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Le principe de la responsabilité de protéger : une issue pour la protection des populations civiles. Cas de la république démocratique du Congo

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par Patience KATUNDA AGANDGI
Université de Kinshasa RDC - Licence en droit international 2010
  

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§.2. L'instrumentalisation du principe

La responsabilité de protéger est de notre point de vue une institution neutre, et un instrument efficace pour résoudre les problèmes de l'heure. Mais sous cette apparence généreuse et désintéressée, le principe est cependant lourd de dangers. L'histoire européenne et occidentale témoigne de conquêtes, des croisades, des génocides, des guerres coloniales, d'exploitation économique et sociale au nom de Dieu, de la civilisation, du développement... Il y a lieu alors de se demander avec Jean-Marie Crouzatier sans être exagérément pessimiste, comment ne pas soupçonner que l'assistance au nom de l'humanitaire repose sur des motifs politiques ou opportunistes187(*) ?

Les interventions à des fins de protection humaine ont parfois caché des motifs moins avouables dans l'histoire de l'humanité, encore que la frontière entre l'humanitaire et le politique est assez souvent floue188(*), il y a fort à craindre que la responsabilité de protéger ne soit qu'un simple instrument pour servir des intérêts égoïstes dans un monde où les Etats ne visent que leurs intérêts. Ainsi le principe peut faire l'objet d'une instrumentalisation politique et militaire.

A. L'instrumentalisation politique

L'humanitaire s'est déjà trouvé instrumentalisé et mis au service de la politique de grandes puissances. En 1999, le bombardement de la Serbie par l'aviation de l'OTAN est une violation du droit international, du droit des nations unies et du droit de l'OTAN : le droit international qui interdit de frapper militairement un État qui n'a agressé aucun autre État ; le droit des Nations unies qui subordonne une initiative militaire à un mandat du Conseil de sécurité ; le droit de l'OTAN qui en fait une alliance défensive chargée de porter secours à un membre faisant l'objet d'une agression189(*).

Certes une intervention rapide aurait dû permettre d'éviter le « nettoyage ethnique » déjà pratiqué par les troupes serbes contre les Bosniaques ; ce ne fut pourtant pas le cas, et cette intervention « humanitaire » n'échappe ni aux interrogations, ni aux critiques. D'abord parce que la stratégie aérienne de l'OTAN voulue par les États-Unis (Zéro mort) a provoqué l'évacuation des 1 300 observateurs de l'OSCE et des ONG basés au Kosovo ; la population albanaise a ainsi été laissée sans défense face à la répression de la police et des milices serbes, ce qui est troublant si l'on considère les buts affichés par l'OTAN : la protection d'une population menacée de déportation et de génocide. Ensuite parce qu'il était évident pour les observateurs que des bombardements destinés à obliger le régime serbe à stopper les exactions et à accepter les accords de Paris auraient un effet inverse, le poussant à durcir son attitude d'autant qu'un consensus s'était formé dans la population serbe pour le soutenir en raison des « dommages collatéraux » considérables causés dans la population civile et parmi les bâtiments civils, ruinant la Serbie et le Kosovo190(*).

Enfin parce que les vraies raisons de cette intervention voulue, décidée et conduite par le gouvernement étasunien sont apparues clairement : refouler la Russie, endiguer la montée en puissance de l'Union européenne, trouver une nouvelle raison d'être à l'OTAN théoriquement condamnée après l'effondrement du bloc communiste... La « catastrophe humanitaire » a été décrétée pour justifier un droit d'ingérence : l'ingérence de la puissance hégémonique à l'égard des plus faibles. Aussi n'est-il pas surprenant que les réactions les plus vives à l'intervention au Kosovo se soient faites entendre dans le Tiers-Monde où elle a été perçue comme l'ultime manifestation de l'impérialisme. La déclaration du sommet du groupe des 77 réuni à La Havane le 14 avril 2000 rejette « le soi-disant droit d'intervention humanitaire qui n'a aucun fondement juridique dans la Charte des Nations unies et dans les principes généraux du droit international public [...] L'assistance humanitaire doit être entreprise dans le strict respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique des États concernés [...] et avec leur approbation ». D'autant que comme la plupart des interventions « humanitaires », celle du Kosovo s'est accompagnée de nombreuses violations flagrantes du droit humanitaire par les forces de l'OTAN191(*).

L'on comprend dès lors comment est-ce que l'humanitaire a été instrumentalisé à cause du relativisme et du subjectivisme qui le caractérise. Ces deux graves dangers guettent aussi la responsabilité de protéger qu'ils peuvent malmener sous la houlette de grandes puissances.

Le premier danger du principe de la « responsabilité de protéger » est donc celui du relativisme : les différentes justifications de l'intervention « humanitaire » mettent en lumière de façon aveuglante la fiction que constitue le principe de l'égalité souveraine des États. La responsabilité de protéger doit s'interpréter au regard des rapports de force internationaux : la décision étant prise par le Conseil de sécurité, le rôle prépondérant qu'y jouent les pays du Nord rend invraisemblable que l'intervention s'applique au territoire de l'un d'entre eux ou dans des régions dénuées d'intérêt à leurs yeux192(*). Parmi ces dernières, celle du Darfour : depuis plus de trois ans, l'action conjuguée des Nations unies et de l'Union africaine n'a pu mettre un terme au drame du Darfour, qualifié de génocide par le gouvernement des États-Unis, de crise humanitaire grave par le secrétaire général des Nations unies.

Mais le déploiement des casques blancs a fait l'objet d'importants retards pour des raisons de capacités défaillantes et de désaccords politiques ; puis leur mandat et leurs moyens sont apparus notoirement insuffisants pour assurer la protection des populations : de l'avis général, l'UA a failli à sa responsabilité de protection. Quant au Conseil de sécurité, l'opposition de la Chine, de la Russie et de ses membres non permanents du Sud a considérablement amoindri l'impact des résolutions proposées par les puissances occidentales. Tout au plus a-t-il décidé en 2005 la création d'une commission d'enquête sur les crimes au Darfour, suivie de la saisine de la Cour pénale internationale, qui apparaissent comme l'aveu d'un échec. Le cas du Darfour prouve que plus de dix ans après le génocide rwandais, le Conseil de sécurité et le secrétaire général qui ont posé la responsabilité de protéger au centre de leur discours ont échoué par absence de volonté à la placer au coeur de leur action193(*).

Le second danger du principe est celui du subjectivisme : les efforts pour imaginer un droit d'usage de la force dans des cas où une aide désintéressée serait indispensable aux populations locales sont louables ; mais comment introduire un tel concept dans le droit international sans tomber dans le piège du subjectivisme ? C'est en effet l'intervenant qui va décider, selon ses propres critères moraux et politiques, en fonction d'une information le plus souvent partielle, qui est la victime dans un conflit interne ; quelle population mérite une intervention, et quelle autre peut attendre... Selon le bon plaisir des États-Unis et/ou des grandes puissances, les violences subies seront qualifiées d'insoutenables pour les Kurdes, mais pas les chiites, les Somaliens mais pas les Tchétchènes, les Bosniaques mais pas les Tibétains ; et les États qualifiés de « voyous » selon des critères variables, pourront à tout moment faire l'objet d'une intervention. Espérons que la création d'un organe stable rattaché au secrétariat général résoudra ce problème194(*).

Certes, la décision est cette fois-ci collégiale dans le cadre des nations unies et non individuelle, mais la pratique récente du conseil de sécurité montre que ses interventions - ou son absence d'intervention au Vietnam et en Afghanistan hier, dans les territoires palestiniens ou au Darfour aujourd'hui - ne sont pas moins subjectives que celles des États pris individuellement ; la seule différence est que la subjectivité est mutilatéralisée et centralisée entre les mains de certains États qui peuvent décider quelle sera la guerre juste195(*). De plus, au nom de l'éthique de « l'extrême urgence », des actions humanitaires armées pourront toujours être menées unilatéralement par certains États en cas de blocage du Conseil de sécurité. Il suffit de considérer le passé récent : la démission du Conseil de sécurité est patente lors de la guerre menée par les États-Unis contre l'Afghanistan depuis 2001, et l'Irak depuis 2003.

Dans le premier cas par exemple, la résolution 1368 adoptée à l'unanimité le 12 septembre 2001 sera considérée par les États-Unis comme légitimant leur intervention en Afghanistan. Les attaques du 11 septembre y sont présentées comme « une menace à la paix et à la sécurité internationales » (référence au chapitre VII de la Charte), et le texte reconnaît « le droit à la légitime défense individuelle et collective ». Or l'utilisation du concept de légitime défense est sans doute exagérée s'agissant d'attaques perpétrées à partir du territoire des États-Unis, par des appareils étasuniens et contre des cibles situées aux États-Unis ; d'autre part la légitime défense cesse dès que le Conseil de sécurité, responsable de la sécurité internationale, prend le relais : ce qu'il n'a jamais fait en Afghanistan196(*).

Si le principe de la responsabilité de protéger n'est pas bien assimilé, ni utilisé a bon escient, sa consécration aboutira à légitimer tous les abus de ce genre, et reviendra à rétablir un système similaire à celui du XIXème siècle où les grandes puissances imposaient leur loi en se réclamant hypocritement des valeurs humanitaires.

C'est vrai que la commission a autant que faire se peut formuler des critères objectifs pour une intervention armée notamment la bonne intention, en cas de crime de guerre, de génocide ou de crime contre l'humanité, l'épuisement des sanctions autres que la force armée. Or chacune de ces conditions est discutable, parce qu'imprécise.

Dans ces conditions, conclu Jean-Marie Crouzatier, on voit mal pourquoi on abandonnerait les règles internationales positives qui postulent la non-intervention dans les affaires intérieures d'un Etat et le non recours à la force, pour consacrer un principe qui va fournir un prétexte aux puissances, et en particulier à la puissance hégémonique, pour violer la souveraineté d'un autre État. C'est leur accorder un droit virtuellement illimité pour renverser les gouvernements accusés de ne pas répondre à leur volonté. D'autant qu'il leur est facile d'user de la force, en particulier sous sa forme technologique, contre des peuples incapables de contre-attaquer197(*).

Certes, l'instrumentalisation du principe est très probable, mais cette position de Crouzatier nous paraît extrêmement pessimiste au delà de la rigueur de sa réflexion et des arguments avancés, il semble négliger quelque problème épineux notamment celui du maque d'un mécanisme juridique adéquat et stable pour mener des interventions à des fins de protection, car ce déficit peut entrainer une paralysie totale même dans le chef de ceux qui veulent bien intervenir pour secourir des populations en danger au delà de toutes les considérations.

En sus, il y a l'effet positif que la possible intervention extérieure surtout si elle est juridiquement valable, crée dans le chef des autorités despotes, oppresseurs et tyranniques. Le cas de la Birmanie et du Soudan en sont des exemples éloquents. Et enfin on e peut pas rester inertes face à des horreurs car le silence devant le mal fait du témoin u complice a dit Marti Luther King.

Et enfin, au regard des conséquences du Rwanda et de Srebrenica, l'on se demande que faire, lorsque le seuil de la juste cause est atteint ou risque d'être atteint alors que le conseil de sécurité ne bouge pas ? Une organisation régionale ou un État individuel ne devraient-ils pas pouvoir intervenir, en dépit de l'inquiétude liée aux risques de dérapages abusifs, si l'on croit raisonnablement que l'action entreprise sera proportionnelle et engendrera des conséquences bénéfiques? La réponse à laquelle nous souscrivons, et qui est partagée

* 187 CROUZATIER Jean-Marie, « La responsabilité de protéger : avancée de la solidarité internationale ou ultime avatar de l'impérialisme », in revue aspect n° 2, 2008, p. 20.

* 188 BIAD Abdelwahab, Droit international humanitaire, Paris, Ellipses, p. 93

* 189 CROUZATIER Jean-Marie, op. cit., p. 21

* 190 Idem

* 191 CROUZATIER Jean-Marie, op. cit., p. 21

* 192 Idem, p. 22

* 193 Ibidem

* 194 CROUZATIER Jean-Marie, op. cit., p. 21

* 195 Idem

* 196 Ibidem, p. 22

* 197 Idem

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