Zeturf Ltd contre Premier ministre, Affaire C-212/08, disponible depuis le lien suivant : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62008J0212:FR:HTML

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dans l'ensemble des secteurs concernés. ». Les jeux de hasard étant reconnus comme des activités économiques depuis l'arrêt Schindler (CJCE, 24 mars 1994, Aff. C-275/92), ils rentrent donc dans le champ d'application du marché intérieur. Or, les monopoles, interdictions, réglementations des États peuvent restreindre la liberté des capitaux, des services, des biens mais aussi des personnes comme prévu dans les articles des 49, 56 et 63 du traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne.57

Les requérants ont invoqué les arguments suivants pour contester le monopole des États : les monopoles, interdictions, sont contraires à la libre prestation des services au sens de l'article 56 mais aussi contraires à la liberté d'établissement prévue à l'article 63.58

Les États ont invoqué les « Raisons d'intérêts publics prévus par les traités» et la Cour de juste a « admis les raisons d'intérêts général».

Le Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne admet, pour des raisons d'intérêt général, que des restrictions puissent être apportées aux libertés prévues par le marché intérieur. En effet, l'article 52 TFUE (Ex-article 46 TCE) dispose : « Les prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l'applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique.» Le juge a validé les monopoles des États dans le domaine des jeux sur le fondement de ces motifs, c'est notamment le cas dans l'arrêt CJUE du 12 juillet 2012.59

La Cour de Justice a transposé le motif : « Raisons impérieuses d'intérêt général », déjà utilisées dans le domaine de liberté des marchandises au domaine des jeux.60

Mais pour que les motifs « Raisons d'intérêts publics prévus par les traités », « admis les raisons impérieuses d'intérêts général» puissent être admises par la Cour, cette dernière exige que ces raisons doivent être proportionnées doivent être adéquates.61 La Cour a rejeté l'argument des États sur le maintien des monopoles dans deux affaires.62

57 L'article 49 TFUE dispose : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre.», l'article 56 TFUE dispose : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. », l'article 63 TFUE dispose : « Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.»

58 C. DEMUNCK, « Le monopole du PMU saute avec succès l'obstacle du droit de l'Union européenne », Dalloz actualité, 5 septembre 2011.

59 A-L. SIBONY, « Jeux et paris : L'Autriche gagne le pari d'une protection exigeante, Cjue 12 juillet 2012, HIT, C176/11 », Revue trimestrielle de droit européen 2012, p. 731-117.

60 P. ICARD, op.cit, p. 8

61 F. PERALDI LENEUF, « La Cour de justice et la libération des jeux en ligne : l'exigence d'une cohérence. A propose de l'Arrêt Santa Clara.», Revue trimestrielle de droit européen, 2010, p. 7.

62 CJCE, 6 novembre 2003, Gambelli, aff. C-243/01, REC. CJCE I-13031, D. 2003. 2868, CJCE, 6 mars 2007,

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Puis, l'Europe est confrontée aux risques de criminalité, de blanchiment d'argent sur les jeux en ligne, elle souhaite pouvoir combattre cette criminalité en invitant les États à prévenir les fraudes et protéger les consommateurs63 mais aussi en renforçant la lutte contre le blanchiment des capitaux.

Pour ce faire, deux propositions relatives à la lutte contre le crime et le blanchiment d'argent ont été adoptées le 5 février 2013.64

Le laboratoire d'Expertise et de Sécurité Informatique CERT-LEXSI, dans son livre blanc sur la criminalité des jeux en ligne de 2006, avait estimé que : « Le secteur des jeux en ligne est aujourd'hui largement contrôlée par des groupes criminels. En dehors de ces groupes, les sociétés actives dans ce secteur s'affranchissent de toute conformité aux législations internationales.»65, ce qui a conduit certains États tels que l'Italie, d'interdire des sites illégaux sur son territoire.66

En France, un rapport du ministère du Budget, des Comptes publics et de la fonction publique rédigé par Alain Bauer faisait état des risques de fraude liés aux jeux Internet : « Ces fraudes peuvent consister en un détournement des données bancaires, des clients... peuvent aussi prendre la forme de montages pour limiter les remboursements... consister en un environnement poussant au jeu ainsi que des facilités de crédit rapidement octroyé...»67 Les jeux en ligne peuvent être appréhendées par des menaces criminelles.

En France, en 2001, s'agissant des sites internet illégaux, le juge judiciaire avait pris une décision lourde de conséquences.68 En effet, le Tribunal de Grande Instance de Paris avait ordonné à la société Yahoo d'empêcher toutes personne résident en France d'accéder aux sites Web proposant des jeux qui étaient contraires à l'ordre public, cela avait été considéré comme une naissance du « droit de l'Internet »69.

