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"le droit d'accès à  la justice pour la partie impécunieuse"

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par Lloyd Rosique
Université de Aix-Marseille - Master 2 Contentieux et procédures civiles dà¢â‚¬â„¢exécution 2015
  

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PARTIE 1

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Titre 1 La consécration du droit d'accès à l'arbitre au

nom du procès équitable

24 L'arbitrage est une justice extrêmement onéreuse, qui s'adresse plus particulière-

ment aux personnes morales bénéficiant d'une puissance financière conséquente. Cependant certaines petites et moyennes entreprises sont attirées par cette justice alternative. Les dirigeants doivent alors analyser les coûts que cette procédure peut engendrer, pour en apprécier l'opportunité. Le cumul des différents coûts que représente une instance arbitrale peuvent constituer à terme, un obstacle financier pour le plaideur (Section 1). Afin de lutter contre cet obstacle financier, la jurisprudence s'est laissée tenter par les garanties offertes par la Convention européenne des droits de l'homme, en consacrant un droit d'accès à l'arbitre (Section 2).

Section 1 L'impécuniosité : un obstacle au droit d'accès à la justice arbitrale

25 A l'heure actuelle, le coût de l'arbitrage est en proie à une inflation sans précédent.

Ainsi, les frais de procédures sont amenés à jouer un rôle non négligeable dans le déroulement du procès arbitral. Ils constituent un véritable enjeu financier. Dès lors, ce phénomène conduit les parties à se livrer non plus une bataille purement juridique, mais plutôt une bataille financière (paragraphe 1). De facto, les plaideurs « partie faible »30 se retrouvent dans une situation extrêmement délicate, dans la mesure où le manque de moyens financiers peut impacter directement l'issue du litige. A ce titre, les arbitres sont parfois amenés à priver le plaideur impécunieux de son droit d'accès à la justice. Le déni de justice économique dans l'arbitrage est une réalité.

30 SACHS Klaus « La protection de la partie faible dans l'arbitrage international », Rev, Gazette du palais, du 13 au 17 juillet 2007.

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26 Afin de remédier à ce problème, la Cour de cassation s'est interrogée sur

l'opportunité d'appliquer les garanties processuelles prévues par la Convention EDH à l'arbitrage (paragraphe 2).

Paragraphe 1 L'existence d'un obstacle financier relaté par la nature dispendieuse de l'arbitrage

27 Le recours à la justice arbitrale implique un réel investissement. En effet, l'analyse

des coûts en détermine l'opportunité (A). Cependant, il est difficile d'évaluer le coût d'une procédure d'arbitrage dès l'apparition du litige, car de nouveaux frais peuvent faire leur apparition au cours de l'instance. Ainsi, les parties ont la capacité d'accroitre le coût de la procédure d'arbitrage à des fins purement stratégiques (B).

A) L'analyse des coûts

28 Au regard du droit français, Il n'existe pas de réelle définition des coûts de

l'arbitrage. Les différents règlements d'arbitrage se sont donc penchés sur la question. Dès lors, ces derniers ont conclu à l'existence de deux catégories : les frais de l'arbitrage et les frais engagés par les parties pour leur défense31. Les plaideurs sont alors amenés à étudier le coût que représente une procédure d'arbitrage au regard des frais d'arbitrage (1), ainsi qu'au regard des frais engagés pour le compte de leur défense (2).

1) Les frais engagés à l'occasion du fonctionnement du tribunal arbitral

29 L'article 37 du règlement de chambre de commerce internationale (CCI) propose

une définition assez large des frais de l'arbitrage : « les frais d'arbitrage comprennent les honoraires et frais des arbitres et les frais administratifs de la CCI fixés par la Cour, conformément au tableau de calcul en vigueur au moment de l'introduction de l'arbitrage, les ho-

31 DUCLERCQ Caroline « les nouveaux coûts dans l'arbitrage international » Les cahiers de l'arbitrage, P900

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noraires et frais d'experts nommés par le tribunal arbitral ». Il est à noter que l'ensemble des règlements d'arbitrage ont repris cette définition initiée par la CCI. Nous pouvons ainsi citer l'exemple du règlement de la London Court of International Arbitration (LCIA32), du centre d'arbitrage du Caire (CRCICA33), ou encore du règlement de l'American Arbitration Association (AAA)34.

30 En outre, le règlement d'arbitrage CNUDCI en apporte une définition un peu plus

précise. Les frais d'arbitrage correspondent aux honoraires et frais de l'arbitre, à la TVA applicable aux honoraires, aux frais du secrétariat du tribunal arbitral, aux frais administratifs des institutions et l'ensemble des frais en lien avec l'activité des arbitres (Notes de frais : transport, hébergement). Ils couvrent également les frais d'expertise des experts habilités et désignés par le tribunal arbitral.

31 L'ensemble de ces dépenses de nature « administrative » constituent le coeur du

fonctionnement de la justice arbitrale. Pour autant, le coût total de l'arbitrage ne se résume pas aux frais propres au fonctionnement du tribunal arbitral. En effet, les plaideurs ne peuvent négliger le coût que représente l'organisation de leur défense.

2) Les frais engagés à l'occasion de l'organisation de la défense

32 A l'instar des frais engagés pour le fonctionnement du tribunal arbitral, les frais rela-

tifs à l'organisation de la défense des plaideurs constituent « les coûts directs de la procédure »35. En d'autres termes, cela signifie que les parties sont amenées à financer directement les frais découlant de ces « coûts directs ». En règle générale, ces coûts sont supportés par l'ensemble des parties de manière égalitaire jusqu'au prononcé de la sentence arbi-trale36. Les parties cherchent avant tout à garder la maitrise des charges financières directes qui leur incombent. Néanmoins, il est tout à fait possible que le tribunal arbitral soit à l'origine de la gestion de ces coûts.

32 Article 28 du règlement Law on international commercial arbitration.

33 Article 42 du règlement Centre régional d'arbitrage commercial international du Caire.

34 Article 31 du règlement Association Américaine de l'arbitrage.

35 DUCLERCQ Caroline . op. et loc. cit.

36 CA Paris, 13 décembre. 2001, RTD com. 2002, p. 282; D. 2003, Somm. p. 2475, obs. T. Clay.

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33 Par conséquent, les frais relatifs à l'organisation de la défense incluent les hono-

raires des avocats engagés pour assurer la défense des parties dans la procédure. En règle générale, les honoraires des conseils font partie de la définition des coûts propres à l'arbitrage sous réserve de dispositions contraires prévues par d'éventuels règlements d'arbitrage. Néanmoins, comme le souligne Caroline Duclercq dans son article « les nouveaux coûts dans l'arbitrage international » dans les cahiers de l'arbitrage, l'allocation des frais exposés pour la défense des parties ainsi que l'analyse de leur caractère raisonnable restent des questions débattues en doctrine.

34 En effet, comme nous l'avons noté dans les développements précédents, les parties

supportent dans 80% des cas, les coûts directs d'une procédure d'arbitrage à parts égales. Force est donc de constater que la question de la définition des coûts dans l'arbitrage est alors essentielle, car l'arbitre pourra être éventuellement appelé à se prononcer sur le mode de répartition des frais.

35 Dés lors, certaines entreprises seront amenées à faire augmenter le coût de la pro-

cédure arbitrale de façon tout à fait dilatoire, dans l'optique de faire plier l'adversaire sur le plan économique.

B) L'analyse des stratégies procédurales

36 En règle générale, Les parties engagées dans une procédure d'arbitrage assument

les frais qui en découlent de manière égalitaire. Pour autant, il arrive que certaines entreprises profitent de ce système à des fins purement déloyales. En d'autres termes, celles-ci cherchent à augmenter considérablement le coût de la procédure, dans le but de nuire à la trésorerie de leur adversaire (1). Par conséquent, ces nouvelles pratiques posent la question de l'allocation des frais dans l'arbitrage (2).

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1) L'accroissement des coûts : La reconnaissance d'une stratégie procédurale menant à l'impécuniosité

37 Certaines entreprises mal intentionnées sont prêtes à livrer une bataille financière à

leur adversaire. L'objectif étant de faire céder la partie adverse, en augmentant considérablement le coût de la procédure d'arbitrage. Pour cela, lesdites sociétés commandent des expertises, des contres expertises, et sollicitent l'assistance d'un grand nombre de témoins (ce qui engendre inévitablement des frais induits conséquents)37. L'assiette de la procédure d'arbitrage s'en trouve ainsi fortement augmentée. De fait, les parties qui seront amenées à connaitre d'éventuelles difficultés financières à ce stade de la procédure, verront leurs chances de remporter le procès s'amenuiser.

38 En effet, celles-ci auront d'une part, bien des peines à financer les frais de provi-

sions, et d'autre part, n'auront plus les moyens d'assurer leur défense de manière effective. Leur trésorerie s'en trouvera indéniablement affectée, du fait de l'avancement de diverses sommes d'argent. En ce sens, la formulation de demandes reconventionnelles ou de nouvelles expertises seront à exclure. Les plaideurs en difficulté ne pourront plus faire face au paiement de l'ensemble de ces provisions.

39 Les parties « faibles » seront donc définitivement disposées à supporter provisoire-

ment le coût des requêtes plus ou moins opportunes de leurs adversaires. Par conséquent, la question du paiement des provisions dans une procédure d'arbitrage revêt un caractère fondamental. L'impécuniosité de l'une des parties à l'instance arbitrale pourrait donc être le fruit du comportement totalement dilatoire de son adversaire.

40 Néanmoins, le recours abusif aux mesures d'expertises ne constitue pas la seule

stratégie en matière d'arbitrage. En effet, certaines entreprises s'adonnent à d'autres manoeuvres dilatoires via la procédure d'internalisation des coûts de l'arbitrage. Officiellement cette méthode consiste à réduire les coûts directs de la procédure d'arbitrage. Pour ce faire, l'une des parties s'engage à confier une partie de l'instruction de l'affaire à son service juridique (juristes d'entreprises, conseils, employés spécialisés...).

37 DUCLERCQ Caroline . op. et loc. cit

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41 En internalisant ce type de frais, les parties parviennent à réduire les coûts de la pro-

cédure d'arbitrage, étant donné qu'elles profitent de « tarifs préférentiels ». C'est la raison pour laquelle, certains règlements d'arbitrages acceptent le recours à l'internalisation des frais de procédures liés à l'organisation de la défense des plaideurs38.

42 Néanmoins, ce genre de pratique peut s'avérer dangereux, dans la mesure où le

plaideur à l'origine de l'internalisation des coûts, souhaitera se faire rembourser les frais avancés à l'issue de la procédure d'arbitrage. A ce titre, il est probable que les coûts « inter-nalisés » représentent un montant supérieur à celui qui était initialement prévu par la procédure classique.

43 En somme, cet aspect revêt officieusement un caractère stratégique fondamental.

Sous couvert « d'une certaine bonne foi », les plaideurs profitent de cette solution pour contraindre leur adversaire à payer des frais de procédure plus élevés. A terme, les « parties faibles » succomberont à la pression financière et seront de facto, contraintes de transiger.

44 Cependant, il est à noter qu'une partie de la doctrine s'oppose à l'internalisation des

frais de procédure en matière d'arbitrage. La raison de ce rejet est en lien avec l'existence de dangers initiés par les diverses stratégies financières que nous avons précédemment évoquées ci-dessus.

45 Au demeurant, la doctrine, ainsi que certaines Cours arbitrales, justifient ce refus en

considérant que ces frais sont inhérents au fonctionnement des entreprises. Autrement dit, elles rattachent ces frais de procédure aux frais normaux des entreprises, dans la mesure où ceux-ci n'ont pas été engagés à l'occasion de la procédure arbitrale39. Les plaideurs à l'origine de l'internalisation des frais de procédure ne pourront donc pas en demander le remboursement par la partie adverse.

38 Article 7.3 du règlement d'arbitrage de Paris de 2012 « Costs may also include management time and expenses ».

39 DUCLERCQ Caroline . op. et loc. cit. / GOTANDA John « Supplemental damages in private international law», Kluwer law international, 1998, P.191.

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46 Pour autant, ce type de risque reste minoritaire, car la plupart des règlements

d'arbitrage tendent à reconnaitre le mécanisme de l'internalisation des coûts afin de renforcer la technique de l'arbitrage et d'assurer une meilleure visibilité aux entreprises qui en sont à l'origine. L'apparition de ces problèmes d'impécuniosité ont alors conduit les règlements d'arbitrage à réagir sur la question de l'allocation des frais de l'arbitrage.

2) L'accroissement des coûts : Des stratégies procédurales endiguées par les règlements d'arbitrage

47 Généralement les coûts correspondant à la procédure d'arbitrage sont répartis de

manière équitable entre elles à l'issue de la procédure. Néanmoins, un grand nombre de règlements d'arbitrage prévoient que c'est à la partie qui succombe d'assurer le paiement de ces frais. En ce sens, nous pouvons citer l'article 43 du règlement d'arbitrage de la CNUDCI qui énonce que « Les frais d'arbitrage sont en principe à la charge de la partie ou des parties qui succombent », ainsi que l'article 31 du règlement d'arbitrage AAA qui expose que « le tribunal fixera les coûts de l'arbitrage dans la sentence... De tels coûts peuvent inclure : les frais et honoraires des arbitres, les coûts de toute assistance requise par le tribunal, y compris les coûts des experts, les frais et honoraires de l'administrateur, les coûts raisonnables de représentation de la partie ayant eu gain de cause, les coûts en relation avec une demande de mesure provisoire ou conservatoire conformément à l'article 21, la rémunération des arbitres ».

48 C'est une pratique qui est assez courante dans les pays de civil law et common law.

Elle obéit à la théorie du « loser pays rule ». En d'autres termes, la partie qui perd le procès arbitral doit assumer le paiement des frais de procédure. Cependant, certains pays comme les Etats-Unis, la Chine ou encore le Japon optent pour une solution différente. La plupart de leurs règlements d'arbitrage enjoignent les parties à régler les frais de procédure tout au long de l'instance arbitrale, indépendamment de la solution finale40.

40 DUCLERCQ Caroline . op. et loc. cit. / BÜHLER « Awarding costs in international commercial arbitration: an overview», ASA Bull, vol 22, n°2, 2004, P249.

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49 De ce fait, il est à noter qu'il n'existe aucun principe d'allocation des coûts dans

l'arbitrage. Les règlements d'arbitrage donnent parfois même la possibilité aux arbitres d'aménager la répartition de coûts afin de garantir une plus grande égalité ente les parties41. A titre d'exemple, nous pouvons citer l'article 44 du règlement d'arbitrage de l'institut d'Arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm qui stipule que « Sauf accord contraire des parties, le tribunal arbitral peut, à la demande d'une partie, dans la sentence finale, ordonner à une partie de payer les frais raisonnablement encourus par une autre partie, y compris les frais de représentation légale, en tenant compte du résultat de l'affaire et des circonstances pertinentes ».

50 Au regard de ces divers règlements d'arbitrage, il en ressort que les arbitres sont

investis d'un pouvoir de régulation quant à la répartition des frais de la procédure d'arbitrage. Ainsi, ils peuvent mettre un terme aux diverses actions dilatoires ou abusives diligentées par certains plaideurs, en ayant la possibilité de les condamner à en supporter le coût de manière exclusive. La majorité des règlements d'arbitrage confèrent aux arbitres un pouvoir discrétionnaire, leur permettant de contrôler le bon déroulement de la procédure. L'objectif étant de lutter contre certaines pratiques déloyales usitées par certains plaideurs mal intentionnés.

51 Par ailleurs, le pouvoir des arbitres s'est vu renforcer par le règlement de la chambre

internationale de commerce, via l'alinéa 5 de l'article 37 : « Lorsqu'il se prononce sur les frais, le tribunal arbitral peut tenir compte des circonstances qu'il estime pertinentes, y compris dans quelle mesure chacune des parties a conduit l'arbitrage avec célérité et efficacité en termes de coûts ». Aujourd'hui, les arbitres sont de plus en plus soucieux à observer le comportement des parties au cours de la procédure. Par ailleurs, dans le cas où aucune des deux parties ne remporte véritablement le procès arbitral, les règlements d'arbitrages invitent les arbitres à ordonner une répartition équitable des frais de procédures entre celles-ci42.

41 Alinéa 2 de l'article 43 du règlement d'arbitrage CNUDCI / alinéa 2 article 31 du règlement d'arbitrage Association Americaine de l'arbitrage.

42 SCHWARTS Eric « Le règlement d'arbitrage de la chambre de commerce internationale: les coûts de l'arbitrage de la CCI », Bull, CCI, N°1, 1993.

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52 Si les tribunaux arbitraux essayent de renforcer l'équilibre procédural entre les par-

ties, en luttant contre les problèmes liés à l'impécuniosité, il n'en demeure pas moins que l'efficacité de leur action ne soit pas entièrement satisfaisante. En effet, il est courant que certains plaideurs se retrouvent dans une situation financière difficile. Dès lors, il convient de relever que les méandres de la procédure d'arbitrage peuvent entrainer des situations d'impécuniosité.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo