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L'indépendance et l'impartialité des arbitres internationaux

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par Julie BOYELDIEU
Université de Nantes - Master II juriste trilingue 2011
  

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Chapitre 2 - UNE EXIGENCE D'INDEPENDANCE ET D'IMPARTIALITE AU NIVEAU NATIONAL ET INTERNATIONAL

84. L'indépendance et l'impartialité sont des exigences fondamentales pour un arbitrage

équitable. Comme nous l'avons démontré précédemment, cela concerne toutes les étapes du processus arbitral. De plus, la garantie d'indépendance et d'impartialité est aussi exigée au sein des différents niveaux de la hiérarchie des normes. La dimension verticale doit être étudiée, puisque comme nous le verrons ci-après, les parties peuvent choisir quelle loi appliquer à l'arbitrage. Conformément au cadre défini pour cette étude, nous comparerons ces exigences d'indépendance et d'impartialité dans le système français et dans le système de Common Law (Section 1). Cela nous conduira à examiner le niveau Européen et international, puisque considérer le droit français et le droit anglo-saxon implique automatiquement de prendre en considération le droit européen et international (Section II).

Section I - L'APPREHENSION DES EXIGENCES D'INDEPENDANCE ET D'IMPARTIALITE DANS LE

DROIT FRANÇAIS ET LE DROIT ANGLO-SAXON

85. L'indépendance et l'impartialité, comme nous avons pu l'établir, sont des points
centraux pour la plupart des institutions internationales d'arbitrage et pour cela dans les règles internationales. Cependant, la question peut se poser dans différents fora.

86. En effet, la base de l'arbitrage vient initialement de la convention d'arbitrage. Celle-ci
sera importante lors de l'arbitrage pour deux raisons : le contrat soumet le litige à l'arbitrage, interdisant les recours devant les tribunaux étatiques ; et deuxièmement, il détermine la juridiction compétente pour l'arbitrage.

87. La détermination de la juridiction compétente dans la convention d'arbitrage est
changeante d'un contrat à un autre. Aucune forme stricte n'est requise pour la convention et la détermination de la juridiction compétente n'est pas nécessaire. Par ailleurs, le contrat peut désigner la loi applicable au litige.

88. Il est important de distinguer la loi applicable au contrat lui-même qui lie les parties
entre elles, et la loi applicable à la Convention d'arbitrage, qui est le plus souvent conclu séparément. Dès lors, la loi applicable au contrat principal peut être différente de la loi applicable à la Convention d'arbitrage, en raison de l'autonomie des parties ou d'éléments concrets reliant les deux contrats à des lois différentes, en l'absence de loi applicable désignée.

89. Lorsque les parties n'ont pas prévu la loi applicable à leur contrat et/ou à leur
arbitrage, il peut arriver que dans le cas de la remise en cause de la convention d'arbitrage, le conflit de loi quant à la loi à appliquer pour déterminer l'existence ou non de la convention d'arbitrage sera réglé conformément à la loi du Tribunal arbitral. Cependant, la

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vision anglaise de ce point est différente, puisque les Anglais sont enclins à considérer que si aucun choix de loi n'a été fait dans la Convention d'Arbitrage, et si aucune mention expresse ne l'interdit, le choix de loi applicable du contrat principal sera étendu à la Convention d'arbitrage.49

90. Même si la détermination de la loi applicable aux procédures arbitrales est une
question intéressante50, notre présentation du choix de loi applicable se limitera aux points mentionnés, et nous allons étudier les cas où la loi a été désignée comme applicable est loi française ou celle d'un pays de droit anglo-saxon. Cela nous permettra de comparer ces deux ordres juridiques concernant l'approche des exigences d'indépendance et d'impartialité par les cours nationales et les législations nationales.

91. La Constitution française proclame dans son article 64 l'indépendance de la justice en
général. Concernant l'arbitrage, les règles du système français sont codifiées dans le Code de Procédure Civile, qui a été révisé par un Décret du 13 janvier 2011. Alors dispose de règles sur l'arbitrage interne dans les articles 1442 à 1503, l'arbitrage international est, quant à lui, organisé dans le Titre second, de l'article 1504 à 1527.

92. Depuis janvier 2011, les exigences d'indépendance et d'impartialité sont visées par
l'article 1456 pour l'arbitrage interne. En arbitrage international, même s'il est procédé par renvoi aux règles concernant l'arbitrage interne, il n'y a aucune mention de l'exigence d'impartialité et d'indépendance dans les règles internationales françaises d'arbitrage.

93. Néanmoins, c'est un principe généralement accepté dans la tradition légale française
et la jurisprudence* française, même si elle n'a pas l'effet de stare decisis* propre au système anglo-saxon de la Common Law, donne une importance relativement importante à l'indépendance et à l'impartialité dans de nombreuses décisions. Dès lors, la Cour d'Appel a énoncé dans l'arrêt Etat du Quatar c/ Sté Creighton51 que l'indépendance et l'impartialité sont : « l'essence de la fonction juridictionnelle, exclusive par nature de tout lien de dépendance à l'égard notamment des parties et de tout préjugé »

94. Par ailleurs, les juridictions françaises, exigent l'indépendance et l'impartialité des
arbitres non seulement envers les parties, mais aussi envers leurs conseils. Cette extension de l'exigence pour l'arbitrage interne a été consacrée notamment par une décision de la Cour d'Appel, aussi connue sous le nom de l'arrêt Tecso. 52 En l'espèce, l'arbitre n'avait pas respecté son obligation de révélation, en n'informant pas les parties de sa relation avec le cabinet d'avocats Freshfields, puisque le conseil de l'une des parties appartenait au même cabinet d'avocats, tout en agissant indépendamment. La Cour d'Appel a décidé que la non-

49 F. RUSSEL, «Russel on arbitration», 23rd Edn, Sweet and Maxwell, 2007

50 Pour plus d'informations sur la loi applicable à la Convention d'arbitrage, cf. A.V. DICEY, «Dicey, Morris and Collins on conflict of laws», 14th Edn, Sweet and Maxwell, 2006.

51 Cass. 1ère Civ., 16 mars 1999, Rev. Arb. 1999. 308, Etat du Quatar c/ StéCreighton.

52 CA Paris 10 mars 2011, Arrêt Tecso, RG 09/28537.

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révélation était de telle nature qu'un doute raisonnable à propos de l'indépendance et impartialité de l'arbitre était raisonnable. Il y a fort à penser que ce cas entrainera des conséquences, et il sera important à l'avenir de voir si la Cour étendra cette interprétation aux arbitrages internationaux.

95. Comme le prévoit le Code Civil français, le Juge d'appui* est le juge compétent pour
le règlement des litiges relatifs à l'arbitrage, tels que les procédures de désignation, les litiges sur la constitution du tribunal ou encore l'indépendance et l'impartialité du tribunal arbitral. De plus, la Cour de Cassation a étendu le pouvoir du Juge d'appui lorsqu'elle a décidé qu'un juge, appelé pour un litige relatif à la désignation de l'arbitre, n'a pas surpassé ses pouvoirs lorsqu'il a examiné l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre désigné par la partie adverse.53

96. D'une part, une décision de la Cour de Cassation française nous donne une des
caractéristiques importantes de l'arbitrage international.54 Il est statué que le fait pour un arbitre d'avoir précédemment administré en tant qu'arbitre à propos d'une dispute entre l'une des parties et un des sous contractants de cette même partie n'est pas une atteinte à son impartialité, tant que la dispute ne concerne pas la relation de la société avec l'autre partie au litige. Cela confirme bien le fait qu'un arbitre, une fois désigné par les parties, n'est pas dépendant de l'autre partie. Ainsi, une précédente désignation n'est pas un signe de partialité en soi. De plus, cela montre aussi que l'arbitre n'est pas obligé de révéler une telle relation antérieure.

97. D'autre part, une autre caractéristique essentielle de l'exigence d'indépendance et
d'impartialité est donnée par une autre décision de la Cour de Cassation55, concernant la conformité à ces exigences dans le cas où l'arbitre est impliqué dans un arbitrage parallèle. Il avait été constaté qu'ipso facto, ce n'était pas un manque d'impartialité. Cependant, le principe du contradictoire implique que l'information issue de l'arbitrage parallèle devait être divulguée aux parties, dans le but de leur donner le droit de répondre avec des contre-arguments. Dans cette situation particulière, l'arbitre était malhonnête de surcroit, et il avait été décidé qu'en raison de la fraude et de la violation des droits de la défense, la sentence ne sera pas reconnue, conformément à la Convention de New York, puisque c'était une atteinte à l'Ordre Public français.

53 Cour de cassation, Civ. 1ère, 20 juin 2006, n° 05-17019, commentaires : G. CHABOT, "L'exacte étendue des pouvoirs du juge d'appui", JCP Général, 2006, n° 39, 27 septembre, Jurisprudence, p. 1806 à 1808 et "Le juge d'appui qui désigne un arbitre peut assortir la désignation d'une mesure propre à favoriser la confiance des parties", Semaine juridique édition générale, 2006, n° 46, 15 novembre, chronique de droit de l'arbitrage, p. 2098

54 E. LOQUIN, « La désignation d'un arbitre dans un arbitrage antérieur par l'une des parties ne porte pas atteinte à son indépendance. », RTD Com 1999, p 850 (TGI Paris, 22 February 1998, unpublished, SARL SuperCham c/ M. X ; Cass. 1ère Civ., 16 March 1999, Rev. Arb. 1999. 308, Etat du Quatar c/ StéCreighton)

55 J.C. DUBARRY, Cass. Civ., 24 mars 1998, Sté Excelsior Film TV c/ Sté UGC-PH, Bull. Civ. I, n° 121, RTD Com 1998 p 837.

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98. Finalement, concernant les règles arbitrales internationales, on peut noter que les
tribunaux français ont été peu enclins à laisser de côté des sentences arbitrales pour manque d'impartialité et d'indépendance, et préfèrent dès que possible recourir au dessaisissement de l'arbitre.

99. Après avoir souligné les caractéristiques des règles françaises d'arbitrage, il est
nécessaire de pouvoir les comparer à l'ordre juridique anglo-saxon, en particulier avec les règles et les statuts. Même si l'impartialité avait déjà été assurée par l'Arbitration Act 195056, il n'était pas fait état de l'indépendance jusqu'à l'Arbitration Act 199657 qui a énoncé que l'arbitre doit agir équitablement et impartialement et donner à chaque partie la possibilité de se défendre et de mener à bien son cas face à la partie adverse. 58 De plus, une partie peut saisir les juridictions si des circonstances apparaissent et donnent lieu à un doute légitime sur son impartialité.59

100. Le système de Common Law fonctionne sur le principe du précédent. De ce fait, la jurisprudence lie les tribunaux inférieurs à la juridiction qui rend la décision. C'est pour cela qu'il convient d'étudier les cas les plus importants en matière d'arbitrage international, puisque ces arrêts sont une véritable source de droit.

101. La particularité des règles anglaises d'arbitrage concerne le test du parti pris. Dans le
cas AT&T Corporation v Saudi Cable Co60, le système du test a été appliqué à un arbitrage gouverné par le Règlement d'arbitrage de la CCI. Se soumettre au test61 est devenu une partie inexorablement liée à déterminer si les exigences d'indépendance et d'impartialité ont été respectées ou non. De plus, le test anglo-saxon du parti pris est applicable à l'arbitrage exactement comme il l'est pour les procédures étatiques. C'est l'arrêt R v Gough qui avait introduit cet élargissement pour la première fois, puisqu'il avait énoncé qu'il devait en être de même pour tous les cas de parti pris, que ce soit avec des juges, des membres des tribunaux inférieurs, des jurés ou des arbitres.62

56 English Arbitration Act 1950, chapter 27 14 Geo 6

57 English Arbitration Act 1996, chapter 23, 17 June 1996

58 Section 33 (1) (a) of English Arbitration Act 1996, chapter 23, 17 June 1996

59 Section 24 (1) (a) of English Arbitration Act 1996, chapter 23, 17 June 1996

60 AT&T Corporation v Saudi Cable CO, APP.L.R 05/15, 2000.

61 K. QURESHI, «Passing the bias test », 5 May 2006, New Law Journal 2006, Vol 156 No. 7223 Pages 744-745.

62 R v. Gough, 1993, AC 646, UKHL 1.

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102. Par ailleurs, la décision adoptée dans le cas récent de Jivraj v Hashwani63 a établi une distinction entre l'arbitrage et l'emploi. Dans cette espèce, la convention arbitrale prévoyait une exigence pour l'arbitre d'être de la communauté Ismaili, et dans les faits, un arbitre non Ismaili avait été désigné. Cet Appel contestant la désignation de l'arbitre avait été considéré comme recevable, au motif que l'exigence relative à la religion dans cette clause d'arbitrage n'avait pas à se conformer à l'exception de « genuine occupation requirement »64, c'est-à-dire aux exceptions prévues à la loi anti-discrimination lors d'un emploi. En effet cette exigence religieuse imposée par les parties est une manière de construire une relation de confiance dans le processus arbitral, permettant d'éviter des doutes quant à la partialité de l'arbitre en raison de son appartenance à autre communauté.

103. Enfin, il est important de mentionner que la High Court of Justice du Royaume Unie a établi la possibilité de suspendre les procédures devant les cours étatiques si des procédures arbitrales se déroulent hors du Royaume-Uni entre des parties liées, même différentes65. Dans l'espèce qui était en cause, le plaignant ne faisait pas confiance au système juridique étranger notamment concernant l'indépendance et l'impartialité du tribunal arbitral. Cependant, conformément à la Convention de New York, le Queen's Bench (chambre de la High Court of Justice) a pris la bonne décision, à savoir que l'appel du plaignant a été rejeté, en respect de l'exécution des sentences arbitrales étrangères et de la confiance dans le tribunal arbitral étranger, si les preuves apportées dans leur ensemble ne sont pas suffisantes pour persuader la Cour que le Distributeur [le plaignant] serait vraiment désavantagé s'il soumettait son cas à la KCAB *Korean Commercial Arbitration Board+ ou ne recevrait pas une audience équitable et réelle.66

104. Les approches des systèmes civilistes et de la Common Law semblent donc bel et bien exiger l'indépendance et l'impartialité des arbitres. Cependant, le système français tend à déterminer principalement l'étendue de ces garanties et le cadre légal de l'indépendance et de l'impartialité, alors que le système de Common Law cherche à concentrer ses efforts sur la mise en place d'un test, dans le but de vérifier si ces exigences sont respectées. Néanmoins, même si ces deux ordres juridiques ont des mécanismes différents, les dernières décennies ont mis en évidence un vent d'unification dans le sein de l'Union Européenne et du droit international, comme nous allons pouvoir le constater.

63 Jivraj v Hashwani, 2011, UKSC 40, comments : R. CRASNOW , «Making light work», Solicitors Journal S.J, 2011,

Vol.155 No 30, page 9 and comment of 27 July 2011 :
http://www.solicitorsjournal.com/story.asp?sectioncode=2&storycode=18756&c=1&eclipse_action=getsession

64 Regulation 7, Employment Equality (Religion or Belief) Regulations 2003.

65 Ssangyong motor distributors Ltd v (1) Daewoo Cars Ltd (2) Daewoo Corporation, 23 May 1999, QBD (Wright J).

66 «the evidence as a whole was not sufficiently cogent to persuade the court that Distributors [the plaintiff] would be under any real disadvantage in presenting their case to the KCAB [Korean Commercial Arbitration Board] or would not receive a fair and proper hearing.», Ssangyong motor distributors Ltd v (1) Daewoo Cars Ltd (2) Daewoo Corporation, 23 May 1999, QBD (Wright J).

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