Le juge judiciaire avait aussi fait condamner des sociétés françaises exploitant des jeux autorisés à l'étranger et interdits en France mais accessibles depuis Internet sur le territoire français ce qui avait posé des questions de territorialité.70

Concernant les modalités de blocage des sites Internet des jeux illégaux, lors des débats sur l'adoption de la Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, un amendement prévoyait la possibilité de bloquer directement les sites illégaux par décision administrative comme c'était le cas pour la loi HADOPI.71 Mais la décision du Conseil Constitutionnelle n°2009-580 DC du 10 juin72 avait

Placanica, Affaires jointes, C-338/04, C-359/04 ET C-360/04.

63 Commission Européenne, « Livre vert sur les jeux d'argent et de hasard en ligne dans le marché intérieur », op.cit p. 3.

64 C. Fleuriot, « Renforcement de la lutte contre le blanchiment de capitaux », Dalloz actualité, 13 février 2013.

65 CERT-LEXSI, « Cybercriminalité des jeux en ligne », Lire blanc du CERT-LEXSI, 22 juillet 2006, disponible sur le lien suivant : http://www.lexsi.fr/sites/default/files/publications/livre_blanc_-_cert_lexsi_-_jeux_en_ligne.pdf

66 Idem.

67 A. BAUER, « Jeux en ligne et menaces criminelles », La Documentation française, Paris, 2009, p.14.

68 TGI Paris, ord. Ref., 22 mai 2000, Legipresse, sept. 2000, 174-III-139, note Rojinsky ; D. 2000, IR, p. 172.

69 C. ROJINSKY, « Cyberespace et nouvelle régulation technologie », Recueil Dalloz 2001, p. 844.

70 J. FRANCILLON, « Exploitation des jeux de hasard sur internet », Revue de science criminelle 2008, p. 101.

71 Loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet

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estimé que la possibilité de bloquer administrativement les sites Internet était inconstitutionnelle.73

Suite à ces considérations, les possibilités de blocage de sites Internet illégaux, sont confiées au juge judiciaire.74

Pour pallier à ce problème et résoudre celui de la responsabilité des opérateurs, un décret du 30 novembre 2011 (Décret. N° 2011-2121, Jo 1er janvier) est venu préciser les modalités de blocage des sites internet par les fournisseurs d'accès internet.75

Le blocage des sites internet peut soulever plusieurs problèmes.

Tout d'abord, cela peut constituer une atteinte à la liberté de communication notamment garantie à l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.76 Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision relative la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 201177 avait considéré que le blocage des sites internet sans passer par une autorité judiciaire ne « portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté de communication ».78

Ensuite, le blocage des sites internet peut être contourné par le biais de certains logiciels qui permettent aux utilisateurs internet de s'affranchir des blocages.79

Enfin, en droit international, notamment dans le cadre de l'OMC, des questions se sont posées sur l'interdiction des jeux en ligne. Cette interdiction était contraire aux règles de l'OMC ?

Dans une affaire soumise à l'organe d'appel de l'OMC, l'État d'Antigua-et-Barbuda reprochait à la législation américaine l'interdiction faite aux résidents américains de participer à des jeux en ligne.

Antigua-et-Barbuda estimait que cette interdiction était contraire à l'Accord Général sur le Commerce des Services de 1994.80

72 Conseil Constitutionnel, Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, disponible à l'adresse suivante : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/2009/decisions-par-date/2009/2009-580-dc/decision-n-2009-580-dc-du-10-juin-2009.42666.html

73 « Considérant que, selon les requérants, en conférant à une autorité administrative, même indépendante, des pouvoirs de sanction consistant à suspendre l'accès à internet, le législateur aurait, d'une part, méconnu le caractère fondamental du droit à la liberté d'expression et de communication et, d'autre part, institué des sanctions manifestement disproportionnées ; qu'ils font valoir, en outre, que les conditions de cette répression institueraient une présomption de culpabilité et porteraient une atteinte caractérisée aux droits de la défense ; »

74 Ariane de Guillenchmidt-Guignot , « Contrats en matière de jeux de hasard- Paris- Jeux d'argent », JCP Contrat-Distribution, 2010, p. 72.

75 X. DELPECH, « Modalités de blocage des sites illégaux », Dalloz actualité 10 janvier 2012.

76 L'article 11 de la DDHC dispose : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

77 Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011.

78 C-E. MINET, « Les aspects administratifs de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011 », Droit Administratif n° 5, Mai 2011, comm. 51.

79 A. FILIPETTI, J-F. LAMOUR, « La mise en application de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne », Rapport d'information n° 3463, 25 mai 2011, p. 132

80 Accord Général sur les Commerces de services disponible sur le lien suivant :

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L'organe d'appel de l'OMC a rejeté l'argument de l'État d'Antigua-et-Barbuda et a estimé que la législation américaine n'était pas contraire aux règles de l'OMC.81

En France, la législation applicable au poker en ligne était « inadaptée à l'internet »82. En effet les lois du 21 mai 1836 relative à la prohibition des de loteries, du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard avaient été adoptées avant l'apparition de l'internet et n'appréhendaient donc pas les spécificités des jeux en ligne.

Toutefois, les juges ont estimé que ces lois étaient applicables aux jeux en ligne et ont condamné des sociétés proposant de jeux en ligne sur le territoire français.83

S'agissant des joueurs de poker en ligne résidents en France, eux-mêmes ne sont pas passibles du délit prévu par l'infraction. En effet, l'article 324-1 L'article Code de la sécurité intérieure dispose : « Le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d'un affilié, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. », les joueurs ne participent pas à la tenue de la maison de hasard sauf s'ils en ont été les organisateurs.84 Ils ne peuvent pas être complices au sens de l'article 121-7 du Code pénale.85

Cette solution est applicable aussi aux jeux en dur.86

L'article 2 de la loi n°2010476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne dispose : « Est un jeu de hasard un jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du gain.»

Le poker étant un jeu d'argent et de hasard et surtout réglementé, la question qui se pose est celle de savoir si les revenus tirés des gains du jeu de poker sont-ils des revenus imposables ?

Cette question est d'une importance capitale tout d'abord parce que le Code général des impôts ne définit pas la notion de gains et surtout contrairement à certains pays européens tels que l'Allemagne qui imposent les revenus des jeux de loterie, les revenus des jeux ne sont pas expressément prévus par la loi française.87

Ensuite, si imposition il y a, cette imposition ne peut se faire que sur le fondement de l'article 92 du

http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/26-gats.pdf

81 A. TENENBAUM, « Les jeux d'argent sur l'internet facilité dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce- Réflexions à propos de la décision de l'organe d'appel de l'OMC du 7 avril 2005 », Communication Commerce électronique, septembre 2005, N° 9, étude 31.

82 A. BENSOUSSAN, « Les jeux d'argent sur internet : une réglementation disparate, ancienne et inadaptée de part et d'autre de l'Atlantique », Gazette du Palais, 18 janvier 2007, n° 18, p. 25.

83 CA Versailles, 9ème chambre, 4 mars 2009, Ministère Public contre Part ouche et autres). (RG07/01408).

84 A. BENSOUSSAN, « Le cadre juridique des jeux et paris en ligne », Gazette du Palais, 24 juillet 2008, n° 206, p. 3.

85 L'article 121-7 du Code pénal dispose : « Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »

86 Cass. Crim., 27 février 1957, Bull. Crim 1957, p.204.

87 S. CAMILLIERI, « Les finances publiques et le jeu », Thèse de doctorat en droit public, mention finances publiques et fiscalité, Lyon, Université de Lyon 3, 2008, p.56-57.

Code général des impôts qui dispose : « Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus.»

La question est de savoir si les revenus tirés du poker constituent : « toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus» ?

Puis, en période de crise financière actuelle, le marché des jeux en ligne est un marché en pleine expansion avec des revenus générés de plus de 50 milliards d'euros88, la tendance des États européen est, tout d'abord, de vouloir imposer les revenus perçus par les joueurs. Il en est le cas en France et en Suède lorsque les administrations fiscales effectuent des perquisitions aux domiciles des joueurs de poker afin de déterminer la masse imposable des revenus tirés des jeux de poker.

Certains députés, à l'instar de Yann Galut, souhaitent une imposition des gains tirés des jeux de hasard, y compris les jeux de poker, à hauteur de 15% à partir de 30000 euros.89

Un rapport de l'Assemblée nationale souligne que la fiscalité actuelle est mal adaptée aux jeux en ligne car il y a plusieurs prélèvements effectués sur les opérateurs de jeu et la répartition de ces prélèvements est disparate.90

Enfin, les États veulent lutter contre l'apparition des « cyber paradis fiscaux » qui se développent avec le développement des jeux en ligne.91 En effet, les jeux en ligne, faute d'avoir été harmonisés, les sociétés de jeux en ligne cherchent à tirer meilleur profit de leurs activités en profitant des législations des pays européens ou la fiscalité est moindre et la réglementation des jeux laxistes.92

Afin de mieux comprendre la question de la fiscalité du poker, nous verrons qu'en droit français le principe est la non-imposition des revenus tirés des jeux de poker (première partie). Mais ces revenus peuvent, exceptionnellement, être qualifiés de revenus imposables (seconde partie).

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88 L. IDOT, « Les enjeux du jeu », Actualité de l'Union européenne, Europe n° 4, Avril 2009, repère 4.

89 Y. GALUT, « Question écrite n° 185», Assemblée Nationale, 14e législature, Question publiée au JO le : 23/10/2012 p. 5849

90 A. FILIPETTI, J-F. LAMOUR, « La mise en application de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne », Rapport d'information n° 3463, 25 mai 2011, p. 16

91 N. PONS, « Les jeux de hasard et internet », Gazette du Palais, 17 février 2001 n° 48, p. 54.

92 CERT-LEXSI, « Cybercriminalité des jeux en ligne », op. cit, p.14.

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