WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'indépendance et l'impartialité des arbitres internationaux

( Télécharger le fichier original )
par Julie BOYELDIEU
Université de Nantes - Master II juriste trilingue 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section II - UNE GARANTIE EUROPEENNE ET INTERNATIONALE :

LE DROIT AU PROCES EQUITABLE

105. De nos jours, le Droit au Procès Equitable fait partie intégrante des droits fondamentaux des individus. De nombreux ordres juridiques ont transcrit ce droit fondamental qui vient originellement des ordres juridiques Européen et international.

§ 1. LA CONVENTION EUROPEENNE POUR LA PROTECTION ET LA

SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME (CEDH)

106. La Convention Européenne pour La Protection et la Sauvegarde des Droits de l'Homme (CEDH) est une des conventions européennes à laquelle il est le plus fait appel par les citoyens. Elle est entrée en vigueur le 3 septembre 1953.67 Son article 6 garantit le droit à un procès équitable pour chacun et plus particulièrement dans le paragraphe (1) le droit à un tribunal indépendant et impartial.

107. La CEDH a été incorporée dans la plupart des lois nationales par des mesures de transposition ou de ratification. Le premier Etat à ratifier la CEDH était le Royaume Uni en 1951, et le Human Right Act 199868 permet de donner un effet domestique plus effectif, en facilitant l'accès des individus à la Cour anglaise. La France, au contraire, a ratifié la CEDH en 1974 uniquement, même si la Cour est basée à Strasbourg.

108. Aucune référence à l'arbitrage n'est faite ni dans la CEDH, ni dans les travaux préparatoire*. Dès lors, il convient de s'interroger sur la possible extension de l'article 6 aux tribunaux arbitraux. Il est très compréhensible que la mention de tribunal « établi par la loi »69 est peu compatible avec le tribunal arbitral, puisque celui-ci est établi par la volonté des parties à travers la convention arbitrale. De plus, il est difficile d'appliquer à l'arbitrage la publicité des procédures puisque l'arbitrage est, par principe, une justice privée destinée à rester confidentielle la plupart du temps.

109. Pourtant, même si l'applicabilité directe de cet article à l'arbitrage ne semble pas explicite, les juridictions nationales invalideraient de toute façon une sentence ne respectant pas l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre, pas nécessairement sur le fondement de la violation de l'article 6, mais pour une violation de l'Ordre Public.70 De plus, certains auteurs ont montré que si l'arbitrage n'est pas directement concerné par cet article, ce principe doit servir d'inspiration à la justice privée71 tout comme à la justice publique. Tôt ou tard, l'arbitrage devra se conformer à cet article puisque, dans les faits, la remise en cause

67 Signée à Rome le 4 novembre 1950 par les Etats-membres du Conseil de l'Europe.

68 Human Rights Act 1998, 1998, Chapter 42, 9 November 1998.

69 Article 6 (1) of ECHR.

70 P. COURBE, « L'indépendance et l'impartialité de l'arbitre », Recueil Dalloz, 1999, p 497.

71 C. JAROSSON, « l'arbitrage et la Convention Européenne des Droits des l'Homme, Rev. Arb. 1989, p.573.

J. BOYELDIEU Page 35

L'indépendance et l'impartialité des arbitres internationaux

potentielle des sentences par les cours nationales imposera petit à petit le respect de ces exigences.

110. Même si la Commission Européenne des Droits de l'Homme72 et la Cour Européenne des Droits de l'Homme ont apporté de nombreuses réponses autour de la relation entre l'arbitrage et la CEDH, il a fallu attendre avril 2008 pour déterminer si un tribunal arbitral est nécessairement tenu de respecter la CEDH.

111. Dans la plupart des cas, il a été considéré que la clause arbitrale est une renonciation aux droits garantis par la CEDH, et par exemple dans X c/ République fédérale d'Allemagne73, la requête d'une des parties avançant une violation de l'article 6 (1) a été déclinée sur le fondement qu'une convention arbitrale était une renonciation aux droits de la CEDH. Cependant, la Commission de Droits de l'Homme distingue l'arbitrage volontaire et l'arbitrage obligatoire. En effet, l'arbitrage obligatoire peut être considéré comme contraire à l'article 6, comme il avait été décidé dans l'affaire Bramelid and Malmstrom v Sweden.74

112. Le 3 avril 2008, dans l'affaire Regent Company v. Ukraine75, la Cour Européenne des droits de l'Homme a retenu que le tribunal arbitral était une « cour établie par la loi », comme défini à l'article 6, même s'il n'a pas nécessairement le statut d'une cour d'état traditionnelle. Dans le 54ème paragraphe de ce cas, la Cour a estimé ce qui suit :

«Article 6 does not preclude the setting up of arbitration tribunals in order to settle disputes between private entities. Indeed, the word "tribunal" in Article 6 § 1 is not necessarily to be understood as signifying a court of law of the classic kind, integrated within the standard judicial machinery of the country [...]. It further considers that the Arbitration Tribunal was a "tribunal established by law", acting in accordance with the 1994 International Commercial Arbitration Act and internal procedural rules. [...] Under the 1994 Arbitration Act and section 3(1) of the Enforcement Proceedings Act, the Arbitration Tribunal's award is treated as equivalent to an enforceable court judgment.»

113. En effet, la Cour a estimé que le tribunal arbitral international a été établi
conformément aux lois nationales, et pour c'est pour cette raison que la sentence devait être considérée comme équivalente à un jugement étatique. De plus, il est important de considérer cette affaire lorsque l'on cherche à définir les rapports entre l'arbitrage et la CEDH, et aussi en raison du fait qu'elle étend la protection donnée à l'article 1 concernant la

72 La Commission Européenne des Droits de l'Homme était l'entité qui, avant l'entrée en vigueur du Protocole n°11 (1er novembre 1998), examinait les requêtes des individus, et lorsque celles-ci étaient fondées, ouvrait un cas la Cour pour le compte des individus.

73 X v République fédérale d'Allemagne, 5 mars 1962, 5 Annuaire de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 1962, Rec 8, 68.

74 Commission Européenne, Bramelid and Malmstrom v Sweden, 28 Décisions et rapports 18, 1983.

75 Cour Européenne des Droits de l'Homme, 5ème Section, Regent Company v Ukraine, Application no. 773/03, 3 April 2008.

J. BOYELDIEU Page 36

L'indépendance et l'impartialité des arbitres internationaux

possession au tribunal arbitral exactement de la même manière que pour une décision étatique finale.76

114. L'affaire Regent Company v Ukraine s'intéresse pour la première fois aux rapports entre l'arbitre et l'article 6 de la CEDH. De nombreux commentateurs de cette décision souhaitent que la solution retenue en l'espèce devienne décisive en arbitrage international.77

115. En ce qui concerne l'indépendance et l'impartialité des arbitres, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a connu deux affaires importantes78, et a refusé dans ces deux cas de prendre une décision, puisque les litiges devaient être réglés selon les règles arbitrales applicables.

116. La Cour Commercial Anglaise a considéré que « lors de l'exercice de son rôle de supervision sur les processus arbitraux, elle n'est pas à l'abri des tentacules du Human Right Act 1998 »79 Cependant, en refusant d'ouvrir un appel contre une sentence arbitrale, le juge n'est pas tenu d'énoncer en totalité ses raisons, comme préconisé par l'article 6 de la CEDH.80 De plus, la Cour d'Appel anglaise a décidé dans l'affaire Kazakhstan v Istil Group Inc81 que la restriction aux droits d'Appel prévue par la Section 67 (4) de l'Arbitration Act 1996 était compatible avec l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

117. Concernant la Cour de Cassation française, l'appréciation de l'article 6 semble
différente selon que l'on considère sa jurisprudence ou celle de la CEDH. La Cour de Cassation, en considération de l'article 6, avait apprécié l'indépendance de l'arbitre de manière objective.82 Cependant, selon la jurisprudence de la CEDH, l'impartialité est appréciée par une méthode subjective, en déterminant la conviction personnelle du juge, et en parallèle par une méthode objective, en apportant les preuves que l'arbitre n'était pas partial. Le juge est considéré comme impartial tant que la partialité est prouvée.

76 Paragraphe 61, Regent Company v Ukraine, op. cit. n°Erreur ! Signet non défini..

77 P. I. BYELOUSOV, « Ukraine: The Judgment of the European Court of Human Rights in the Case "Regent Company v. Ukraine": Prospects of Further Practice in Cases Related to International Commercial Arbitration », 24 January 2011, http://www.mondaq.com/article.asp?articleid=120516

78 Commission Européenne des Droits de l'Homme, 27 Novembre 1996, Nordström-Janzon v The Netherlands, DR. 87-B, 112 et Cour Européenne des Droits de l'Homme, 23 février 1999, Osmo Suovaniemi and others v Finland.

79 J. D. M. LEW, L. A. MISTELIS and S. M. KROLL, 5-73, op. cit. n° Erreur ! Signet non défini..

80 Mousaka Inc v (1) Golden Seagull Maritime Inc (2) Golden Seabird Maritime Inc, QBD (Comm. Ct.), 30/7/2001, (2002) 1 WLR 395, (2002) 1 All ER 726, (2001) 2 Lloyd's Rep 657, (2001) CLC 1716, Times, October 3, 2001.

81 Kazakhstan v Istil Group Inc, CA Civ Div, 25/4/2007, LTL 22/5/2007, (2007) 2 Lloyd's Rep 548, (2008) Bus LR 878.

82 Cour de Cassation, Civ 1ère, 28 avril 1998, Bull. Civ. I, n°155, D1998, IR p. 131, RTP civ. 1998, p. 744, obs. R. Perrot.

J. BOYELDIEU Page 37

L'indépendance et l'impartialité des arbitres internationaux

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote