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Le principe de la responsabilité de protéger : une issue pour la protection des populations civiles. Cas de la république démocratique du Congo

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par Patience KATUNDA AGANDGI
Université de Kinshasa RDC - Licence en droit international 2010
  

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B. L'instrumentalisation militaire de la responsabilité de protéger

L'intervention militaire à des fins de protection humaine doit être utilisée dans des cas extrêmes et rarissimes. Depuis deux décennies l'humanitaire-armé se généralise et ce couple a toujours fait couler beaucoup d'encre et de salive.

La convergence entre l'humanitaire et le militaire doit beaucoup à la pratique selon Bernard Kouchner, c'est sur le terrain en Bosnie, au Kosovo, en Somalie et en Afghanistan les humanitaires et les militaires ont appris à travailler ensemble et à collaborer dit-il. Il souligne les similitudes des problématiques auxquelles militaires et humanitaires sont confrontés, la progressive convergence de leurs outils et de leurs pratiques, et enfin les objectifs communs notamment la protection des populations, la paix et la démocratie198(*).

Cette militarisation de l'humanitaire est certes vraie, mais il ne faut pas éluder les stigmates qu'apporte le militaire parce que l'humanitaire armée est d'abord au service de la politique de puissance. En Afghanistan par exemple, en prévision de la campagne de bombardement, les Etats-Unis exigent la suppression des convois humanitaires en provenance du Pakistan et la fin des actions du PAM et des ONG sur le terrain, créant un début de famine dans certaines régions. L'opération militaire impériale est qualifiée « d'humanitaire » puisque les avions larguent successivement des bombes, des colis de vivres et des tracts de propagande. Après l'invasion, les opérations humanitaires restent sous le contrôle étasunien. Cette expérience est sans doute considérée comme positive puisque l'humanitaire est enrôlé à partir de 2002 dans la « guerre contre le terrorisme ». L'USAID exige de la part des ONG l'adhésion explicite à ses principes politiques de lutte contre le terrorisme pour avoir accès à son financement ; bien peu d'ONG refuseront (à notre connaissance, seules Handicap International, AICF et Oxfam) ; les dirigeants états-uniens décident ainsi quels pays et quelles populations méritent de bénéficier d'une aide humanitaire199(*).

Avec l'invasion de l'Irak, l'humanitaire devient une arme : le 17 mars 2003, le président Bush déclare que les États-Unis apporteront une aide alimentaire dans le sillage des opérations militaires, mais à condition que Saddam Hussein soit chassé ; autrement dit, il conditionne la survie de la population à la capitulation du régime ; sur le terrain l'aide est parfois utilisée comme un outil de marchandage, subordonnée à la fourniture d'informations par la population civile (technique expérimentée en Afghanistan). L'armée étasunienne installe au Koweït un « centre des opérations humanitaires » chargé de coordonner la distribution de vivres par les troupes, puis par des sociétés militaires privées, puis par les ONG agréées par le commandement étasunien. Résultat : les opérateurs humanitaires sont perçus par les groupes terroristes comme des supplétifs de la puissance occupante, et deviennent une cible potentielle. Les agressions, enlèvements et meurtres provoquent en 2004 le départ des humanitaires d'Irak ; le CICR poursuit seul sa mission200(*).

Si les militaires nationaux et les forces de paix multinationales sont critiqués par les ONG pour leur empiètement de plus en plus manifeste du terrain humanitaire, la dérive politique de certaines ONG est tout aussi manifeste. Nous sommes bien loin des affirmations d'indépendance par rapport aux États durant les années soixante-dix, et de la volonté de rendre compte des réalités constatées sur le terrain, aussi dérangeantes soient-elles pour les puissances. Mais les ONG n'ont pas le choix, en raison de la part croissante dans leurs budgets de financements institutionnels, et de la pression des bailleurs de fonds publics : l'UE, les États-Unis déterminent les priorités et orientent l'aide, et les ONG doivent volens nolens s'y adapter ; ou elles seront dans l'impossibilité d'obtenir leur part sur le « marché » des crises humanitaires. Les notions d'impartialité, d'indépendance et d'éthique chères au sans-frontiérisme semblent aujourd'hui bien désuètes... C'est ainsi que les bailleurs de fonds décident des sujets à la mode : Droits de l'homme et promotion des femmes, puis plus récemment lutte contre la corruption, et sauvegarde de l'environnement. C'est ainsi que les ONG deviennent leurs prestataires de services, éléments complémentaires des stratégies militaires201(*).

La « convergence » entre humanitaires et militaires n'est donc pas neutre martèle Crouzatier ; elle est au contraire potentiellement dangereuse : d'abord parce qu'il est difficilement concevable qu'une opération militaire se limite à des objectifs strictement humanitaires ; ce serait un « service minimum humanitaire », alors qu'une intervention militaire doit servir à appuyer ou imposer une solution politique. Une puissance qui déclenche une intervention militaire agit systématiquement en fonction d'objectifs politiques et stratégiques qui sont toujours prépondérants par rapport aux mobiles humanitaires proclamés. Et c'est toujours en fonction de ces mobiles prépondérants qu'une action militaire sera menée202(*).

Cette analyse critique de Crouzatier est fondée. Cependant, nous estimons dans une perspective optimiste qu'il faudra envisager l'action militaire de la responsabilité de protéger comme un continuum dans lequel la communauté internationale à un droit de regard, et dont celui qui s'engage doit exécuter les trois paliers du principe dont la reconstruction, troisième palier, est aussi important que les autres. Cette perception de la responsabilité de protéger permettra de diluer certains maux décriés ci-haut.

* 198 KOUCHNER Bernard, interview dans la revue inflexion de janvier-mai 2007, p. 26-29

* 199 CROUZATIER Jean-Marie, La responsabilité de protéger : avancée de la solidarité internationale ou ultime avatar de l'impérialisme, in revue aspect n° 2, 2008, p. 26

* 200 Idem

* 201 Jean-Marie CROUZATIER, op. cit., p. 27

* 202 Idem.

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