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Impacts environnementaux des réfugiés autour des zones conflictuelles en Afrique de l'ouest

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par Abdoulaye DIALLO
Université Ouaga I Pr Zoseph KI-ZERBO - Master II recherche (Gestion des Ressources Naturelles) 2015
  

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CHAPITRE IV : LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES DE
CONFLITS EN AFRIQUE DE L'OUEST

L'arrivée et la présence prolongée des réfugiés dans certains pays ouest africains tels la Guinée, le Ghana et le Burkina Faso, a sans aucun doute augmenté les exigences vis-à-vis de l'environnement. Le risque environnemental représenté par l'arrivée soudaine de ces milliers de réfugiés dans ces pays d'accueil fut une préoccupation pour la Communauté Internationale et les différents gouvernements. Des études générales visant à évaluer l'impact environnemental des réfugiés furent menées (BLACK R, 1994 ; JACOBSEN K, 1997). Toutefois, l'intérêt des différentes études avant l'an 2000 était axé sur les concentrations de réfugiés en milieu rural et leur impact possible sur l'environnement. Les impacts des réfugiés en zone urbaine sont moins connus et étudiés, aussi bien par les gouvernements que les différents acteurs humanitaires impliqués auprès des réfugiés. Alors que les centres de réfugiés officiels dans les zones rurales ont des dispositions prises pour les services socio-économiques de base, cette assistance n'est souvent pas disponible pour les réfugiés dans les centres urbains (ROGGE J, 1981).

Egalement, l'expression de réfugié urbain comporte deux principales ambiguïtés géographiques. D'abord, elle désigne les réfugiés installés dans n'importe quel espace considéré comme urbain par les définitions administratives d'un pays donné (qui diffèrent souvent d'un pays à l'autre), ensuite pour des recherches scientifiques comme dans les pratiques du HCR, elle correspond souvent exclusivement aux réfugiés vivant dans les villes capitales (BLACK R, 1991). La seconde ambiguïté de l'adjectif urbain est qu'on ne sait pas s'il désigne le lieu d'origine ou le lieu d'exil des réfugiés (STEIN B, 1981). Ce mémoire ne déroge pas à la règle, mais pour une meilleure analyse de la problématique formulée plus haut, nous considérons comme « réfugié urbain » tous les réfugiés s'installant dans une capitale ou une ville. Selon le HCR lui-même, 48% des réfugiés urbains dans le monde sont des femmes et 28% ont moins de 18 ans, 12% plus de 60 ans (JACOBSEN K, 2006).

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IV-1 : LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES LIBERIENS ET SIERRA LEONAIS EN GUINEE

Les impacts des réfugiés sont abordés sur le plan physique et humain.

IV-1-1 : LES IMPACTS BIOPHYSIQUES DES REFUGIES

L'impact des réfugiés sur le milieu biophysique guinéen a surtout été enregistré en Guinée forestière au Sud du pays. Cette localité est une région montagneuse, constituée de collines à fortes pentes, séparées de bas-fonds et de plaines alluviales dont l'altitude moyenne varie entre 600 et 800 mètres. Avec un climat subéquatorial, la région forestière demeure jusqu'à nos jours le château d'eau de l'Afrique de l'Ouest. Sa population, estimée à un million cinq cent mille habitants est essentiellement rurale (78%) et comprend une densité de 43 habitants/km2 (RGPH, 1996). A cette même date, 620 000 réfugiés sierra léonais et libériens sont accueillis en Guinée, soit près de 40% de la population guinéenne qui avoisinait les 7.1 millions d'habitants (BIDOU J.E, TOURE J.G, 2002). 75% de ces réfugiés ont été installés dans les milieux ruraux du Sud, particulièrement au sein de la population locale ou dans des camps jouxtant les frontières des deux pays d'exil comme le montre la carte ci-dessus.

Carte 7 : Répartition des camps de réfugiés en Guinée Conakry en 1996

L'observation de cette carte révèle que de la myriade de camps en Guinée forestière, précisément dans la zone frontalière entre la Guinée, le Libéria et la Sierra Léone, ce sont respectivement les camps informels et formels non gérés par le HCR qui dominent. Cette zone forestière enregistre également le plus grand nombre de camps de réfugiés en Guinée.

En Guinée forestière, les impacts biophysiques dus à la présence des réfugiés se résument à quelques cas. En effet, les libériens par exemple ont empiété sur une partie de la réserve des monts Nimba dans l'Est de la région forestière, zone désignée comme site du patrimoine mondial et réserve de la biosphère (UICN, 1991). On s'inquiète aussi pour la réserve de Ziama, elle-même une réserve de biosphère dans la préfecture de Macenta à l'ouest (BOURQUE J.D et WILSON K.B, 1990). Toutefois, l'étendue réelle de la pression exercée

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par les réfugiés reste à préciser; les monts Nimba souffrent actuellement d'un manque de protection contre les dégradations des populations locales elles-mêmes, alors que le projet gouvernemental d'ouvrir, après la guerre libérienne, la zone à l'exploitation de l'aluminium mettra fin à toute initiative de conservation.

a) Les impacts sur les ressources fauniques, végétales et hydriques

Dans la préfecture de Yomou qui a abrité une part importante des réfugiés libériens et sierra léonais, l'analyse du paysage révèle trois types d'impacts sur l'environnement : la suppression totale des arbres fait apparaître des terres dénudées; des zones forestières sont transformées en champs cultivés et certaines ressources et espèces forestières subissent un prélèvement excessif. En ce qui concerne les impacts du premier type, il semble que la région forestière ait peu souffert d'un abattage massif d'arbres même si les coupes aux alentours de certains sites de réfugiés ont entraîné localement ruissellement et érosion. Par contre, la pression exercée sur certaines espèces de la flore et de la faune sauvage provoque l'inquiétude car des pertes conséquentes des espèces indigènes végétales et animales ont été observées. En effet, les réfugiés prélevaient certaines ressources nécessaires à leur subsistance telles que le bois de chauffage et de construction, noix de palme et ignames sauvages. Mais lorsque les ressources devinrent insuffisantes, les réfugiés furent obligés soit d'utiliser des produits alternatifs « de qualité inférieure ». Par exemple, des branches de palme à la place du raphia pour la toiture, soit d'acheter chez les villageois locaux des produits comme le bois de construction qu'ils ne pouvaient se procurer d'une autre manière. Toutefois, il est à noter que les activités rémunératrices des réfugiés dépendaient beaucoup moins de l'exploitation des ressources naturelles que celles des villageois locaux (FAIRHEAD J et LEACH M, 1996).

Les afflux de réfugiés dans les villes du Sud de la Guinée ont créé aussi une augmentation excessive de la demande en eau potable, qui n'était pas prise en compte par les organisations gouvernementales et les efforts des donateurs. Cela a aggravé une situation urbaine d'accessibilité à l'eau déjà critique et mené à une sur-utilisation de toutes les sources d'eau conduisant à des niveaux de tarissement et de pollution record des points d'eau. Face à cette urgence, il y a eu un besoin d'efforts concertés pour augmenter l'accès des populations à l'eau potable au Sud de la Guinée. En outre, la mise en place de systèmes de drainage par les réfugiés dans les zones de marais pour la production du riz a conduit au disfonctionnement des systèmes hydriques et des niveaux d'eau. Le déboisement dans le camp de Kaliah, dans la

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région de Forécariah a eu comme conséquence l'assèchement de la source d'eau de Berecore (un petit village près de Kaliah) (PNUE, 2000).

Enfin, de nombreux Mandingues ayant survécus aux tueries et pillages du Libéria pendant la guerre civile, sont venus grossir les rangs des pauvres et des bidonvilles dans certains centres urbains comme Conakry. La majorité de ces réfugiés urbains vit en effet aux côtés de citadins qui connaissent les mêmes problèmes de pauvreté et aux côtés de migrants qui rencontrent les mêmes discriminations, souvent liées à la peur de l'étranger. Ces réfugiés s'appuyaient en grande partie sur les ressources végétales et fauniques des bidonvilles pour équilibrer leur quotidien, contribuant à la réduction sensible de ces végétaux et petits rongeurs (WRS, 1995).

b) Les impacts des réfugiés sur les ressources foncières

La présence des réfugiés dans les campagnes de la Guinée a augmenté les besoins continus en terres cultivables et le raccourcissement des périodes de jachère, entrainant une diminution de la fertilité des sols. Egalement, les bas-fonds aménagés par les réfugiés grâce aux subsides du HCR ou par d'autres organisations n'ont produit ni les rendements attendus ni plus d'une récolte par an. On nota une baisse de la productivité des bas-fonds de tous types après deux ou trois ans d'exploitation. Le nivellement de ces bas-fonds s'est traduit, dans certains cas, par une destruction de la biodiversité de ces terres marécageuses importantes et variées. En outre, l'utilisation d'engrais chimiques posait évidemment un problème d'ordre écologique alors qu'une ONG (libérienne) était en train d'expérimenter une méthode de culture intensive de bas-fonds à l'aide de techniques «biologiques » et d'engrais vert.

En 2003, grâce au soutien du Ffem (Fonds français pour l'environnement mondial), une étude a été réalisée sur un jeune camp en Guinée forestière, pour évaluer l'impact des réfugiés sur les ressources naturelles renouvelables à une échelle micro-régionale. L'impact environnemental du camp de populations réfugiées du Katkama (au Sud de Kissidougou), est mesuré par télédétection spatiale en utilisant une image satellite Ikonos à très haute résolution (1 mètre). Grâce à cette image satellite, il est possible de voir les espaces où sont accueillis les réfugiés, les changements dans l'occupation des sols du fait de la concentration rapide de populations dans un espace très réduit. L'extension spatiale de ces changements est relativement circonscrite à proximité des camps. Et l'analyse des images satellites met en évidence une forte emprise spatiale des réfugiés du camp sur les bas-fonds cultivables et la

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couverture forestière. Toutefois, la faible densité de forêts et de palmiers à huile à proximité du camp entraine une réduction de l'accessibilité des réfugiés en ressources bois et en noix de palme. Il est probable que le principal impact de la présence des réfugiés dans la région Sud de la Guinée concerne l'extension de terres cultivées aux dépens de la végétation forestière comme le montre la photo 5 (IMBERNON J, 2003).

Photo 5 : défrichement du bec de canard au Sud de Guéckédou pour l'agriculture

Cette photo montre à quel point les ressources végétales étaient convoitées par les réfugiés et les populations autochtones dans certaines localités de la région forestière, portant atteinte aux ressources fauniques également.

Des densités élevées de populations dans les zones rurales et les centres urbains entrainées par l'afflux de réfugiés, ont eu comme conséquence une très forte pression sur les ressources naturelles de la Guinée particulièrement au Sud. Néanmoins, en raison du modèle de répartition des réfugiés dans les zones rurales et le manque de données détaillées sur l'état environnementale en Guinée avant les conflits libériens et sierra léonais, il est souvent difficile, sinon impossible d'estimer avec précision la dégradation environnementale causée seulement par la présence de réfugiés de celle causée par les populations locales. Du reste, le HCR, de plus en plus concerné par les questions environnementales, a subventionné des études comme celles menées par le Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) de 1998 à 2001, puis des opérations de reboisement en Guinée forestière.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard