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Les petites constitutions en Afrique: essai de réflexion à  partir des exemples de la Côte d'Ivoire, de la RDC, de la Tunisie et du Togo.

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par Kakessiwa Kokou KOMLAN
Université de Lomé - Master 2 en Droit Public 2015
  

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CONCLUSION

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Mémoire Master II - Les petites constitutions en Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de la Tunisie et du Togo.

Toute analyse des petites constitutions révèle à coup sûr une évidence essentielle : quelle que soit leur forme, elles participent à la détermination d'un droit constitutionnel des circonstances exceptionnelles. Mais, constituent-elles pour autant des normes juridiques à part entière ?

La première partie de la présente étude a le mérite de saisir le coeur de la question dans une vision théorique, c'est-à-dire en s'attachant à décrire, l'instrument que constituent les petites constitutions, à travers leur nature et leurs fonctions. Ainsi est-il paru important, dans cette analyse théorique, d'insister sur leur aspect normatif. L'étude de cet aspect a donc montré que celles-ci conservent une nature juridique controversée due à leur déficit de légalité parce que défiant toute logique des mécanismes du positivisme classique238. Cependant, cette controverse ne cache pas pour autant la singularité qui leur est attachée faisant d'eux une norme « sui generis »239.

Aussi est-il clairement apparu que, quelque pertinentes qu'elles soient dans les processus de transition constitutionnelle et de résolution des crises en Afrique, les petites constitutions assurent lors du passage entre deux ordres juridiques, un certain degré de formalisation de la production normative, et organisent les rapports entre les pouvoirs publics pendant les périodes de transition ou de la crise.

Cependant, toute étude sur les petites constitutions, pour utile qu'elle soit, reste handicapée si elle est uniquement consacrée à une analyse théorique. Il faut nécessairement dépasser cette analyse théorique pour s'intéresser à la pratique qui en est faite par les acteurs politiques, afin de mesurer leur efficacité.

La deuxième partie relative à la typologie des petites constitutions, s'est donc appesantie sur leur aspect pratique à partir des cas congolais, ivoirien, tunisien et togolais. Cette analyse pratique a donc, l'avantage d'établir une classification de ces textes sur un critère fondé sur l'identité du pouvoir constituant provisoire qui peut être « national » ou « international ». En effet, l'élaboration des petites constitutions, si elle n'intervient pas

238 Nous nous référons principalement à la théorie de KELSEN et précisément au normativisme juridique pour qui, la création d'une norme doit être déterminée par une autre norme pour faire partie de l'ordre juridique, ce qui ne correspond pas a la nature des petites constitutions.

239 Terme latin qui signifie : « de son propre genre ».

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dans le cadre d'une procédure constituante interne, reste marquée du sceau de la communauté internationale dans le cadre d'une procédure constituante extérieure.

Cependant, comme nous l'avons montré tout au long de cette étude, les processus constituants des Etats en crise en Afrique cherchent leur légitimité soit, dans la continuité avec l'ordre juridique précédent (cas de la Tunisie), soit dans la rupture avec ce dernier (cas du Togo), ou soit, dans l'extranéité supranationale à travers la quête de crédibilité du processus mais aussi de son acceptabilité par la communauté internationale (cas de la Côte d'Ivoire et de la République Démocratique du Congo).

Toutefois, les Etats objet de cette étude permettent de voir que le « renouveau du constitutionnalisme a besoin d'être enraciné »240. Ceci passe inéluctablement par des Constitutions dont les dispositions sont acceptables par tous. Certes, à l'instar du cas togolais, les transitions africaines durant la période dite « d'inflation démocratique» ou « d'euphorie constitutionnelle »241, n'ont pas été d'une grande réussite, parce que, ayant accouché des Constitutions qui aujourd'hui passent difficilement l'épreuve de leur mise en application : des « Constitution de l'urgence »242, le plus souvent « influencées par des modèles à la pertinence insuffisamment expertisée et rédigées sous l'emprise de la nécessité pour tenter de relever sur-le-champ des défis exceptionnels »243.

Mais, l'approche par les petites constitutions s'avère toujours pertinente, en ce sens que ces dernières facilitent la compréhension des enjeux juridiques et politiques par une majorité de citoyens et assurent l'adéquation de la Constitution définitive au contexte socio-politique et historique des Etats244. Le cas tunisien en est une illustration de fierté245.

240 KPODAR (A.), « Politique et ordre juridique : les problèmes constitutionnels posés par l'accord de Linas-Marcoussis du 23 janvier 2003 », op.cit.

241 DU BOIS DE GAUDUSSON (J.), « Défense et illustration du constitutionnalisme en Afrique après

quinze ans de pratique du pouvoir », in le renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l'honneur de Louis FAVOREU, Paris, Dalloz 2007, op.cit., p. 623.

242 ZAKI (M.), « Petite constitution et droit transitoire en Afrique », p. 1669, op.cit.

243 Alioune SALL relève à cet égard que « dès le début des années quatre-vingt-dix (...) les constitutions ont été abrogées ou modifiées en Côte d'Ivoire (avril 1991), au Rwanda (mai 1991) au Burkina Faso (juin 1991), en Mauritanie (juillet 1991), au Mali (août 1991), au Sénégal (octobre 1991), au Congo (mars 1992), à Madagascar (août 1992), à Djibouti (septembre 1992), au Niger (décembre 1992) », in « Processus démocratique et bicéphalisme du pouvoir exécutif en Afrique noire francophone: un essai de bilan», Nouvelles Annales Africaines, no2-2008, p. 210.

244 Voir en ce sens ZAKI (M.), « Petite constitution et droit transitoire en Afrique », op.cit., p. 1672.

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Au surplus, on retiendra de cette étude, que le phénomène des petites constitutions en Afrique, notamment avec les accords politiques, doit être pris au sérieux. En effet ces derniers déconstruisent l'ordre juridique existant en créant en période de crise, un nouveau droit constitutionnel, en marge de la norme officielle246. Ainsi, les petites constitutions sont-elles des vraies Constitutions247.

Cependant, même si le fait que ces petites constitutions en principe exceptionnelles soient devenues si courantes sur le continent constituerait un phénomène propre à inquiéter l'observateur averti248, elles participent à l'ouverture d'une nouvelle réflexion sur la théorie constitutionnelle africaine avec en toile de fond la problématique de savoir si en Afrique la Constitution n'est pas en dehors de la Constitution249. La présente étude n'a pas la prétention d'y répondre, mais de prolonger la réflexion.

245 La Tunisie a réussi par le biais de la Loi constituante no2011-6, à adopter une constitution démocratique très progressiste et surtout à organiser la première élection présidentielle libre et démocratique de son histoire.

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Sur ce point, il faut relever que le débat sur la valeur respective des normes constitutionnelles et des normes internationales, ou celles adoptées sous les auspices de la communauté internationale, revient assurément sur le devant de la scène doctrinale. Certains considèrent que la Constitution doit prévaloir parce qu'elle n'est pas abrogée. D'autres au contraire soutiennent que le Chef de l'Etat ou ses représentants, en signant des conventions politiques anticonstitutionnelles par certaines de leurs dispositions, reconnaissent par conséquent le déclassement de la norme constitutionnelle au profit de normes politiques adoptées sur la base du consensus. Cette controverse traduit, en arrière-plan, la polémique qui enfle dans l'opinion publique à ce sujet. En Côte d'Ivoire par exemple, le président Laurent GBAGBO et ses partisans estimaient que force devait rester à la Constitution, réaffirmant ainsi sa prépondérance sur les normes internationales, ou celles marquées du sceau des instances internationales. En revanche, les adversaires du président GBAGBO récusaient cette position et considéraient plutôt les accords politiques comme prépondérants sur les normes internes ivoiriennes, par référence à l'intervention de la communauté internationale dans la procédure d'élaboration de ceux-ci. Mieux, les différentes résolutions onusiennes qui ont été prises dans le cadre de cette crise ont été davantage perçues comme des normes supra-constitutionnelles.

247 C'est la véritable conclusion de la présente étude.

248 C'est tout simplement parce que la logique juridique aurait consisté plutôt à régler les crises dans le cadre de la normativité constitutionnelle que dans le cadre des compromis politiques.

249 En Afrique, les règles de fonctionnement et d'exercice du pouvoir politique sont, des fois, en dehors de la norme fondamentale, parce que gérées par des accords politiques. D'où la problématique.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams