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Quel est l'impact de la précarité sur la famille et sur l'enfant?

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par Romain CORDIER
Haute Ecole en Hainaut de Tournai - Educateur Spécialisé 2015
  

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III. REALITE DU TERRAIN :

Je dois, avant de continuer mon développement, énoncer un postulat terriblement logique, mais qui trouvera sa légitimité par la suite : avant d'éduquer ses enfants, les parents ont, eux aussi, été éduqués. Je veux dire ici, que dans la plupart des cas, les enfants suivent les mêmes chemins que leurs parents. Faute d'ouverture sur le monde, ou de moyens pour sortir de la spirale de leurs géniteurs, les enfants plongent dans le système qui les sécurise le plus : celui qui a été implanté par leurs parents. Quoi de plus normal d'ailleurs ? A mesure que les années passent, le mode de vie familial devient la norme pour l'enfant, et ce, dans n'importe quelle situation. Aussi vrai que la violence des parents fait souvent des enfants violents.

En entretien, je discutais avec un parent de son passé, de son enfance, et en parlant de sa relation avec ses propres parents, il me disait qu'étant petit, il s'était juré de faire tout son possible pour ne pas être dans le besoin, et pouvoir faire tout ce dont il avait envie. Mais sa paternité précoce lui a vite fermé les portes qu'il s'était imaginé pouvoir ouvrir, le forçant à quitter ses études pour s'occuper des jumeaux. Je lui ai alors demandé si ses parents l'avaient aussi eu tôt, et la réponse fut « oui ».

On voit ici clairement, la reproduction du schéma parental par l'enfant, car le « bain » de valeurs et de normes dans lequel nous baignons petit, ne nous quitte jamais. Evidemment, tous les enfants ne suivent pas forcément les mêmes sentiers que leurs parents, certains s'émancipent, d'autres se rebellent, mais dans les familles pauvres, la solidarité familiale est souvent l'un des premiers principes. Ainsi, les enfants restent très proches de leurs parents et à long terme, géographiquement et affectivement. Et être solidaire, c'est aussi suivre le même modèle.

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Je ne parle pas ici d'influence parentale au niveau de la personnalité de l'enfant, je crois d'ailleurs que la principale influence reste celle des pairs (camarades de classes et autres), mais plutôt d'un héritage de parcours. En somme, les difficultés que cumulent les parents que j'ai rencontré, sont, bien souvent, héritées de leurs parents eux-mêmes. L'éducation qu'ils ont reçue, les normes, et les valeurs qui leur ont été transmises sont autant de composantes de la reproduction des inégalités : le manque de moyens, des conditions de vie difficiles, constituent des obstacles supplémentaires, par exemple, dans la réussite scolaire et la future intégration professionnelle de l'adulte en devenir.

Au travers de mon questionnaire aux parents, et notamment des phrases « d'accord ou pas d'accord », j'ai pu observer quelques résultats intéressant sur la vision qu'ils ont de leur rôle parental. Par exemple, sur les dix parents interrogés, 100% sont d'accord avec le fait qu'un enfant a besoin d'un cadre stable pour se développer convenablement. Mais paradoxalement, 60% pensent qu'un parent doit le plus souvent dire « oui » que « non » à son enfant. Quid de la stabilité dans ce cas-là ?

En confidence, certains parents m'ont avoué être parfois dépassés par l'acharnement des médias poussant les enfants à devenir de parfaits petits consommateurs dès le plus jeune âge, et à demander toujours plus de gadgets technologiques et d'habits de marques. Ce qui va de pair avec l'évolution de notre société, qui tend vers la consommation à outrance. Et il est logique qu'un enfant issu de milieu pauvre (je ne dis pas enfant pauvre, mais de pauvres, car issus de parents sans emploi ou mal rémunérés), allant à l'école publique où ses camarades sont, pour la plupart, dotés des derniers GSM à la mode, demandent la même chose. Pourquoi n'auraient-ils pas le droit de leur ressembler, et de jouir des mêmes biens ? La réponse est encore la pauvreté.

2. LEUR PROPRE VISION DU ROLE DE PARENT :

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Sachant qu'un Smic à mi-temps (565 euros net par mois) n'atteint pas le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian (828 euros)20, comment des parents peuvent-ils céder à tous les désirs de leurs enfants sans devoir laisser de côté les repas du soir, ou le week-end prévu dans les Ardennes ? Et bien souvent, c'est ce qu'il se passe. Combien d'enfants ais-je croisé, pantalon décousu, sweat trop grand, chaussures trouées, avec un GSM à 400 euros dans les mains. C'est manifestement un manque d'influence sur l'enfant, ou encore une façon de céder aux caprices, ou de leur procurer un outil qui fera qu'ils se sentent égaux aux autres camarades.

Ainsi, 50% des parents interrogés avouent ne pas avoir assez d'influence sur leur enfant, alors que 80% pensent qu'un parent qui a dit « non » à son enfant, ne doit pas revenir sur sa décision. Il y a ici un paradoxe intergénérationnel, où les parents d'hier ne comprennent plus les enfants d'aujourd'hui, où poser un cadre stricte relève de l'impossible. Et cette idée est d'autant plus renforcée dans les milieux pauvres.

Enfin, une chose que j'ai pu observer au travers de mes questionnaires, c'est une différence considérable entre la perception de la démonstration de l'amour des parents envers l'enfant, et ce que ressent l'enfant véritablement. En effet, 90% des parents interrogés avouent démontrer à leurs enfants qu'ils font attention à eux, alors que 37,5% des enfants interrogés indiquent que leurs parents ne leurs montrent pas souvent qu'ils les aiment.

En discutant avec les enfants, je me suis rendu compte que les seuls démonstrations d'amour qu'ils recevaient de leurs parents, étaient qu'ils leur faisaient à manger, où qu'ils les habillaient avant l'école. Et c'est en majeure partie les enfants issus de familles monoparentales qui sont concernés. Je peux relever ici les difficultés qu'ont les parents seuls à jongler entre les différentes tâches qui leur incombent : lever les enfants, préparer les repas, les emmener à l'école, allé travailler, revenir les cherches, etc. S'ajoute à tout cela, la nécessité de jouer les rôles d'autorité et d'affection en même temps. C'est presque mission impossible.

20 http://www.inegalites.fr/spip.php?page=article&id_article=2031

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Je viens d'exposer ici les différences qui existent et persistent en terme d'idéaux d'éducation et de réalité du terrain. Certains points sont d'une logique implacable, alors que d'autres sont difficilement explicables. Mais une chose est sûre, les parents influencent, intentionnellement ou non, le parcours de leur enfant. L'héritage de la pauvreté, et la reproduction des erreurs parentales, sont autant d'entraves au développement social de l'enfant.

Mais quels sont réellement les impacts que toutes ces difficultés peuvent engendrer sur l'enfant ?

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D. L'IMPACT DE LA PRECARITE SUR L'ENFANT :

Quand on parle de pauvreté, on parle rarement d'eux, les enfants. On se penche sur les difficultés financières des parents, sur leur chômage, sur les problèmes rencontrés par les familles monoparentales, et bien d'autres choses.

Mais que sait-on véritablement de la vie quotidienne des enfants, de leurs inquiétudes, du regard que leurs pairs portent sur eux, de leurs rêves déjà occultés ? Que sait-on de leur manque d'affection, de cette enfance qui devraient leur laisser le temps de se construire, de jouer, d'apprendre, et qui les plongent tout petits, sans armes, dans une réalité qui, souvent, les abîme ? Que sait-on de la honte ressentie, de la dégradation de l'image des parents sans travail ? Et de leur avenir déjà assombri ?

I. REPRESENTATION NEGATIVE D'EUX-MEMES :

Beaucoup d'enfants et de jeunes adolescents que j'ai pu rencontrer à la Maison de Jeunes souffraient d'une représentation fortement négative d'eux-mêmes : « Pas capable de... », « Pas assez intelligent pour... », « Pas assez bien pour... ». Ce qui témoigne d'un véritable déficit de leur propre représentation.

« Des images qui, d'ailleurs, ne sont pas toujours les leurs, mais le fruit du discours que leur renvoient certains adultes, parents, éducateurs, ou professeurs. Et qu'ils finissent par intégrer et à s'approprier, au point de les revendiquer comme leur identité, et même parfois, avec une certaine fierté. La pression des adultes, et particulièrement des parents et des

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groupes sociaux est forte, et l'enfant y est particulièrement sensible, car vulnérables aux remarques dépréciatives. »21

J'ai aussi pu remarquer l'existence d'un conflit intergénérationnel entre les jeunes de la cité du Luchet d'Antoing et les adultes qui y vivent. Ils sont souvent considérés comme des « bons à rien », « paresseux », « délinquants », « vulgaires ». Autant de qualificatifs qui leur sont régulièrement attribués, et qui ternissent l'image globale qu'ils ont d'eux-mêmes, et qu'ils renvoient, inconsciemment au début, puis consciemment par la suite.

J'ai notamment relevé des sentiments de honte et d'indignité chez certains enfants. Lorsque je demande à une petite fille de 8 ans pourquoi elle a une paire de botte en taille 39, et qu'elle me répond : « c'est parce que maman elle dit que mon pied va grandir... ». C'est plus simple, et moi incriminant pour la mère que de répondre : « c'est parce que maman n'a pas assez de sous, alors je prends les siennes ». Je rappelle que 25% des enfants interrogés n'ont pas de vêtements adaptés à leur taille et en bons états.

Ces situations arrivent tellement souvent, et sur tellement de plans différents. Et je sais combien ces enfants attendent du regard des autres, et surtout des adultes, combien ils ont besoin d'être valorisés, et de développer leur estime de soi. Car ces représentations subjectives peuvent avoir des conséquences dommageables pour des enfants en pleine construction de leur identité. Elles freinent la possibilité pour eux de trouver leur place, et diminuent leurs chances de participer à la construction de l'avenir de leur société.

Car ne nous voilons pas la face, les enfants ressentent très bien les différences qu'ils ont entre eux, et notamment sur le plan matériel. Ainsi, 50% des enfants interrogés pensent que tous les enfants de leur école n'ont pas les mêmes chances de réussir dans la vie. Une prise de conscience considérable quand on sait que ce sont eux qui ont le moins de facteurs de réussite entre les mains.

21 Plan d'action quadriennal 2013-2016 de la Maison de Jeunes « Port'Ouverte ».

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway